Intervention de Dominique Braye

Réunion du 4 décembre 2008 à 22h00
Loi de finances pour 2009 — Article 82

Photo de Dominique BrayeDominique Braye :

Je présente cet amendement tendant à la suppression de l’article 82 à la demande de plusieurs de nos collègues, tous élus de terrain dans des villes ayant des quartiers défavorisés et bénéficiant du dispositif ZFU depuis 1997, date de sa création. Je pense notamment à notre collègue Jean-Claude Gaudin, qui, en plus d’être vice-président du Sénat, conduit les destinées de la seule ville de France, à ma connaissance, à avoir deux zones franches urbaines.

Tous ces collègues ont un point commun. Ils partagent totalement la volonté du Gouvernement de réformer notre pays en profondeur, et rapidement, et de diminuer la dépense publique.

Pour autant, ces élus estiment également que, si des économies sont nécessaires, elles ne doivent pas être réalisées n’importe comment. Comme vient de le rappeler mon collègue et ami Pierre André, il ne faut pas choisir des économies qui entraîneraient des dépenses beaucoup plus importantes, sans compter les conséquences sociales et humaines dramatiques qui en résulteraient obligatoirement.

Quel est l’objet de l’article 82 ? Tout simplement de revenir sur le régime des exonérations dont bénéficient les petites entreprises installées dans les soixante-dix-neuf zones franches urbaines créées depuis 1997, et ce en reniant les promesses et les engagements de l’État vis-à-vis des jeunes entreprises concernées, qui sont les plus fragiles, car elles sont installées dans les quartiers les plus défavorisés de notre pays.

Je voudrais simplement rappeler quelques chiffres, en prenant deux villes en exemple.

D’une part, j’évoquerai le cas de Marseille, la ville de notre collègue Jean-Claude Gaudin, qui était – Pierre André l’a rappelé – ministre de l’aménagement du territoire, de la ville et de l’intégration en 1996 et, à ce titre, à l’origine des zones franches urbaines.

D’autre part, et vous le comprendrez bien, madame la ministre, car cette ville vous est également chère, en tant que première vice-présidente du conseil général des Yvelines, je mentionnerai également Mantes-la-Jolie. Cette ville, au centre de la communauté d’agglomération que j’ai l’honneur et le plaisir de présider, a sur son territoire la plus grande ZUP de France.

Mes chers collègues, entre 1997 et 2007, le dispositif zones franches urbaines a permis de créer 2 797 entreprises et près de 13 000 emplois à Marseille. À Mantes-la-Jolie, en dix ans, cette politique a permis la création de 211 entreprises et de près de 1 200 emplois privés.

Dans des quartiers défavorisés où le taux de chômage est le double, voire le triple, de la moyenne départementale et où le chômage des jeunes atteint parfois 40 %, de tels chiffres sont tout à fait considérables. Mais là n’est peut-être pas le plus important.

Le plus important, c’est peut-être que le retour de l’activité à l’intérieur de ces quartiers a permis de rétablir une certaine normalité. Ainsi, un commerçant du Val-Fourré m’a confié revoir enfin dans son quartier ce qui avait disparu depuis dix ans : des hommes avec une cravate et un attaché-case !

Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous poser quelques questions. Naturellement, ce n’est pas vous personnellement que j’interpelle : je connais votre fibre sociale à toutes les deux. Mais je sais aussi les contraintes qui s’imposent souvent aux ministres. À travers vous, c’est donc le Gouvernement que je souhaite placer en face de ses responsabilités.

Avez-vous pensé, en nous proposant la disparition des exonérations accordées aux entreprises installées dans les ZFU, au nombre d’entreprises que vous allez faire disparaître, et ce en revenant sur la parole donnée par l’État à ces jeunes chefs d’entreprise ? Est-ce ce message que vous voulez lancer à ces quartiers encore extrêmement fragiles, qui commencent aujourd'hui à être cruellement touchés par la crise économique actuelle ?

Avez-vous simplement pensé à la responsabilité qui serait la vôtre si vous allumiez l’étincelle qui enflammera une nouvelle fois ces quartiers ? Nous le sentons bien, en raison de la crise économique, la situation y est déjà très tendue.

D’ailleurs, votre proposition est-elle cohérente avec le discours du chef de l’État, qui affirme vouloir tout faire pour aider les PME et les PMI ?

Avez-vous oublié les efforts déployés en 1996 par le gouvernement de l’époque auprès des instances européennes pour faire accepter un dispositif aujourd'hui plébiscité par tous les élus qui l’ont mis en place, car il a changé la vie des quartiers ?

Avez-vous tout simplement évalué le coût d’une telle décision pour notre pays ? En voulant économiser 100 millions d’euros, vous allez provoquer des faillites d’entreprises en cascade, des drames humains et sociaux dont nos quartiers sensibles n’ont nullement besoin en ce moment. Comme l’a souligné Pierre André, le coût qui en résultera sera sans commune mesure avec la petite économie que vous souhaitez réaliser.

Au moment où le Président de la République vient d’annoncer son plan de relance de l’économie, est-il cohérent et utile de supprimer des mesures qui ont fait la preuve de leur efficacité et de prendre des décisions qui vont faire mourir nombre de jeunes entreprises ?

Et puis est-il de bon sens de supprimer un dispositif alors qu’une enquête est lancée par la délégation interministérielle à la ville sur l’évaluation des résultats des zones franches urbaines ? Certes, ce n’est pas la première fois qu’on prendra une décision sans connaître les conclusions des rapports réalisés sur le sujet…

Mes chers collègues, notre responsabilité, ce soir, est grande. Comme je le disais au début de mon propos, si nous devons aider le Gouvernement dans sa volonté de réformer notre pays et diminuer la dépense publique, nous ne devons pas suivre ses propositions quand il est aussi évident que la voie n’est pas la bonne.

Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, je crois qu’il est très important de supprimer cet article 82, et je vous fais totalement confiance pour que, d’ici à la commission mixte paritaire, dans le cadre du plan de relance annoncé par le Président de la République aujourd'hui même à Douai, vous trouviez la solution qui permette de respecter la parole de l'État et de soutenir les petites et moyennes entreprises les plus fragiles situées dans les zones franches urbaines des quartiers sensibles de notre pays.

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