Mais la véritable cause de cette frilosité réside surtout dans le fait que les chefs d'entreprise français n'ont absolument pas confiance dans la justice commerciale de leur pays.
Or, vous l'avez bien dit, monsieur le garde des sceaux, 150 000 emplois sont perdus chaque année de la sorte. Il est donc urgent de se pencher sur cette question et de voir dans quelle mesure nous pourrions sauver, au moins en partie, ces emplois.
Je me dois ici de faire un constat grave : le fonctionnement des tribunaux de commerce contrevient gravement aux principes d'impartialité et d'indépendance énoncés à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La justice commerciale est d'autant plus inéquitable que ses juges ne sont pas toujours des professionnels compétents et ne peuvent pas non plus se consacrer pleinement à leurs fonctions juridictionnelles, dans la mesure où ils doivent consacrer une partie importante de leur temps à gérer leur propre entreprise. Ainsi la justice commerciale française mêle-t-elle élection et cooptation, deux principes radicalement contraires à notre culture juridique.
Quant aux administrateurs judiciaires, ils sont au nombre de 140, ce qui est peu pour gérer 20 000 ou 30 000 cas. Chaque administrateur judiciaire peut-il sérieusement traiter quelque 150 à 200 dossiers ? On peut se le demander. Et, de fait, ils ne font pas toujours leur travail efficacement, travail qui consiste, je le rappelle, à gérer au mieux et à remettre sur pied l'entreprise, « comme s'ils étaient eux-mêmes chefs d'entreprise » - ce sont, je crois, vos propres termes, monsieur le garde des sceaux.