Intervention de Pierre Fauchon

Réunion du 10 juin 2008 à 16h15
Adaptation du droit pénal à l'institution de la cour pénale internationale — Adoption d'un projet de loi

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui traite d’un sujet qui s’intègre dans une réflexion générale sur la construction d’un nouvel ordre mondial. En effet, le processus d’évolution des sociétés contemporaines, ce que nous dénommons « mondialisation », dépasse de plus en plus les cadres nationaux, voire continentaux.

Dans cette perspective, nous devons nous poser la question de ce que nous souhaitons. Quelle organisation mondiale voulons-nous construire, sur quels principes et sur quelles valeurs, sur quel fondement et sur quelle légitimité ? Faute de quoi nous nous abandonnerions à une mondialisation anarchique, grosse de bien des dangers.

Bien entendu, cette question ne se pose pas dans tous les domaines, mais je pense par exemple à l’environnement, au commerce, au transport, à la pêche, aux migrations et à tant d’autres sujets pour lesquels nous nous apercevons que les cadres nationaux ou continentaux ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Il m’apparaît que le droit pénal international fait également partie de ces domaines qui s’inscrivent dans une réflexion générale sur les caractères, disons-le, d’une civilisation mondiale à construire.

La question de la justice pénale internationale est très importante, car elle nous conduit à réfléchir sur la pertinence de certaines des règles juridiques traditionnelles auxquelles nous sommes mentalement habitués. En la matière, le droit communautaire apporte quelques enseignements utiles, mais le contexte de la Cour pénale internationale n’est pas le même : il se situe davantage sur le terrain de ce que l’on nomme communément la coopération « conventionnelle », ce qui implique une approche différente.

Cette justice d’une dimension nouvelle nous oblige donc à confronter les nouveaux principes d’une justice internationale avec ceux qui régissent notre droit pénal traditionnel et, je n’hésite pas à le dire, qui le font craquer ici ou là. Car qui dit structure mondiale nouvelle dit rupture avec certains des principes actuels de notre droit ; c’est adhérer à des constructions juridiques qui échappent aux conceptions nationales pour s’adapter à la mondialisation.

L’adhésion à des schémas nouveaux se fait petit à petit en signant des conventions et en procédant à des adaptations qui obligent à inscrire dans notre ordonnancement juridique des termes qui sont parfois nouveaux. C’est tout l’intérêt d’aborder un tel sujet, qui nous impose une réflexion profonde et novatrice.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui appelle ce type d’exercice. Il tente de faire coïncider les notions de la convention avec nos notions juridiques.

C’est le deuxième texte de nature législative. Cette fois-ci, il s’agit essentiellement de permettre d’intégrer les incriminations prévues par la convention ne figurant pas dans le code pénal, en particulier celles qui concernent les crimes de guerre. Par ailleurs, il est proposé d’incriminer l’incitation directe publique à commettre un génocide et de retenir la qualification de complicité d’un crime contre l’humanité.

Au-delà de ces mesures, quelques questions se sont vite imposées. En effet, l’adaptation de notre droit à la convention de Rome impose de confronter quelques-uns de nos principes fondateurs avec ceux d’une justice internationale. Il en est ainsi de la compétence dite un peu abusivement « universelle », des prescriptions, questions qui ont été évoquées tout à l’heure par Robert Badinter, ou encore de l’harmonisation des définitions nationale et internationale des crimes.

Je m’attarderai sur deux points particuliers, qui feront l’objet d’amendements présentés par mon collègue François Zocchetto et moi-même : il s’agit de la « compétence universelle » des tribunaux nationaux et de la définition dans le code pénal des crimes contre l’humanité et des génocides.

En ce qui concerne la compétence dite universelle, qui est le principal point de difficulté, je rappelle qu’il s’agit de permettre à des juges nationaux de réprimer des infractions commises par des particuliers en dehors du territoire de la République alors que ni le criminel ni la victime ne sont des ressortissants français. C’est évidemment tout à fait novateur.

Cette question soulève d’importantes difficultés, notamment celles concernant le respect de la souveraineté des États. L’affaire qui a opposé la Belgique et la République démocratique du Congo en est l’exemple caractéristique.

J’ai souhaité soutenir cette position et intervenir dans le débat pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, dans notre code de procédure pénale, sont déjà prévus quelques cas de compétence extraterritoriale des tribunaux français : il s’agit, notamment, des crimes de terrorisme et des crimes de torture.

La question est donc simple : pourquoi ne pas prévoir cette possibilité pour les crimes visés par la convention de Rome, qui sont, qui plus est, les plus graves et les plus inhumains, à savoir les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ?

Comme l’a rappelé M. Bruno Cotte lors de son audition par la commission, le préambule du statut dispose : « Il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ».

Certes, M. le rapporteur l’a souligné – notre excellent rapporteur, aurais-je dû dire

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