Intervention de Jean Desessard

Réunion du 11 septembre 2006 à 15h00
Eau et milieux aquatiques — Article 37

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en ouverture du débat relatif à l'article 37, qui fixe les redevances des agences de l'eau, j'aimerais attirer votre attention sur le combat que mène le CEDAPA, le centre d'étude pour un développement agricole plus autonome, une association d'éleveurs bretons engagés depuis vingt-quatre ans dans une agriculture durable ou biologique, près de Saint-Brieuc.

On nous dit souvent, à nous les écologistes, que nous sommes contre les agriculteurs et que nous voulons toujours les taxer. Eh bien non, il y a des agriculteurs qui mènent ce combat ! Depuis le 8 septembre dernier, ils font d'ailleurs une grève de la faim deux jours par semaine pour soutenir la mise en place d'une politique de développement durable et dénoncer les aides de la politique agricole commune, la PAC, à des cultures polluantes.

Leur lutte contre les modalités d'attribution des aides de la PAC rejoint nos critiques à l'encontre des modalités de fixation des redevances proposées à l'article 37.

Il faudrait aujourd'hui établir une écoconditionnalité des aides et des taxes, afin de réorienter notre agriculture, au moyen d'incitations financières, pour préserver la ressource aquatique.

Les agriculteurs des Côtes-d'Armor dénoncent l'application française de la nouvelle politique agricole commune, qui pénalise leurs efforts pour protéger les eaux et les sols dans une région, la Bretagne, où le problème est crucial.

Depuis 2006, c'est à chaque État membre de l'Union européenne de choisir les modalités d'attribution des aides de la PAC. Or, le Gouvernement français a choisi de calculer le montant que chaque agriculteur touchera en fonction de ce qu'il percevait en moyenne en 2000, en 2001 et en 2002.

Les agriculteurs qui étaient beaucoup aidés, à savoir ceux qui font des céréales, du maïs fourrage ou des oléagineux, c'est-à-dire des cultures consommatrices d'engrais et de pesticides, seront toujours autant aidés ; en revanche, ceux qui avaient choisi l'herbe comme fourrage pour une production laitière ou de viande bovine et qui percevaient très peu d'argent continueront d'être aussi peu aidés.

Pour Gilles Huet, délégué de l'association Eaux et rivières de Bretagne, « c'est un mécanisme pervers qui incite les paysans à conserver des pratiques à risques. On aide le maïs, culture consommatrice d'engrais et de pesticides, qui laisse le sol à nu durant l'hiver favorisant ainsi l'érosion, et qui élimine peu d'azote contenu dans la terre. Alors que l'herbe ne demande pas de phytosanitaires, recouvre le sol et consomme beaucoup d'azote. On favorise les exploitations les plus nuisibles à l'environnement. »

En ne voulant pas développer l'agriculture biologique ou de développement durable, en voulant aider les agricultures intensives qui polluent, on soutient en réalité un certain type d'agriculture. Je dirai même que l'on ne soutient plus le métier d'agriculteur, qui consiste à faire de bons produits, à respecter l'environnement et à avoir des ressources suffisantes. Si nous n'apportons pas notre soutien, nous aurons non plus des agriculteurs, mais des sous-traitants des industries chimiques qui vendront engrais et pesticides. Si les agriculteurs ne sont plus que des personnes qui courent après le rendement, et ce au détriment de l'environnement, alors le monde agricole perdra son identité et son intérêt au travail.

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