Intervention de Robert Badinter

Réunion du 10 juin 2008 à 16h15
Adaptation du droit pénal à l'institution de la cour pénale internationale — Article 7

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Je comprends le désir, légitime, des auteurs des deux amendements d’aligner le texte sur le statut de Rome, et nous-mêmes avons d’ailleurs déposé plusieurs amendements à cet effet.

Cependant, je tiens à le dire hautement et clairement dans cet hémicycle : je considérerai toute ma vie le crime contre l’humanité comme étant, de tous les crimes, le pire, et comme appartenant à une espèce particulière, qui est simplement la négation de l’humanité chez les victimes.

Rappelons-nous ce que signifie le génocide. Au cours du procès Barbie, qui a permis l’audition de tant de victimes, mais aussi de personnalités qui avaient eu l’occasion de mesurer ce qu’était la réalité du génocide, André Frossard, grand écrivain catholique, a dit que ce qui caractérise le crime contre l’humanité, c’est qu’il est, pour la victime, le crime d’être né ; on doit mourir parce que l’on est né appartenant à telle ethnie, ou de parents pratiquant telle religion.

À ce titre, le crime contre l’humanité est en effet la négation de la personne humaine. Qu’il soit imprescriptible, c’est-à-dire qu’il puisse être poursuivi aussi longtemps que vit l’auteur du crime, est légitime. Aucun autre crime ne peut se rapprocher de celui-là par ce qu’il implique, je le répète, de négation de la personne humaine.

C’est la raison pour laquelle, jusqu’à présent, le droit français n’a considéré comme imprescriptible que le crime contre l’humanité.

Je rejoins ce qu’a dit Mme la garde des sceaux : pour autant, si la Cour pénale internationale le désire, elle pourra poursuivre après trente ans les auteurs de crimes de guerre ; mais elle seule le pourra alors.

Sur ce point, notre position doit demeurer constante : il y a le crime contre l’humanité, et il y a les autres crimes. Cela étant, on a bien fait d’allonger la prescription et je fais mienne, à cet égard, la position prise par la commission des lois ce matin.

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