Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 10 juin 2008 à 16h15
Adaptation du droit pénal à l'institution de la cour pénale internationale — Article 7

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

La question soulevée est tout à fait d’actualité, compte tenu de l’évolution des conceptions de la défense préventive.

L’article 462-11 vise à exclure du champ des crimes ou des délits de guerre l’utilisation par notre pays, en cas de légitime défense, de sa force de frappe nucléaire ou de toute autre arme dont l’utilisation n’est pas prohibée par une convention internationale que nous avons signée.

À mes yeux, l’introduction de cette disposition permet d’invoquer la légitime défense pour constituer un principe absolu d’immunité pénale, et ce quelle que soit la nature de l’arme utilisée.

Nous sommes fortement opposés à cette disposition, pour deux raisons.

La première est une raison de forme.

En effet, comme l’avait à juste titre relevé la Commission nationale consultative des droits de l’homme, autorité incontestée en la matière, cette disposition risque d’introduire une confusion des genres entre les cas dans lesquels il serait admis de recourir aux armes nucléaires et les comportements interdits pendant un conflit. La distinction bien connue des juristes entre le jus ad bellum et le jus in bellum pourrait ainsi s’estomper.

La seconde raison concerne le fond.

Comment définir avec précision la légitime défense alors que notre doctrine d’emploi de l’arme nucléaire évolue depuis quelques années ? Celle-ci reposait, en effet, sur la notion de dissuasion dite « du fort au faible », qui sous-entendait que l’on n’ait pas à se servir de ce type d’arme.

Cependant, en janvier 2006, dans un discours prononcé à Brest, le Président de la République de l’époque, Jacques Chirac, avait modifié les hypothèses d’emploi des armes nucléaires en élargissant la définition des « intérêts vitaux » du pays et en autorisant l’utilisation de ces armes sur les « centres de pouvoir » d’États liés à des mouvements terroristes.

Ces orientations ont été confirmées, depuis, par l’actuel chef de l’État. Dans ces conditions, la notion de légitime défense change de signification.

Pour cet ensemble de raisons, je vous demande d’adopter cet amendement, ce qui empêcherait que la légitime défense ne soit considérée comme un principe absolu d’immunité pénale.

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