Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 18 mars 2005 à 9h30
Avenir de l'école — Article 15 bis

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Cet amendement vise à prévoir qu'un groupe de travail est constitué auprès du Premier ministre pour récrire ou pour compléter notre hymne national en employant des formules moins belliqueuses et plus adaptées à notre temps.

Afin qu'il n'y ait point d'ambiguïté sur le sens de cet amendement, je veux rappeler quelques éléments historiques.

Dans la nuit du 25 au 26 avril 1792, Rouget de Lisle, officier français en poste à Strasbourg, compose, dit-on - car ce point a fait l'objet de polémiques -, le Chant de guerre pour l'armée du Rhin.

Ce chant est repris par les fédérés de Marseille lors de l'insurrection des Tuileries, le 10 août 1792.

Le 14 Juillet 1795, ce chant devient l'hymne national. Il ne l'est plus sous l'Empire et sous la Restauration. Il sera remis à l'honneur pendant la Révolution de 1830.

En 1879, la IIIe République en fait de nouveau le chant national, mais sans en préciser la version, ce qui provoque d'ailleurs quelque cacophonie quand plusieurs orchestres officiels le jouent ensemble !

En 1887, une version officielle est adoptée par le ministère de la guerre.

En septembre 1944, une circulaire préconise de le faire chanter dans les écoles.

La Marseillaise est confirmée en tant qu'hymne national par les Constitutions de 1946 et de 1958.

De ce rappel historique il ressort que l'hymne national a connu un certain nombre de variations, à la fois quant à la musique et quant aux paroles, lesquelles ont été adaptées à l'usage que l'on voulait bien en faire.

Je signale, par exemple, qu'un couplet initial semblait faire clairement référence à Dieu, qui utilise le bras vengeur du peuple pour « exterminer » les tyrans. Je crois que cette référence n'existe plus dans notre République laïque.

Puisque les paroles de la Marseillaise ont déjà été retouchées pour des raisons particulières, pourquoi ne pas supprimer aujourd'hui quelques éléments qui sont compris quand on les replace dans leur contexte, mais qui, hors de celui-ci, ont, à mon sens, une résonance étrange ?

Ces paroles ont en effet été écrites en un temps où princes, hobereaux, partisans de l'absolutisme et autres émigrés se liguaient avec des puissances étrangères pour se dresser contre la marche en avant de la démocratie, de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Hegel, Goethe et bien d'autres en ont salué l'universalité.

Cependant, force est de reconnaître que les temps ont changé et que, littéralement, telle ou telle parole de notre bel hymne peut prendre désormais une résonance un peu particulière.

Ainsi la notion de « sang impur », métaphore de la trahison royale et aristocratique, peut, après l'aventure coloniale, deux guerres mondiales et dans un contexte différent, prendre ici ou là un sens susceptible d'alimenter la haine, le désordre et la désunion.

Dans un souci d'apaisement, animés à coup sûr par un puissant esprit patriotique d'union nationale autour des valeurs de la République, ouverts à la construction européenne et à la solidarité internationale, les Français doivent montrer à la jeune génération la voie de la réconciliation, de la solidarité humaniste et internationaliste, et donc celle du rejet de toutes les logiques chauvines ou « racialistes ».

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