Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 7 juillet 2005 à 15h00
Mesures d'urgence pour l'emploi — Article 1er

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

La disposition prévue au 4° de l'article 1er constitue une atteinte supplémentaire aux droits des salariés à la représentation, aux droits dont la progressivité dépend des seuils d'effectifs, comme par exemple les plans sociaux, et au dialogue social en général, malgré vos déclarations de principe sur ce sujet.

Aujourd'hui, je le rappelle, les apprentis, les jeunes en contrat de professionnalisation et les titulaires de contrats aidés destinés aux chômeurs de longue durée ne sont pas pris en compte dans les seuils d'effectifs. Les salariés à temps partiel ne sont pris en compte qu'au prorata de leur temps de travail. Les salariés en CDD et en contrat de travail temporaire sont pris en compte au prorata de leur temps de présence dans l'entreprise au cours des douze mois précédents. En cas de remplacement d'un salarié absent, il n'y a pas de prise en compte.

On voit, par ces quelques exemples, qu'il existe déjà de nombreuses exceptions aux règles de décompte des effectifs, et qu'au fil des années vous avez suivi fidèlement les revendications des représentants du MEDEF et de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, pour leur éviter ces fâcheuses contraintes.

En ce qui concerne les jeunes, vous simplifiez radicalement la question, puisque les jeunes de moins de vingt-six ans qui seront désormais embauchés ne seront plus décomptés dans les effectifs. Et il faut bien noter que cette mesure ne concerne pas seulement les entreprises de moins de vingt salariés. II n'y a aucune précision de cet ordre dans votre texte. En l'état actuel, la mesure concerne tous les jeunes de moins de vingt-six ans, dans toutes les entreprises.

Comme toutes les mesures de ce type, on peut craindre qu'elle provoque une accélération de la rotation des emplois, surtout peu qualifiés, certains employeurs préférant, grâce à votre contrat « nouvelles embauches », se débarrasser d'un salarié qui fait atteindre le seuil fatidique plutôt que de passer le seuil de vingt salariés, par exemple.

II y a, dans les mesures que vous proposez, que ce soit en termes de contrats, de seuil d'effectifs, de contributions financières, une véritable méthode pour mettre à bas les droits des salariés. Cela provoquerait presque notre admiration à l'égard des techniciens du MEDEF, eux-mêmes simples salariés, qui ont fabriqué cette mécanique extraordinaire.

La situation des jeunes qui entrent dans le monde du travail est donc particulièrement difficile.

Si l'on ajoute au texte que vous nous présentez aujourd'hui les mesures que vous avez déjà décidées, notamment celles autorisant le travail des apprentis mineurs le dimanche et les jours fériés, voire la nuit dans certaines branches, on voit se dessiner votre conception du salarié de demain, précarisé et corvéable à merci dès l'âge de seize ans.

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour vous faire part d'une autre de nos inquiétudes, concernant cette fois les « séniors » : c'est en effet le nom que l'on donne à ces salariés de plus de cinquante ans, qui ne peuvent plus être mis en préretraite parce que le robinet du financement est fermé et qui sont supposés être moins pugnaces et efficaces. Il faut néanmoins les garder dans le monde du travail, à la fois pour financer les régimes de retraite, même si la précarité empêchera le plus grand nombre de toucher une retraite à taux plein, et parce qu'ils constituent malgré tout une main-d'oeuvre expérimentée.

Une négociation est aujourd'hui en cours : elle est supposée être encore l'objet de deux réunions des partenaires sociaux et aboutir à l'automne, faute de quoi, comme d'habitude, le Gouvernement, selon l'expression consacrée, « prendra ses responsabilités ».

L'expérience des trois dernières années nous incite à penser que le Gouvernement fera siennes les propositions des représentants du patronat et nous les présentera sous forme d'un projet de loi.

Monsieur le ministre, votre collègue Thierry Breton a déjà présenté la suppression de la contribution Delalande et l'extension du cumul emploi-retraite comme des nécessités. Vous avez dû à nouveau recoller les morceaux. Vous n'avez décidément pas de chance avec les ministres qui s'expriment à votre place dans votre domaine de compétence. A moins qu'il ne s'agisse d'un habile partage des tâches.

En revanche, rien pour les départs anticipés de ceux qui exercent des métiers pénibles. Tout sera renvoyé à une hypothétique négociation de branche. C'est bien normal, puisque cette formule s'apparente à un système de préretraite, que le patronat devrait financer, au moins en partie.

Mais le patronat vous demande l'instauration d'un « contrat vieux » - c'est très élégant ! - qui comporterait une mesure analogue à celle que vous nous présentez : les salariés de plus de cinquante-cinq ans ne seraient plus décomptés dans le calcul des effectifs. On croit rêver !

Les moins de vingt-six ans et ceux de plus de cinquante-cinq ans ne seront donc plus des salariés à part entière.

Quant à ceux qui seront âgés de vingt-six à cinquante-cinq ans et qui ne seront pas devenus prestataires de services, ils bénéficieront du contrat « nouvelles embauches » généralisé. Ils percevront un salaire inférieur à 1, 6 SMIC, afin que l'employeur ne paie pas de cotisations sociales, et bénéficieront de l'intéressement, ce qui permet de flexibiliser la rémunération. Leur durée de travail annualisée sera calculée au forfait jours, ce qui dispensera l'employeur du paiement des heures supplémentaires. Enfin, la retraite par capitalisation complétera leurs droits acquis, insuffisants pour survivre. Tel est le monde du travail que l'on nous prépare !

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est exactement cette négociation ? Est-il exact que ce « contrat vieux » est en préparation ? Sera-t-il assorti de nouvelles exonérations de cotisations au-delà de 1, 6 SMIC ? S'agira-t-il d'un contrat précaire apparenté au contrat de mission, ou bien vous en remettrez-vous au contrat « nouvelles embauches » ?

Telles sont quelques-unes des questions qui, aujourd'hui, inquiètent sérieusement et à juste titre le monde du travail.

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