Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 7 juillet 2005 à 9h30
Mesures d'urgence pour l'emploi — Discussion d'un projet de loi d'habilitation déclaré d'urgence

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Dans ce dernier cas, pourquoi avoir voté une loi à la fin de l'année 2004 visant à favoriser l'insertion des travailleurs handicapés sur le marché du travail si c'est pour les exclure aujourd'hui de la masse salariale, leur retirer la place qui leur est due au sein de l'entreprise ?

Entre 2002 et 2004, le taux de chômage des jeunes de quinze à vingt-quatre ans est passé de 20, 20 % à 24, 20 %, alors que celui des jeunes femmes est passé de 18 % à 21, 60 %. Or les contrats jeunes, exonérés de cotisations, étaient censés régler la question du chômage des jeunes.

Depuis 1993, les charges patronales sur les salaires, en fait les cotisations sociales, sont passées de 40 % à 13 %, et vous continuez à les réduire ! Les exonérations de charges se chiffrent à plus de 19 milliards d'euros et les dépenses fiscales dérogatoires représentent 20 % des recettes nettes de l'Etat, autant d'argent qui pourrait être utilisé à financer des dépenses plus efficaces pour l'emploi.

Jusqu'à présent, les CDD étaient limités à des conditions spécifiques ; demain, les contrats « nouvelles embauches » seront la règle, et la taille des entreprises n'entrera plus en ligne de compte.

S'il est difficile de trouver des salariés dans certains secteurs, c'est souvent aussi en raison d'un manque de formation.

Si urgence il y a, c'est pour réfléchir à des secteurs porteurs pour l'emploi et à la meilleure manière de les aider. Des gisements d'emplois existent dans les secteurs associatif, sportif, culturel, artistique, environnemental. Mais votre vision de l'économie ne permet pas d'appliquer une politique volontariste, solidaire et environnementale. Ainsi, il est tout à fait révélateur d'évoquer à la fois les grands chantiers routiers et la lutte contre l'effet de serre ! On ferait mieux de réfléchir à l'amélioration du transport par voie ferrée, ou de donner des moyens à la recherche, notamment pour les énergies renouvelables, en cette fin annoncée des ressources pétrolières.

Un autre exemple que je souhaite évoquer concerne l'intermittence. Va-t-elle enfin, grâce à votre plan, obtenir le financement des emplois que les acteurs de ce secteur attendent depuis deux ans, avec, bien sûr, une couverture sociale digne de ce nom pour tous les artistes, les techniciens et les réalisateurs ?

Sous prétexte de lutter contre le chômage, ce plan favorise les discriminations, puisque vous voulez instituer dans le calcul des effectifs une discrimination fondée sur l'âge. Comment allez-vous justifier cela au regard de nos principes constitutionnels et du droit européen ? En effet, on ne peut que s'interroger sur le caractère discriminatoire des offres d'emploi précisant un âge. Mais cette question fournira sans doute du travail à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE !

De plus, cette politique contribue à l'assèchement continu des recettes de l'Etat et à la dilapidation de ses richesses. Cette perte nous prive de toute marge de manoeuvre pour mener d'autres politiques et remet en cause, à terme, l'implication de l'Etat en matière d'éducation, de santé et de logement.

Pour les Verts, c'est inacceptable !

A l'image de la légitime lutte contre le terrorisme et l'insécurité, on multiplie les politiques sécuritaires et liberticides. On veut même nettoyer nos banlieues au Karcher ! Or la sécurité, y compris la sécurité sociale, ne se construira ni sur le dos des politiques de l'emploi ni sur la violation des droits fondamentaux.

S'agissant des libertés démocratiques, le fait de choisir le recours aux ordonnances et de mettre à l'écart le Parlement alors qu'il s'agit aujourd'hui de traiter de questions sociales et d'emploi n'est-il pas une porte ouverte sur d'autres domaines, à l'exemple de l'ordonnance de 1959 ?

Nous voulons réduire les inégalités dans notre pays, instaurer plus de justice et de solidarité pour construire la paix sociale, nationale et internationale, et nous assurer que notre modèle de développement ne mène pas la planète à l'abîme. Malheureusement, nous devons nous rendre à l'évidence : ce n'est pas avec une politique comme celle que vous proposez que nous y arriverons !

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