J'hésite, en cet instant, à prendre la parole pour une explication qui sera considérée comme dérisoire, marginale et sans doute un peu ridicule par ceux de nos collègues qui ont accompagné de leurs ricanements l'intervention de Mme David, laquelle a insisté sur la dimension personnelle de nos vies.
Il est vrai que, dans le monde politique, on défend volontiers une conception un peu virile, un peu martiale de l'engagement politique, auquel on sacrifie tout. Nous pouvons oser dire ici que nous pourrions être absents demain pour assister à des cérémonies en l'honneur du 19 mars, pour inaugurer des stades ou pour remettre des coupes à des sportifs. En revanche, l'évocation de nos engagements à l'égard de nos proches, de nos familles, de nos enfants, fait sourire et ricaner. Cela m'accable.
Etes-vous conscients que notre discours sur la féminisation et le métissage de la vie politique, sur la nécessité d'attirer à la vie politique des gens qui seraient capables de vivre sans les honneurs, les inaugurations et les moments de reconnaissance officielle aura une portée fort limitée si nous ne sommes pas aussi capables, quand il le faut, de dire que nous avons pris des responsabilités à l'égard de nos proches et que nous ne sommes donc pas si déconnectés de la vraie vie ?
Je prends ma mission très au sérieux : il s'agit de contribuer à élaborer des lois dans l'intérêt général. Je suis prête à travailler ici une quatrième nuit. Je considère même que siéger plusieurs nuits de suite est normal en fin d'année, puisque la règle du jeu de la Ve République nous impose de voter le budget avant le 31 décembre.
Mais je ne comprends pas la perversité à laquelle nous sommes aujourd'hui arrivés. En effet, les membres de la commission Thélot ont commencé leurs travaux il y a deux ans, ils ont rendu leur rapport voilà un an, et nous avons attendu des mois pour savoir quelle était la volonté du Gouvernement. Et voilà que nous sommes sommés de rendre, en quatre jours seulement, une copie ni faite ni à faire pour que sept députés et sept sénateurs puissent se réunir en temps et en heure, comme ils l'ont prévu ! J'avoue ne pas comprendre.
Vous ne parviendrez pas, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, à me culpabiliser, en me laissant à penser que le fait d'avoir pris des engagements personnels devrait me faire douter de la solidité de la façon selon laquelle je remplis l'engagement que j'ai pris à l'égard des grands électeurs et de mon pays.