Intervention de François Fillon

Réunion du 18 mars 2005 à 21h45
Avenir de l'école — Article 22, amendements 116 117

François Fillon, ministre :

Avec cet article, nous abordons un point très important de ce projet de loi, à savoir la formation des enseignants.

Nous allons devoir renouveler 150 000 enseignants au cours des cinq prochaines années. Nous avons donc besoin d'une vision d'avenir pour la formation des maîtres dans notre pays.

La loi de 1989 avait créé les IUFM et fait disparaître les écoles normales d'instituteurs et les centres pédagogiques régionaux chargés de former les professeurs du second degré.

Elle leur avait également confié la préparation de tous les concours d'enseignants au niveau de la licence, seule l'agrégation continuait d'être préparée sous la responsabilité exclusive des universités.

Les IUFM sont alors devenus des établissements d'enseignement supérieur, avec un statut d'établissement public administratif.

En réalité, les IUFM définis par la loi de 1989 sont restés depuis leur création dans une situation ambiguë et inconfortable.

Leur autonomie n'était en effet ni vraiment universitaire, ni vraiment professionnelle. Jusqu'à présent, les IUFM n'ont été ni complètement reconnus par les universités, ni capables de fonctionner effectivement sur le modèle des écoles professionnelles.

Je reconnais, bien sûr, les efforts, les progrès, les réussites de ces instituts, même s'il faut bien constater que tous les IUFM n'ont pas su convaincre jusqu'à présent.

Mais je sais aussi que le défi de la formation initiale des enseignants n'est et ne sera jamais facile à relever. C'est la raison pour laquelle je propose de fonder la formation des maîtres sur des bases nouvelles pour leur permettre de faire face à leur mission, qui est fondamentale pour l'éducation nationale.

Mon projet de réforme de la formation des maîtres veut ouvrir une nouvelle époque pour les IUFM. Je propose deux mesures fondamentales, qui sont déclinées dans le rapport annexé et qui sont visées principalement dans les articles 22 et 23 du projet de loi.

En premier lieu, la formation des enseignants, qui sont des fonctionnaires de l'Etat, doit obéir à des principes, à un cadre et à des modalités qui correspondent effectivement aux attentes de l'Etat et de la nation. C'est la raison pour laquelle je propose que la formation dispensée dans les IUFM réponde à un cahier des charges national, fixé après avis du Haut conseil de l'éducation.

Ce cahier des charges aura ainsi un statut beaucoup plus solennel, beaucoup plus fort et beaucoup plus exigeant que les circulaires par lesquelles, jusqu'à présent, on a cherché à cadrer, avec plus ou moins de succès, la formation des enseignants.

Il s'imposera aux IUFM ainsi qu'aux universités qui accepteront la responsabilité de cette formation et il fera l'objet d'une évaluation régulière dans le cadre de la politique contractuelle des établissements d'enseignement supérieur.

Ce cahier des charges national comprendra trois axes : l'approfondissement disciplinaire, la formation pédagogique et la formation du fonctionnaire du service public de l'éducation.

Ces volets correspondent aux trois priorités qui fondent l'identité professionnelle et l'autorité des professeurs du premier comme du second degré : la maîtrise des savoirs à transmettre, la capacité des enseignants à s'adapter à leurs élèves dans leur diversité, enfin, la connaissance de leurs droits et de leurs devoirs de fonctionnaires d'Etat et la capacité à comprendre le fonctionnement de l'éducation nationale.

Le cahier des charges précisera également les modalités d'organisation de la formation dans sa relation avec les classes et les établissements scolaires. Cette formation ne se résumera pas à une simple juxtaposition de formation théorique et pratique, mais reposera sur le principe d'une alternance effective qui sera organisée concrètement par des conventions entre les IUFM et les universités d'appartenance, d'une part, et les services académiques, d'autre part.

Quant aux formateurs des IUFM, ils seront soit des enseignants-chercheurs, soit progressivement des enseignants venant du premier ou de second degré, mais qui garderont un contact direct avec la pratique dans les classes.

En second lieu, et c'est une mesure essentielle de mon projet, la responsabilité de la formation des enseignants sera confiée aux universités et les IUFM seront résolument placés dans les universités avec le statut d'écoles faisant partie des universités.

Sur ce point encore, il faut avancer. Les IUFM ne peuvent plus rester en dehors des universités et les universités doivent s'impliquer beaucoup plus fortement dans la formation des enseignants. Cela suppose l'intégration de chaque IUFM dans une université qui deviendra ainsi réellement responsable de la formation des enseignants.

Mais, naturellement, il ne faut pas que cette intégration aboutisse à ce que les IUFM soient dissous dans l'université et perdent toute capacité à conduire, au sein de celle-ci, la mission qui leur a été confiée. C'est pourquoi on ne doit plus se contenter de demi-mesure ni chercher à concocter je ne sais quel statut spécifique aux IUFM qui laisserait de nouveau ces établissements à la fois dans et hors les universités.

Je vous propose donc d'appliquer aux IUFM le statut d'école faisant partie d'une université régi par l'article L.713-9 du code de l'éducation. C'est la seule possibilité cohérente pour atteindre l'objectif qui a été fixé par les auteurs du projet de loi.

J'en attends les avantages suivants : la garantie de la valeur des enseignements qui sont dispensés par les IUFM - et c'est le rôle de l'université -, le renforcement des liens de la formation des maîtres avec la recherche universitaire, la facilitation de l'intégration progressive de cette formation dans l'architecture européenne des diplômes, enfin, l'implication des universités dans la formation continue des enseignants. Cette intégration se fera dans un délai de trois ans à partir de la publication de la présente loi et en fonction d'un appel à candidatures permettant à chaque académie de retenir l'université qui acceptera de prendre cette responsabilité, si importante pour notre pays.

Dans le cas où cette université ne disposerait pas de toutes les filières correspondantes aux formations offertes par l'IUFM, elle sera alors conduite à passer convention avec d'autres universités.

C'est donc à prendre un véritable tournant que ce projet de loi vous invite. C'est une nouvelle alliance permettant de concilier la liberté universitaire et la responsabilité de l'Etat qu'il s'agit de construire.

Les effets de ce véritable changement de modèle pour la formation des enseignements se feront progressivement sentir. Ce changement permettra à notre pays de bénéficier enfin d'une formation des maîtres pleinement universitaire et professionnelle. Cela devra se faire dans le respect du cahier des charges national fixé par l'Etat, qui continuera donc d'assumer toutes ses responsabilités dans ce domaine si important pour l'avenir de notre école.

Dès lors, le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 116, 117...

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