S’il fallait trouver une bonne raison pour justifier l’adoption de cet article, ce serait sans doute dans l’examen de la situation, pour le moins étonnante, qui découle de ce qu’il faut bien appeler « l’affaire Valéo ». Le sujet étant d’importance, je m’y attarderai quelques instants.
Sur ce point, comme nous avons eu l’occasion de le rappeler, le rapport de M. Marini semble avoir été écrit un peu trop rapidement, pour tout dire trop schématiquement, dans la plus parfaite ignorance de l’actualité et de la réalité des pratiques.
En effet, avec l’affaire du départ en retraite du P-DG de Valéo, M. Thierry Morin, sont précisément atteintes les limites que la loi a prétendu fixer aux pratiques, décriées dans l’opinion publique, ayant cours en matière de rémunération des dirigeants des entreprises.
Comme cela fait plusieurs fois que la loi déploie ses effets dans le domaine des rémunérations patronales, je me permettrai de souligner uniquement le cas spécifique soulevé par l’affaire Valéo.
Aux termes du rapport de la commission, « hors plan social, est exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations de sécurité sociale la fraction des indemnités de licenciement qui n’excède pas le plus élevé des trois montants suivants :
« - le montant prévu par la convention collective de branche, par l’accord professionnel et interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;
« - ou la moitié du montant des indemnités de licenciement ;
« - ou deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail. »
Pour que chacun comprenne, je vais me livrer à un exercice de traduction : M. Thierry Morin, en compensation du préjudice qu’il va subir en raison de la perte de ses activités de P-DG de Valéo, va pouvoir éviter de payer des cotisations sociales sur les 3, 2 millions d’euros qu’il percevra et, grâce au dispositif adopté dans la loi de financement de la sécurité sociale, n’acquittera pas plus d’impôt sur le revenu.
Cette somme de 3, 2 millions d’euros équivaut, pour lui, à deux ans de salaire, attendu que les actionnaires de Valéo ont jugé bienvenu de lui attribuer une rémunération annuelle égale à 130 années de SMIC !
Petit calcul rapide : le bonus fiscal de M. Morin est de 352 000 euros au titre de la CSG et de la CRDS ; il peut raisonnablement atteindre 1 083 596 euros pour ce qui est de l’impôt sur le revenu... Et nous ne parlons pas des autres éléments de prélèvement social, au-delà de la CSG et de la CRDS...
M. Morin a au moins gagné une chose : il n’a pas besoin de solliciter le bouclier fiscal ! Quand on ne paie pas, au titre des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu, l’équivalent de 120 années de SMIC, pourquoi se compliquer la vie à solliciter un bouclier fiscal, dont l’instruction demande d’ailleurs de jouer cartes sur table ?
D’où vient ce remarquable montage figurant aujourd’hui dans le code général des impôts ? De deux articles votés l’un en 2005 et l’autre en 2006 lors de l’adoption des lois de financement de 2006 et 2007.
Dans les deux cas, le dispositif était inscrit dans le texte original du projet de loi de financement ; l’objectif était clairement de créer une incroyable zone franche fiscale et sociale autour des indemnités de rupture du contrat de travail des grands patrons.
Mes chers collègues, telles sont les précisions que je voulais apporter. Pour que les positions de chacun soient bien claires, les membres du groupe CRC-SPG demandent un vote par scrutin public sur l’article 2.