Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 2 juillet 2010 à 14h30
Réforme des collectivités territoriales — Article 16

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

… puisqu’il accorde aux préfets des pouvoirs exorbitants en matière de regroupement intercommunal et, surtout, prive les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les habitants concernés du pouvoir de décider de leur propre avenir.

Avec cet article, nous revenons donc à l’esprit du décret du 25 mars 1852, qui renforçait les pouvoirs des préfets. On trouve dans l’exposé des motifs de ce texte cette phrase si souvent citée : « On peut gouverner de loin, mais on n’administre bien que de près ». À ces mots répond le non moins célèbre mot d’Odilon Barrot, déjà cité sur ces travées : « C’est toujours le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche ».

Dans une lettre du 27 juin 1863 au ministre présidant le Conseil d’État, Napoléon III écrit : « Notre système de centralisation, malgré les avantages, a eu le grave inconvénient d’amener un excès de réglementation. Nous avons déjà cherché, vous le savez, à y remédier ; néanmoins, il reste encore beaucoup à faire. Autrefois, le contrôle incessant de l’administration sur une foule de choses avait peut-être sa raison d’être ; mais aujourd’hui ce n’est plus qu’une entrave ».

Et voilà que, aujourd’hui, on voudrait remettre le préfet au centre de tout pour qu’il décide de tout ? Cela va à rebours de l’histoire et du mouvement de décentralisation. Comment défendre cette position, alors qu’au siècle précédent, et même deux siècles en arrière, étaient adoptées des lois visant à élargir les attributions des conseils généraux, définissant de nouveaux domaines de compétence pour les conseils municipaux et limitant l’exercice de la tutelle préfectorale ?

J’ose à peine citer ici le comte de Chambord qui, en son temps, dénonçait les excès du centralisme impérial en le comparant à « une pieuvre » qui étouffe « l’indépendance et le mouvement du peuple ». La métaphore est parfaite et éloquente.

Ce projet de réforme serait donc bien l’acte I de la recentralisation. Il n’est pas, en tout cas, l’acte III de la décentralisation auquel nous aspirons pourtant tous, ainsi que nous l’avons dit et répété.

Cet article 16 symbolise à lui seul cette volonté farouche de recentralisation. Notre démocratie s’accommoderait mal d’un tel retour en arrière.

Je voudrais faire mienne la position qu’a prise récemment l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, qui, au sujet de ce texte, demande aux sénateurs que l’intercommunalité reste coopérative et volontaire, et qu’elle ne soit pas contrainte, au risque de signifier la disparition des communes. Les maires ruraux demandent « que les pouvoirs exorbitants qui vont être alloués au préfet soient réexaminés ».

En effet, le simple fait que la CDCI, la commission départementale de la coopération intercommunale, puisse amender le schéma élaboré par le préfet à la majorité des deux tiers revient à accepter que le représentant de l’État puisse imposer ses orientations avec l’accord d’à peine plus d’un tiers des membres de cette commission.

Une telle disposition fait ainsi peu de cas des élus qui siégeront à la CDCI, notamment des représentants des maires, les décisions pouvant être prises malgré l’opposition d’une majorité d’entre eux, sans compter le fait que le nombre des représentants des maires au sein de la CDCI est appelé à être nettement réduit.

Ces dispositions sont susceptibles de rendre encore plus difficile l’exercice des mandats et fonctions dans nos collectivités territoriales. Car si des aménagements sont nécessaires, et personne ne le nie, rien ne justifie d’ébranler à ce point ce qui fonctionne.

Regrettant cet entêtement, nous pensons avec les maires ruraux que l’on s’achemine sans doute vers des séances de CDCI pour le moins difficiles…

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