Il faut préciser que les salariés de l’entreprise étaient en grève contre l’attribution de ces stock-options, ce qui explique peut-être une telle décision !
Si nous devons nous interroger sur les problèmes que pose la pratique des stock-options en termes de justice fiscale et sociale, il nous faut aussi, à l'occasion de l’examen de cet article, nous tourner, l’espace d’un instant, vers le rapport rédigé par M. le rapporteur général.
M. Marini affirme que l’article 3 de la présente proposition de loi constitue à ses yeux « le summum de l’horreur économique », puisqu’il vise à supprimer les stock-options comme mode de rémunération des dirigeants, ou d'ailleurs des autres salariés, dès lors que leur serait appliqué un taux de taxation de 100 %.
Mes chers collègues, nous pourrions relever les nombreux termes du rapport dont nous pouvons craindre qu’ils ne revêtent un caractère purement idéologique et ne soient déconnectés des réalités !
Cela dit, je ne citerai pas le rapport, car je crois que tout le monde l’a lu, et soulignerai simplement que l’objection constitutionnelle opposée à cet article nous semble pour le moins sujette à caution.
En effet, la taxation des stock-options au taux de 100 % présenterait surtout le caractère d’une arme de dissuasion, qui conduirait, dans le parfait respect des normes d’égalité devant l’impôt, les organes dirigeants de nos grandes entreprises à choisir des formules de rémunération de leurs dirigeants salariés autres que l’attribution d’actions gratuites ou privilégiées !
Il existe un moyen normal de rémunérer des dirigeants salariés : leur accorder un salaire qui corresponde à leur compétence et à ce que l’on attend d’eux, au lieu de chercher des biais juridiques divers dont la seule raison d’être, comme nous l’avons vu, est de leur permettre d’échapper à l’impôt et aux cotisations sociales, et accessoirement de réaliser de juteuses plus-values, car telle est bien la finalité des stock-options, sans compter l’effet du versement des dividendes éventuels et des autres crédits d’impôt qui y sont attachés, ou encore l’imputation des dettes personnelles d’acquisition des titres, j’en passe et des meilleures !
Je relèverai un autre point du rapport, que je citerai cette fois, car il me paraît important :
« En effet, selon la théorie économique dite “théorie de l’agence”, ce type de rémunération est nécessaire afin que les dirigeants ou les mandataires sociaux adoptent des politiques conformes aux intérêts des actionnaires qui les ont mandatés. »
Dans l’esprit de M. le rapporteur général, qui est, comme chacun sait, un spécialiste reconnu du droit des affaires et de tout ce qui s’y rattache, les dirigeants et mandataires doivent adopter des politiques conformes aux intérêts des actionnaires.
Or c’est précisément là que le bât blesse : qu’est-ce donc qu’une politique conforme aux intérêts des actionnaires ? Une gestion d’entreprise qui capitalise les gains de productivité fondés sur l’amélioration des performances de chaque unité de production, transformés en dividendes sonnants et trébuchants. Bref, c’est un de ces modes de gestion qui font que la réduction des dividendes des entreprises du CAC 40 est bien moins rapide que celle des résultats cumulés des entreprises figurant dans cet indice.
C’est cette gestion, d’ailleurs remarquable, qui fait que Total a réalisé 14 milliards d’euros de bénéfices et consacre entre 750 millions et 1 milliard d’euros à des offres publiques de retrait de titres, ce qui valorise d’ailleurs les titres restants. Or la société s’apprête malgré tout, comme vous le savez, à supprimer 550 emplois dans ses implantations en France !
Il est donc grand temps – et je disais cela à l’intention de M. le rapporteur général – qu’il comprenne, ainsi que la majorité sénatoriale, une bonne fois pour toutes que les entreprises, dans notre pays, ont aussi devant l’opinion, mais, bien sûr, au premier chef, devant leurs salariés, une responsabilité sociale en termes d’emploi, d’investissement utile à la production, de développement durable et de respect de l’environnement.
Tels sont les arguments que nous voulions présenter à l’appui de l’article 3, dont nous demandons le vote par scrutin public.