Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant d’aborder le maigre contenu de ce budget pour 2010 des anciens combattants et des victimes de guerre, je voudrais dire qu’il marque, comme jamais, le recul du droit à réparation avec la poursuite de l’application aux institutions du monde combattant de la fameuse RGPP – révision générale des politiques publiques ou plutôt, serais-je tenté de dire, réduction générale des politiques publiques ! –, avec la disparition, qui sera achevée en 2011, de la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS, et de ses dix-huit services déconcentrés, et avec la mise en œuvre du deuxième contrat d’objectifs et de moyens de l’ONAC. Or nous savons tous, ici, ce que le premier contrat a coûté à l’Office et à ses personnels !
Un article de la loi de programmation militaire ayant autorisé, cet été, le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures afférentes au transfert des attributions de la DSPRS, notamment à l’ONAC, sous couvert de « rationalisation » vont s’instaurer des guichets uniques de la prestation de service aux anciens combattants. À l’issue de la réforme, les services départementaux de l’ONAC comprendront, le plus souvent, trois agents pour l’accueil du public, le renseignement, l’instruction des dossiers d’action sociale et le travail de mémoire.
Le « COM 2 », deuxième contrat d’objectifs et de moyens de l’ONAC, prévoit également de retirer de l’Office les maisons de retraite et les écoles de réinsertion professionnelle. Elles seront réunies au sein d’une « Fondation mémoire et solidarité du monde combattant ».
Permettez-moi de vous interroger : En quoi la création d’une telle fondation était-elle nécessaire, puisque vous dites que l’ONAC y demeurera majoritaire ? Pour affaiblir l’Office ? Pour brader son patrimoine ? Pour rendre ses maisons de retraite inaccessibles aux anciens combattants les plus démunis et héberger le personnel dans des locaux de fortune ? Pour faire disparaître la coquille vide que sera devenu L’ONAC ?
Voilà autant de questions que se posent un certain nombre d’associations représentatives des anciens combattants qui, de plus, ne seront pas membres de la direction de cette fondation. C’est inacceptable !
Tout cela fait suite à des restrictions, par touches successives, des droits des anciens combattants et victimes de guerre. Ainsi, on assujettit les maisons de retraite à la taxe foncière, on supprime les deux tiers des quatre-vingt-seize tribunaux départementaux des pensions militaires d’invalidité, etc.
Au fil des mesures anodines, inaperçues, on affaiblit l’ensemble du socle qui constituait le droit imprescriptible à réparation, autrement dit, la juste compensation du don que les combattants de toutes les générations du feu ont fait de leur personne à la Nation.
« Ils ont des droits sur nous », disait Georges Clemenceau. Pourtant, devant la représentation nationale et devant ceux qui nous écoutent dans ces tribunes, je n’hésite pas à prétendre que la Nation n’assume plus les devoirs qu’elle a envers les combattants, pas plus que le Président de la République n’assume les engagements qu’il a pris solennellement devant eux en 2007.
Le projet de budget pour 2010 des anciens combattants et victimes de guerre que vous nous présentez n’échappe pas à cette politique d’abandon ; cela a été largement confirmé le 2 novembre dernier, lors de son examen par les députés.
Certes, vous augmentez de deux points l’indice de retraite du combattant. Mais vous êtes revenu sur votre promesse de le relever de 41 à 43 points dès le 1er janvier ; Bercy est passé par là ! Ce sera donc le 1er juillet. Je ne n’insisterai pas plus sur cette mesquinerie ; c’est l’arbre qui cache la forêt !
Vous nous présentez un budget en baisse « officielle » de près de 28 millions d’euros. Ce chiffre ne traduit pas l’ampleur des atteintes au droit à réparation. Les crédits en hausse sont essentiellement le fruit des transferts de missions consécutifs à la disparition de la DSPRS. Quant aux crédits en baisse sur les rémunérations et les charges sociales, ils traduisent les pertes en effectifs liées à la RGPP.
Ce constat étant fait, vous avez provisionné en mesure nouvelle 10 millions d’euros seulement pour l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Monsieur le secrétaire d'État, j’espère que les sommes nécessaires seront inscrites dans les budgets futurs !
Vous relevez de 750 euros à 800 euros le montant plafond de l’allocation différentielle versée aux conjoints survivants, mais cette mesure est grandement atténuée par l’augmentation de 44 euros de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, qui est comptabilisée dans les ressources prises en compte.
Enfin, vous avez accepté un amendement relevant de 50 points l’indice des majorations spéciales des pensions dont bénéficient les veuves des grands invalides relevant de l’article L. 18 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.
À ce propos, je voudrais vous questionner sur deux points.
Envisagez-vous de mettre à l’étude une mesure spécifique en faveur des quelques centaines de veuves de très grands invalides qui se retrouvent dans une situation matérielle très difficile à la suite du décès de ceux-ci, étant donné qu’elles avaient renoncé à travailler pour s’occuper de leur époux, qui n’avait d’ailleurs pas forcément demandé à bénéficier de l’article L. 18 ?
Envisagez-vous également un relèvement d’indice pour toutes les veuves non bénéficiaires de l’article L. 18, les veuves de déportés et d’anciens prisonniers, qui, elles, perçoivent une pension au taux normal et vivent avec des ressources souvent inférieures à l’allocation différentielle de solidarité ?
Si je poursuis la lecture de votre budget, je constate que vous n’inscrivez toujours rien en faveur d’un relèvement du plafond des rentes mutualistes des anciens combattants, cela pour la troisième année consécutive et malgré l’engagement pris par M. Sarkozy !
Rien n’est prévu non plus pour les anciens combattants les plus démunis, pour les soldats en Opex embourbés dans une sale guerre en Afghanistan, pour les orphelins de la barbarie nazie ! J’argumenterai tout à l’heure en présentant les quelques amendements que j’ai déposés.
S’agissant de la campagne double, le cadre de la discussion budgétaire étant très strict, je me contenterai de vous demander de communiquer aux parlementaires les conclusions de la commission interministérielle sur le sujet, afin qu’ils en aient immédiatement connaissance.
Je vous connais bien, monsieur le secrétaire d'État ; je peux me permettre de vous dire encore une vérité : vous nous amusez sur le terrain des détails ! Mais, pendant ce temps-là, on ne parle pas des cadeaux scandaleux du Gouvernement aux banques et au patronat, ni du bouclier fiscal ou encore des retraites chapeau des grands dirigeants d’entreprise.
Il n’est nullement question des véritables mesures de réparation qui seraient significatives pour tous, notamment les plus démunis des anciens combattants et des veuves dont vous prétendez vous faire le défenseur.
Je pense avant tout au rattrapage de la valeur du point de pension, dont l’évolution accuse un retard de 43 %, ainsi que des retraites du combattant et des rentes mutualistes. Un tel rattrapage serait une mesure véritablement significative, surtout que, du fait de la rupture dans le rapport constant, les pensionnés et les titulaires de la retraite du combattant perçoivent aujourd’hui à peine 50 % de ce qui leur est dû par l’État au titre du droit à réparation.
Non seulement vous vous gardez d’en faire état, mais vous demandez hypocritement aux anciens combattants de faire un effort de solidarité face à la crise qui imposerait à tous un budget contraint. De qui se moque-t-on ?
Quant à la politique de mémoire, je dois vous redire ma détermination à obtenir la reconnaissance officielle de la date du 19 mars 1962