Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je déplore que la rédaction de l’article 33 issue des travaux de l’Assemblée nationale, qui prévoyait l’extension et l’adaptation des dispositions du projet de loi à l’outre-mer, ait été modifiée par la commission, au motif que l’article 74-1 de la Constitution permet au Gouvernement d’« étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole » aux collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 de la Constitution.
Je tiens néanmoins à rappeler à notre honorable assemblée que, malgré l’existence de cet article 74-1, tous les gouvernements, en particulier les ministères ou secrétariats d’État chargés de l’outre-mer, ont régulièrement recouru à l’article 38 de la Constitution pour demander des habilitations à légiférer par ordonnance spécifiques aux différentes collectivités d’outre-mer, même quand celles-ci relèvent de l’article 74, sans doute parce que cette procédure, plus solennelle, permet plus aisément d’ouvrir une concertation et de calmer les esprits.
Surtout, la position de la commission me semble témoigner d’une méconnaissance de la réalité de terrain de certaines collectivités d’outre-mer, par exemple celle que j’ai l’honneur de représenter, Wallis-et-Futuna. Je serais ravi d’y accueillir une délégation de la commission des affaires sociales. J’ai déjà reçu des membres de la commission des lois, conduits par le président Hyest. Ils s’étaient d’ailleurs déclarés scandalisés par l’état de notre agence de santé. Je suis certain qu’une telle visite permettrait à la commission des affaires sociales de mieux comprendre notre situation.
S’il est vrai que l’article 74-1 de la Constitution prévoit une possibilité générale d’adaptation législative, l’article 38 va plus loin.
En effet, cette procédure donne à l’engagement du Gouvernement un caractère solennel et comporte un délai. Il n’est pas question de mettre en doute la bonne foi du Gouvernement, tout particulièrement la parole de Mme la ministre, qui s’est montrée à l’écoute de nos préoccupations, mais le caractère spécifique du dispositif de l’article 38 de la Constitution donne une force particulière à l’engagement pris par le Gouvernement de préparer une ordonnance.
Par son amendement n° 1244, le Gouvernement entend rétablir son habilitation à étendre et à adapter par ordonnance les dispositions du présent texte à l’ensemble de l’outre-mer. S’il est adopté, mon amendement concernant exclusivement Wallis-et-Futuna n’aura plus d’objet, c’est la raison pour laquelle je m’exprime dès maintenant sur l’article. J’aurais souhaité qu’une mesure spécifique à Wallis-et-Futuna prévoie un délai de dix-huit mois et une modification du statut de l’agence de santé.
Eh oui, mes chers collègues, il existe déjà, depuis près de dix ans, une agence de santé sur notre territoire ! L’agence de santé de Wallis-et-Futuna, qui est un établissement public national, comme l’hôpital des Quinze-Vingts à Paris ou les Thermes nationaux d’Aix-les-Bains, mérite bien, au bout de dix ans, que l’on fasse un bilan de son action, de ses qualités et de ses défauts. Il devient urgent d’adapter et de modifier son statut, qui apparaît à l’usage, et c’est bien normal, n’être pas exempt d’imperfections.
Notre agence de santé a d’ailleurs été le théâtre de plusieurs grèves, ces derniers temps en particulier. Mme la ministre le sait bien, qui nous a récemment envoyé un médiateur. Des éléments sont à revoir ; certes, le plus tôt sera le mieux, mais encore faut-il que la concertation soit efficace, sinon rien ne pourra se faire, particulièrement dans un territoire comme le nôtre, et le cycle des grèves à répétition reprendra de plus belle ! Le délai de neuf mois prévu dans l’habilitation me laisse dubitatif. Nous verrons bien, mais je ne doute pas que le Gouvernement prolongera ce délai si nécessaire.
L’agence de santé de Wallis-et-Futuna dispose de compétences étendues, en matière tant de soins que de prévention. Ce dernier volet, très important, est hélas ! négligé, pour des raisons budgétaires : en effet, les crédits sont consacrés pour l’essentiel au fonctionnement, notamment aux évacuations sanitaires rendues nécessaires par l’insuffisance de l’offre de soins. La prévention et l’éducation à la santé mériteraient d’être considérablement développées sur un territoire où, je le rappelle, on meurt beaucoup plus jeune qu’en métropole. Nous devons ouvrir des pistes de réflexion et tenter de définir les missions de l’agence dans la perspective de sa future organisation tout en dégageant des économies d’échelle, afin de mettre un terme à la fracture sanitaire par rapport à la métropole et à l’absence de gestion des risques.
Le statut du personnel de l’agence doit impérativement être revu si nous voulons motiver ce dernier et recruter dans de bonnes conditions. Il serait en outre opportun d’établir des conventions avec un ou deux CHU de métropole, tant pour l’envoi d’internes que pour le développement de la télémédecine.
Voilà quelques pistes de réflexion que je tenais à tracer solennellement dans cette enceinte de la République qui, dans sa grandeur, doit aussi se préoccuper des territoires les plus démunis et les plus éloignés de la métropole.
J’espère vivement que Mme la ministre, à qui je renouvelle mon soutien, pourra me confirmer son intention d’ouvrir le chantier de la modernisation de la politique sanitaire à Wallis-et-Futuna et du statut de l’agence de santé, devenu, à l’évidence, obsolète. J’aurais aimé que cette perspective, assortie d’un délai suffisant, soit clairement inscrite dans la loi. Puisque cela ne semble pas possible, je fais confiance à Mme la ministre, que je remercie à nouveau de son écoute.