Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 26 mars 2009 à 15h30
Bouclier fiscal — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour regretter que ce débat se déroule, eu égard au thème de notre discussion et à leurs récentes déclarations, en l’absence de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ainsi que de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique,

Sans vouloir vous faire un faux procès, monsieur le secrétaire d'État, nous déplorons que l’initiative parlementaire en matière fiscale ne se traduise pas par la présence, au banc du Gouvernement, des premiers intéressés, ce qui semble précisément montrer le peu de considération dans lequel on tient la représentation nationale, surtout s’agissant d’une question qui préoccupe, vous le savez, les Françaises et les Français.

Venons-en maintenant au cœur de notre sujet.

Quand nous avons déposé, le 15 octobre dernier, la proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal et à moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises en matière de revenus, nous ne pensions pas que ces questions prendraient place dans le débat politique avec l’acuité toute particulière que l’on constate aujourd'hui. Voyons-y l’une des conséquences de l’approfondissement d’une crise économique qui apporte chaque jour son lot de plans sociaux, de chômeurs supplémentaires, de réduction d’activité et de fermetures d’entreprises, conduisant à une remise en cause de la vie quotidienne de centaines de milliers de salariés et de leurs familles, confrontés désormais à l’incertitude du lendemain.

Cette crise, globale et mondiale, trouve son origine dans les dérèglements dont les marchés financiers ont fait l’objet, à force de rendre toujours plus opaques les libres échanges qui s’y déroulaient et de faciliter la libre et rapide circulation des capitaux. Il serait toutefois malhonnête de limiter la crise que nous connaissons au seul dérèglement des marchés financiers, moyennant quoi il suffirait d’une bonne dose de régulation, et d’une subite prise de conscience des organismes financiers internationaux, comme d’ailleurs des banques centrales, pour remettre le tout d’aplomb.

La crise prend, dans chaque pays où elle se produit, des caractéristiques nationales, fruits notamment du degré de libéralisation du droit des affaires comme du travail, mais aussi des choix budgétaires et fiscaux opérés depuis de nombreuses années. En ce sens, le bouclier fiscal trouve toute sa place dans ce schéma, comme facteur et fauteur supplémentaire de crise, parce qu’il correspond au détournement de l’argent public au profit exclusif d’une infime poignée de privilégiés !

Concernant la rémunération des dirigeants, la question posée est également celle de l’égalité devant l’impôt. Au seul motif d’exercer des responsabilités à un haut niveau dans telle ou telle entreprise, une infime minorité de cadres salariés du privé – et leurs familles, parfois ! – bénéficient de conditions de rémunération privilégiées les dispensant de s’acquitter de l’impôt qui serait dû si ces revenus étaient assimilés à des salaires.

La question de l’attractivité de certains postes de direction d’entreprise se mesure-t-elle, comme tente de le faire croire depuis si longtemps, et sous les prétextes les plus fallacieux, M. le rapporteur général, à la consistance du parachute doré, au plan d’options d’achat d’actions, à la valeur des actions gratuites ou à la « retraite chapeau » dont bénéficient ou bénéficieraient les dirigeants concernés ? Si tel devait être le cas, permettez-nous de nous interroger sur la conscience professionnelle de tels dirigeants, devenus de véritables chasseurs de primes !

Aujourd'hui, il semble clairement établi, dans l’affaire de la Société Générale – « Jérôme Kerviel, reviens ! » – et des bonus qu’ont failli s’attribuer ses dirigeants, que le dispositif des stock options, comme toute autre rémunération de cette nature, ne vise qu’à permettre de gagner beaucoup d’argent, sans nécessairement mériter de le percevoir au regard du travail accompli, et de verser le moins possible d’impôts et de cotisations sociales !

Oui, monsieur le rapporteur général, les stock options ou les parachutes dorés ne sont qu’une magnifique niche fiscale et sociale réservée à quelques privilégiés, au mépris du travail des autres, et surtout en profitant du travail des autres ! Ce sont d’obscurs conseillers clientèle, rémunérés au pourcentage, qui « font » le produit net bancaire de nos grandes banques, mais ce produit est appelé à être largement capté par les dirigeants, dont le seul mérite est bien souvent de seulement « diriger » ! Ce sont, d’un côté, des ouvriers, des techniciens, des cadres, qui conçoivent, fabriquent et vendent les produits de nos grandes entreprises industrielles, de l’autre, quelques dirigeants, souvent investis de missions de représentation, qui sont appelés, via leurs stock options et leurs bonus divers et variés, à en tirer parti !

Pour les uns, modération salariale et intensification continue de la productivité ; pour les autres, vive la Bourse, les plus-values et les dividendes !

C’est cette situation qui est devenue parfaitement intolérable pour la grande majorité de la population de notre pays.

On ne peut plus dire aux salariés des entreprises confrontés au chômage technique - ceux de Renault à Sandouville ou à Cléon, de Continental à Clairoix, dont l’entreprise risque la fermeture, de Faurecia à Auchel, de Goodyear à Amiens, de Fulmen à Auxerre, de Molex à Villemur-sur-Tarn, et tant d’autres encore - que, pendant qu’ils accumulent journées de chômage technique et pertes de salaires, il reste encore en France quelques dirigeants de banque et d’entreprise qui peuvent impunément, et sereinement, jouer en Bourse !

D’ailleurs, on a encore appris ce matin que Renault a décidé de provisionner des stock options pour 2009 ! Honte à l’État actionnaire s’il accepte ce déni de justice sociale !

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