Intervention de Éric Woerth

Réunion du 31 mars 2009 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion d'un projet de loi

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’actualité et les débats – tout à fait légitimes – sur les rémunérations des chefs d’entreprise ne doivent pas nous faire oublier la réalité du collectif budgétaire que nous vous présentons aujourd’hui, Christine Lagarde et moi-même.

Ce projet de loi est un texte de justice : il soutient les classes moyennes et modestes, il favorise l’emploi, il est crucial pour notre secteur automobile et traduit, très concrètement et très rapidement, les mesures annoncées à l’issue du sommet social convoqué par le Président de la République, le 18 février dernier.

Je voudrais profiter de cette occasion pour faire un bref point d’étape sur les mesures de relance. En effet, nous vous avons proposé de nombreuses mesures et vous avez voté plusieurs projets de loi pour que la France puisse résister au mieux à la crise. On peut donc légitimement se demander si ces mesures sont appliquées et fonctionnent convenablement. C’est bien le moindre avant d’examiner les mesures complémentaires que nous présentons aujourd’hui.

Oui, le plan de relance est en marche ! Patrick Devedjian a déjà transféré 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 1, 4 milliard d’euros de crédits de paiement aux ministères concernés. Par ailleurs, il a débloqué 1, 8 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 1, 1 milliard d’euros de crédits de paiements en faveur d’opérateurs comme l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, ou le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA. D’autres versements devraient intervenir très prochainement. Des chantiers sont d’ores et déjà engagés : une cinquantaine de projets dans une quinzaine de régions ont commencé ou commenceront dans les tout prochains jours.

Le dispositif d’anticipation des attributions au titre du Fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, a démarré sous les meilleurs auspices : au 20 mars 2009, 1 311 conventions avaient déjà été signées. Ces conventions correspondent à environ 3 milliards d’euros d’investissements prévisionnels.

S’agissant des aides fiscales, les entreprises ont déjà demandé 9, 5 milliards d’euros de remboursements, et 5, 8 milliards d’euros ont déjà été versés, dont 2, 1 milliards d’euros à des petites et moyennes entreprises. Ces aides représentent soit des créances d’impôt sur les sociétés, remboursées pour près de 5, 5 milliards d’euros – quatorze fois plus que sur la même période de 2008 –, soit des crédits de TVA à hauteur de 370 millions d’euros ; depuis février, les crédits de TVA sont désormais remboursés chaque mois et non plus chaque trimestre, si les entreprises le souhaitent.

Nous aidons aussi nos fournisseurs en réduisant tous les délais de paiement à moins de trente jours et en versant des avances de 20 %, au lieu de 5 %, à la conclusion du marché : ainsi, les avances versées en février ont doublé par rapport au même mois de 2008. Je vais par ailleurs déléguer 500 millions d’euros de crédits aux ministères pour accélérer, dès maintenant, le versement de ces avances.

Sur mon instruction enfin, les services fiscaux et les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, les URSSAF, accordent des délais de règlement aux entreprises qui éprouvent des difficultés à faire face à leurs obligations de paiement. Les demandes d’échelonnement peuvent même être formulées sans attendre la date de mise en recouvrement, précision que j’ai communiquée très récemment aux URSSAF notamment. En février 2009, les services fiscaux ont accordé plus de 5 500 plans de règlement, représentant plus de 75 millions d’euros. Les URSSAF, quant à elles, ont accordé plus de 12 300 délais de paiement. Dans les deux cas, le volume des facilités accordées par ces services a doublé par rapport à leurs pratiques antérieures. J’ai encore renforcé ces instructions la semaine dernière, à l’issue d’une table ronde avec les représentants des entreprises : ainsi, les pénalités seront systématiquement remises lorsque le plan de règlement sera respecté ; par ailleurs, une seule demande de délais pourra être adressée pour tous les services de recouvrement sociaux.

Comme Yves Jégo l’a rappelé en présentant le plan Corail, j’ai pris des mesures particulières pour octroyer des délais de paiement aux entreprises et aux particuliers de Guadeloupe et de Martinique, notamment en matière de contributions sociales et de droits de douanes.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le bilan très concret de la mise en œuvre, à ce jour, du plan de relance. Vous le voyez, nous n’avons pas perdu de temps pour, avec votre aide, adopter ces mesures ; nous n’en perdons pas non plus pour les appliquer.

Ce dernier point ne doit en effet pas être oublié dans les comparaisons entre les plans de relance des différents pays. Quand des chiffres sont avancés, il faut s’interroger sur le calendrier de mise en œuvre. Dans les plans allemands ou américains par exemple, les baisses d’impôt devraient s’étaler jusqu’en 2010. L’office budgétaire du Congrès américain estime qu’à peine 10 % des investissements annoncés par le président Obama seront réalisés dans l’année. Au Japon, les versements d’aide semblent prendre du retard. Nous nous attachons, quant à nous, à ce que les mesures de relance soient d’effet rapide, concentré en 2009, et temporaire, comme le recommande la Commission européenne.

Notre action doit aussi être replacée dans le contexte de notre système social. En France, ce système est très développé et joue à plein son rôle d’amortisseur. En septembre 2008, les pensions de quinze millions de retraités ont été revalorisées de manière anticipée de 0, 8 % ; elles le seront à nouveaux de 1 % dès demain. En novembre 2008, la prime exceptionnelle de fin d’année a été portée de 152 à 220 euros pour 1, 5 million de titulaires du revenu minimum d’insertion ou de l’allocation de solidarité spécifique. En janvier 2009, six millions de familles ont bénéficié d’une hausse de 3 % des prestations familiales, versées en février – il s’agit d’une progression sans précédent depuis longtemps ! – et 5, 7 millions de locataires ont vu leurs aides au logement progresser de 2, 95 %. En avril 2009, 3, 8 millions de ménages modestes recevront une prime de solidarité active de 200 euros, dans l’attente de la mise en place du revenu de solidarité active en juillet 2009. En avril également, une hausse de 2, 2 % de l’allocation aux adultes handicapés profitera à 820 000 personnes et une hausse similaire est prévue en septembre. Le minimum vieillesse augmentera aussi, cette année, de 6, 9 %, pour 400 000 personnes isolées.

Que ce soient des mesures de relance ou de transferts sociaux, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’actions concrètes et rapides, qui soutiennent le revenu et l’investissement, l’emploi et l’activité.

Après ce bref rappel des mesures précédentes, j’aborderai, d’un point de vue plus global, l’équilibre du collectif budgétaire et les prévisions concernant l’évolution des finances publiques.

Je ferai un très bref retour sur 2008, puisque l’INSEE a publié ce matin même sa première estimation du déficit public pour 2008. Cette estimation concorde avec notre dernière prévision à 3, 4 points de PIB. La dégradation de la conjoncture a déjà pesé sur les recettes de 2008, mais nous avons pu éviter un dérapage des dépenses : nous avons respecté la norme de progression des dépenses de l’État – c’est-à-dire zéro volume – et nous avons maîtrisé la progression des dépenses d’assurance maladie. En euros constants, la progression de la dépense a été d’à peine 1 % : elle est donc deux fois moins élevée que lors des dix dernières années, où elle s’élevait, en moyenne, à environ 2 %. Ces estimations étant globalement conformes aux prévisions de déficit pour 2008 que nous vous avions communiquées, elles ne remettent pas en cause nos prévisions pour 2009.

J’en reviens plus précisément au collectif budgétaire pour 2009. Nous proposons tout d’abord 2, 6 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en faveur des classes moyennes et modestes, et en faveur de l’emploi. Ce montant atteint même 2, 9 milliards d’euros, si l’on y ajoute les crédits en faveur de l’outre-mer que nous avons ouverts par amendement à l’Assemblée nationale, concernant notamment le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA.

Ces 2, 6 milliards d’euros sont la traduction directe des décisions du sommet social : ils aideront directement environ dix millions de ménages modestes, car tel est l’objectif prioritaire de ce collectif budgétaire. S’y ajoutent près de 7 milliards d’euros de prêts pour soutenir notre secteur automobile.

Mais ce collectif intègre aussi une profonde révision des hypothèses macroéconomiques. Par rapport au collectif de janvier, les recettes fiscales sont ainsi revues fortement à la baisse, d’environ 6, 3 milliards d’euros, pour mieux respecter la réalité.

La correction principale porte sur la TVA. La consommation en valeur a en effet été révisée de 2, 9 % en loi de finances initiale à 0, 8 % aujourd’hui, en raison notamment de la forte révision du niveau de l’inflation. D’autres éléments constituant l’assiette de la TVA sont aussi en net repli, comme l’investissement des ménages ou des entreprises.

Les recettes non fiscales sont également revues à la baisse de 1, 1 milliard d’euros, sous l’effet de la diminution des recettes attendues des participations de l’État, et ce en dépit des recettes nouvelles issues des garanties que l’État fait payer aux banques.

L’évolution du déficit budgétaire par rapport aux prévisions établies en janvier s’explique donc par la baisse des recettes, d’une part, et par les mesures prises lors du sommet social en faveur de nos compatriotes les plus exposés ainsi que du secteur automobile, d’autre part. Par rapport au collectif de janvier, le déficit budgétaire prévu pour 2009 se dégrade de 17 milliards d’euros, pour atteindre 104, 1 milliards d’euros.

Compte tenu du ralentissement de la progression de la masse salariale, le déficit de la sécurité sociale atteindrait, quant à lui, 17 milliards à 18 milliards d’euros en 2009. Au total, le déficit public s’établirait donc globalement à 5, 6 points de PIB.

Ces chiffres résument par leur niveau la gravité des difficultés économiques que nous affrontons.

Mais ce déficit budgétaire d’un peu plus de 100 milliards d'euros masque en réalité deux déficits : un déficit structurel et, surtout, ce que l’on pourrait appeler « un déficit de crise ».

Ce déficit de crise s’élève à un peu plus de 60 milliards d'euros. Il s’explique, pour une moitié, par les moins-values de recettes dues à la crise - notamment en termes d’impôt – et, pour l’autre moitié, par l’ensemble des mesures prises pour faire face à la crise, c'est-à-dire des dépenses publiques.

Ce déficit de crise est réversible : les dépenses engagées pour le plan de relance ont précisément été conçues pour ne pas être pérennes et s’éteindre à la fin de 2010 au plus tard.

Les prêts seront remboursés ; dans l’intervalle, ils produisent des intérêts. Les participations sont des actifs qui seront réalisés ; dans l’intervalle, elles rapportent des dividendes.

Enfin, on sait que, pendant une année de croissance forte, les recettes fiscales, notamment l’impôt sur les sociétés, peuvent tout à fait faire apparaître des plus-values annuelles d’une dizaine de milliards d’euros par an. C’est ce que nous avons connu dans un passé récent.

Soyons clairs : même s’il doit se résorber à moyen terme, ce déficit de crise n’est ni anodin ni bénin pour autant – nul ne le dit, et certainement pas moi -, car il alourdit la dette. Chaque dépense doit donc être ciblée sur la croissance et l’emploi, et non entraîner de la dépense courante supplémentaire.

Le déficit structurel se monte, quant à lui, à environ 40 milliards d'euros. Il provient de la stratification de dépenses publiques que vous connaissez bien et qui ne sont, malheureusement, que peu remises en cause. Il n’est pas né de la crise et ne disparaîtra pas si nous ne poursuivons pas nos efforts pour maîtriser les dépenses récurrentes.

C’est pourquoi nous poursuivons la RGPP et l’ensemble des réformes structurelles. Philippe Marini, qui suit de près – il y participait encore hier soir – les travaux du comité de suivi de la RGPP peut en témoigner.

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