L’annonce était fantastique ! Inscrire l’existence de cette institution dans la Constitution était sans doute une condition nécessaire, mais, à l’évidence, celle-ci était loin d’être suffisante.
Dès le début, nous avons souligné un certain nombre de problèmes, liés notamment à la nomination, au périmètre des fonctions et aux modes d’intervention, qui restent flous, du futur Défenseur. Il a fallu d'ailleurs un certain temps pour en décider.
Ensuite, comme le soulignait à l’instant M. Mézard, dont je partage ici le point de vue, il régnait une confusion entre le contrôle et la médiation, et, à l’évidence, c’est surtout de cette dernière qu’il était question.
La nomination du Défenseur par le Président de la République, je le répète, sonnait comme une reprise en mains des autorités administratives indépendantes qui, de fait, devaient être supprimées, même si vos prédécesseurs ont pendant un certain temps laissé planer des doutes à ce sujet.
Depuis lors, nos inquiétudes et notre opposition n’ont pas diminué. Au contraire, elles n’ont fait que croître.
À l’évidence, l’ensemble du processus législatif avait un seul fil conducteur : faire du Défenseur des droits une autorité unique, dotée de pouvoirs discrétionnaires et habilitée directement par le Président de la République.
Chers collègues de la majorité, vous avez décidé la suppression du Défenseur des enfants. C’est une première en Europe, où, à l’inverse, des défenseurs des enfants sont de plus en plus souvent établis – j’insiste sur ce terme, car les modes de nomination sont divers – alors même qu’il existe déjà d’autres institutions protégeant les droits. En effet, la spécificité des enfants est de plus en plus reconnue.
De même, vous avez décidé la suppression de la CNDS, ce que son président, M. Beauvois, qui n’est pourtant pas suspect d’extrémisme, a dénoncé comme une « régression ». Il a raison bien sûr, puisque l’on va s’efforcer de mettre des freins à l’action de la CNDS.
Or vous n’avez pas même requis l’avis des responsables de ces autorités, ni celui de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui était pourtant directement concernée. A fortiori, vous ne les avez pas entendus. Et comme si cela ne suffisait pas, sans prendre le temps du débat, notre rapporteur a fait voter la disparition de la HALDE, avec l’approbation du Gouvernement.
Cette décision a suscité l’opposition de collectifs antiracistes, de syndicats, d’associations de handicapés. Monsieur le garde des sceaux, vous venez comme moi de recevoir un courrier de la présidente du comité consultatif de la HALDE, Mme Marie-Thérèse Lanquetin. Elle souligne, et je partage ce point de vue, que le projet de loi, en l’état, « ne peut que jeter la suspicion sur ce qui est présenté comme une avancée dans la lutte contre les discriminations ».
Voilà deux jours, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars, la HALDE, qui, jusqu’à présent, existe encore, formulait des recommandations pour lutter contre les discriminations envers les femmes. Avec sa suppression, ces préconisations auront-elles un avenir ? On peut en douter ! En effet, ceux qui se préoccupent des libertés se battent depuis longtemps contre les discriminations à l’égard des femmes, et, à l’évidence, ce phénomène semble difficile à endiguer.
En revanche, la suppression de la HALDE a trouvé un « supporter » en la personne de M. Éric Zemmour, condamné pour provocation à la haine raciale et pourtant reçu avec bienveillance à l’Assemblée nationale par les députés de l’UMP. Il vous a même donné un conseil : « Vous avez supprimé la HALDE. Continuez, et supprimez l’action pénale pour les associations antiracistes, et même leurs subventions ! »