Intervention de Robert Badinter

Réunion du 10 juin 2008 à 16h15
Adaptation du droit pénal à l'institution de la cour pénale internationale — Articles additionnels après l'article 7

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

C’est la condition qui figure dans le texte de cet amendement, alors même que toutes les conventions, pour des incriminations moindres, et l’article 689-1 du code de procédure pénale lui-même retiennent l’autre formule, à savoir que la personne « se trouve » sur le territoire français.

Cela signifie, concrètement, que, si l’auteur de tortures est présent sur le territoire français, il peut être arrêté, poursuivi, éventuellement jugé par une juridiction française, sauf si sa juridiction nationale le réclame. En revanche, s’il s’agit d’un criminel contre l’humanité, nous ne pourrons l’arrêter et le poursuivre qu’à la condition qu’il soit établi de manière habituelle en France. Sa simple présence sur notre territoire ne suffira pas. C’est une grande imprudence !

Quant à savoir si le criminel en transit à l’intérieur d’un aéroport « se trouve » ou non sur le territoire français, c’est à la Cour de cassation d’interpréter, mais, à cet instant, vous n’allez pas, je l’espère, traiter l’auteur de crimes contre l’humanité de passage en France plus favorablement que l’auteur de tortures !

Nous nous devons de rester fidèles à la politique pénale que nous avons définie tout au long des conventions que nous avons ratifiées concernant les crimes internationaux et de ne pas accorder un avantage aux criminels contre l’humanité.

Je rappelle l’engagement solennel que nous avons pris, qui est inscrit dans le préambule du statut de Rome : « Les États parties au présent statut, […] Déterminés à mettre un terme à l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir à la prévention de nouveaux crimes, Rappelant qu’il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux… » Cela n’a rien à voir avec la compétence universelle : ce texte s’inscrit dans le cadre de la Convention.

Enfin, permettez-moi de relire le dernier point du préambule : « Soulignant que la Cour pénale internationale dont le présent Statut porte création est complémentaire des juridictions pénales nationales ». J’y insiste : elle est seulement complémentaire des juridictions pénales nationales.

Les choses sont donc claires : nous sommes devant un choix moral d’une importance extrême. Nous avons le devoir de juger ces criminels, tout en reconnaissant la compétence de la Cour pénale internationale, si celle-ci s’exerce.

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