Intervention de Robert Badinter

Réunion du 10 juin 2008 à 16h15
Adaptation du droit pénal à l'institution de la cour pénale internationale — Article additionnel avant l'article 1er ou avant l'article 2

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Il est hors de question de retirer cet amendement.

Encore une fois, l’objectif commun, c’est de lutter le plus efficacement possible contre l’impunité des criminels contre l’humanité.

À l’article 7 du statut de Rome - car c’est cela, d’abord, dont il est question ici -, on peut lire : « Aux fins du présent statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque ». C’est aussi clair que possible ! Dans cette définition, ne figure pas l’exigence d’un plan concerté.

Sans revenir sur les années de discussions qui ont précédé l’élaboration du nouveau code pénal, je souligne quand même, pour avoir présidé à la Chancellerie la commission de révision du code pénal, que, si a été ajoutée, en cours de travaux parlementaires, la notion de plan concerté, c’est parce que cela permettait de distinguer entre les crimes contre l’humanité commis par les nazis et de rattacher, en ce qui concerne les Français, la notion de complicité.

Dans le code pénal, sont évoquées « la déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d’actes inhumains - tout ce qui est visé évidemment dans le statut de Rome – inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux - cela va de soi – et organisées en exécution d’un plan concerté… »

On n’a pas besoin de prévoir d’autres exigences que celles qui figurent dans le statut pour poursuivre ces criminels. En ajoutant cette condition de preuve, vous facilitez la tâche aux criminels : ils diront qu’ils étaient inspirés par une idéologie, ou tout autre motif, et qu’ils voulaient tuer telle ethnie, sans que, pour cela, il y ait eu un plan concerté et sans, surtout, que l’on soit capable d’en apporter la preuve.

Pourquoi en fait-on une condition ? J’avoue ne pas pouvoir vous suivre dans cette démarche. D’ailleurs, le doyen Patrice Gélard a, au cours des auditions, entendu à cet égard bien des opinions et il sait comme moi que nous entravons notre propre lutte.

Donc, je maintiens cet amendement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion