Je tiens à le dire, car cela relève du bon sens, et non pas d'une option idéologique.
Enfin, vous avez raison, madame Mathon, de demander une définition plus stricte de la sauvegarde. Là encore, M. Hyest présentera un excellent amendement répondant à votre préoccupation.
S'agissant toujours de l'AGS, monsieur de Montesquiou, un amendement de la commission des lois du Sénat tend effectivement à empêcher toute mise en cause systématique de cet organisme dans le cadre des contentieux prud'homaux en cours lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde.
Vous avez également évoqué un autre amendement intéressant que défendra M. Hyest, visant à l'institution d'un droit de recours pour l'AGS lorsqu'elle estimera son intervention infondée du fait de l'existence d'une trésorerie disponible. C'est une question de bon sens !
M. Robert Badinter a rappelé le but de la loi de 1985. Il est vrai qu'à l'époque il exerçait quelque responsabilité. Il s'agissait, nous a-t-il dit, d'assurer la survie des entreprises viables. Je lui en donne volontiers acte, nous partageons tous cet objectif, qui n'est cependant pas exactement le même vingt plus tard.
Quelle est la différence ?
C'est essentiellement sur les moyens que le nouveau projet de loi innove. Il vise à traiter les difficultés très en amont de la cessation des paiements, et non pas quand il est déjà trop tard. D'ailleurs, je n'ai pas compris que ceux qui ont critiqué le projet de loi n'aient pas au moins souligné cet avantage.
Pour ce qui est de l'inspiration, elle ne vient pas simplement du Chapter 11, pour parler comme Robert Badinter, mais de toutes les législations européennes relatives aux procédures collectives. Nos voisins européens n'ont en effet pas attendu pour adopter des dispositifs permettant d'intervenir avant qu'il ne soit trop tard.
Il est possible d'éviter la cessation des paiements lorsque ces difficultés sont prises en compte très tôt. Si on ne le fait pas, il est alors trop tard dans 95 % des cas, et cela aboutit à la liquidation.
Désormais, les procédures de conciliation et de sauvegarde permettront une action anticipée. C'est le coeur du nouveau dispositif, dont la mise en oeuvre devra s'accompagner d'une évolution des mentalités. J'insiste sur ce point, car c'est toute la difficulté du texte.
Si d'aventure le projet de loi ne rencontrait pas le succès escompté, cela signifierait que la culture des chefs d'entreprise français n'est pas au diapason du texte : ils n'oseraient pas aller voir le président du tribunal de commerce pour lui signaler qu'ils ont un incident de paiement et que l'inquiétude les gagne. Or la politique de l'autruche est la pire des politiques, notamment quand il s'agit de gérer une entreprise.
Voilà pourquoi j'appelle de mes voeux ce changement de culture, cette évolution des esprits, que ce texte va précisément permettre et dont les résultats pourront être très rapidement mesurés dans l'économie française.
M. Robert Badinter voit dans cette réforme un simple changement d'étiquette, le contenu de la bouteille restant le même. Honnêtement, ce n'est pas exact. En ce qui concerne la conciliation, par exemple, il y aura désormais une nouvelle sécurité juridique, sans la remise en cause des actes de la période suspecte ; c'est un point important. De même, la sauvegarde est une procédure totalement nouvelle, avec une suspension des poursuites avant la cessation des paiements.
Ce n'est donc pas un simple changement d'étiquette.
Cette procédure sera organisée de manière très novatrice, avec les comités de créanciers, comme a bien voulu le souligner Mme Procaccia, et je l'en remercie.
Monsieur Détraigne, vous fort avez justement souligné la réforme des sanctions qu'opère la loi. Je partage avec vous, monsieur le sénateur, l'idée qu'il est nécessaire d'offrir une seconde chance aux chefs d'entreprise. A cet égard, j'ai été sensible au fait que nombre d'entre vous ont relevé les qualités des hommes et des femmes qui dirigent les entreprises. Ce n'est pas être malhonnête ou incompétent que de connaître parfois des difficultés, il suffit simplement d'être malchanceux.
Ce dispositif ne sera performant que s'il est bien connu, nous allons nous employer à le faire connaître.
Monsieur Gautier, vous avez critiqué la réforme, estimant qu'elle était trop favorable aux entrepreneurs. Mais pourra-t-on un jour, en France, cesser d'opérer cette fausse distinction entre l'entreprise, l'entrepreneur, les salariés, le produit ? S'il n'y avait pas de produit, il n'y aurait pas d'entreprise ; s'il n'y avait pas de salariés, il n'y aurait pas d'entreprise ; s'il n'y avait pas d'entrepreneurs, il n'y aurait pas d'entreprise. Et s'il n'y a pas d'entreprise, il n'y a rien de tout cela !
Dire que cette réforme est trop favorable à l'un, c'est se tromper de question. En effet, si l'on sauve l'entreprise, on sauve tout, y compris le personnel. Et si, sous l'empire de la loi de 1985, on a abouti à 95 % d'échecs, c'est que toute la philosophie du texte de M. Badinter était dans la priorité accordée à la sauvegarde des salariés. Voilà comment on arrive à vingt ans d'échecs !
Aujourd'hui, nous faisons amende honorable, certes bien tardivement. Mais, en France, on a besoin de temps pour comprendre. En l'occurrence, il était temps de cesser de se demander si l'on commençait par les uns ou par les autres, pour enfin réaliser que, en sauvant l'ensemble des acteurs de l'entreprise, on a une grande chance de sauver les salariés.
Monsieur le sénateur, vous méconnaissez la diversité du monde économique, les intérêts des entreprises et ceux des banques, qui sont souvent contradictoires.
De plus, il est inexact de dire que ce texte permet une dérégulation sociale. Il a même été critiqué par ceux qui appelaient à un assouplissement du droit de licenciement en sauvegarde, j'en ai parlé tout à l'heure en répondant à Mme Mathon.
Enfin, il est faux d'affirmer que l'argent frais apporté en conciliation serait remboursé le cas échéant avant les salaires : le superprivilège n'existe que pour les salaires, qui passent avant l'argent frais. Viennent donc d'abord les salaires et ensuite l'argent frais, avant le fisc et avant les ASSEDIC.
Si vous critiquez cet ordre, allez dans votre département, monsieur Gautier, réunissez des chefs d'entreprise et osez leur dire que l'argent frais doit être payé après le fisc, après les ASSEDIC : vous verrez leur réponse.
Autrement dit, ce discours, monsieur le sénateur, vous ne pourriez pas le tenir dans votre département !