Le texte de la commission prévoit de faire figurer les établissements privés chargés d’une mission d’intérêt général, ainsi que cela est mentionné à l’article L. 311-1 du code de l’action sociale et des familles, parmi les établissements auxquels s’appliquent les dispositions particulières du travail pour l’exercice du droit de grève dans les services publics, notamment l’obligation d’un préavis de grève.
Telle qu’elle est rédigée, cette disposition ne concernerait pas seulement les établissements et services accompagnant de façon permanente des personnes âgées ou handicapées, mais viserait l’ensemble des établissements et services intervenant dans le champ de l’action sociale et médico-sociale, y compris des services administratifs et des établissements et services sociaux et médico-sociaux n’accompagnant pas des personnes handicapées ou âgées – centres d’hébergements et de réinsertion sociale, foyers de jeunes travailleurs, etc. –, puisque tous exercent cette mission d’intérêt général.
Je comprends la préoccupation de la commission – c’est aussi la mienne –, qui veut s’assurer de la continuité de la prise en charge et des soins des personnes fragiles accueillies dans les établissements médico-sociaux. Il convient cependant d’adapter la réponse apportée à la situation objective jusqu’ici rencontrée et de tenir compte des solutions déjà offertes par la législation pour garantir cette continuité à ces usagers, qui ne peuvent sans risque ni dommage pour leur santé ou leur autonomie voir leur prise en charge interrompue ou dégradée.
Il n’existe pas de restriction à l’exercice du droit de grève pour les établissements et services médico-sociaux de statut privé, qui sont très majoritaires dans le secteur des personnes handicapées et qui représentent près de la moitié des institutions pour personnes âgées.
Cependant, le préfet détient, au titre de ses pouvoirs de police, un pouvoir de réquisition, prévu au 4° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu’il y a urgence et atteinte constatée ou prévisible à la sécurité des personnes et qu’il n’a pas d’autre moyen pour exercer ses pouvoirs de police.
Ces dispositions permettent, semble-t-il, de concilier respect du droit de grève garanti par la Constitution et sauvegarde de la sécurité des personnes accompagnées par les établissements et services concernés.
Conscients des missions d’intérêt général et d’utilité sociale que la loi du 2 janvier 2002 confie aux institutions sociales et médico-sociales et de leurs responsabilités particulières à l’égard des personnes fragiles auprès desquelles ils interviennent, les responsables de ces établissements et les professionnels concernés ont toujours montré, dans leur immense majorité, leur volonté et leur capacité de ne pas porter atteinte aux besoins essentiels des personnes âgées ou handicapées accueillies, même en cas de conflit du travail. Ce n’est que très exceptionnellement que les préfets ont été conduits à envisager des réquisitions.
Faut-il, face à des incidents aujourd’hui heureusement très isolés, restreindre le droit de grève et imposer un service minimum ?
Sur ce sujet complexe, potentiellement conflictuel, et alors qu’il a à la fois le devoir d’assurer la sécurité d’usagers en situation de fragilité et de consulter les partenaires du secteur, le Gouvernement propose de mettre en place une mission d’expertise associant les interlocuteurs concernés.
Cette mission pourrait vérifier si les dispositions actuelles garantissent effectivement la sécurité et la réponse aux besoins essentiels d’accompagnement des usagers, recommander des instructions facilitant l’application et le contrôle de ces règles, recenser les outils et démarches existants ou proposer ceux qui devraient être mis en place, ce qui permettrait, en amont, d’organiser dans les institutions la continuité des missions essentielles des établissements et services médico-sociaux pour les publics fragiles, analyser les conséquences juridiques de la reconnaissance actuelle par la loi d’une mission d’intérêt général et d’utilité collective au regard de la continuité des missions et, enfin, proposer, si une insuffisance de la législation et de la réglementation actuelles était constatée, les textes permettant d’y remédier.
La mission d’expertise associant les interlocuteurs concernés sera mise en place avant l’été et ses conclusions devront être remises avant la fin de l’année.
Dans l’attente de ses résultats, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir adopter l’amendement de suppression déposé par le Gouvernement compte tenu des garanties apportées et les délais indiqués.