Intervention de Pierre Bernard-Reymond

Réunion du 4 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — Immigration asile et intégration

Photo de Pierre Bernard-ReymondPierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, la France a désormais une politique claire en matière d’immigration, d’asile et d’intégration.

Cette politique est beaucoup plus équilibrée que ne le laisserait croire la chronique médiatique. Elle est partagée par nos partenaires européens. Elle est réaliste et généreuse, ferme et ouverte.

Notre politique est réaliste parce qu’aucun pays soucieux de bien accueillir ne peut recevoir indistinctement tout le monde.

Notre politique est ferme parce qu’un pays démocratique qui demande à ses ressortissants de respecter les lois ne peut s’exonérer de l’obligation de les faire respecter aussi par ceux qui s’introduisent illégalement sur son territoire.

Notre politique est généreuse parce que notre pays est attaché à ses traditions d’accueil : une carte de réfugié sur 3, 5 délivrées dans les pays de l’Union européenne est accordée par la France.

Notre politique est ouverte par sa volonté d’aider à la meilleure intégration possible de ceux que nous accueillons, ouverte également par le dialogue entretenu et les accords passés avec les pays d’origine.

Bref, nous voulons être en mesure d’offrir un accueil de qualité à ceux que nous pouvons accueillir.

En très peu de temps – son administration a été créée voilà moins d’un an –, le ministre a accompli une tâche importante.

À titre personnel, je retiens la réussite de la présidence française de l’Union européenne dans ce domaine.

Une fraction de notre opinion publique a été prompte à considérer que la politique du Gouvernement en la matière constituait une exception française critiquable. Force lui est aujourd’hui de constater que cette politique est à présent partagée par les vingt-six autres États de l’Union.

Le pacte européen sur l’immigration, préparé à Cannes et conclu à Bruxelles, la politique d’intégration, entérinée à Vichy, l’établissement des bases d’une politique contractualisée avec les pays d’origine, réalisé à Paris et d’ores et déjà concrétisé par la signature de sept accords, constituent désormais les fondements de la politique européenne d’immigration, d’intégration et de coopération pour la prochaine décennie.

Un deuxième élément de satisfaction tient à la mise en place rapide et efficace du nouveau ministère.

Il s’agit d’une administration d’état-major qui ne compte que 613 agents, dont la moitié sont en province et qui proviennent d’administrations différentes, dotées chacune de cultures administratives particulières. De ce point de vue, le regroupement à coûts maîtrisés, qui mettra fin à la répartition des fonctionnaires en six sites parisiens différents, contribuera à une meilleure intégration.

Ce ministère travaille par délégation avec deux agences partenaires : l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations, l’ANAEM, et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, dont la première, jusqu’ici, s’autofinance et dont la seconde est subventionnée.

Par ailleurs, ce ministère est en relation étroite avec neuf autres ministères du fait de la nature des problèmes qu’il doit gérer, qui ont souvent une dimension nationale et internationale, administrative et judiciaire. Cela ajoute encore à la complexité et à la difficulté.

Bien que les résultats chiffrés ne représentent qu’une partie d’un bilan, ceux qui ont été obtenus après quelques mois d’action sont significatifs.

L’augmentation de 20, 6 % du nombre de visas de long séjour accordés pour motif professionnel est un premier pas positif dans le sens du développement de cette immigration de travail auquel notre commission des finances a consacré un récent rapport.

Un tiers des 21 236 étrangers reconduits à la frontière depuis le début de l’année l’ont été volontairement.

On constate une augmentation de 400 % en un an des diplômes initiaux de langue française.

Par ailleurs, sept accords ont été signés avec des pays d’émigration. Ils devraient être prochainement ratifiés par le Parlement.

Voilà autant de signes tangibles du résultat de l’action du ministre.

J’y ajouterai l’intégration de la Cour nationale du droit d’asile au Conseil d’État ; elle réjouira tous ceux qui sont attachés à la séparation des pouvoirs.

Cette réforme doit évidemment conduire à une amélioration des délais de jugement. Une bonne justice en matière d’asile ne saurait être une justice lente.

M. Hortefeux n’est donc pas uniquement le ministre des centres de rétention, comme on serait tenté de le croire en feuilletant la revue de presse qui concerne ce ministère.

Plus la gestion de ces centres sera irréprochable, plus ceux qui critiquent leur fonctionnement, souvent pour dissimuler leur hostilité de fond au principe même du retour, seront obligés de se dévoiler et d’argumenter.

Je ne peux donc qu’encourager le ministre à améliorer encore la gestion de ces centres, en quantité et en qualité.

J’en viens maintenant aux aspects proprement budgétaires du débat. Je formulerai quatre observations.

Premièrement, les crédits que la France consacre à sa politique de l’intégration et de l’immigration représenteront 2, 6 milliards d’euros en 2009, dont 20 % seront directement gérés par ce ministère ; son rôle de coordination sera donc très important.

Lorsque le budget du ministère de l’immigration consacre 513 millions d’euros à sa politique, on recense 490 millions d’euros prévus au titre de l’aide médicale d’État, gérés par le ministère de la santé.

Deuxièmement, au sein du ministère, le premier budget est celui de l’asile, qui représente 53 % des crédits contre, par exemple, 16 % pour la lutte contre l’immigration irrégulière.

L’importance de l’asile explique que le budget de l’immigration soit très sensible à la variation du nombre de demandeurs du statut de réfugié. Or celle-ci devrait progresser en 2008 de l’ordre de 15 %.

Par ailleurs, les délais devant la Cour nationale du droit d’asile augmentent : ils sont passés de 357 jours à 415 jours en 2008.

Ces deux évolutions ont des conséquences majeures sur la dépense destinée à l’hébergement des demandeurs d’asile.

Si la demande d’asile se stabilisait en 2009 à son niveau de 2008, le besoin complémentaire serait de l’ordre de 45 millions d’euros par rapport au présent projet de loi de finances. Si cette demande progressait encore de 10 % en 2009, le besoin complémentaire serait de l’ordre de 56 millions d’euros.

Il y a donc, pour l’exercice 2009, un besoin de crédits complémentaires qui aurait pu donner lieu à un amendement au projet de loi de finances, conformément au principe de sincérité posé par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Troisièmement, toute politique a un coût, et c’est le rôle de la comptabilité analytique de l’évaluer.

Or la connaissance des coûts est encore imparfaite, par exemple en ce qui concerne les reconduites à la frontière. Notre commission des finances a tenté une première estimation, qui nous donne un ordre de grandeur et qui sera complétée par une analyse de la Cour des comptes, précédemment demandée par la commission des finances.

Cette première estimation présente deux vertus.

Elle permet d’abord de justifier tout l’effort consacré par le ministère de l’immigration aux retours volontaires. Les significatives aides financières au retour accordées aux migrants en situation irrégulière sont de l’intérêt bien compris de l’État comme des personnes concernées.

Cette évaluation invite par ailleurs à réformer les conditions de la rétention administrative, en transférant la gestion des centres de rétention à une entité unique, la police aux frontières.

Enfin, une large part de l’action menée en matière d’intégration est mise en œuvre par un opérateur de l’État, l’ANAEM. Les exigences de notre commission des finances en ce qui concerne les opérateurs sont simples : les documents budgétaires qui nous sont présentés doivent permettre au Parlement de constater la nécessité de verser à ces opérateurs une subvention pour charge de service public ou de relever les taxes qui leur sont affectées. La transformation de l’Agence, qui est prévue, devrait permettre d’améliorer la qualité de la prévision budgétaire en cette matière.

En conclusion, poursuivre l’organisation et l’intégration du ministère, réussir la fusion de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSé, passer un contrat d’objectifs avec le nouvel organisme, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, accorder une plus large place à l’immigration professionnelle, développer encore notre politique d’intégration, encourager les retours volontaires en nous donnant, dans ce domaine également, des objectifs chiffrés, améliorer le fonctionnement des centres de rétention, rester fidèles à nos traditions d’accueil des réfugiés et des immigrés – je salue à ce titre le prix Goncourt du réfugié afghan Atiq Rahimi §comme je salue la nomination du préfet Pierre N’Gahane dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, voisin du mien –, réduire les délais d’examen des demandes d’asile, poursuivre notre action d’impulsion au niveau européen au-delà de la présidence française, élargir le nombre de pays d’origine avec lesquels nous souhaitons conclure des accords : voilà, me semble-t-il, des perspectives susceptibles de doter notre pays, dans la ligne de ce qui a déjà été réalisé, d’une politique d’immigration, d’asile, d’intégration et de coopération conforme aux traditions d’accueil de la France, respectueuse du droit international, des droits de l’homme et de la dignité humaine.

En conclusion, et sous le bénéfice des amendements que je vous présenterai, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion