Intervention de Robert Badinter

Réunion du 10 juin 2008 à 16h15
Adaptation du droit pénal à l'institution de la cour pénale internationale — Articles additionnels après l'article 7, amendements 62 61

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Je ne fais rien d’autre que de reprendre les termes mêmes de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour prévoir que, si la Cour pénale internationale ou un autre État, l’État national, a été saisi de la situation, alors la France n’a bien entendu pas à exercer sa compétence, et cela pour une raison simple : l’existence en effet de la Cour pénale internationale. Mais l’obligation d’arrêter les auteurs, de les poursuivre et de les juger est, dans ce cas-là, inscrite dans la Convention.

Or conserver la condition de résidence habituelle signifie, je demande à chacun de le mesurer, que nous ne nous reconnaissons compétents pour arrêter, poursuivre et juger les criminels contre l’humanité, c'est-à-dire les pires qui soient, que s’ils ont eu l’imprudence de résider de façon quasi permanente sur le territoire français. Autrement dit, nous considérons que le simple fait, pour l’auteur de tortures, de se trouver sur le territoire français justifie la compétence de la juridiction française, sous réserve de la Cour pénale internationale, mais que son « patron », en quelque sorte, son supérieur hiérarchique, celui qui a déclenché la vague de tortures et d’assassinats, devrait, lui, pour être inquiété, s’être établi de façon habituelle sur le territoire français !

Disons-le brutalement, cela reviendrait à traiter mieux le criminel contre l’humanité que l’auteur des tortures !

Pouvons-nous accepter cela ? Bien évidemment non ! Voilà la raison pour laquelle, ce matin, la commission des lois, au sein de laquelle l’opposition n’était par définition pas majoritaire, a accepté ce sous-amendement n° 62. Pour le reste, je me rallie à l’amendement n° 61 de la commission des lois.

Au demeurant, si je souhaite remplacer les mots « réside habituellement » par les mots « se trouve », c’est que, ce faisant, je reprends l’expression qui figure, mes chers collègues, dans toutes les conventions internationales dont l’objet est de permettre la répression de crimes si graves qu’ils sont insupportables à la conscience internationale. Ces conventions, la France les a ratifiées. Vous ne pouvez tout de même pas faire une exception, je dirais même une faveur, pour les criminels contre l’humanité après toutes les positions que nous avons prises et que nous allons encore prendre en matière de disparition forcée !

Nous n’avons pas à avoir de complaisance à l’égard de ces criminels. Non, nous n’avons pas à traiter Himmler mieux que Barbie !

Voilà le motif du dépôt de ce sous-amendement et voilà la raison pour laquelle la commission des lois, dans sa majorité, a confirmé ce matin qu’il fallait s’aligner sur ce qui s’est toujours fait dans les conventions de cet ordre et non réserver un sort privilégié, car ce serait bien un sort privilégié, aux criminels contre l’humanité !

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