Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget qui nous intéresse ce matin répond à plusieurs engagements, dont les répercussions sont importantes pour notre société, en particulier à un moment où les valeurs républicaines sont souvent chahutées alors qu’elle est confrontée à une grave crise économique.
Ce budget est fidèle aux engagements du Président de la République. La revalorisation de la retraite des anciens combattants, bien plus qu’une promesse, est une priorité budgétaire.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2010 portera l’indice de retraite des anciens combattants à 43 points, soit deux points de plus que dans le projet de loi de finances pour 2009. Dans un contexte budgétaire contraint, cette mesure sera mise en œuvre à compter du 1er juillet 2010.
Cette revalorisation s’inscrit dans le prolongement de l’action engagée en 2009, qui a permis d’augmenter l’indice de retraite de deux points, l’objectif étant de le porter à 48 points en 2010. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, le budget que vous nous présentez est sincère, ce dont nous vous remercions.
Je souhaite également souligner l’effort consenti pour maintenir les droits et moyens liés aux pensions militaires d’invalidité. Je veux parler ici de la consolidation des crédits dédiés à la gratuité des soins médicaux et à l’appareillage. Cette prise en charge est indispensable pour assurer un quotidien « vivable » à ceux qui souffrent et dont les revenus sont extrêmement limités.
En ce qui concerne l’attribution de la carte du combattant, vous avez souhaité faire évoluer les critères d’octroi, afin d’en faire bénéficier, d’une part, nos soldats engagés dans des opérations extérieures, lesquelles sont de plus en plus violentes, et, d’autre part, les anciens militaires qui peuvent justifier de quatre mois de présence en Algérie, au-delà du 2 juillet 1962. Je suis favorable à ces deux élargissements.
Sur ce second point, monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé accepter le compromis proposé par la Commission nationale de la carte du combattant, qui prévoit son attribution, pour quatre mois de présence après le 2 juillet 1962, à la condition expresse que l’arrivée sur le sol algérien soit antérieure à cette date.
Auteur en avril 2008 d’une proposition de loi pour l’attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l’armée française ayant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964, je suis tout à fait partisan de ce compromis. Je souhaiterais que vous puissiez nous donner plus d’informations sur ce sujet, notamment en nous indiquant quand cette disposition pourrait voir le jour.
Permettez-moi de revenir sur une particularité, et non des moindres, de ce projet de budget. Les crédits qui nous sont soumis ce matin ne concernent pas uniquement les anciens combattants, puisqu’une nouvelle action « Réparations des conséquences sanitaires des essais nucléaires français », dotée de 10 millions d’euros, a été créée au sein du programme 169, afin d’identifier budgétairement les crédits destinés à l’application de la toute prochaine loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur pour le Sénat.
De nombreux militaires, mais aussi des civils, ont participé à l’indépendance stratégique de la France. Certains ont pu développer des pathologies liées à ces essais. Grâce au texte que nous avons adopté voilà quelques semaines, ils pourront être reconnus en tant que victimes. C’est la fin d’un tabou dans l’histoire de la défense française, ce dont nous nous félicitons, car il y va de l’honneur de la République de reconnaître la responsabilité de l’État dans les souffrances que supportent aujourd’hui ceux qui l’ont servi hier.
La mise en œuvre de ce dispositif constitue une avancée très importante, qu’il convient de mettre à l’actif de ce Gouvernement. Je tiens à saluer à cet égard l’implication du ministre de la défense, M. Hervé Morin, sur ce dossier.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, les sénateurs ont toujours été très attentifs à la situation souvent précaire des conjoints survivants relevant de votre ministère. L’allocation différentielle en faveur des veuves les plus démunies et des conjoints survivants, gérée par l’ONAC, a d’ailleurs été créée en 2007 grâce à un amendement parlementaire. Elle a constitué un progrès indéniable, étant précisé que les sommes perçues au titre des allocations de logement ne sont pas prises en compte pour le calcul des ressources de la personne. Vous avez inscrit au budget 5 millions d’euros, afin de porter le plafond de cette allocation différentielle de 750 euros à 800 euros dès le 1er janvier 2010.
Lors de la discussion de ce projet de budget devant l’Assemblée nationale, vous avez aussi accepté de lever le gage d’un amendement visant à augmenter la majoration de la pension des veuves des grands invalides. Il s’agit d’avancées très positives, dont nous nous réjouissons.
Pour que nous puissions de nouveau améliorer ces aides, je souhaite m’associer à Mme le rapporteur pour avis Janine Rozier, qui souhaite engager une évaluation des dispositifs actuels en faveur de la prise en charge des conjoints survivants ressortissants de l’ONAC et du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, ce qui nous permettrait de mieux répondre, au plus près de la réalité, aux besoins des personnes concernées, notamment les plus modestes d’entre elles.
J’en viens maintenant, monsieur le secrétaire d’État, à toutes les questions touchant au devoir de mémoire.
La création de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc, qui doit voir le jour au premier semestre 2010, sera un élément supplémentaire pour que notre Nation remplisse son devoir de mémoire et de reconnaissance à l’égard de toutes les victimes des conflits en Afrique du nord, lesquels font partie intégrante de notre histoire.
Cette fondation, dont la création est prévue depuis 2005, est très attendue par les anciens combattants, tout particulièrement par les harkis. Vous nous avez indiqué que vous acheviez l’écriture de ses statuts, monsieur le secrétaire d’État, et qu’elle disposait déjà d’un budget de 7, 2 millions d’euros, ainsi que d’un président qui fait consensus, en la personne de Claude Bébéar. Nous nous en félicitons. Reste que l’abandon et le massacre des harkis et de leurs familles, après le cessez-le-feu, constituent encore aujourd’hui, quarante-huit ans après les faits, une blessure non cicatrisée pour cette communauté.
Les anciens harkis, héritiers de la tradition patriotique des tirailleurs algériens, combattants français des deux conflits mondiaux, ont été victimes de la décolonisation de l’Algérie, malheureusement marquée par le massacre d’un grand nombre d’entre eux, qui, après avoir été désarmés, furent abandonnés aux exactions et à la répression. Ceux qui en réchappèrent furent accueillis dans des conditions indignes de notre pays. Je ne suis pas particulièrement partisan d’ériger toutes les périodes de notre histoire en lois mémorielles et repentantes, et il convient de rappeler que des dispositions ont déjà été prises en faveur de cette communauté. Néanmoins, la France a su s’honorer en reconnaissant cette année le préjudice causé aux victimes civiles et militaires des essais nucléaires français.
En mars 2007, le Président de la République, alors candidat à la présidence, avait annoncé vouloir reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des harkis. La prise en compte de cette réalité historique, conformément à cet engagement, permettrait que soit complètement assumé le poids de l’histoire, pour enfin clore cette question mémorielle.
Cela me conduit à revenir sur le problème posé par la date du 19 mars 1962, date juridique du cessez-le-feu. Un grand nombre de mes collègues souhaiteraient que cette date soit reconnue comme la date officielle de la fin de la guerre d’Algérie. Pour les harkis, comme pour un grand nombre d’anciens combattants, le fait de retenir cette date serait vécu comme un camouflet, un choix indécent au regard de tous ceux qui, séjournant en Algérie après cette date, ont dû constater, impuissants, toutes les exactions frappant la population, tant européenne que maghrébine, et une injure à la mémoire de tous ceux qui sont morts après cette date.
Je vous rappelle qu’entre le 19 mars et le 2 juillet 1962, l’armée française compta 152 tués, 422 blessés et 162 disparus et que, malgré les stipulations des accords d’Évian garantissant le respect des anciens combattants d’origine algérienne ayant servi sous le drapeau français : 150 000, selon certaines sources, 60 000 « seulement » selon d’autres, furent exécutés par le FLN dans des conditions atroces.