Intervention de Alain Fauconnier

Réunion du 26 mars 2009 à 9h00
Avenir des services publics dans les zones rurales — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Alain FauconnierAlain Fauconnier :

… à l’École normale supérieure, la France était une pyramide de compétences et de savoirs dans laquelle chacun avait un rôle à jouer ; un rôle qui faisait de chacun le maillon d’une chaîne cohérente et complémentaire qui, au-delà des différences, faisait office de ciment de la communauté nationale.

Comme Voltaire qualifiait autrefois la messe d’« opéra du pauvre », n’a-t-on pas coutume de dire que les services publics sont le patrimoine des pauvres ? Les services publics sont un repère, un bien que tous les Français avaient jusque-là en commun, sans aucune distinction de classe.

Bien sûr, nous ne sommes pas figés. Je sais que tout évolue, c’est le sens de l’histoire. Pour autant, je ne suis pas persuadé que le fait de substituer systématiquement la seule logique comptable à l’esprit même d’une nation soit un bon calcul, pour le présent comme pour l’avenir.

C’est le sens du message que j’entends délivrer en tant que maire et en tant que sénateur. Je mesure toute l’importance d’une sous-préfecture, d’un commissariat de police, d’un tribunal d’instance ou d’un petit hôpital, pour ne prendre que ces quatre exemples parmi bien d’autres.

C’est dire notre inquiétude face à la généralisation progressive du délitement, voire de la destruction des services : EDF a fermé tous ses points d’accueil ; la SNCF interrompt certaines de ses lignes et la fracture numérique accentue les disparités ; l’accueil de la petite enfance se voit remis en cause par des coupes franches pouvant aller jusqu’à 40 % dans certains territoires ; La Poste est fragilisée par l’ouverture à la concurrence. Ce sont autant d’atteintes à la notion même de service public !

Quelle est la situation dans le rural profond ?

Tous ces services « physiques » sont remplacés par les centres d’appels téléphoniques, censés représenter la modernité.

Vous composez le numéro et vous entendez une voix synthétique vous expliquer que vous devez taper le 1, le 2, le 3 ou le 4 et terminer par dièse, puis vous attendez les instructions. Si vous vous trompez, vous êtes contraint d’écouter de nouveau le même message. Au troisième essai, vous avez épuisé votre interlocuteur virtuel et il n’y a plus personne pour vous répondre !

Imaginez un instant le désarroi d’une personne âgée confrontée à un problème de retraite, de MSA ou de coupure d’électricité !

Au rythme où vont les choses, il faudra bientôt que cette grand-mère possède un téléphone portable – si elle n’est pas en zone blanche – puisque, de plus en plus, les fils téléphoniques restent des mois au sol dans nos villages reculés.

Ce n’est pas de l’abandon, c’est du mépris, et une telle société va inéluctablement dans le mur !

Tous ces problèmes, y compris ceux dont je n’ai pas parlé, vous les connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous êtes un élu et que vous avez longtemps siégé dans cet hémicycle. Vos amis aussi sont confrontés à ces problèmes, ils les vivent quotidiennement sur le terrain, autant que nous, même s’ils n’osent pas se plaindre à haute voix, comme en témoigne notre hémicycle clairsemé.

Je voudrais évoquer brièvement trois domaines : la justice, la sécurité et la santé.

La réforme de la carte judiciaire, initiée voilà près de deux ans, a porté un sérieux coup à la cohérence du système. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas mettre en œuvre de réforme, et celle-là était probablement nécessaire, mais je conteste la manière dont elle a été conduite, en particulier l’absence quasi totale de concertation avec les élus et les responsables professionnels.

Dans mon département, la décision de fermer le tribunal de grande instance de Millau et le tribunal d’instance de Saint-Affrique, dans ma propre commune, a été prise sans que je sois à aucun moment consulté. De même, leur fermeture, initialement prévue le 1er janvier 2011, a été subitement avancée au 1er octobre 2009, par le fait du prince, sans que les maires concernés en soient informés.

Croit-on que la délinquance et la criminalité vont baisser avec la disparition de la justice de proximité qu’illustre désormais l’obligation faite aux plaignants de parcourir en moyenne 70 kilomètres pour se faire entendre ?

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