La fourchette que je propose diffère légèrement de celle que vient de suggérer ma collègue, mais nos arguments se rejoignent.
La lutte pour la diminution rapide de la quantité de pesticides déversés dans notre environnement est d'une urgence absolue : 96 % des points d'eau inspectés par l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, présentent des traces de pesticides.
Il en va de la préservation de vies humaines ! Les cas de cancer du cerveau, du sein, ou encore du testicule, et les cas de leucémie se multiplient.
Comme vous le savez, Jacques Chirac a placé son second mandat sous le signe de la lutte contre le cancer. Or, si l'on veut s'attaquer au cancer, il faut s'attaquer aux pesticides.
La France est en retard en ce domaine, puisqu'elle est le troisième pays consommateur de pesticides après les États-Unis. En 1999, notre pays a utilisé 120 000 tonnes de pesticides, soit 2 kilos par personne.
Comment imaginer que les herbicides, fabriqués pour détruire l'herbe, et les insecticides, dont la fonction est de tuer des insectes, puissent ne pas avoir d'incidences sur la qualité des eaux et, par extension, sur la santé de ceux qui les boivent ?
Quand commencera-t-on à lutter sérieusement et massivement contre les abus de pesticides ? La Suède a diminué leur usage de 71 %. Et nous ? Tant que nous accepterons la dispersion des pesticides tous azimuts, nous vivrons dans une société cancérigène.
L'étude menée en 2002 par l'IFEN sur les pesticides montre que « seuls 5 % des points présentent des concentrations compatibles avec le développement sans risque de la vie aquatique et avec l'usage ?eau potable?. Dans 40 % des cas, la présence de pesticides entraîne une qualité moyenne, médiocre ou mauvaise (...) nécessitant des traitements spécifiques d'élimination des pesticides, si ces ressources étaient utilisées pour l'approvisionnement en eau potable. »
Nous proposons d'encadrer le coefficient de la redevance pour pollutions diffuses et de le relever de manière très substantielle. La forte pollution de l'eau nécessite en effet d'utiliser l'outil de l'incitation fiscale. Dans le rapport remis par l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, et le CEMAGREF, le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts, en décembre 2005, le relèvement de la taxe sur les produits phytosanitaires est considéré comme l'un des meilleurs leviers permettant la réduction de la pollution par les pesticides. Ce rapport s'inspire notamment du succès de cette politique au Danemark.
Dans le projet de loi, le taux proposé pour la redevance pour pollutions diffuses est identique à celui qui est applicable dans le cadre de la taxe générale sur les activités polluantes. Or ce taux n'a aucun caractère dissuasif, puisque, d'une part, il empiète tout juste sur les marges financières des industriels de l'Union industrielle des produits phytosanitaires, d'autre part, il n'a pas d'impact réel sur le prix de vente des produits.
Au contraire, un taux de redevance moyen de deux euros au kilogramme entraînerait une modification du calcul économique des exploitants agricoles et aboutirait à un changement des régimes de production. Les fonds collectés seraient utilisés sous la forme d'aides agroenvironnementales, ce qui permettrait d'annuler le coût financier de cette redevance pour les exploitants qui s'engagent dans des pratiques de production économes en produits phytosanitaires.