Intervention de Guy Fischer

Réunion du 23 novembre 2005 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Grâce à Amboise Croizat et au général de Gaulle ! C'est l'ordonnance de 1945, monsieur Doligé !

Il n'est pas inutile de rappeler qu'à cette époque-là la justice sociale était au coeur des préoccupations. Mais, soixante ans après, les injustices sont au coeur des événements que nous vivons.

Au cours de l'examen de ce texte, nous n'avons cessé de déplorer et de dénoncer la maîtrise purement comptable des dépenses de santé.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous venons d'examiner témoigne, nous semble-t-il, de l'échec des réformes de ce gouvernement. Cette année, pour la première fois, toutes les branches sont déficitaires. Et je vous rappelle que, depuis l'arrivée de cette majorité au pouvoir, le déficit de la sécurité sociale a été multiplié par quatre.

Mais au-delà de cet échec patent dans la gestion des comptes sociaux, il est plus grave de constater les véritables intentions de ce gouvernement : réduire la prise en charge obligatoire de base tout en augmentant la charge financière des assurés sociaux.

Dans un contexte socioéconomique de forte baisse du pouvoir d'achat, de chômage de masse, de dégradation du marché du travail largement précarisé, dans un pays où six à sept millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, où les inégalités, la ségrégation s'étendent dangereusement, vous avez délibérément choisi de réduire les prestations sociales et l'accès aux soins ; vous avez préféré augmenter les prélèvements sur les foyers les plus modestes pour épargner les bénéfices des entreprises.

Personne aujourd'hui ne peut encore douter de vos orientations en matière de protection sociale : s'approcher le plus possible du modèle américain d'une protection obligatoire réduite à un minimum, assortie d'une assurance santé de plus en plus individualisée et inégalitaire.

Dans la droite ligne de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, ce texte accentue le contrôle étatique sur le fonctionnement de la sécurité sociale, au détriment de la gestion paritaire. Il ne fait qu'intégrer les principes définis par les directives européennes et concrétise la mise en place des nouveaux outils de restriction issus de la réforme de l'assurance maladie votée l'été dernier ; M. Vasselle vient de le rappeler.

Ce projet de loi est bel et bien une savante combinaison d'étatisation et de privatisation.

Malheureusement, ce texte prolonge le démantèlement de notre système solidaire, faisant supporter l'essentiel des économies par les assurés sociaux : pour ces derniers, la hausse de la taxe sur les organismes complémentaires, qui sera payée au final par les adhérents, représente 750 millions d'euros, et la nouvelle classe de médicaments remboursés à 15 % - les veinotoniques - 150 millions d'euros.

Le déremboursement de cent cinquante-six médicaments entraînera un report de 130 millions d'euros à la charge des familles, qui paieront de surcroît 100 millions d'euros au titre de la hausse du forfait hospitalier.

Les actes de prévention qui vont devoir être pris en charge par les mutuelles s'élèvent à 300 millions d'euros. Au total, ce sont 1, 6 milliard d'euros de dépenses nouvelles qui seront supportés par les assurés ; et je n'inclus pas ici l'instauration du forfait à 18 euros !

La liste s'allonge puisque, le 17 novembre dernier, au moment même où nous débattions, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, a décidé de fixer le taux de majoration à 10 % du tarif de base de l'acte en cas de consultation d'un médecin hors parcours de soins. Cette décision, prise quasiment dans le plus grand silence, va réduire le taux de remboursement dans ce cas-là de 70 % à 60 %.

Nous avons eu la preuve du caractère inéquitable de la politique de ce gouvernement et de ses projets. Incontestablement, le champ d'intervention des assurances privées s'élargit. Cette tendance lourde n'a pas été mise en cause lors de l'examen du texte en séance ou en commission mixte paritaire.

Il est tout de même dommage que les discussions les plus longues aient porté sur le taux de la taxe sur les laboratoires pharmaceutiques, d'autant que celle-ci demeure exceptionnelle et qu'elle n'est valable que pour cette année.

L'ensemble des augmentations de charges qui vont définitivement peser sur les assurés sociaux, et dont je viens de vous dresser la liste, a vite été balayé dans le débat. Ce sont les laboratoires qui obtiennent en partie satisfaction, avec un taux de remboursement de 15 %. Finalement, la taxe a été ramenée de 1, 96 % à 1, 76 %.

C'est un bon éclairage sur les rapports de force et les priorités de ce gouvernement.

Par ailleurs, vous n'avez apporté aucune réponse satisfaisante sur l'hôpital. Alors que plus de 70 % des établissements publics de santé sont endettés, vous poursuivez implacablement la mise en oeuvre de la TAA, qui provoque en partie sa faillite. Cette situation va inévitablement s'aggraver à cause de la convergence entre public et privé, qui ignore totalement la spécificité de notre service public hospitalier par rapport aux structures commerciales. D'ailleurs, aujourd'hui, un journal satirique illustre de manière magnifique la réalité de la mise en place de la TAA, et les cliniques privées commerciales se frottent les mains. L'action de la Compagnie générale de santé ne s'est jamais aussi bien portée !

Malgré les cris d'alarme des personnels hospitaliers et de leurs cadres, malgré les prévisions de rapports très critiques des inspections, malgré les recommandations de la Cour des comptes, et malgré nos interventions pour vous le rappeler, à aucun moment dans le débat vous n'avez reconnu les dérives et les dangers pour notre système de soins de la convergence entre public et privé.

La seule concession qui ait été faite, c'est l'adoption de l'amendement présenté par notre collègue Jean-Jacques Jégou : il s'agissait de fixer le cap à 75 %, c'est-à-dire d'établir cette convergence tarifaire à l'objectif 2010. La commission mixte paritaire a maintenu cette convergence tarifaire à 50 % en 2008, sans indication pour la suite, d'ailleurs. Cela reste une réponse insuffisante.

Un ONDAM à 3, 44% témoigne de l'irresponsabilité de ce gouvernement dans la gestion des hôpitaux, puisqu'il refuse de voir la perte vers laquelle cet objectif les mène. De toute évidence, les crises ne pourront que s'aggraver et ce seront nos concitoyens qui en feront les frais !

Pis encore, non content de ne pas traiter le problème, vous choisissez de renforcer les pouvoirs de la CNAMTS, de façon à accroître encore le contrôle qui pèse déjà sur les hôpitaux, au détriment de toute gestion démocratique et paritaire.

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