Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 18 mars 2005 à 9h30
Avenir de l'école — Article 15 bis

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

C'est avec plaisir que je défends l'amendement dont Mme Blandin a pris l'initiative et qui constitue en quelque sorte un amendement de repli par rapport à celui que je viens de défendre.

Mme Blandin considère, comme moi-même, que le temps semble venu de faire évoluer les paroles de notre hymne national vers des phrases moins belliqueuses, tout en en gardant la mélodie et le rythme fédérateur.

Cet amendement vise à créer un groupe de travail qui devra trouver un moyen élégant de supprimer la référence historiquement mobilisatrice, mais scientifiquement erronée et humainement fâcheuse, au « sang impur », celui de l'ennemi censé, dans le texte, « abreuver nos sillons ».

Avant le développement de la génétique, depuis les croisements de petits pois conduits par Mendel jusqu'à la découverte de la structure à double hélice de l'ADN par Watson et Crick, qui leur valut le prix Nobel, on croyait que les caractères se transmettaient à la génération suivante par le sang du père et de la mère. Tout naturellement, les rois étaient réputés avoir le sang bleu !

La notion de sang impur du groupe ennemi renvoie non seulement à cette hérésie biologique, que doivent encore combattre encore beaucoup de professeurs de sciences naturelles, mais aussi à la valeur intrinsèque d'un groupe par rapport à un autre, non pour son action condamnable ou pour ses choix qui vont à l'encontre de nos convictions ou de nos intérêts, mais parce qu'il est d'un « autre sang ». On diffuse et conforte l'idée que les autres auraient en commun non seulement le sang, mais encore un sang corrompu, qui rabaisserait ce groupe à des caractéristiques inférieures aux nôtres et de surcroît immuables.

Alors que des généticiens, tel Albert Jacquard, passent leur temps à donner des conférences et à écrire des livres de vulgarisation pour combattre le racisme et la croyance erronée en cette notion de groupe racial et en une hiérarchie naturelle entre les différents groupes, voilà que nous envisageons de faire répéter et chanter aux enfants et adolescents de tous âges que les « autres » peuvent avoir le « sang impur ».

Au musée de l'histoire, ces excès ne seraient que la démonstration de la fougue passée. Dans le livre de poésie, tout est permis : la lune parle et le soleil rit.

Mais à l'âge où les jeunes cherchent tous leur identité en se confrontant à l'autre, à une époque où l'accumulation de discriminations fait miroiter la tentation communautaire, alors que, dans des écoles, les conflits entre élèves laissent parfois échapper, entre autres injures, « nique ta race ! », le rôle de la République et de ses écoles laïques et ouvertes à tous est-il de marteler dans son chant de rassemblement que l'autre a un « sang impur » ?

Certains, sur le long chemin de la paix et de l'amitié entre les peuples, se rappellent de Gaulle et Adenauer, d'autres, Mitterrand et Kohl main dans la main. Il fallut beaucoup d'énergie et de symboles pour faire oublier la haine !

Nombre d'entre vous, sur toutes les travées, soutiennent l'initiative de Genève, rêvant d'un Moyen-Orient où les enfants des uns n'auraient pas pour seul but l'anéantissement des enfants des autres et vice-versa.

Renonçons donc à l'enseignement de ces termes criminogènes de « sang impur ». Mandatons un groupe de travail qui proposera au Parlement, voire au Congrès, cette courte modification. Une évolution humaniste sur le point le plus contestable de notre hymne serait un petit pas pour La Marseillaise, mais peut-être un grand pas vers plus d'humanité.

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