Séance en hémicycle du 31 mars 2009 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (nos 297 et 306).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’actualité et les débats – tout à fait légitimes – sur les rémunérations des chefs d’entreprise ne doivent pas nous faire oublier la réalité du collectif budgétaire que nous vous présentons aujourd’hui, Christine Lagarde et moi-même.

Ce projet de loi est un texte de justice : il soutient les classes moyennes et modestes, il favorise l’emploi, il est crucial pour notre secteur automobile et traduit, très concrètement et très rapidement, les mesures annoncées à l’issue du sommet social convoqué par le Président de la République, le 18 février dernier.

Je voudrais profiter de cette occasion pour faire un bref point d’étape sur les mesures de relance. En effet, nous vous avons proposé de nombreuses mesures et vous avez voté plusieurs projets de loi pour que la France puisse résister au mieux à la crise. On peut donc légitimement se demander si ces mesures sont appliquées et fonctionnent convenablement. C’est bien le moindre avant d’examiner les mesures complémentaires que nous présentons aujourd’hui.

Oui, le plan de relance est en marche ! Patrick Devedjian a déjà transféré 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 1, 4 milliard d’euros de crédits de paiement aux ministères concernés. Par ailleurs, il a débloqué 1, 8 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 1, 1 milliard d’euros de crédits de paiements en faveur d’opérateurs comme l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, ou le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA. D’autres versements devraient intervenir très prochainement. Des chantiers sont d’ores et déjà engagés : une cinquantaine de projets dans une quinzaine de régions ont commencé ou commenceront dans les tout prochains jours.

Le dispositif d’anticipation des attributions au titre du Fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, a démarré sous les meilleurs auspices : au 20 mars 2009, 1 311 conventions avaient déjà été signées. Ces conventions correspondent à environ 3 milliards d’euros d’investissements prévisionnels.

S’agissant des aides fiscales, les entreprises ont déjà demandé 9, 5 milliards d’euros de remboursements, et 5, 8 milliards d’euros ont déjà été versés, dont 2, 1 milliards d’euros à des petites et moyennes entreprises. Ces aides représentent soit des créances d’impôt sur les sociétés, remboursées pour près de 5, 5 milliards d’euros – quatorze fois plus que sur la même période de 2008 –, soit des crédits de TVA à hauteur de 370 millions d’euros ; depuis février, les crédits de TVA sont désormais remboursés chaque mois et non plus chaque trimestre, si les entreprises le souhaitent.

Nous aidons aussi nos fournisseurs en réduisant tous les délais de paiement à moins de trente jours et en versant des avances de 20 %, au lieu de 5 %, à la conclusion du marché : ainsi, les avances versées en février ont doublé par rapport au même mois de 2008. Je vais par ailleurs déléguer 500 millions d’euros de crédits aux ministères pour accélérer, dès maintenant, le versement de ces avances.

Sur mon instruction enfin, les services fiscaux et les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, les URSSAF, accordent des délais de règlement aux entreprises qui éprouvent des difficultés à faire face à leurs obligations de paiement. Les demandes d’échelonnement peuvent même être formulées sans attendre la date de mise en recouvrement, précision que j’ai communiquée très récemment aux URSSAF notamment. En février 2009, les services fiscaux ont accordé plus de 5 500 plans de règlement, représentant plus de 75 millions d’euros. Les URSSAF, quant à elles, ont accordé plus de 12 300 délais de paiement. Dans les deux cas, le volume des facilités accordées par ces services a doublé par rapport à leurs pratiques antérieures. J’ai encore renforcé ces instructions la semaine dernière, à l’issue d’une table ronde avec les représentants des entreprises : ainsi, les pénalités seront systématiquement remises lorsque le plan de règlement sera respecté ; par ailleurs, une seule demande de délais pourra être adressée pour tous les services de recouvrement sociaux.

Comme Yves Jégo l’a rappelé en présentant le plan Corail, j’ai pris des mesures particulières pour octroyer des délais de paiement aux entreprises et aux particuliers de Guadeloupe et de Martinique, notamment en matière de contributions sociales et de droits de douanes.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le bilan très concret de la mise en œuvre, à ce jour, du plan de relance. Vous le voyez, nous n’avons pas perdu de temps pour, avec votre aide, adopter ces mesures ; nous n’en perdons pas non plus pour les appliquer.

Ce dernier point ne doit en effet pas être oublié dans les comparaisons entre les plans de relance des différents pays. Quand des chiffres sont avancés, il faut s’interroger sur le calendrier de mise en œuvre. Dans les plans allemands ou américains par exemple, les baisses d’impôt devraient s’étaler jusqu’en 2010. L’office budgétaire du Congrès américain estime qu’à peine 10 % des investissements annoncés par le président Obama seront réalisés dans l’année. Au Japon, les versements d’aide semblent prendre du retard. Nous nous attachons, quant à nous, à ce que les mesures de relance soient d’effet rapide, concentré en 2009, et temporaire, comme le recommande la Commission européenne.

Notre action doit aussi être replacée dans le contexte de notre système social. En France, ce système est très développé et joue à plein son rôle d’amortisseur. En septembre 2008, les pensions de quinze millions de retraités ont été revalorisées de manière anticipée de 0, 8 % ; elles le seront à nouveaux de 1 % dès demain. En novembre 2008, la prime exceptionnelle de fin d’année a été portée de 152 à 220 euros pour 1, 5 million de titulaires du revenu minimum d’insertion ou de l’allocation de solidarité spécifique. En janvier 2009, six millions de familles ont bénéficié d’une hausse de 3 % des prestations familiales, versées en février – il s’agit d’une progression sans précédent depuis longtemps ! – et 5, 7 millions de locataires ont vu leurs aides au logement progresser de 2, 95 %. En avril 2009, 3, 8 millions de ménages modestes recevront une prime de solidarité active de 200 euros, dans l’attente de la mise en place du revenu de solidarité active en juillet 2009. En avril également, une hausse de 2, 2 % de l’allocation aux adultes handicapés profitera à 820 000 personnes et une hausse similaire est prévue en septembre. Le minimum vieillesse augmentera aussi, cette année, de 6, 9 %, pour 400 000 personnes isolées.

Que ce soient des mesures de relance ou de transferts sociaux, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’actions concrètes et rapides, qui soutiennent le revenu et l’investissement, l’emploi et l’activité.

Après ce bref rappel des mesures précédentes, j’aborderai, d’un point de vue plus global, l’équilibre du collectif budgétaire et les prévisions concernant l’évolution des finances publiques.

Je ferai un très bref retour sur 2008, puisque l’INSEE a publié ce matin même sa première estimation du déficit public pour 2008. Cette estimation concorde avec notre dernière prévision à 3, 4 points de PIB. La dégradation de la conjoncture a déjà pesé sur les recettes de 2008, mais nous avons pu éviter un dérapage des dépenses : nous avons respecté la norme de progression des dépenses de l’État – c’est-à-dire zéro volume – et nous avons maîtrisé la progression des dépenses d’assurance maladie. En euros constants, la progression de la dépense a été d’à peine 1 % : elle est donc deux fois moins élevée que lors des dix dernières années, où elle s’élevait, en moyenne, à environ 2 %. Ces estimations étant globalement conformes aux prévisions de déficit pour 2008 que nous vous avions communiquées, elles ne remettent pas en cause nos prévisions pour 2009.

J’en reviens plus précisément au collectif budgétaire pour 2009. Nous proposons tout d’abord 2, 6 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en faveur des classes moyennes et modestes, et en faveur de l’emploi. Ce montant atteint même 2, 9 milliards d’euros, si l’on y ajoute les crédits en faveur de l’outre-mer que nous avons ouverts par amendement à l’Assemblée nationale, concernant notamment le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA.

Ces 2, 6 milliards d’euros sont la traduction directe des décisions du sommet social : ils aideront directement environ dix millions de ménages modestes, car tel est l’objectif prioritaire de ce collectif budgétaire. S’y ajoutent près de 7 milliards d’euros de prêts pour soutenir notre secteur automobile.

Mais ce collectif intègre aussi une profonde révision des hypothèses macroéconomiques. Par rapport au collectif de janvier, les recettes fiscales sont ainsi revues fortement à la baisse, d’environ 6, 3 milliards d’euros, pour mieux respecter la réalité.

La correction principale porte sur la TVA. La consommation en valeur a en effet été révisée de 2, 9 % en loi de finances initiale à 0, 8 % aujourd’hui, en raison notamment de la forte révision du niveau de l’inflation. D’autres éléments constituant l’assiette de la TVA sont aussi en net repli, comme l’investissement des ménages ou des entreprises.

Les recettes non fiscales sont également revues à la baisse de 1, 1 milliard d’euros, sous l’effet de la diminution des recettes attendues des participations de l’État, et ce en dépit des recettes nouvelles issues des garanties que l’État fait payer aux banques.

L’évolution du déficit budgétaire par rapport aux prévisions établies en janvier s’explique donc par la baisse des recettes, d’une part, et par les mesures prises lors du sommet social en faveur de nos compatriotes les plus exposés ainsi que du secteur automobile, d’autre part. Par rapport au collectif de janvier, le déficit budgétaire prévu pour 2009 se dégrade de 17 milliards d’euros, pour atteindre 104, 1 milliards d’euros.

Compte tenu du ralentissement de la progression de la masse salariale, le déficit de la sécurité sociale atteindrait, quant à lui, 17 milliards à 18 milliards d’euros en 2009. Au total, le déficit public s’établirait donc globalement à 5, 6 points de PIB.

Ces chiffres résument par leur niveau la gravité des difficultés économiques que nous affrontons.

Mais ce déficit budgétaire d’un peu plus de 100 milliards d'euros masque en réalité deux déficits : un déficit structurel et, surtout, ce que l’on pourrait appeler « un déficit de crise ».

Ce déficit de crise s’élève à un peu plus de 60 milliards d'euros. Il s’explique, pour une moitié, par les moins-values de recettes dues à la crise - notamment en termes d’impôt – et, pour l’autre moitié, par l’ensemble des mesures prises pour faire face à la crise, c'est-à-dire des dépenses publiques.

Ce déficit de crise est réversible : les dépenses engagées pour le plan de relance ont précisément été conçues pour ne pas être pérennes et s’éteindre à la fin de 2010 au plus tard.

Les prêts seront remboursés ; dans l’intervalle, ils produisent des intérêts. Les participations sont des actifs qui seront réalisés ; dans l’intervalle, elles rapportent des dividendes.

Enfin, on sait que, pendant une année de croissance forte, les recettes fiscales, notamment l’impôt sur les sociétés, peuvent tout à fait faire apparaître des plus-values annuelles d’une dizaine de milliards d’euros par an. C’est ce que nous avons connu dans un passé récent.

Soyons clairs : même s’il doit se résorber à moyen terme, ce déficit de crise n’est ni anodin ni bénin pour autant – nul ne le dit, et certainement pas moi -, car il alourdit la dette. Chaque dépense doit donc être ciblée sur la croissance et l’emploi, et non entraîner de la dépense courante supplémentaire.

Le déficit structurel se monte, quant à lui, à environ 40 milliards d'euros. Il provient de la stratification de dépenses publiques que vous connaissez bien et qui ne sont, malheureusement, que peu remises en cause. Il n’est pas né de la crise et ne disparaîtra pas si nous ne poursuivons pas nos efforts pour maîtriser les dépenses récurrentes.

C’est pourquoi nous poursuivons la RGPP et l’ensemble des réformes structurelles. Philippe Marini, qui suit de près – il y participait encore hier soir – les travaux du comité de suivi de la RGPP peut en témoigner.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous avons en effet de fréquentes réunions sur ce sujet de la RGPP, qui représente un travail considérable, mené pour moderniser notre administration et limiter la dépense.

C’est pourquoi, avec l’aide des parlementaires, notamment le président et le rapporteur général de votre commission des finances, nous avons réalisé des avancées majeures sur le contrôle des niches fiscales et sociales lors des dernières lois de finances et dans la loi de programmation des finances publiques.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Les députés ont lancé les « états généraux de la dépense publique » ; si vous le vouliez - je sais que le rapporteur général en sera friand - des « états généraux de la dépense fiscale » pourraient être lancés, et vous pouvez compter sur mon soutien !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est aussi pourquoi nous avons inscrit une croissance des dépenses dans la loi de programmation des finances publiques deux fois plus faible que celle que notre pays a connue en moyenne par le passé.

Le Premier ministre a confirmé cette orientation, en adressant le 20 février dernier à l’ensemble des ministres une lettre de cadrage pour la préparation du budget pour 2010. Ce cadrage est fondé sur le respect du budget triennal qui est inscrit dans la loi de programmation. Cela justifie bien qu’en dépit des incertitudes économiques nous ayons tenu à ce que soient menés à leur terme la discussion et le vote de cette loi pluriannuelle, qui est véritablement un point de repère dans cet environnement actuel très incertain.

Réduire le déficit structurel est indispensable pour préserver la soutenabilité de nos finances publiques et donc la qualité de la signature de la France, qui lui permet de s’endetter aujourd'hui encore à des taux bas. La crise ne doit en aucun cas être une excuse ou un prétexte pour relâcher la maîtrise de la dépense courante.

Je voudrais pour terminer revenir plus précisément sur certains aspects du collectif.

J’aborderai tout d’abord la mesure concernant l’impôt sur le revenu, sur laquelle Christine Lagarde reviendra.

Je souhaite avant tout dissiper tout malentendu. Sur les six millions de foyers concernés, deux millions sont imposés dans la première tranche - celle à 5, 5 % -, deux millions sont imposés au début de la deuxième tranche - celle à 14 % - et deux millions de foyers, en raison de réductions ou de crédits d’impôt, reçoivent un chèque du Trésor public en fin d’année.

Il n’est évidemment pas envisagé de traiter ces personnes différemment des autres ; ce sont principalement des bénéficiaires de la prime pour l’emploi, la PPE, et nous ne lèverons pas l’impôt les concernant. Il serait d'ailleurs assez aberrant que la PPE finance l’exonération d’impôt. Ces personnes seront donc également concernées par la mesure de l’impôt sur le revenu.

Par ailleurs, le processus est géré intégralement par l’administration fiscale, ce qui simplifie la vie des contribuables. Ils déclareront leurs revenus de 2008 dans le calendrier habituel, en mai ou en juin prochain. L’administration, sur la base des revenus déclarés l’an dernier, suspendra le deuxième acompte ou les mensualités à partir de mai des contribuables qui étaient taxés l’an dernier dans la tranche à 5, 5 %.

Enfin, en fin d’année, l’administration calculera l’impôt dû par les personnes qui sont effectivement dans le champ de la mesure sur la base de leurs revenus de 2008.

Dans certains cas, malgré la suppression des acomptes et des mensualités, des contribuables auront payé en début d’année des sommes supérieures à leur impôt calculé en septembre. Dans ce cas, il leur sera reversé le trop-payé. Inversement, certains seront sortis du périmètre de la mesure, car leurs revenus auront augmenté en 2008 par rapport à 2007 : dans ce cas, ils auront au moins bénéficié d’un avantage de trésorerie.

Ce que nous proposons, c’est donc de réduire l’impôt des contribuables les plus modestes.

Certains, au nom de la justice, souhaitent augmenter l’impôt des plus riches. Le débat doit avoir lieu en responsabilité, avec le souci, en cette période de crise, de ne pas dresser les Français les uns contre les autres.

Je tiens à dire qu’augmenter les impôts n’est pas une solution. Lorsque l’on commence à augmenter les impôts des plus aisés, le temps n’est pas très loin où l’on augmentera les impôts des classes moyennes, et finalement l’impôt de tous ! Qui peut également croire qu’une augmentation d’impôt serait provisoire ? En cette période, la justice et l’efficacité me semblent mieux servies par une baisse des prélèvements sur les plus modestes que par une sanction sur les plus riches.

De manière générale, cette crise appelle à plus de justice sociale. Nombre de nos compatriotes sont victimes de la crise, alors qu’ils n’en sont absolument pas responsables. Il est normal de les soutenir plus qu’en période de croissance. La crise, cela doit être plus et non pas moins de cohésion sociale, C’est ce que s’applique à faire le Gouvernement.

Pour cela nous agissons de plusieurs façons et, tout d’abord, par un soutien direct des plus modestes.

J’ai rappelé toutes les augmentations de transferts sociaux qui ont déjà eu lieu ou qui sont prévues cette année. Il faut naturellement y ajouter le revenu de solidarité active, le RSA, et, si vous votez ce collectif, la baisse de l’impôt sur le revenu et les aides aux plus fragiles de nos concitoyens.

Mais plus de justice, cela veut aussi dire lutter contre les excès. Nous l’avons fait récemment en mettant fin à deux aberrations de notre système fiscal. Avant, en France, on pouvait, si on savait s’entourer de bons conseillers, n’acquitter aucun impôt en étant riche, grâce aux niches fiscales. Au contraire, si l’on était moins bien conseillé, on pouvait payer un montant d’impôt supérieur à son revenu.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous avons mis un terme à ces situations incompréhensibles, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. … avec le plafonnement global des niches et le bouclier fiscal.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Personne n’avait réussi à le faire. Nous y sommes, avec votre aide, parvenus. Et le vrai scandale, ce n’est pas d’avoir mis en place le bouclier fiscal, c’est que ceux qui nous donnent des leçons n’aient jamais plafonné les niches fiscales.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Les excès, c’est aussi l’évasion fiscale, quand on profite des « trous noirs » de la finance pour ne pas contribuer justement à l’effort commun. Là aussi, les avancées sont sans précédent.

Il ne se passe pas un jour sans qu’un pays accepte – Christine Lagarde et moi-même pouvons en témoigner - de réviser ses positions. Nous signerons rapidement des accords bilatéraux avec tous les pays qui ont accepté de faire évoluer leurs politiques bancaire et financière.

Les progrès dans ce domaine sont spectaculaires. Nous avons, en un an, progressé plus rapidement que sur les dix dernières années. Je souhaitais le dire devant la représentation nationale.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Les excès, ce sont bien sûr aussi les rémunérations de certains patrons, qui dépassent l’entendement. Mais l’immense majorité des patrons sont également des victimes de la crise. Le patron de PME qui doit mettre la clé sous la porte est tout aussi perdant et inquiet que ses salariés. Nous avons voulu, en prenant ce matin un décret sur les rémunérations des dirigeants d’entreprise, porter une politique très claire permettant de mettre fin à l’ensemble de ces excès.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, on ne crée pas de cohésion en dressant nos concitoyens les uns contre les autres.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

On maintient la cohésion sociale en s’assurant que l’État protège les plus exposés et en veillant à ce que nul ne puisse indument s’exonérer des efforts nécessaires pour que l’ensemble du pays traverse au mieux cette crise.

C’est ce que nous faisons en menant une politique cohérente à la fois sur le plan économique et sur le plan social.

En conclusion, permettez-moi de réaffirmer les deux combats dans lequel le Gouvernement est engagé.

Le premier, évidemment, est le combat contre la crise, à travers la mise en place rapide du plan de relance. La seule réponse possible, c’est de tout faire pour sortir de la crise. C’est ce que fait le Gouvernement.

Le second point clé, c’est bien sûr de poursuivre les réformes structurelles, d’investir dans l’avenir et de maîtriser la dépense courante. C’est aussi la seule façon de sortir de la crise plus forts que nous n’y sommes entrés.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’usage voudrait que je vous rappelle un certain nombre de chiffres concernant notre économie et la manière dont, sur un certain nombre de points, tels la consommation des ménages, l’inflation, l’immobilier et le secteur bancaire - il faut en effet noter la stabilité de ce dernier -, la France fait un peu mieux que d’autres pays.

Dans un environnement international extraordinairement perturbé par une crise financière d’abord, économique ensuite, avec les conséquences sociales qu’elle emporte, où l’ensemble des économies mondiales sont affectées, notre pays résiste mieux que beaucoup de ses voisins.

Plutôt que de vous rappeler des chiffres que vous connaissez déjà et qui varient en fonction des prévisions – nombreuses et elles-mêmes environnées d’un halo d’incertitude, comme le soulignent l’ensemble des prévisionnistes, qu’il s’agisse des nôtres, de ceux de l’OCDE, du FMI, ou de la commission -, je soulignerai que l’action que vous engagez en examinant ce collectif budgétaire s’inscrit très précisément dans une mission à laquelle l’ensemble des gouvernements se sont attelés.

Cette mission consiste à tenter de juguler la crise internationale, de réorganiser l’ensemble du système financier, de nettoyer les bilans de l’ensemble des banques pour leur permettre de fonctionner à nouveau, de mettre en place des moyens financiers pour l’ensemble des pays en développement et des pays émergents, qui sont les premières victimes de la crise et les plus gravement touchés.

Tous ces sujets seront abordés à partir de demain soir et, plus généralement, pendant la journée de jeudi, lors du sommet du G20.

Ce sont des sujets cruciaux, que devront traiter tous les parlements, dans l’ensemble des pays du monde. Votre action s’inscrit dans ce cadre.

Permettez-moi de vous présenter rapidement la position de la France dans la perspective du G20.

Tout d’abord, notre pays, en accord avec l’ensemble de ses partenaires, s’attache à présenter une plate-forme de propositions qui visent à la relance coordonnée, selon des critères qui ont été énoncés par la Commission européenne et qui respectent la règle des trois T – « timely, targeted, temporary » -, c’est-à-dire des mesures temporaires, adéquates dans leur cible et appropriées dans leur montant.

Par ailleurs, nous voulons obtenir, vaille que vaille et coûte que coûte, une modification en profondeur du système de régulation, de manière que la réglementation et la supervision s’appliquent à l’ensemble des acteurs, des produits et des territoires.

Mon collègue Éric Woerth vous a rappelé tout à l’heure les modifications en profondeur qui ont affecté la scène internationale au cours des dernières semaines en ce qui concerne les centres non coopératifs et les paradis fiscaux, qui ont accepté de communiquer des informations en matière fiscale mais également d’adopter un certain nombre de principes dans le domaine prudentiel.

Dans le domaine de la régulation, nous serons extrêmement fermes en ce qui concerne les mécanismes de compensation des opérateurs de marché au niveau international. Si ces dispositions ne sont pas convenues sur un plan international, nous aurons beau prendre toutes les mesures que nous voudrons au niveau national, cela mettra tout simplement notre pays en situation de compétitivité défavorable pour nos opérateurs et nos institutions. Nous savons que, dans ce domaine, c’est évidemment à l’échelon international que doivent se prendre les décisions.

Dans le domaine de la régulation encore, nous prônerons une modification d’un certain nombre de principes comptables afin de tenir compte de la défaillance du marché qui empêche de déterminer la valeur d’un certain nombre d’actifs actuellement inscrits au bilan des banques.

D’autre part, dans le domaine des règles prudentielles applicables aux établissements bancaires, nous soutiendrons des mécanismes contra-cycliques, qui permettent de tempérer les effets extrêmement négatifs de la crise, et non de les accentuer, comme nous avons pu en avoir la démonstration ces derniers mois. Nous avons mené ces combats au niveau de l’Union européenne dans le cadre de la présidence française ; nous maintiendrons de tels efforts au niveau international.

Ce projet de loi de finances rectificative pour 2009 s’inscrit véritablement dans ce contexte : la France fera valoir à la fois ses exigences de relance coordonnée, selon les trois critères que j’évoquais tout à l’heure, de régulation et de gouvernance internationales.

Il s’agit de permettre au FMI, en liaison avec le Forum de stabilité financière, de financer les pays émergents avec des instruments beaucoup plus flexibles et mieux dotés financièrement. Dans le même temps, celui-ci devra se réformer pour assurer une meilleure représentation de l’ensemble des grands acteurs économiques et financiers mondiaux, quel que soit leur stade de développement. Je pense notamment à des pays comme la Chine, dont la représentation devra être modifiée au cours des mois à venir. Nous soutenons, pour notre part, une accélération du processus de réforme du FMI.

Par ailleurs, nous serons évidemment favorables aux mesures permettant l’amélioration du financement des échanges, afin d’éviter la diminution importante du commerce mondial qui est aujourd'hui annoncée par les instituts de prévision.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce nouveau projet de loi de finances rectificative pour 2009 s’inscrit dans le cadre d’une politique de relance dans laquelle la France s’est engagée plus tôt que d’autres pays : en effet, le Parlement français a été parmi les premiers parlements à voter des mesures de relance. Ce texte est donc construit, vous le savez, sur l’hypothèse d’une évolution du PIB de moins 1, 5 % pour 2009, hypothèse qui nous a paru raisonnable mais qui, comme l’indique l’ensemble des prévisionnistes, est auréolée d’une grande incertitude, dans la mesure où les paramètres qui permettent de l’établir sont régulièrement révisés.

Cette prévision est assortie d’un risque majeur de destructions d’emplois qui pourraient atteindre 350 000 en 2009. Toutefois, ce chiffre pourrait être ramené à 300 000 avec le développement des emplois aidés dans les secteurs marchand et non marchand, auxquels il pourra être recouru dans des conditions plus favorables qu’aux conditions actuelles, qui, je le sais pertinemment, posent des difficultés aux collectivités locales.

En revanche, dans cette hypothèse, nous attendons en 2010 une reprise de l’activité qui conduirait à une hausse du PIB de 1 %. Nous espérons en effet que la coordination des plans de relance permettra d’avoir des effets sur la croissance dès l’année prochaine. Par ailleurs, nous aurons inévitablement un mouvement de restockage, qui sera consécutif au déstockage de l’année 2009, dans une proportion de l’ordre d’un tiers de la prévision

Sur le plan international, l’action du Gouvernement face à la crise pourrait être comparée à celle d’un architecte associé qui participe à la reconstruction du système financier internationale et à la stimulation de la relance.

Parallèlement, l’État français est obligé d’assumer un rôle de pompier. En effet, nous avons engagé plus de 50 milliards d’euros pour assurer le fonctionnement des circuits bancaires – garantir les dépôts et l’épargne – et les maintenir en état de financer la vie économique. Je le répète, ce plan, que nous exécutons régulièrement au fur et à mesure de nos émissions, n’est évidemment pas destiné à faire des cadeaux aux banquiers, mais tout simplement à maintenir le circuit financier en état de fonctionner et lui permettre d’aider nos entreprises.

Nous avons également mis en place un plan de soutien, que vous avez voté, de 22 milliards d’euros pour venir en aide aux PME, qui sont les premières à rencontrer des difficultés de financement. D’Oséo à la Caisse des dépôts et consignations, tous les acteurs publics du financement ont été mobilisés. Quant au travail du médiateur du crédit, relayé par les médiateurs départementaux que sont les directeurs départementaux de la Banque de France, il a permis de trouver des solutions de financement pour plus de 2 600 entreprises, et, partant, a permis le maintien de l’emploi de 63 000 personnes.

Dans le même esprit, comme l’a annoncé le Président de la République, des « commissaires à la réindustrialisation » seront nommés dans chaque bassin d’emploi en difficulté. M. le rapporteur général le sait, c’est déjà le cas dans la région de Compiègne, dont certains secteurs d’activité sont particulièrement touchés, notamment ceux de l’automobile et du caoutchouc. Ces commissaires auront les pleins pouvoirs pour mobiliser l’ensemble des agences et des guichets – ils sont multiples aux niveaux national et européen – et pour agir par des moyens d’intervention financiers destinés à soutenir l’activité ou à pallier les difficultés rencontrées par les entreprises.

Le plan de relance voté le 4 décembre dernier est largement axé sur l’investissement sur tout le territoire. Plus de 1 000 projets ont été identifiés. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance, est allé au-delà et a recensé d’autres projets qui sont prêts et qui pourront être activés soit dans le cadre du redéploiement des moyens non utilisés soit tout simplement parce qu’ils sont éligibles. Comme Éric Woerth l’a indiqué, plus d’une centaine de projets ont déjà été lancés, qui permettront, tout au long de l’année 2009, d’irriguer l’activité économique de l’ensemble des territoires.

C’est au niveau international que la France doit jouer un rôle d’architecte. Si nous n’arrivons pas à résoudre les problèmes du système bancaire et du système financier dans son ensemble, notamment la question de la coordination et de la supervision, nous n’arriverons pas à remettre sur pied nos économies, tant elles dépendent manifestement des circuits financiers et de la manière dont les risques sont pris au sein de ces établissements.

Comme l’a dit le Président de la République à Saint-Quentin, « cette crise et les souffrances qu’elle engendre nous concernent tous ». Nous devons tous nous engager dans un effort d’unité et de mobilisation non seulement au niveau international, mais également au niveau national. D’ici à la reprise, que nous attendons pour 2010, l’État va venir en aide à ceux de nos concitoyens qui sont le plus touchés par la crise. Tel était l’objet du sommet social du 18 février voulu par le Président de la République.

Les principales victimes de la crise qui se développe actuellement et affecte des pans entiers de notre économie, en particulier de notre industrie, sont les classes modestes et moyennes. C’est à cette France-là que le Chef de l’État, en concertation avec les partenaires sociaux, a décidé de consacrer 2, 6 milliards d’euros, qui font l’objet de ce collectif budgétaire.

L’État, dans un souci de justice, va renforcer son aide aux plus vulnérables par des mesures ciblées, temporaires et à effets quasi immédiats. J’insiste sur l’importance de ces trois critères définis par l’Union européenne, qui sont indispensables pour garantir à la fois la durabilité et la solidité de nos finances publiques dans le long terme, sur lesquelles Éric Woerth a insisté tout à l’heure. Si les mesures respectent ces trois critères, cela signifie que, lorsque la crise sera passée, le ciblage ne sera plus nécessaire et la réversibilité sera assurée, puisque les effets quasi immédiats, nous l’espérons, se seront fait sentir.

C’est bien à l’aune de ces trois critères qu’il convient donc d’analyser et de mesurer les propositions qui figurent dans ce projet de loi ou dans les amendements.

Quand je parle d’unité et de mobilisation, c’est au plan interne que je pense en même temps qu’au plan international.

Actuellement, l’annonce quotidienne de bonus ou de stock-options exceptionnels, qui arrivent au plus mauvais moment pour les uns et au meilleur pour les autres, vient brouiller la ligne très claire que le Gouvernement s’est fixée depuis deux ans, particulièrement lorsqu’ils sont présentés de manière agrégée pour affoler tout le monde. Le Gouvernement souhaite que la valeur travail soit véritablement instaurée comme la clé de voûte, l’impératif absolu, du fonctionnement de notre économie, afin de la rendre plus compétitive, plus attractive et plus satisfaisante pour ceux qui y participent ; que le mérite soit reconnu ; que l’incompétence soit sanctionnée. Il n’est pas tolérable que ces trois principes, sur lesquels nous devons nous appuyer, soient bafoués, car il y va de l’intérêt des entreprises, mais également de l’intérêt général.

C’est d’ailleurs dans le même esprit que le Gouvernement souhaite établir un partenariat véritable entre le contribuable et l’État en instaurant le « principe du 50-50 », parfaitement incarné par le bouclier fiscal.

Hier, le Premier ministre a ainsi, sur ma proposition, signé un décret qui interdit aux dirigeants des entreprises soutenues par l’État de bénéficier des outils que j’évoquais tout à l’heure, en particulier les stock-options ou les attributions gratuites d’actions. Cette démarche va dans le sens des amendements que certains d’entre vous ont évoqués ou déposés.

Le Premier ministre a expliqué, lors de son point de presse, pourquoi nous avons eu recours au règlement : dans la mesure où un décret est effectif dès sa publication, il permet une action rapide, ce que ne peut nous garantir la meilleure des lois, compte tenu du processus législatif.

Interdire les stock-options, les attributions gratuites et certains dispositifs de rémunération lorsque les établissements envisagent des licenciements d’ampleur, c’est évidemment le sens de l’action que nous entendons mener dans le cadre de la valorisation du travail et du mérite, de la juste reconnaissance de ces valeurs et de la sanction des incompétences.

J’aimerais à présent détailler les mesures que nous prenons pour les classes modestes et moyennes, qui sont consécutives aux annonces du sommet social. Elles concernent ceux qui ont du mal à vivre avec un revenu modeste ou moyen, ceux qui travaillent dans des secteurs particulièrement menacés – je pense à l’automobile –, enfin ceux qui sont les plus fragilisés par la crise, les victimes de baisses d’activité ou du chômage.

L’Assemblée nationale a déjà apporté sa contribution à ce texte, et je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de nous aider à l’améliorer encore. À cet égard, je salue particulièrement le travail et les propositions du président de la commission des finances, Jean Arthuis, et du rapporteur général, Philippe Marini.

Pour les classes modestes et moyennes, une mesure phare de ce collectif est mise en œuvre, celle qui consiste à diminuer leurs impôts. Nous voulons réduire des deux derniers tiers l’impôt des contribuables de la première tranche à 5, 5 %, et étendre cette diminution à ceux qui sont situés dans le bas de l’échelle de la tranche à 14 %. Éric Woerth l’a évoqué tout à l’heure, plus de 6 millions de foyers verront ainsi leur impôt diminuer significativement. Le gain de pouvoir d’achat qui en résultera pour les classes modestes et moyennes représentera 1, 1 milliard d’euros.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, notre objectif n’est pas d’augmenter les impôts – nous n’avons pas été élus pour cela, et le Président de la République ne l’a pas prévu dans son programme – mais, bien au contraire, de les diminuer chaque fois que cela est possible ou justifié, y compris par des mesures ciblées comme celle que je viens d’évoquer.

Vous le voyez, un calendrier précis a été mis en place. D’autres mesures ont été prévues dans le cadre du sommet du 18 février, dont l’aboutissement législatif se trouve dans ce collectif budgétaire. Je songe par exemple à la prime exceptionnelle de 150 euros pour les familles ayant des enfants scolarisés de plus de 6 ans, qui sera délivrée au mois de juin et concernera 3 millions de familles. Je songe aussi aux 230 000 salariés précaires sans droit à l’allocation chômage, à qui sera versée la somme de 500 euros dès le mois d’avril.

L’Assemblée nationale a adopté un amendement, présenté par MM. Censi, Bouvard et de Courson, qui aligne le régime de réduction d’impôt pour l’investissement locatif dans les résidences avec services sur le régime dit « Scellier ». De l’aveu même des spécialistes, ce dispositif, allié au doublement du prêt à taux zéro, a permis d’engager un léger mouvement d’amélioration dans le secteur immobilier français. Il s’agit donc d’un amendement particulièrement bienvenu dans la mesure où il élargit le champ d’application du dispositif « Scellier ».

Nos mesures de soutien portent également sur les salariés qui travaillent dans des secteurs particulièrement frappés par la crise. Je pense au premier chef au secteur automobile, qui emploie environ 10 % de la population active. C’est pourquoi mon ministère, avec l’aide très active de Luc Chatel, s’est mobilisé pour conclure le pacte automobile, le 9 février dernier, à la suite des états généraux de l’automobile, qui a rassemblé tous les représentants de la filière, y compris les distributeurs et l’ensemble des sous-traitants.

L’État va donc octroyer à l’ensemble de la filière – vous savez qu’elle est touchée dans le monde entier et pas seulement en France – un soutien ciblé sous forme de prêt, à hauteur de 6, 5 milliards d’euros sur une durée de cinq ans, et augmenter de 1 milliard d’euros la garantie de prêts aux sous-traitants des entreprises automobiles.

Ce plan a bien entendu été présenté à la Commission européenne, en particulier aux responsables chargés de la concurrence. En l’état actuel, il est parfaitement compatible avec les règles relatives aux aides d’État et au principe de non-discrimination. En effet, il ne profitera pas uniquement aux constructeurs automobiles français. Ainsi, une partie de ce concours financier bénéficiera notamment à Renault Trucks, qui est une société détenue en réalité par Volvo, et nous sommes actuellement en négociation avec Iveco, société appartenant à Fiat. En contrepartie, les constructeurs bénéficiaires s’engagent à accélérer les programmes de véhicules décarbonés.

Dans le même souci d’allier relance économique et développement durable, l’État veut octroyer 150 millions d’euros de prêts bonifiés pour les nouveaux véhicules innovants en matière écologique, ces « véhicules verts » en quelque sorte que nous appelons de nos vœux.

Je précise que le Fonds stratégique d’investissement est également mobilisé pour un certain nombre d’acteurs de la filière, dont certains méritent évidemment toute notre attention non seulement sur le plan économique et technologique, mais également sur le plan social.

De plus, pour les toutes petites entreprises qui peinent à trouver des capitaux, l’Assemblée nationale a proposé, grâce au député Nicolas Forissier, une modification judicieuse du dispositif ISF-PME, qui permet en quelque sorte aux redevables de l’impôt sur la fortune de payer l’entrepreneur plutôt que le percepteur, en autorisant les « holdings ISF » à compter de plus de cinquante associés, à condition que les investissements qu’elles réalisent soient ciblés sur les petites entreprises de moins de dix ans. Ce dispositif, dont le champ d’application est restreint, aura un effet de levier important pour les petites entreprises jeunes et innovantes, auxquelles nous pensons tous.

Il faut enfin répondre aux difficultés du crédit interentreprises, qui est l’un des mécanismes de financement de nos entreprises.

En cette période de risques parfois difficiles à assumer, mais en tout cas mesurés de manière beaucoup plus rigoureuse, un certain nombre de nos entreprises subissent les effets de la réduction du crédit interentreprises. En effet, les assureurs-crédit réduisent, voire retirent leurs couvertures aux entreprises.

Face à cette situation, le Gouvernement a très vite mis en place le complément d’assurance-crédit public, le CAP, afin de prendre le relais des assureurs-crédit qui ne couvrent pas la totalité du risque. Les encours garantis au titre du CAP sont ainsi passés de 18 millions d’euros début février à plus de 100 millions d’euros début mars. Toutefois, nous savons que ce mécanisme n’est pas suffisant, car il a été conçu pour répondre aux cas de réductions de garantie et non aux cas de coupure pure et simple de garantie.

Conformément à ce qu’a annoncé le Premier ministre, le Gouvernement propose donc que l’État garantisse jusqu’à 5 milliards d’euros de crédits interentreprises au bénéfice des entreprises qui perdent la totalité de leur couverture d’assurance-crédit. Nous aurons l’occasion de discuter de la mise en place de ce nouveau dispositif, le CAP+, au cours de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative. Je le répète, il ne s’agit pas d’un complément de l’assurance-crédit, mais d’un substitut à l’assureur-crédit qui retire purement et simplement sa couverture.

L’autre catégorie de Français que nous voulons aider, ce sont les salariés en activité partielle.

Au-delà de ce plan spécifique, certains secteurs tournent au ralenti. Nous espérons que cette situation sera provisoire. En attendant, nous devons soutenir le versement d’indemnités aux salariés concernés. Aussi, nous souhaitons prendre deux mesures.

La première mesure touche au relèvement des plafonds.

Le contingent d’heures de chômage partiel maximum par salarié et par an, aujourd’hui de 600 heures, sera porté à 800 heures et même à 1 000 heures pour certains secteurs comme l’automobile et le textile. De même, la durée maximale de chômage partiel consécutif sera portée de quatre semaines à six semaines. Le projet d’activité de longue durée permettra de conclure des conventions de six mois en contrepartie d’un engagement de la part de l’employeur à maintenir le salarié dans son emploi pendant le double de cette durée selon le principe « donnant-donnant ».

La seconde mesure, directement issue du sommet social, a trait à l’amélioration du pouvoir d’achat.Le taux d’indemnisation du chômage partiel pourra atteindre jusqu’à 90 % du salaire net, l’État augmentant sa participation au remboursement.

Enfin, nous envisageons des mesures pour ceux qui peinent à trouver ou à retrouver un emploi.

Nous sommes bien conscients que les mesures en faveur du chômage partiel ne sont pas suffisantes, en particulier lorsque des entreprises sont contraintes par la crise à mettre fin à une partie de leur activité et à procéder à des licenciements collectifs pour motif économique. Dès lors, le fonds d’investissement social sera mobilisé. L’État a décidé de l’abonder directement à hauteur de 800 millions d’euros pour agir sur trois volets : la formation et le reclassement à destination de ceux qui seront licenciés pour motif économique ; le soutien des bassins d’emploi en difficulté avec le CTP ; l’accompagnement des jeunes à travers des contrats de professionnalisation, des contrats aidés, des écoles de la deuxième chance, qui s’avèrent très efficaces.

S’agissant du reclassement, je rappelle que la convention de reclassement personnalisé, la CRP, a déjà été améliorée par un accord national interprofessionnel du 23 décembre. La durée pendant laquelle le salarié est pris en charge par la CRP est allongée de huit à douze mois et l’indemnisation est augmentée à hauteur de 80 % du salaire antérieur brut pendant les huit premiers mois, puis de 70 % pendant les quatre mois restants.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que nous vous proposons dans le cadre de ce collectif budgétaire. Je le répète, nous ciblons les ménages modestes et moyens, les salariés qui souffrent d’une diminution d’activité ou d’une perte d’emploi. Notre action s’inscrit dans le cadre des relances concertées à l’échelon international, qui feront l’objet de débats lors de la réunion du G20, réunion qui m’empêchera malheureusement de participer à l’intégralité de cette discussion, ce dont je vous prie de bien vouloir m’excuser.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour les parlementaires, l’une des mesures de la crise, c’est la fréquence des débats budgétaires. N’en abusons pas !

Ce projet de loi de finances rectificative pour 2009, le deuxième de l’année, est destiné à accompagner notre pays dans une phase économique, financière et sociale difficile. Il nous revient de le compléter, mais ne dispersons pas notre attention et ne faisons pas comme s’il s’agissait du miroir de notre exercice traditionnel de fin d’année où, en partant d’un prétexte et en tirant sur la ficelle, l’imagination de Bercy et celle des parlementaires conduisent à un inventaire à la Prévert. Sachons nous prémunir contre cette tentation. Telle est la première suggestion de la commission des finances.

Monsieur le président, je ne reviendrai pas sur ce qui figure dans mon rapport écrit, la salle des séances n’étant pas équipée d’un dispositif de projection permettant de visualiser l’évolution des courbes et des graphiques. Le commentaire des chiffres étant exagérément aride, je serai simplement allusif. En commission des finances, un équipement adéquat rend les considérations conjoncturelles et budgétaires plus aisées. On peut utiliser moins de mots et susciter une attention plus soutenue que dans l’hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les choses étant ce qu’elles sont, je me contenterai de rappeler que nous en sommes aujourd’hui à l’interaction de la crise financière et de la crise réelle. Le Gouvernement nous convie donc à accompagner son action, qui s’exerce à la fois sur les deux sphères de l’économie. Aux yeux de la commission des finances, le projet de loi complète opportunément le plan de relance et anticipe d’une certaine façon les mutations structurelles inévitables.

Mes chers collègues, comme vous le savez, en ce début d’année 2009, il convenait de se préoccuper des classes moyennes et des catégories de population dont les revenus restaient trop élevés pour leur permettre de bénéficier pleinement des divers mécanismes sociaux qui jouent le rôle d’amortisseurs de la crise. Tel est le sens de l’article 1er, disposition essentielle, qui tend à effacer temporairement les deux derniers tiers de l’impôt sur le revenu pour les foyers fiscaux imposés à la première tranche et au tout début de la deuxième tranche.

La seconde disposition essentielle est le régime d’aide au secteur automobile. Il s’agit là d’une action à la fois financière et industrielle. Nous pouvons en effet tous observer dans nos départements l’importance de l’implantation de l’industrie automobile, qu’il s’agisse des constructeurs eux-mêmes, des équipementiers ou des sous-traitants. Rares sont les bassins d’emploi, quelle que soit leur taille, qui ne sont pas sensibles à la conjoncture de ce marché et aux baisses de perspective de la filière.

Avec ces deux dispositions majeures, le présent projet de loi nous conduit à tirer pour la seconde fois de l’exercice les conséquences de la crise sur les comptes de l’État. Le pacte automobile, le sommet social, les mesures sectorielles prises dans le domaine de la politique agricole ou dans le secteur de la presse et l’action sociale outre-mer forment ainsi l’essentiel du dispositif que nous soumet le Gouvernement.

À titre accessoire, mais néanmoins très significatif pour les départements qui ont eu la malchance d’être touchés par ce phénomène, la tempête du 24 janvier dernier est à l’origine de mesures destinées au secteur sylvicole.

Je souhaiterais à présent me livrer en quelques mots, mes chers collègues, à une double mise en perspective.

En premier lieu, je voudrais évoquer le dimensionnement de ce plan de relance par rapport aux différents pays qui, dans le monde, ont des politiques analogues. En d’autres termes, faisons-nous trop peu ? Notre plan de relance et ses mesures connexes sont-ils bien adaptés à la situation ?

En second lieu, je souhaiterais vous convier à une brève réflexion sur la soutenabilité de nos finances publiques dans un contexte caractérisé par l’expansion considérable des dettes souveraines de toute la planète.

La conviction de la commission des finances, mes chers collègues, étayée méthodiquement, chiffres à l’appui, par le rapport écrit que j’ai déposé, est que la réponse du Gouvernement à la crise est adaptée. La stratégie de riposte graduée que nous mettons en œuvre est en phase avec une situation mouvante qui, à ce stade, fait apparaître une détérioration rapide de la conjoncture économique et de la situation de l’emploi. Le « creux », c'est-à-dire le point le plus bas, n’est peut-être pas encore atteint.

Notre plan de relance est d’une ampleur analogue à celle de la plupart des autres grands pays industrialisés. Il importe, à cet égard, de considérer à la fois l’impulsion budgétaire et la dimension temporelle du plan. De quoi s’agit-il ?

Ce qui compte pour réagir à la crise et pour faire fonctionner le multiplicateur keynésien, le multiplicateur d’investissement, ce sont les fonds supplémentaires injectés par l’État ou le secteur public dans l’économie.

Lorsque l’on compare le plan américain et le plan français, on peut avoir le sentiment que le premier est beaucoup plus important et d’une échelle sensiblement plus élevée que le second. Des commentateurs ont un peu rapidement souligné cette disproportion. Or cela, me semble-t-il, est faux.

Dès 2008, les États-Unis ont mis en œuvre des actions de relance représentant 1, 1 point de produit intérieur brut. Par conséquent, le fait de répéter le même effort en 2009 ne crée aucune impulsion supplémentaire. Par ailleurs, les États-Unis ont présenté un plan très global dont les effets vont se faire sentir jusqu’en 2015.

Si l’on raisonne en termes d’impulsion budgétaire et sur la seule année 2009, nous pouvons dire que nos efforts sont analogues. L’impulsion budgétaire supplémentaire mise en œuvre aux États-Unis en 2009 correspond à 0, 9 point de son produit intérieur brut.

En ce qui concerne la France, nous disposons de deux évaluations. Le Gouvernement considère que l’effort supplémentaire se concentrera sur la seule année 2009, soit un effort global de 1, 4 point de PIB. Le Fonds monétaire international, dont l’excellent directeur général était en France la semaine dernière, estime que la moitié seulement de l’impulsion sera efficiente au cours de l’année 2009, soit 0, 7 point de PIB.

À supposer que l’excellent directeur général ait raison et que Mme la ministre, non moins excellente

sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… soit un peu plus que l’effort public, considéré en impulsion budgétaire, qu’annoncent les États-Unis.

Par conséquent, mes chers collègues, nous n’avons pas à avoir de complexes à ce sujet.

Notons qu’un effort de soutien de l’activité sera probablement encore nécessaire en 2010. C’est un sujet que je me permets d’évoquer en posant un jalon pour l’avenir, car en période de crise quinze jours paraissent bien lointains, un mois devient le long terme, et l’on ne sait plus rien lire à trois mois… Quoi qu’il en soit, il n’est pas absurde de penser qu’une nouvelle impulsion sera probablement nécessaire en 2010.

Je voudrais dès à présent revenir sur les déficits publics. N’oublions pas que les déficits ne sont pas sans limite. J’appelle en particulier votre attention sur deux points.

En premier lieu, les déficits ont un impact négatif sur les anticipations de certains agents économiques. Ils peuvent créer de l’anxiété, et en particulier alimenter le sentiment selon lequel on ne pourra les résorber qu’en augmentant les prélèvements obligatoires, ce qui conduit lesdits agents économiques à épargner davantage. N’oublions pas le caractère anxiogène du déficit qui, pesant sur certaines catégories d’anticipations, peut avoir un effet difficile à maîtriser sur l’arbitrage consommation-épargne, et donc sur le rythme de l’économie réelle au cours des prochains mois.

En second lieu, notre rapporteur spécial Jean-Pierre Fourcade le sait fort bien, il nous faut tenir compte de la limite des marchés de capitaux. L’effet d’éviction de la dette privée par la dette publique est une réalité et nous ne connaissons pas à l’avance les conditions dans lesquelles les marchés vont pouvoir absorber des volumes aussi considérables d’émissions publiques.

Nous pouvons noter que la dette souveraine française demeure, à ce jour, la deuxième meilleure dette, si j’ose ainsi m’exprimer, de l’Union européenne…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… mais nous devons être très attentifs, mes chers collègues, à l’image que nous donnons à l’extérieur, et cela n’est pas sans lien avec la façon dont nous traitons les questions d’économie d’entreprise. Les marchés évaluent en effet les finances publiques et les comptes publics, mais également le modèle économique, la dynamique de l’économie.

Par exemple, si les marchés sanctionnent actuellement l’Espagne, dont les finances publiques sont dans l’absolu meilleures que les nôtres, c’est parce qu’ils mettent en doute le modèle économique espagnol, sa capacité à se refonder et à redémarrer.

J’attire votre attention sur ce jugement. Ce ne sont plus « les gnomes de Zürich », ce sont les données immatérielles du marché qui absorbent nos titres de dette souveraine. Il faut savoir convaincre ce marché que le chemin de la politique économique que nous conduisons est raisonné.

Je me permets de soumettre quatre principes à vos diverses sagacités.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Premier principe : il convient de ne pas céder à la tyrannie de l’urgence et d’éviter de se lancer dans des opérations d’une efficacité limitée qui pourraient ébranler la confiance extérieure en la soutenabilité de notre modèle économique. En d’autres termes, nous devons faire attention à l’hyperréactivité – c’est toute la difficulté de l’art politique en cette période – par rapport aux demandes de l’opinion publique.

Deuxième principe : nous devons nous en tenir à des mesures réversibles – c’est notamment au regard de ce principe que nous approuvons l’article 1er du projet de loi de finances rectificative – s’inscrivant dans une perspective à moyen et à long terme de maîtrise de la dépense publique.

Troisième principe – et j’espère que la politique menée par le ministre du budget s’y conforme : il faut respecter la norme de dépense.

Si nous en sommes inévitablement réduits à observer l’évolution des recettes en fonction de l’activité économique, à l’inverse, la maîtrise de la dépense de l’État et de la sécurité sociale demeure une urgente nécessité, plus encore peut-être qu’en période normale. C’est la seule grandeur macroéconomique que l’État peut, dans une large mesure, librement contrôler.

Quatrième principe : l’appel aux marchés financiers ne doit jamais être réalisé sans perdre de vue que l’argent y est rare, les mécanismes complexes et non automatiques.

En conclusion, je voudrais souligner la nécessaire prudence en matière de système de prélèvements obligatoires et de fiscalité. Au sein de la commission des finances, nous estimons aujourd'hui qu’il faudrait appliquer un moratoire de la politique fiscale, car ce n’est pas en période de crise que les initiatives de politique fiscale sont audibles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Pour vous, ce n’est jamais le bon moment !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… sauf peut-être s’agissant de certains points très particuliers.

En période de crise, toute initiative est déformée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… sort de sa logique et peut complètement échapper à la maîtrise de son auteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Et l’amendement Scellier ? Ce n’est pas une initiative fiscale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Enfin, au moment où le G20 se réunit à Londres, je veux souligner que nous avons été capables de travailler ensemble, la délégation de la commission des finances du Sénat présidée par Jean Arthuis, la délégation de la commission des finances de l’Assemblée nationale présidée par Didier Migaud, avec des collègues de toutes sensibilités politiques. Nous avons remis hier à M. le Président de la République un document unique, consensuel – je n’ai plus le temps de vous le détailler, mes chers collègues, mais il a été largement diffusé – qui n’est pas « de l’eau tiède », qui n’est pas du genre d’une motion « nègre-blanc » d’un congrès politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

J’ai parlé de la IIIe République.

Ce document est un appel à la volonté, à l’initiative et au sens du long terme. Nous pouvons espérer que de réels progrès seront accomplis cette semaine grâce au Président de la République, Nicolas Sarkozy, afin de remettre l’économie de marché sur de bons rails et de préparer l’avenir.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste. – M. de Montesquiou applaudit également.

M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en remplacement de notre collègue Jacques Legendre, empêché cet après-midi.

La commission des affaires culturelles a souhaité se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2009, dans la mesure où celui-ci procède à l’ouverture de crédits exceptionnels en faveur de la presse afin de donner une application immédiate aux mesures annoncées par le Président de la République, à la suite des états généraux de la presse écrite.

En effet, le 23 janvier 2009, le Président de la République a annoncé diverses mesures d’urgence, ainsi qu’un plan d’investissement massif en faveur de la presse, d’un montant de 600 millions d’euros, sur trois ans, pour permettre aux entreprises concernées de surmonter les turbulences exceptionnelles de 2009 et de mettre en œuvre les réformes structurelles qui s’imposent. Ces aides d’urgence ont été conditionnées à des engagements fermes de la part des professionnels de mettre en œuvre les réformes structurelles dégagées par les états généraux.

D’un montant total de 150, 75 millions d’euros, les ouvertures de crédits sur le programme « Presse » de la mission « Médias », proposées dans le présent projet de loi, visent tout d’abord à financer deux mesures d’urgence issues des états généraux de la presse écrite et validées par le Chef de l’État.

D’une part, il est prévu de financer le moratoire d’un an sur l’application des accords entre l’État, la presse et La Poste, qui prévoyaient une revalorisation progressive des tarifs de la distribution postale de la presse. Le manque à gagner pour La Poste sera compensé par l’État à hauteur de 25, 4 millions d’euros. La compensation ainsi budgétée permettra à la presse de ne supporter aucune augmentation de ses tarifs postaux en 2009, ni au titre de la revalorisation prévue dans les accords, ni au titre de l’inflation. Les éditeurs devraient se voir appliquer en 2010 les augmentations tarifaires prévues dans les accords au titre de 2009, majorées de l’inflation pour 2009, et ainsi de suite. Mais rien n’est définitif pour le moment ; un état des lieux concernant le moratoire devrait intervenir à la fin de l’année.

D’autre part, le collectif budgétaire prévoit une aide exceptionnelle en faveur des diffuseurs de presse d’un montant de 27, 6 millions d’euros. Cette aide participe à la revalorisation de la rémunération des diffuseurs de presse voulue par le Chef de l’État et passe par une exonération temporaire de leurs cotisations sociales personnelles à hauteur de 30 %.

À ces deux mesures d’urgence s’ajoutera, en parallèle, le doublement des investissements publicitaires de l’État à destination de la presse, prévu par une circulaire du 24 février 2009 du service d’information du Gouvernement adressée à tous les ministères.

Au total, les trois mesures d’urgence recommandées par les états généraux seront mises en application dès le début de cette année.

De plus, le Gouvernement a annoncé très récemment, à l’occasion de notre débat de contrôle sur l’avenir de la presse, le doublement de l’aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires, qui devrait être portée de 7 millions à 14 millions d’euros cette année.

L’ensemble de telles aides exceptionnelles permettra de sécuriser l’environnement financier des entreprises de presse en ces temps de crise. C’est à cette condition qu’elles pourront entreprendre, dans un contexte plus serein, les réformes structurelles qui s’imposent.

À ce titre, le collectif budgétaire ouvre également plusieurs enveloppes budgétaires destinées à accompagner le secteur de la presse dans la voie de sa modernisation structurelle.

En matière de distribution, l’effort est significatif. Le portage, considéré comme la clé de la rénovation de notre circuit de distribution, voit son aide passer de 8 millions à 70 millions d’euros. Ce plan massif d’aide au portage reposera principalement sur un dispositif incitatif, ciblé sur la presse quotidienne d’information politique et générale pour aider prioritairement les nouveaux exemplaires portés.

Afin d’aller encore plus loin dans le soutien au portage de la presse, Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a déposé, au nom de notre groupe, un amendement tendant à la création d’une exonération des charges sociales patronales pour tous les porteurs et vendeurs colporteurs de presse au niveau du SMIC. D’un montant total évalué à 12, 6 millions d’euros, cette mesure s’inspire directement d’une préconisation défendue par le Président de la République à la suite des états généraux.

Le métier de diffuseur de presse fait également l’objet d’un soutien financier important. Le Président de la République a souhaité replacer le diffuseur de presse au cœur du circuit de distribution pour en faire un « vendeur », et non plus un « manutentionnaire des invendus ».

En conséquence, l’aide à la modernisation de la diffusion et à l’informatisation du réseau des diffuseurs de presse sera augmentée de 11, 3 millions d’euros.

En outre, afin de permettre à la presse d’aborder dans les meilleures conditions le virage d’internet, le projet de loi de finances rectificative prévoit une enveloppe exceptionnelle en faveur du développement des services en ligne des entreprises de presse d’un montant de 19, 7 millions d’euros, ce qui porte cette aide à un total de 20 millions d’euros en 2009. Il s’agit là d’une mesure longtemps réclamée par notre commission. Je me réjouis qu’une telle aide soit enfin ouverte aux titres de presse exclusivement disponibles en ligne.

Cette aide financière devrait également s’accompagner de l’inscription dans la loi d’un statut de l’éditeur de presse en ligne, ce qui permettra à la presse numérique de bénéficier des avantages fiscaux jusqu’ici réservés à la seule presse imprimée.

Enfin, afin de combattre la désaffection du lectorat et de conquérir les jeunes publics, le collectif budgétaire prévoit la participation de l’État, à hauteur de 5 millions d’euros, à la mesure permettant à tout jeune de dix-huit ans de bénéficier d’un abonnement gratuit d’un an à un quotidien dans des conditions à définir par les éditeurs. Ainsi, le journal sera payé par l’éditeur et le transport par l’État.

Face à une génération de plus en plus acquise au numérique, l’expérience a démontré que ce type de mesures conduisent les titres concernés à des efforts éditoriaux, en proposant des offres novatrices établissant une continuité entre internet et le papier.

Les crédits ouverts dans le collectif budgétaire couvriront la plupart des mesures ayant des conséquences sur l’exercice 2009, à l’exception de la participation de l’État à l’accompagnement de la modernisation des imprimeries de presse, dont les modalités ne sont pas encore définies et dépendent de l’avancée des négociations entre les partenaires sociaux qui ont débuté au mois de février 2009.

La commission des affaires culturelles se réjouit de ce dispositif, qui répond à ses attentes.

Par ailleurs, et sur un sujet qui est maintenant récurrent, notre commission a adopté à l’unanimité un amendement visant à exclure le groupement d’intérêt public, ou GIP, France Télé numérique des bénéficiaires de la redevance.

En effet, nous avions adopté une telle disposition à l’article 30 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. La commission mixte paritaire avait suivi le Sénat sur ce point. Or le Conseil constitutionnel a annulé cet article, considérant qu’une telle disposition ne pouvait figurer que dans une loi de finances.

L’occasion nous est ainsi offerte de reprendre cette mesure, qui a été votée par le Parlement le 4 février dernier et que le Gouvernement n’a pas remise en cause lors de l’adoption définitive du texte.

Sous réserve de l’adoption de cet amendement, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur l’adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2009.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le collectif, la crise, la relance, la fiscalité et… les autres.

D’abord, la crise.

À l’occasion du collectif, le quatrième en six mois sur deux exercices budgétaires, le Gouvernement actualise son hypothèse macroéconomique. Il acte la récession à un niveau toutefois contestable et contesté, la limitant à 1, 5 %, alors que M. le rapporteur général l’estime à 3 % dans son rapport. Pis encore, monsieur le rapporteur général vous n’excluez pas a priori un scénario avec une chute à 4 % en 2009 et une croissance légèrement négative pour 2010. Autant dire que l’époque où le Gouvernement convoquait la sortie de crise à date fixe, évoquant d’abord le 1er juillet 2009, puis le 31 décembre 2009, paraît bien lointaine… En la matière, il vaut mieux être modeste. D’ailleurs, le 4 mars dernier, le Premier ministre lui-même déclarait : « Personne aujourd’hui ne peut savoir quand on sortira de cette crise. »

Avons-nous atteint le creux de la crise ? Rien n’est moins sûr. Alors que le scenario d’une crise en V a été défendu avec une certaine pugnacité, je note que l’hypothèse la plus probable est aujourd'hui celle du W. Mme la ministre a même utilisé l’expression fort appropriée de « tôle ondulée », ce qui nous renvoie à la crise japonaise des années quatre-vingt-dix, où une telle image était pertinente.

Ensuite, la relance.

Face à la montée explosive du chômage – d’après les prévisions, le taux devrait atteindre 10 % en 2009 –, qui affectera encore le pouvoir d'achat, à la chute de la consommation et à la paralysie de l’investissement, les mesures du Gouvernement sont-elles à la hauteur ? Les nouvelles dispositions annoncées après le sommet social du 18 février, telles qu’elles sont traduites dans le présent collectif, sont-elles à la mesure de la crise ? Vous connaissez notre réponse.

M. le rapporteur général nous propose la « riposte graduée ». Je pense que cela ne correspond pas au bon tempo d’une crise cumulative. En effet, la crise est à la fois financière et économique, économique et sociale. Alors qu’on nous avait dit que ce serait la finance d’abord, l’économie ensuite et peut-être le social après, nous avons tout concentré en même temps.

De notre point de vue, notre pays a besoin d’une riposte massive et immédiate. Il faut prioritairement et fortement cibler les bas revenus, ceux qui consomment toute injection d’argent. À cet égard, monsieur le rapporteur général, vous avez utilisé un terme que nous n’avons pas l’habitude d’entendre dans votre bouche – c’est la preuve que la crise bouleverse les modes de pensée –, en faisant référence au multiplicateur keynésien. Eh bien, pour de telles populations, qui consomment l’ensemble de leurs revenus, le multiplicateur joue à plein !

Or, en Europe, en additionnant les plans nationaux pour 2009, on ne dépasse pas 1, 4 point de PIB. Je vous mets au défi de me démontrer le contraire. En réalité, nous sommes arrivés au bout des mesures de court terme, ponctuelles, comme celles qui figurent dans le collectif budgétaire.

Vous connaissez nos propositions. Nous craignons que le refus de les entendre ne retarde la sortie de crise de notre pays et que la France ne souffre plus longtemps que ses partenaires.

Enfin, la fiscalité.

Le Gouvernement a choisi d’agir fiscalement sur la première tranche de l’impôt sur le revenu. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale a heureusement rectifié celui du Gouvernement pour éviter qu’une telle mesure ne bénéficie, comme c’était le cas au départ, aux contribuables riches se situant dans cette tranche en raison de la minoration de leur revenu par le jeu des niches fiscales.

Pour autant, la mesure « loupe » tout de même la cible des bas revenus que j’évoquais tout à l’heure, c'est-à-dire tous ceux – cela représente tout de même près de 50 % des foyers – qui ne paient pas l’impôt sur le revenu.

En outre, cette disposition ne peut occulter le débat fiscal qui nous oppose, gauche et droite. Nous avons développé nos arguments à l’occasion de l’examen de toutes les lois de finances depuis 2002. Je pense que mes collègues inscrits dans la discussion générale y reviendront mesure par mesure. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’exprimer nos positions tout récemment, jeudi dernier, lors de l’examen de la proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal et à encadrer les rémunérations des dirigeants de grandes entreprises, déposée par le groupe CRC-SPG.

Sur ce dernier point en particulier, nous considérons que le débat n’est pas tranché, et surtout pas par le décret annoncé, et signé ce matin même.

En effet, comment peut-on justifier que ceux qui s’inscrivent dans la fourchette supérieure des revenus ne contribuent pas au soulagement des plus modestes et des plus pauvres ? Il n’y a aucune justification possible !

Aussi, ne vous étonnez pas que, une fois encore, nous défendions un amendement de suppression du bouclier fiscal.

Du reste, je reprends à notre compte la recommandation adressée par Jacques Delors au Gouvernement et à sa majorité lors d’un récent entretien où il a utilisé une formule particulièrement adaptée : « Laissez tomber l’orgueil ». Il n’y aurait aucune honte, en effet, à renoncer aux mesures prônées en 2007, alors que vous n’aviez pas intégré la dureté de la crise.

En le faisant, vous rehausserez la crédibilité de l’action publique et de votre politique. Ne tergiversez pas plus longtemps, ne vous amusez pas avec la trilogie ! Ici et maintenant, entendez la sourde colère des Français. Il n’est pas un jour sans que l’on assiste à un acte de contestation, voire un acte violent. Cette colère ne fera que s’amplifier au fur et à mesure de l’annonce quotidienne de plans sociaux, de défaillances d’entreprises.

Suivez au moins la recommandation du Conseil des prélèvements obligatoires selon laquelle il faut veiller à maintenir un certain équilibre entre l’imposition progressive sur les revenus et les prélèvements sociaux. Tout est dit !

De toute façon, le débat sur l’impôt s’ouvrira une nouvelle fois, vous le savez bien, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010 et même avant, car il est fort à parier que, d’ici là, nous serons saisis d’un nouveau collectif.

S’agissant de l’encadrement des rémunérations, vous n’avez pas voulu nous entendre.

Ainsi, lorsque le groupe socialiste – que j’ai eu l’honneur de représenter – a défendu, le 4 novembre, son cadre général d’intervention après avoir constaté, dès le 8 octobre, que les contreparties demandées aux banques, soit en termes de garanties soit en fonds propres, pour avoir accès à l’aide publique étaient trop peu contraignantes, vous nous avez renvoyés au code de bonne conduite du MEDEF.

Vous ne nous avez pas davantage entendus, le 26 mars dernier, lors de la discussion de la proposition de loi du groupe CRC-SPG, à l’occasion de laquelle nous avons également rappelé nos propositions.

Pendant que le Sénat débattait de ce texte, le secrétaire général de l’Élysée annonçait un décret imminent, jugeant la voie – je reprends ses termes – plus facile et plus rapide. Aujourd’hui, il la déclare non pas « plus facile », mais « plus efficace ». Nous considérons que le recours à cette méthode est un déni du Parlement, alors que nous avons sous la main un véhicule législatif approprié.

Monsieur Arthuis, vous avez déposé en commission des finances, à titre personnel, un amendement que nous vous encourageons fortement à maintenir en séance publique, car – je l’ai dit ce matin en commission des finances – il sauve l’honneur du Parlement.

Cet amendement tend à élargir quelque peu le périmètre du décret et il n’en borne pas la durée. Même s’il ne répond pas à toutes nos attentes, puisque nous voulons que le cadre des rémunérations variables soit appliqué à l’ensemble des entreprises cotées, nous souhaitons en débattre à l’occasion de la discussion de l’article 11.

En effet, dans la mesure où le décret ne concerne que huit entreprises et n’apporte qu’une réponse partielle au problème des rémunérations variables, il valide le code de bonne conduite du MEDEF, dont la présidente, Mme Parisot, avait toujours dit qu’elle ne voulait pas d’une loi. De fait, il n’y aura pas de loi.

Faisons un bref retour sur le passé récent : à la suite de la déclaration du Président de la République, qui a fustigé les bonus lors de son discours prononcé à Toulon au mois de septembre dernier – ce n’est pas si ancien, même si cela paraît dater d’un siècle ! –, les dirigeants des entreprises concernées ont renoncé officiellement à ces bonus. Mais ils se sont reportés sur les stock-options. Comme ces dernières ont été fustigées à leur tour, elles se transforment en « retraites chapeaux » ! On n’en finira jamais !

Il nous faut donc définir un cadre général d’intervention, et ce dès maintenant ; c’est sur ce point que je suis en total désaccord avec M. le rapporteur général.

Nous avons bien une structure, le groupe de travail des vingt-quatre auquel vous avez fait allusion, qui travaille en toute sérénité et aboutit à de bons compromis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Dans le diagnostic que nous avions formulé préalablement au G20 de Washington, nous avions bien indiqué que l’une des causes de la crise financière était le mode de rémunération pousse-au-crime…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

En effet, monsieur le rapporteur général !

… qui faisait prendre des risques au nom de l’entreprise, et ce finalement grâce l’aide publique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… et aux dépens du contribuable !

Si l’on veut qu’une régulation financière intervienne également pour les modes de rémunérations, nous devons la mettre en place dès à présent. Nous avons bien compris que vous n’y tenez pas, mais nous sommes en droit de la demander à l’occasion de la discussion d’un projet de loi de finances rectificative.

Si vous vous y opposez aujourd’hui, monsieur le rapporteur général, nous reviendrons à la charge et nous ne vous lâcherons pas, car nous ne voulons pas, si le pays revient à meilleure fortune, que tout recommence comme avant et que l’on passe purement et simplement l’éponge !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous allons donc représenter nos amendements, notamment le premier d’entre eux, qui vise à plafonner les rémunérations, car nous sommes le seul pays en Europe où les rémunérations les plus élevées atteignent 400 fois le SMIC. L’un de nos amendements prévoit un plafonnement égal à vingt fois le montant du SMIC. N’est-ce pas là une limite raisonnable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Cette fois, nous aurons le temps de les défendre, et vous le temps de vous y opposer.

Les inégalités de revenus, qui ne sont plus à démontrer, sont à l’origine de la crise que nous vivons. Faisons en sorte que, à la sortie de cette crise terrible, tout ne recommence pas comme avant. C’est un élément des nouvelles régulations financières que nous appelons tous de nos vœux.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

M. Jean-Jacques Jégou. C’était pour vous réveiller un peu, mes chers collègues, mais je constate que tout le monde suivait !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Ainsi, après un premier collectif instaurant un plan de soutien au système bancaire, un deuxième, consacré aux aides aux entreprises, et un troisième, voté en janvier dernier, faisant de l’investissement public une priorité, ce projet de loi de finances rectificative vise une série de mesures centrées principalement sur l’emploi et le pouvoir d’achat.

Il comprend trois types de mesures : l’abondement du fonds d’investissement social en faveur des chômeurs, le plan en faveur du secteur automobile et la suppression du versement des deux premiers tiers de l’impôt sur le revenu pour les contribuables de la première tranche et une partie de ceux de la deuxième tranche.

C’est aussi l’occasion pour le Gouvernement de réviser ses hypothèses macro-économiques et ses prévisions de croissance, prenant en compte la forte dégradation de la situation économique française. Je profite de l’occasion pour vous remercier, madame la ministre, monsieur le ministre, de l’effort de transparence et de sincérité devant la représentation nationale et les Français sur l’état très dégradé de nos comptes publics.

C’est aussi un moyen, j’en suis sûr, pour l’ensemble de nos concitoyens de mesurer la gravité de la situation financière du pays et d’amener l’ensemble des acteurs à se montrer plus vertueux dans la gestion de l’argent public.

La révision des prévisions de croissance nous fait prendre conscience chaque jour davantage de la profondeur de la crise que nous vivons. L’année 2009 sera, pour l’économie de notre pays, celle de la plus grave récession depuis 1945 et nul ne peut dire aujourd’hui à quelle échéance nous en sortirons.

Avec l’annonce, chaque jour, de nouveaux plans sociaux, de fermetures d’entreprises, d’augmentation rapide du chômage, le climat social est extrêmement tendu.

Les mesures en faveur du pouvoir d’achat et de soutien à l’activité économique contenues dans ce deuxième volet du plan de relance sont nécessaires. Personne ne saurait le contester.

Il ne faut pas oublier non plus que nous débattons de ce collectif budgétaire à la veille de la tenue du G20. Les opinions publiques attendent beaucoup de ce sommet, qui doit refonder le système économique et financier international et apporter des réponses à la crise mondiale.

Tout le monde a désormais conscience qu’il faut revoir un certain nombre de règles de fonctionnement du système capitaliste financier qui s’est écroulé sous nos yeux. Les grandes puissances économiques doivent donner des signes tangibles dans le domaine de la relance et de la croissance économique pour reconstruire la confiance entre les acteurs.

La coopération internationale doit primer pour trouver un accord sur de nouvelles règles, pour instaurer une nouvelle gouvernance de notre système financier en l’assainissant, notamment en traitant l’ensemble des actifs toxiques des banques et en luttant contre les paradis fiscaux qui empêchent toute régulation efficace, pour revoir le fonctionnement des agences de notation, enfin, pour faire évoluer les nouvelles normes comptables IFRS – International Financial Reporting Standards – qui ont été responsables, à mon avis, d’une bonne partie de la crise.

Nous espérons que les décisions seront à la hauteur des enjeux. Les mesures devront être, comme l’a dit le président Obama, « audacieuses, ambitieuses et coordonnées » afin d’enrayer la crise économique mondiale.

Le présent projet de loi de finances rectificative enregistre l’aggravation de nos déficits et de la dette. Je salue les efforts réalisés par Éric Woerth, qui fait partie de ceux qui ont pleinement conscience de la nécessité et de l’urgence pour notre pays d’assainir durablement la situation des comptes publics de l’État.

Je tiens à le rappeler, même en période de crise économique, où la tendance naturelle des pouvoirs publics peut être de laisser filer les déficits, maîtriser notre niveau de dépense et d’endettement public est une obligation.

Cependant, alors que nous affirmons inlassablement, année après année et auprès de tous les gouvernements, la nécessité d’équilibrer nos comptes publics et de réduire la dette et les déficits, nous mesurons – nous payons, devrais-je dire –toutes les conséquences de nos faiblesses collectives.

Lors de la précédente loi de finances rectificative, qui a été adoptée voilà un peu moins de deux mois, j’estimais qu’une situation moins dégradée de nos finances publiques nous aurait garanti des marges d’intervention plus grandes, donc plus efficaces, en matière d’investissements publics et de relance de l’économie.

En effet, le plan de relance français, bien qu’allant dans le bon sens en accordant la priorité à l’investissement, est modeste au regard de ceux de nos partenaires européens et américains.

Nous ne pouvons que le regretter compte tenu de la dégradation de nos comptes publics : avec une croissance de moins 3 % en 2009, voire pire, la France, contrairement à plusieurs de ses partenaires européens qui ont équilibré leurs comptes, ne dispose plus de marges de manœuvre budgétaires.

Le déficit public atteindra, selon le Gouvernement, près de 104 milliards d’euros, soit 5, 6 % du PIB, voire 6, 6 % si l’on suit les estimations faites par M. le rapporteur général.

Conséquence de la baisse de la masse salariale, monsieur le ministre, le déficit de la sécurité sociale atteindra, quant à lui, 18 milliards d’euros en 2009. La dette publique grimpera à plus de 75 points de PIB en 2009.

Les estimations de notre commission des finances ne sont pas « réjouissantes » : la perspective de voir nos déficits descendre en dessous de 3 % du PIB s’éloigne alors que la dette publique pourrait atteindre, en 2012, plus de 90 points de PIB, selon le scénario central.

Cette situation handicape notre pays et l’empêche de préparer l’avenir en investissant dans la recherche et l’innovation, pourtant indispensables pour créer des richesses, ce dont nous ne sommes plus capables aujourd’hui, et c’est là tout le problème.

Le développement, ou plutôt le « redéveloppement », du système productif français est primordial si nous voulons assurer un avenir quelconque à l’économie de notre pays.

Certes, nous espérons tous que la croissance repartira le plus vite possible, mais nous n’avons aujourd’hui aucune certitude à ce sujet.

Certains parlent, imprudemment selon moi, d’une reprise de l’activité en 2010. Ayons le courage d’avouer que personne n’en sait rien. Aucun économiste ne peut prétendre aujourd’hui que la croissance redémarrera l’année prochaine.

Il sera donc extrêmement difficile de réduire nos déficits d’ici à 2012, contrairement aux engagements qui avaient été pris par le Gouvernement.

Nous devons donc tous, encore plus aujourd’hui qu’hier, demeurer attentifs à la maîtrise des dépenses publiques. Ainsi, toutes les dépenses nouvelles doivent être gagées et il n’est pas possible de financer par le déficit la dette et les réductions d’impôt.

Je le dis, madame la ministre, monsieur le ministre, car l’annonce récente de la réduction du taux de TVA de 19, 6 % à 5, 5 % sur la restauration est, pour nos finances publiques, inquiétante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Nous ne sommes pas assez nombreux à le dénoncer. Tout le monde le pense, mais personne ne veut le dire.

Je souhaitais m’exprimer sur ce point aujourd'hui, car cette promesse multi-présidentielle, puisqu’elle date du Président Chirac, coûterait près de 3 milliards d’euros au budget de l’État, et encore, à condition de revenir sur les mesures transitoires, dont personne ne parle plus, d’aide à la création d’emplois et des exonérations de charges sociales dans l’hôtellerie et la restauration !

Surtout, cette mesure, si elle est concrétisée, devra se faire en obtenant des contreparties, notamment en matière d’embauches et de baisse des prix pour les consommateurs. Autant vous le dire, madame la ministre, monsieur le ministre, je n’y crois pas !

Dans le même ordre d’idées, j’aurais pu évoquer les mesures en faveur de l’outre-mer ; faute de temps, je ne le ferai pas.

Madame la ministre, monsieur le ministre, avec les plans de relance, vous avez trouvé une distinction astucieuse, qui se veut rassurante car elle atténue l’ampleur de notre déficit.

Vous nous expliquez, avec beaucoup de pédagogie, que le déficit de crise, à hauteur d’environ 60 milliards d’euros, est lié aux effets de la crise sur les rentrées fiscales et aux mesures de soutien à l’économie comprises dans les plans de relance, et qu’il se résorbera par nature à la fin de l’année 2010.

Le déficit structurel, quant à lui, qui s’élève à environ 40 milliards d’euros, subsistera puisque, malheureusement, les différents gouvernements ne réussissent pas à le réduire depuis de trop nombreuses années.

Cette distinction est habile et j’aimerais bien vous suivre. Mais je ne suis pas sûr qu’elle corresponde totalement à la réalité, notamment parce qu’il est difficile de croire à l’étanchéité parfaite entre les dépenses de crise et les dépenses courantes.

En outre, ces dépenses, bien que liées à la crise, viennent alourdir le déficit et la dette. D’ailleurs, sommes-nous sûrs que, parmi les mesures prévues dans ce projet de loi, certaines dépenses de crise ne basculeront pas dans le déficit « courant » ?

Je voudrais, à ce moment de mon intervention, aborder deux questions qui sont au centre du débat public ces dernières semaines : le bouclier fiscal et les rémunérations des dirigeants d’entreprise. Ces deux questions monopolisent l’attention de l’opinion publique : je veux en dire deux mots.

Le bouclier fiscal, puisqu’il a dominé le débat à l’Assemblée nationale et que nous risquons d’en discuter ici, qu’on le veuille ou non est devenu aujourd'hui le symbole de l’injustice sociale.

Là encore, au regard de cette polémique, je pense que le Gouvernement aurait été bien inspiré de suivre la commission des finances, en novembre dernier, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

… lorsque son président, Jean Arthuis, appuyé par plusieurs de ses membres, proposait de supprimer le bouclier fiscal en adoptant ce qu’il est désormais convenu d’appeler le «triptyque ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

La vraie question lorsqu’on traite du bouclier fiscal est de savoir si l’impôt est équitable et économiquement efficace.

Le bouclier fiscal a été créé pour respecter le principe juste d’après lequel nul ne doit payer plus de 50 % de ses revenus en impôts. Il avait d’ailleurs été mis en place par Dominique de Villepin pour limiter les effets contre-productifs de l’impôt sur la fortune.

Pour plusieurs raisons, notamment parce que c’est le revenu net qui est pris en compte, ce dispositif est devenu, pour paraphraser le président de la commission des finances, une « offense à la justice fiscale », tant son application produit des injustices choquantes, comme l’ont révélé certains exemples récents.

Du fait de la complexité de notre système fiscal, que le bouclier n’a fait qu’accroître, ce dernier est devenu un amplificateur des défiscalisations et des opérations d’optimisation fiscale.

C’est pourquoi nous pensons que la solution proposée par la commission des finances de supprimer le bouclier fiscal, tout en abrogeant l’impôt sur la fortune, dont chacun connaît les effets contre-productifs sur notre économie, et d’instituer un nouveau taux marginal de 45 % de l’impôt sur le revenu est la plus à même de répondre aux impératifs de justice sociale et d’attractivité pour nos entreprises.

Nous avons déjà commencé sur cette voie lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 en plafonnant les niches fiscales. Monsieur le ministre, aujourd'hui, avec la crise, c’est nettement insuffisant. Vous devrez nécessairement traiter cette question à l’occasion du projet de loi de finances pour 2010, notamment dans le cadre de la réflexion sur notre système fiscal, en ayant à l’esprit plusieurs principes : attractivité du territoire, équité et efficacité fiscales, proportionnalité et progressivité de l’impôt.

Nous ne pouvons que déplorer la faiblesse de nos recettes fiscales, cause directe de notre déficit. Or cette situation n’est pas étrangère au fait que le produit de l’impôt sur le revenu – 50 milliards d’euros – est très faible par rapport à l’ensemble de nos ressources, voire ridicule si on le rapproche de celui de grands pays comparables à la France.

Il est vrai que les gouvernements n’ont cessé de multiplier les niches et les incitations fiscales, réduisant de fait le produit de l’impôt sur le revenu. Il faut profiter de cette crise pour mettre à plat notre fiscalité, car, on le sait, de toute façon, ce n’est jamais le moment !

Je veux dire un mot, enfin, sur les rémunérations excessives des dirigeants d’entreprise. Personne ne peut ignorer l’émotion suscitée par les annonces en cascade de dirigeants d’entreprise qui partent avec des bonus, actions, stock-options ou golden parachutes de plusieurs millions d’euros, alors qu’au même moment sont annoncés des fermetures d’entreprises, des licenciements ou du chômage partiel, que ces entreprises ont été aidées financièrement par l’État et que quelques dirigeants ont failli dans la gestion de leur entreprise.

Nous ne pouvons qu’être favorables à tout type de dispositif qui aurait pour objet la moralisation des pratiques de rémunération variable dans un contexte de crise. Comme l’écrivait un des pères du libéralisme, Adam Smith, pour que le marché fonctionne, l’entrepreneur doit modérer « ses pulsions d’avidité et d’accaparement ».

Il faut aller plus loin et véritablement moraliser le capitalisme, car les évolutions récentes du système l’ont dénaturé.

La question des rémunérations excessives peut être rattachée à une évolution du capitalisme, devenu un système où, finalement, ceux qui prennent les décisions ne sont pas ceux qui en supportent les risques.

Les actionnaires, les managers ou les administrateurs s’investissent dans l’entreprise pour faire carrière et, en général, pour faire fortune le plus rapidement possible, justement en s’attribuant des rémunérations excessives, sans tenir compte de l’intérêt de l’entreprise. Ils restent quelques années dans une entreprise, puis vont dans une autre.

Ces personnes ne sont pas attachées à l’entreprise et leur intérêt ne coïncide donc pas avec celui de cette dernière. Le pire, c’est qu’ils ne sont même pas responsables des décisions stratégiques.

La deuxième évolution, qui a dénaturé le système capitaliste, et qui est d’ailleurs une des raisons de la crise actuelle, est la préférence pour le présent et le court terme.

Cette préférence pour le présent ou l’instant a rendu quasiment impossible les investissements à long terme, alors qu’il ne devrait pas être possible de diriger une entreprise sans avoir en perspective l’avenir.

C’est, à mon avis, en réfléchissant à ces deux questions que nous pourrons refonder le système capitaliste.

Si j’ai émis quelques réserves sur certains aspects de ce collectif budgétaire au regard de leurs conséquences sur nos finances publiques, nous ne pouvons nous opposer aux différentes mesures en faveur du pouvoir d’achat et de soutien à l’activité économique qui nous sont proposées ici. C’est la raison pour laquelle une large majorité de notre groupe approuvera ce collectif budgétaire.

Nous sommes convaincus que, en cette période de crise, il faut surtout redonner confiance à notre pays si l’on veut éviter que 2009 ne soit l’année d’une crise sociale majeure. Pour cela, il faut cesser de dresser les Français les uns contre les autres.

Mais, au moment où notre pays s’enfonce dans la crise, il me semble aussi essentiel de préparer la sortie de crise. C’est pourquoi le groupe centriste est attaché à ce que le Gouvernement tienne la dépense en cette période difficile, gage toutes les dépenses nouvelles et refuse la facilité de la dérive budgétaire dans les années qui viennent. Nous y serons particulièrement vigilants.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 22 janvier dernier, ici même, j’indiquais au nom de mon groupe : « Nous nous sommes déjà largement exprimés sur ce texte, rappelant la fonction de rattrapage, d’habillage et de maquillage de ce plan. Malgré tout, comme nous sommes respectueux du dialogue républicain, nous ne rappellerons pas trop longuement, au terme de la discussion de ce projet de loi de finances rectificative pour 2009, sous quels auspices les discours du début de législature avaient placé le devenir des comptes publics !

« Tout au plus pourrions-nous nous demander, en ce 22 janvier 2009, ce que devient le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, dont la commission mixte paritaire ne s’est toujours pas réunie.

« Au terme de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2009, du collectif de décembre 2008 et, bien sûr, du présent texte, le déficit budgétaire pour 2009 est passé, par le biais de quelques amendements de dernière minute du Gouvernement, de 49, 2 milliards d’euros à 86, 3 milliards d’euros ! Comment ne pas être sidérés de constater que le soutien à la consommation populaire n’explique qu’à hauteur des 200 misérables millions d’euros de la prime qui sera versée le 1er avril aux allocataires du RSA cette explosion en plusieurs temps du déficit ?

« Il faut donc croire, mes chers collègues, que le creusement du déficit a d’autres raisons.

« La première, c’est l’insuffisance des recettes fiscales nettes, qui s’explique par diverses mesures fiscales incitatives n’ayant aucune incidence sur la croissance. En effet, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que nous échapperons à la récession.

« La seconde, c’est le recours abusif à la dépense fiscale pour permettre que les fameuses réformes du Gouvernement atteignent leur objectif, c’est-à-dire alléger l’impôt des plus riches et des plus grandes entreprises. »

Vous ne m’en voudrez pas, mes chers collègues, d’avoir procédé, à l’occasion de la discussion générale de ce collectif de printemps, à une longue citation de ce que j’avais dit lors de la conclusion des débats, il y a un peu plus de deux mois, sur le collectif d’hiver.

Une semaine plus tard, mon collège Bernard Vera, au nom du groupe CRC-SPG, indiquait, en présentation des conclusions de la commission mixte paritaire, que le collectif qui venait d’être adopté en appellerait sans doute d’autres. Pour reprendre une expression du langage populaire, ça n’a pas loupé !

Il a, en effet, suffi d’une nouvelle poussée de fièvre sociale – le collectif de janvier a été débattu avant les deux grandes journées d’action interprofessionnelle du 29 janvier et du 19 mars derniers –, de la révélation du scandale permanent de la rémunération des principaux chefs d’entreprise de notre pays et de leurs stock-options et autres, et surtout d’une nouvelle détérioration de la situation économique pour que nous soyons en présence de ce collectif.

Permettez-moi, à ce propos, de pointer dès maintenant un fait.

Face à l’impatience et à la réprobation manifestées par l’opinion publique devant le scandale de la rémunération des chefs d’entreprise, le Gouvernement vient de publier un décret encadrant la pratique des bonus et autres stock-options, décret qui ne fait que changer les choses au minimum et dont l’encre n’aurait sans doute pas coulé sans la mobilisation de l’opinion publique et l’initiative de parlementaires comme ceux de mon groupe, ainsi que nous l’avons vu la semaine dernière !

Pour l’heure, le Gouvernement vient de renoncer, avec ce collectif, à la prévision de croissance qui était encore affichée fort timidement dans le collectif de janvier dernier.

Nous en sommes désormais à un cadrage macroéconomique, serti d’une récession à hauteur de 1, 5 % du PIB, soit le pire ralentissement connu par notre pays depuis l’après-guerre ! D’autant que, selon les hypothèses retenues tant par les économistes que par l’INSEE, la récession risque fort d’être encore plus importante et de friser les 3 points de PIB !

Les services de « Pôle emploi », malgré l’usage de l’ensemble des mesures dilatoires permettant de réduire le nombre des chômeurs inscrits, ont tout de même enregistré en février 79 900 inscriptions de plus, c’est-à-dire, tout de même, près de 3 000 chômeurs supplémentaires tous les jours !

Encore heureux qu’existe dans notre pays un code du travail, qui protège un minimum les salariés, et que le recours au chômage partiel est une réponse d’attente devant le ralentissement de l’activité. À défaut, nous connaîtrions probablement une hémorragie d’emplois encore plus spectaculaire !

Le Président « du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat » est devenu, et son Gouvernement avec lui, celui du chômage partiel, du chômage total pour un nombre toujours croissant d’exclus, et de la stagnation du revenu pour le plus grand nombre !

Je comprends que, dans vos interventions, vous ne cessiez de dire qu’il ne faut pas opposer les uns et les autres : à la lumière de ce qui s’est passé dans la rue le 29 janvier et le 19 mars derniers, il est clair que vous craignez une plus grande mobilisation !

Le bilan de la loi TEPA, cette loi trompeusement destinée au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat, est sans équivoque !

Le nombre d’heures supplémentaires n’a pas connu de progression spectaculaire et les gains de pouvoir d’achat des salariés ont été faibles, se limitant, la plupart du temps, aux deux euros de cotisations sociales « gagnés » sur les heures payées au SMIC, mais peu au-delà.

Les seules mesures qui ont connu un certain succès, et cela ne nous étonne pas, sont celles qui ont amputé le produit de l’ISF, qu’il s’agisse de l’abattement sur l’habitation principale ou de l’incitation à investir dans le capital des PME !

C’est aussi le bouclier fiscal qui va, bientôt, devenir la marque infâme d’un Gouvernement qui s’entête à conserver un dispositif ne profitant véritablement qu’à une poignée de contribuables, bien loin de l’intérêt général, qui pourtant devrait être, dans notre pays, la source unique de la loi, y compris de la loi fiscale !

C’est enfin l’ensemble du dispositif destiné à alléger les droits de mutation sur successions et, surtout, sur donations qui a favorisé l’exemption fiscale de patrimoines particulièrement importants et une optimisation qui a contribué au creusement des déficits !

Les résultats pervers de la loi TEPA sont connus : effet d’aubaine pour les entreprises en matière d’heures supplémentaires, liquidation d’emplois intérimaires ou en CDD par arbitrage en faveur de ces heures supplémentaires.

Ceux qui, voilà plus d’un an, ont fait des heures défiscalisées Sarkozy sont, aujourd’hui, soit au chômage partiel, soit licenciés et je rappellerai à l’intention de M. le rapporteur général que les salariés de l’usine Continental, qui avaient accepté – il le fallait ! – de travailler quarante heures par semaine se sont vu ramenés à 35 heures avant d’être finalement licenciés.

Si je cite cet exemple, monsieur le rapporteur général, c’est parce que certains parlementaires votent, « en haut », des textes contraires aux discours qu’ils tiennent, « en bas » !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le rapporteur général, avec l’autorisation de l’orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je vous remercie, monsieur Foucaud.

Le cas de l’usine Continental, sur lequel j’ai, hélas ! souvent l’occasion de m’exprimer ces temps-ci, est très spécifique. Il est lié au mode de management de l’entreprise et à l’OPA hostile dont elle a fait l’objet. Il est irrationnel de vouloir tirer des leçons générales de cette situation particulière, notamment en ce qui concerne le régime des heures supplémentaires.

Dois-je rappeler qu’en 2007, lorsqu’a été organisé un référendum d’entreprise, on a mis en balance, dans la même formule, les quarante heures et la pérennité du site jusqu’en 2012 ? On peut comprendre dès lors que des amalgames soient faits.

Il n’en demeure pas moins que la situation de l’entreprise Continental est très particulière. Et, comme l’a dit très justement le secrétaire d’État, M. Luc Chatel, s’il y a eu trahison, c’est bien dans ce cas très particulier.

Mon cher collègue, il n’y a aucune contradiction entre les principes et les valeurs que je défends ici, en qualité de parlementaire, et les principes et les valeurs qui inspirent mon action comme maire et président d’agglomération. Je vous prie de bien vouloir en prendre acte.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Sur le terrain, M. le rapporteur général a sans doute fait un certain nombre de choses. Je tiens seulement à préciser, sans malice, que les parlementaires doivent légiférer sur des sujets tels que le bouclier fiscal et les stock-options, qui dérèglent tout le système et qui absorbent des recettes pouvant contribuer au redressement de notre industrie. Et, lorsque je dis que certains parlementaires tiennent, en bas, des propos contraires à ce qu’ils font ici, c’est par rapport à ce qu’on entend ou ce qu’on lit de part et d’autre.

Monsieur le rapporteur général, votre secteur est dans une situation difficile, et croyez bien que je compatis, mais il n’en demeure pas moins qu’on a presque obligé les salariés à accepter de travailler quarante heures : c’était les quarante heures ou la porte.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Absolument ! Lorsque nous, élus communistes, avons dénoncé cette situation, on nous a pris, une fois encore, pour des ringards dépassés. J’aurai souhaité avoir tort mais, malheureusement, l’histoire nous donne aujourd’hui raison. Les salariés sont repassés à trente-cinq heures et sont aujourd’hui sous le coup d’un licenciement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je ne fais que répéter ce que vous disent les salariés, monsieur le rapporteur général.

Au nombre des effets pervers de la loi TEPA, outre les heures supplémentaires et les liquidations d’emplois intérimaires ou en CDD par arbitrage en faveur de ces heures supplémentaires, s’ajoutent les majorations scandaleuses du remboursement au titre du bouclier fiscal pour moins de 900 contribuables ou encore la hausse artificielle des prix de l’immobilier liée, vous le savez, à l’allégement des droits de succession. Et la liste n’est pas exhaustive !

Le coût de la loi TEPA est évalué à 7, 7 milliards d’euros, mais en réalité il est bien plus élevé à cause de ses effets pervers ! Nous l’avons déjà démontré ici. En effet, 725 millions d’heures supplémentaires, cela représente 450 000 emplois à temps plein qui ne sont pas mis sur le marché du travail !

À dire vrai, d’une certaine façon, la crise a bon dos ! Non, madame la ministre, le déficit budgétaire de l’État n’est pas constitué pour sa plus grande part d’un déficit de crise de quelque 60 milliards d’euros ! C’est aussi le déficit généré par des années et des années de choix politiques et budgétaires qui ont conduit à faire jouer au budget de la nation le rôle de roue de secours des profits des entreprises et des revenus des plus aisés !

Les choix du Gouvernement auquel vous appartenez et que soutient l’actuelle majorité parlementaire en ont ajouté et en ajoutent encore, avec la loi TEPA et les autres textes votés depuis le printemps 2007 !

Le candidat du travail est devenu le Président des déficits, de déficits sans cesse croissants, alimentés et s’alimentant des injustices fiscales qui ont été dénoncées tout à l’heure, des injustices économiques sans cesse plus criantes qui brisent le pacte républicain !

Le présent texte n’échappe d’ailleurs aucunement à ce processus. Ainsi, on annonce 2, 6 milliards d’euros pour les ménages, au travers de mesures affectant le produit de l’impôt sur le revenu ou conduisant à l’attribution quasi surréaliste de bons d’achat pour services à la personne et, dans le même temps, on prévoit d’ajouter 6, 5 milliards d’euros en soutien au secteur automobile, à la demande expresse des entreprises !

Or, tout laisse à penser que ces sommes, qui sont prises sur les fonds publics, seront utilisées pour préparer les plans sociaux qui s’annoncent ou qui ont déjà été annoncés, ou les départs volontaires que les grands groupes du secteur, les équipementiers et leurs sous-traitants, vont mettre en œuvre dans les mois à venir !

L’argent public au secours de l’amélioration du profit d’entreprises confrontées à la crise : il fallait y penser ! Mais cela ne m’étonne pas, d’autant que ce n’est pas la première fois !

Un véritable changement de politique s’impose. Sauf à décider de creuser encore plus les déficits et d’éloigner plus encore la sortie de crise.

Un tel changement nécessite de sortir aussi de la méthode Coué qui consiste à dire, par monts et par vaux, devant le public choisi de réunions publiques largement encadrées par un déploiement policier sans équivalent, qu’on a fait les bons choix et qu’il faut attendre pour mesurer leur efficacité !

Les Français et les Françaises ne veulent plus attendre. Et le voudraient-ils qu’ils ne le peuvent plus ! C’est fort de ces aspirations, de cette exaspération et de cette exigence d’autres choix que nous participerons à la discussion de ce projet de loi de finances rectificative.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la période troublée que nous traversons se caractérise par une perte de repères financiers, économiques, budgétaires mais aussi politiques et parfois même, hélas ! moraux.

Des piliers de la finance internationale se sont effondrés ou affaissés. Des mythes, comme celui de l’argent facile, se sont écrasés contre le mur de la réalité économique et les gourous d’hier sont aujourd’hui brûlés sur le bûcher des vanités.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Le monde vit au rythme des scandales et des dépréciations d’actifs, au point que les établissements de crédit ont perdu confiance dans les entreprises et en eux-mêmes.

Maastricht paraît bien loin et chaque collectif budgétaire constate une aggravation des déficits publics. Des secteurs économiques entiers sont fragilisés et des dizaines de milliers d’emplois supprimés ou menacés, parfois dans des conditions humaines indignes.

Pendant ce temps, certains continuent à s’attribuer des avantages qu’ils n’ont pas toujours mérités, sans prendre la mesure de la crise économique et sociale que nous traversons.

D’autres perdent leur temps, et le nôtre, dans des débats périphériques et idéologiques, bien loin des enjeux d’aujourd’hui et des préoccupations des Français. Il est vrai qu’il est plus facile de désigner des boucs émissaires que de regarder la réalité en face et de trouver des remèdes.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Devant cette perte de repères, je veux, au nom du groupe UMP du Sénat, rappeler nos valeurs, nos priorités et notre stratégie.

Notre première valeur est le travail ; notre première priorité est l’emploi ; notre stratégie est le soutien à l’investissement et à l’activité, car ce sont les entreprises qui créent des emplois et qui distribuent des salaires, donc du pouvoir d’achat.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

C’est tout le sens de la politique que nous avons engagée depuis le début de cette législature et qui a été renforcée avec le plan de relance.

En octobre, le plan de soutien aux banques a permis de préserver l’épargne des Français et d’assurer la stabilité de notre système financier, parallèlement aux initiatives lancées par la France sur le plan international, initiatives que nous espérons voir aboutir lors du prochain G20, cette semaine.

La garantie exceptionnelle de 360 milliards d’euros apportée par l’État a permis de rétablir la confiance pour que les banques puissent continuer à financer l’économie et à prêter aux entreprises, aux collectivités et aux particuliers.

La création du Fonds stratégique d’investissement permettra de stabiliser les entreprises vulnérables et d’investir dans l’avenir tout en défendant les intérêts stratégiques de notre nation.

Ce dispositif a été complété, sur le plan fiscal, par l’exonération de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements réalisés entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009, en attendant la suppression complète de la part de cette taxe pesant sur les investissements productifs.

Notre groupe a pris bonne note de l’engagement du Gouvernement de trouver des recettes équivalentes pour les collectivités territoriales et il sera très attentif aux modalités qui seront proposées.

Le soutien de l’investissement et de l’activité est aussi au cœur du plan de relance de l’économie de 26 milliards d’euros annoncé le 4 décembre dernier par le Président de la République et voté par le Parlement en janvier.

Il traduit également, sur le plan législatif, le Pacte automobile conclu le 9 février pour assurer l’avenir de notre outil industriel et préserver un secteur stratégique pour notre économie et nos emplois.

Mais ce collectif budgétaire concrétise surtout les engagements du Gouvernement pour garantir la justice sociale et la solidarité à l’égard de nos compatriotes les plus fragiles. Car la solidarité est aussi l’une de nos valeurs cardinales. Oui, nous avons le devoir de protéger les plus vulnérables, en particulier les chômeurs et les jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi, sans oublier les classes moyennes modestes, qui subissent également la crise.

Ce collectif budgétaire traduit donc dans la loi les mesures qui ont été décidées lors du sommet social du 18 février dernier : il dote le Fonds d’investissement social de 800 millions d’euros supplémentaires.

Pour soutenir le pouvoir d’achat, ce texte prévoit une réduction des deux tiers de l’impôt sur le revenu des ménages modestes, ce qui revient, pour les 4 millions de ménages dont les revenus se situent dans la première tranche d’imposition, à un gain moyen par foyer de plus de 200 euros. En outre, près de 2 millions de foyers dont les revenus atteignent la deuxième tranche verront également leur impôt diminuer. Ce sont ainsi 6 millions de ménages qui bénéficieront d’une réduction significative de leur imposition en 2009, pour un coût global de 1, 1 milliard d’euros. C’est bien de la distribution de pouvoir d’achat !

Ce volet social est complété par le versement d’une prime de 150 euros à 3 millions de familles aux faibles revenus ayant des enfants scolarisés et de bons d’achats de services à la personne de 200 euros pour des personnes en perte d’autonomie et des parents d’enfants handicapés.

Il s’agit donc, mes chers collègues, de mesures concrètes que je me plais à rappeler parce qu’on les oublie parfois dans le débat qui agite en ce moment l’opinion et les médias et qu’elles sonnent, de notre point de vue, comme autant de démentis aux allégations de ceux qui caricaturent en permanence la politique que nous menons depuis presque deux ans.

Ce collectif budgétaire est à la fois économique et social. Il convient de ne pas détourner pas le débat en abordant des sujets fiscaux qui, selon nous, n’y ont pas leur place et relèvent d’un débat de loi de finances sur la structure de nos prélèvements obligatoires.

C’est pourquoi, je tiens à l’indiquer dès à présent, nous ne soutiendrons aucune des propositions de nos collègues qui visent à remettre en cause la politique fiscale du Gouvernement.

De la même manière, nous pensons que la question de la sur-rémunération des dirigeants n’a certainement pas sa place dans la discussion de ce texte.

La majorité, autour du Président de la République, je veux le rappeler, a collectivement et unanimement considéré il y a peu que procéder par voie réglementaire serait plus rapide, et donc plus efficace. Un décret a été publié aujourd’hui au Journal officiel pour mettre fin à ces pratiques qui ont toujours cours dans certaines entreprises soutenues par l’État.

La crise nous commande d’être réactifs. Alors qu’il nous faudra peut-être, dans les prochains mois, examiner de nouvelles mesures pour y faire face, nous avons le devoir d’être cohérents et responsables.

Il faut trouver l’équilibre entre l’activité et la solidarité : ces notions sont pour nous indissociables de celle de responsabilité. Nous assumons totalement notre refus de compenser les pertes de recettes fiscales par de nouvelles hausses d’impôts, de manière à ne pas pénaliser l’activité ni décourager les contribuables qui font tourner la « maison France ».

Nous assumons aussi le choix de maintenir le cap de la maîtrise des dépenses courantes de l’État et du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique.

En privilégiant la relance par l’investissement, nous n’entendons pas sacrifier l’avenir, bien au contraire. Soutenir l’investissement aujourd’hui, c’est renforcer la compétitivité de notre économie, c’est préparer les emplois de demain, c’est nous doter des meilleurs atouts lorsque la croissance reviendra.

Nous sommes persuadés que notre pays surmontera d’autant plus rapidement cette crise qu’il aura confiance dans l’avenir.

Mes chers collègues, notre responsabilité politique est de dire la vérité aux Français, d’être à leur écoute, d’aider les plus fragiles, mais aussi de mettre en œuvre une stratégie cohérente et de tenir, coûte que coûte, le cap des réformes.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

C’est cet ensemble qui fera le succès de la France lorsque la croissance sera de retour.

C’est dans cet état d’esprit constructif que le groupe UMP aborde l’examen de ce projet de loi de finances rectificative.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles : défaillances d’entreprises en cascade, multiplication des plans sociaux dans les usines et cortèges de licenciements.

Le chômage connaît une remontée fulgurante, plongeant ainsi une grande partie de nos concitoyens dans l’angoisse du lendemain et tout notre pays dans la spirale de la récession.

Dans le contexte d’une crise mondiale, la France ne fait pas exception si l’on s’en tient aux indicateurs traditionnels. Fort recul du PIB, dégradation du déficit public, dette publique explosive : les indicateurs sont au rouge et le tableau économique est sombre, si sombre qu’on le compare à celui qui a été déclenché par le fameux « jeudi noir » de 1929.

Dans cet enfer, certains arrivent tout de même à trouver des coins de paradis… Car, comme si cela ne suffisait pas, l’indécence s’ajoute à la difficulté par l’existence de paradis fiscaux et de rémunérations excessives de dirigeants d’entreprises aidées par l’État.

Un pays comme le nôtre, pour lequel les valeurs de solidarité et de justice ont un sens, ne peut pas, ne doit pas se satisfaire d’un tel décalage entre ceux qui subissent la crise et ceux qui en profitent. On ne saurait rester inerte lorsque nombre de nos concitoyens ne savent pas comment ils vont boucler leur fin de mois tandis que d’autres s’interrogent sur le meilleur moyen de faire fructifier, si possible à l’abri, leur argent de poche !

Certains d’entre vous trouveront peut-être ces propos caricaturaux. Il reste que, sur le terrain, la réalité rattrape les élus de proximité : nous sommes nombreux sur ces travées à faire le constat amer d’une demande toujours plus forte d’aide sociale.

Dans cette chronique de l’insoutenable, mes chers collègues, se pose encore une fois l’inévitable question du bouclier fiscal. De loi de finances rectificative en loi de finances rectificative, malgré l’effet de ciseaux qui hypothèque de plus en plus l’avenir des finances publiques, le Gouvernement semble persister dans sa surdité.

Pourtant, des voix s’élèvent, même dans les rangs de la majorité, pour dénoncer un dispositif qui pose des problèmes d’équité fiscale mais également d’efficacité économique. Je l’ai dit la semaine dernière à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de nos collègues du groupe CRC-SPG, la crise économique justifie aujourd’hui la suppression du bouclier fiscal.

Plus généralement, il serait temps de revenir enfin au principe d’égalité devant l’impôt, inscrit dans la Constitution, ainsi qu’au principe de progressivité, si cher au radical Joseph Caillaux.

Ces deux principes, qui n’existent plus dans les faits à force d’exonérations, de niches et de parapluies divers et variés, doivent être rétablis parce qu’ils sont au fondement de l’esprit républicain.

Certes, pour calmer les esprits, le présent projet de loi de finances rectificative prévoit la réduction des deux tiers de l’impôt sur le revenu. Cette mesure, évidemment insuffisante, a au moins le mérite de corriger un peu le déséquilibre entre les soutiens à l’investissement, massifs, et ceux qui sont destinés à la consommation, jugés par moi trop faibles depuis la mise en œuvre du plan de relance.

Cependant, sur la forme, je constate que, si l’idéologie a guidé la mise en place du bouclier fiscal, ce sont plutôt les circonstances qui ont suscité ce nouveau dispositif à l’article 1er. Cela m’amène à constater que ce sont les plus fragiles qui servent, une fois de plus, de variable d’ajustement. C’est très regrettable, notamment au regard des principes de justice sociale que j’évoquais à l’instant.

Je voudrais conclure mon intervention en esquissant la voie qu’il serait nécessaire d’emprunter pour répondre aux défis posés par cette crise. Car, au-delà des indispensables plans de relance qui valent pour l’immédiat, nous devons réfléchir à la manière de dépasser un système capitaliste exclusivement dopé au libéralisme économique et financier, pour aller vers des modèles de développement humain mettant en avant des critères sociaux, écologiques, sanitaires ou même civiques.

Bien entendu, cette vision suppose un minimum de convergences au niveau mondial. À la veille du G20, la réticence des Américains sur la mise en place d’une réforme du capitalisme financier laisse, hélas ! présager un immobilisme en la matière, à moins que les Européens fassent preuve de fermeté. Il le faudrait, car nous savons que la crise a démarré chez ceux qui veulent aujourd’hui déterminer ce qui est prioritaire, mais aussi ce qui ne l’est pas. C’est un comble !

Du reste, il n’est pas étonnant que les États-Unis continuent de se comporter en leader quand l’Europe démontre sa faiblesse politique. Solidaire dans les discours, l’Union européenne subit dans les faits les différents plans de relance nationaux. Au final, c’est plus une addition de « stratégies hexagonales » qu’un véritable effort de coordination qui caractérise aujourd’hui l’Europe économique.

À l’approche des élections européennes, j’espère que tous ceux qui partagent l’idée d’une nécessaire harmonisation des politiques économiques et budgétaires des États membres se mobiliseront.

Mes chers collègues, faisons en sorte que les Français voient en l’Europe une éclaircie plutôt que le réceptacle de leur désarroi. En attendant, les sénateurs radicaux de gauche et la majorité des membres du RDSE ne pourront pas voter en faveur de ce nouveau projet de loi de finances rectificative.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui prévoit un déficit des finances publiques de la France de 104 milliards d’euros, chiffre jamais atteint !

Ce chiffre est inquiétant en lui-même parce qu’il atteste le délabrement de nos finances publiques mais aussi en ce qu’il nous indique à quel point les marges de manœuvre sont aujourd’hui limitées pour faire face à la crise.

Cette situation préoccupante s’explique en grande partie, me semble-t-il, par la politique fiscale conduite par la droite depuis 2002 en France, et c’est ce que j’entends maintenant démontrer.

Pour introduire mon propos, j’évoquerai la situation actuelle aux États-Unis, première économie mondiale et pays, comme vous le savez, où est née cette crise majeure que nous traversons aujourd’hui.

Le Président Sarkozy s’est longtemps flatté qu’on le surnomme « Sarkozy l’Américain » ; il prétendait introduire en Europe « ce qui marche », c’est-à-dire, à ses yeux, la politique économique qui était mise en œuvre aux États-Unis par Georges Bush. Il fallait rompre, disait-il, avec la vision européenne de l’État-providence, cette vieille lune sociale-démocrate, dispendieuse et ringarde.

L’un des exemples les plus cocasses de ce discours fut, vous vous en souvenez, la proposition formulée durant la campagne présidentielle d’introduire les prêts immobiliers hypothécaires destinés à faire de la France une « société de propriétaires ».

Hélas, cette politique américaine s’est révélée être un échec. Elle a conduit à inverser le sens de la redistribution puisque, sous la présidence Bush, les États-Unis ont vu s’exercer un transfert annuel de quelque 150 milliards de dollars des couches populaires vers la fraction de 1 % des plus riches. Il en est résulté le déclassement des couches moyennes, entrées dans une spirale de pauvreté.

Les instruments fiscaux qui ont conduit à ce désastre ressemblent beaucoup aux vôtres et sont à peine plus caricaturaux : baisse de la fiscalité sur le patrimoine, réduction des impôts progressifs à la portion minimale au profit d’une fiscalité proportionnelle, ainsi que d’une fiscalité d’entreprise qui encourage la rente et pénalise l’investissement productif.

Heureusement, Barack Obama, comme jadis Roosevelt lors du New Deal, revient aux fondamentaux de l’économie réelle. Le nouveau président américain, tout en baissant de 250 milliards de dollars les impôts des plus modestes, s’apprête à relever l’impôt des grandes fortunes américaines, en même temps qu’il prévoit de limiter réellement les scandaleuses rémunérations des patrons des sociétés maintenues en vie grâce aux perfusions du Trésor.

Pour une fois, nous aimerions, madame la ministre, monsieur le ministre, que votre gouvernement s’inspire de ce qui se fait outre-Atlantique. Le président Sarkozy pourrait ainsi méditer ce propos de Roosevelt : « Gouverner, c’est maintenir égales pour tous les balances de la justice. »

Cela étant, attribuer toute la responsabilité au seul président Sarkozy serait malhonnête. Il dispose de solides complicités au sein de la majorité, car ses malencontreuses options ne datent pas d’hier. Dès le retour de la droite au pouvoir, en 2002, nous avons été obligés de constater une forte régression de la justice fiscale en France.

Dès 2002, en effet, votre politique prétendait renforcer la croissance, consolider l’emploi et le pouvoir d’achat. Pour y parvenir, il fallait, nous disait-on, diminuer les prélèvements obligatoires tout en réduisant la dette du pays et les déficits, afin de se redonner des marges de manœuvre.

Ici même, en 2003, on entendit qualifier de « cocktail gagnant » l’ensemble de mesures destiné à faire baisser l’impôt sur le revenu, les charges patronales, la fiscalité du patrimoine et l’impôt de solidarité sur la fortune. Rétrospectivement, ce cocktail nous apparaît plutôt être une potion empoisonnée !

En effet, de 2002 à 2007, si votre politique de baisse d’impôts a coûté au bas mot plus de 23 milliards d’euros à la collectivité publique, le taux de prélèvements obligatoires est resté quasiment inchangé. Comment expliquer cette stabilité alors que vous prétendiez diminuer les impôts ? Il suffit d’observer que, contrairement à vos promesses, vous n’avez pas réellement réduit le niveau d’imposition. Vous avez simplement concentré les prélèvements sur les classes moyennes pour mieux décharger vos clientèles électorales de leur devoir de solidarité nationale.

De 2002 à 2007, les foyers dont les revenus étaient compris entre 15 et 20 fois le SMIC ont profité, en moyenne, d’une baisse d’imposition comprise entre 3 000 et 12 000 euros par an ! En taillant en pièces le principe de progressivité de l’impôt, vous avez réussi la gageure d’inventer la redistribution à rebours : prendre aux pauvres pour donner aux riches !

C’est dans le même esprit que vous avez menti aux Français lorsque vous promettiez que le bouclier fiscal devait profiter aux classes moyennes et modestes. Nous avons entendu plusieurs fois de tels propos dans cet hémicycle. De fait, en 2008, ce sont 834 contribuables disposant d’un patrimoine moyen de 15, 5 millions d’euros qui ont reçu de l’État un chèque d’un montant moyen atteignant 368 000 euros.

Au total, ce dispositif nous coûte la bagatelle de 307 millions d’euros. Même Dominique de Villepin, qui en est l’instigateur, s’en est inquiété il y a quelques jours dans les colonnes du journal Le Monde !

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

Ce n’est pas une référence !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Dès 2002, vous prétendiez également améliorer l’attractivité fiscale du pays et permettre l’épanouissement des entreprises. Il fallait, disait-on, « libérer les énergies », selon un slogan alors à la mode. Vous avez donc abaissé l’impôt sur les sociétés, créé un dégrèvement de taxe professionnelle, réduit l’imposition des plus-values, pour ne rien dire de l’exonération d’ISF, à hauteur de 75 %, sur les actions et les parts sociales. Vous avez multiplié les mesures dérogatoires, qui portent aujourd’hui le nombre de « niches fiscales » à plus de cinq cents ! En 2003, elles coûtaient déjà plus de 50 milliards d’euros à l’État. Je n’ose imaginer à combien s’élèvera leur montant en 2009…

Cette stratégie fiscale désastreuse a encore été accentuée depuis 2007.

Loin de revenir sur les choix fiscaux antérieurs, le gouvernement Fillon a aggravé l’injustice fiscale. Dans la lettre de mission qu’il vous a adressée en 2007, madame la ministre, et conformément à la promesse faite au MEDEF lors de son université d’été, le Président exigeait une baisse des impôts de quatre points sur les dix prochaines années.

La loi dite « TEPA », votée dès juillet 2007, a ainsi permis aux grandes fortunes d’échapper à l’ISF en autorisant la déduction des sommes investies dans les PME jusqu’à 50 000 euros. Si l’on y ajoute le bouclier fiscal et les autres niches, on se demande bien ce qu’il leur reste à payer !

Au prétexte que vous diminuez les recettes, vous vous êtes attaqués aux fondements du service public à la française en prétendant le moderniser.

Qu’on ne se méprenne pas sur le sens de mes propos : nous sommes d’accord sur la nécessité de moderniser l’État. Oui, il faut que le service rendu à nos concitoyens soit le meilleur possible. Oui, dans un contexte de raréfaction des ressources, il faut des réformes. Mais les choix budgétaires que vous avez effectués se cantonnent trop souvent à une vision purement financière, sans réelle prise en compte des besoins des usagers, comme nous le constatons en matière d’hôpitaux ou d’écoles.

Outre les restrictions imposées, vous opérez un tour de passe-passe qui consiste à transférer le coût de fonctionnement des services publics du contribuable vers l’usager. Ce que vous enlevez de la feuille d’impôt, les Français le retrouvent à la facturation. Cette stratégie pénalise évidemment les plus modestes, qui ont du mal à s’acquitter des augmentations de tarifs des services publics.

L’État fait aussi porter cet abandon de recettes par les collectivités. L’acte II de la décentralisation, qui devait être une nouvelle ère pour les politiques locales, s’avère n’être qu’un corset de fer. Le transfert massif de charges n’a pas été compensé comme il aurait dû l’être, ce qui contraint les élus locaux à pallier les carences du Gouvernement. Les dégrèvements de taxe professionnelle et, bientôt, la suppression pure et simple de celle-ci conduiront à ce que le principe d’autonomie fiscale, pourtant inscrit dans la Constitution, reste lettre morte.

Grâce à la décentralisation, l’État détricote l’impôt progressif pour mieux en reporter le coût sur les impôts locaux qui sont, eux, des impôts proportionnels : les collectivités ont bon dos ! Le Gouvernement peut ensuite leur faire la leçon, sur l’air des dépensiers qui ne jurent que par les taxes. Il est pourtant bien heureux de s’appuyer sur l’investissement des collectivités, sans lequel son plan de relance est voué à l’échec. N’oublions pas que ce sont les collectivités qui assurent jusqu’à 73 % de l’investissement public !

Admettez, madame la ministre, que, compte tenu de la dette endémique qui grève nos finances, l’État peut difficilement s’ériger en donneur de leçons.

Depuis l’arrivée de la droite au pouvoir, la dette liée aux déficits n’a cessé de croître. Elle sera au mieux de 73, 9 % du PIB en 2009, pour un déficit de 5, 6 %, très loin du seuil autorisé par nos engagements européens.

La politique menée depuis 2002 ne mérite d’être associée qu’à deux vocables : électoralisme et « court-termisme ».

Dans son rapport annuel pour 2008, la Cour des comptes estime que, si la dette publique continuait d’évoluer au même rythme, elle atteindrait 85 % du PIB en 2012 ; et encore n’est-ce là qu’une hypothèse optimiste !

Madame la ministre, il est urgent de dire la vérité aux Français et de comprendre que les privilèges fiscaux d’aujourd’hui sont les hausses d’impôts de nos enfants !

À l’heure où l’État injecte des milliards dans l’économie, notamment dans les banques qui continuent de verser des rémunérations faramineuses aux responsables de la crise, il est du devoir du Gouvernement de rétablir l’équité en sollicitant davantage les hauts revenus.

Rappelons que l’une des premières mesures prises par Roosevelt, qui n’était pas vraiment un gauchiste, après la crise de 1929 a été d’augmenter le taux marginal d’imposition, pour le porter à 63 % en 1932 et à 91 % en 1941. Votre gouvernement, qui prétend lutter contre les inégalités, devrait s’en inspirer !

Il faut cesser de justifier votre laxisme fiscal par l’efficacité économique, car cela ne marche pas. Il faut d’urgence changer votre politique fiscale, inefficace et injuste.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Après les excellentes interventions des rapporteurs et des orateurs qui m’ont précédé, je souhaite m’affranchir des rites habituels de la discussion budgétaire et me concentrer sur deux séries de questions, que j’adresse au Gouvernement.

La première série comprend trois questions et concerne le découpage du déficit de 104 milliards d’euros en un déficit structurel et un déficit de crise.

Premièrement, le déficit de crise est-il vraiment réversible et quelle sera la durée de cette réversibilité ? Deux ans ? Cinq ans ? Dix ans ?

Deuxièmement, les allégements de charges sociales, que nous traînons depuis dix ans, font-ils partie du déficit structurel ou du déficit de crise ? Envisagez-vous de les réduire progressivement dès que la conjoncture s’améliorera ?

Troisièmement, la suppression, compensée par l’État, de la part investissements de la taxe professionnelle dès 2010 sera-t-elle imputée au déficit de crise ou au déficit structurel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Cela ne risque-t-il pas d’aggraver le déficit structurel ?

Ma deuxième série de questions concerne l’augmentation, nécessaire, de la dette publique. En effet, de nombreuses autorités l’ont dit avant moi, face à la gravité de la crise, on ne se demande plus comment réagir : on est obligé d’augmenter la dette.

Cela étant, puisque cette augmentation est nécessaire et que la dette représentera, dès cette année, près de 75 % du produit intérieur brut, nous devons améliorer nos méthodes. À cet égard, je vous poserai encore, madame la ministre, monsieur le ministre, trois questions.

S’agissant tout d’abord des mécanismes d’emprunt sur le marché international, avec lequel nos amis anglais ont eu quelques difficultés la semaine dernière, des précautions sont-elles prises pour plafonner l’augmentation des taux d’intérêt qui risque de se produire ?

Certes, actuellement, les taux d’intérêt baissent ; nous le constatons avec les bons du Trésor. Ils risquent cependant de remonter. Par conséquent, recourt-on à ces systèmes fort compliqués qui consistent à se garantir pour éviter de se trouver confrontés à une augmentation des taux d’intérêt ?

Ensuite, peut-on trouver de nouvelles formules d’emprunt ? Aujourd’hui, vous recourez très largement, madame la ministre, aux bons du Trésor, dont l’encours a atteint ce mois-ci 45 milliards d’euros. Je reconnais que les taux baissent, les dernières adjudications s’étant faites à 0, 82 %, ce qui est satisfaisant pour des bons du Trésor à un an et prouve que l’évaluation des charges de la dette associée au budget sera respectée. Ne peut-on pour autant envisager de nouvelles formes d’emprunt ? Je songe par exemple à des bons du Trésor dont l’échéance pourrait aller jusqu’à dix ans et qui nous permettraient d’être moins tributaires du marché international.

Sur ce marché international, l’écart de taux avec les Allemands est aujourd’hui de 50 points de base. Avec la Grèce et l’Irlande, cet écart est de 250 points de base. Ne risque-t-on pas de voir se creuser les écarts de taux, au fur et à mesure que tous les États vont emprunter, ce qui entraînera sans doute des difficultés ?

Enfin, j’ai constaté que la société de prises de participation de l’État n’empruntait pas par l’intermédiaire de l’Agence France Trésor. Par conséquent, son écart de taux avec nos voisins allemands est non pas de 50, mais de 70 ou 75 points de base. Pour faire des économies et compte tenu de l’importance des emprunts que nous lançons et allons lancer, ne pourrait-on pratiquer des méthodes plus économiques ? Certes, l’Agence France Trésor se réserve un droit de veto pour les appels de fonds, mais ne pourrait-on préférer le système de collecte qui nous coûte le moins cher au principe de cloisonnement des activités si prisé par tous les Français ?

Ces quelques questions techniques ne m’empêchent pas, madame la ministre, monsieur le ministre, d’apporter mon appui et mon soutien au projet de loi de finances rectificative que vous nous présentez. Il me paraît cependant nécessaire de prendre du recul et de faire preuve de lucidité pour l’avenir, et de mettre en chantier, dès maintenant, les instruments monétaires et fiscaux qui devront impérativement baliser, demain ou après-demain, la sortie de crise.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pour la quatrième fois en quatre mois, le Sénat est amené à examiner un projet de loi de finances rectificative dont l’objet premier est d’atténuer les effets de la crise financière et de juguler une récession économique dans laquelle notre pays s’enfonce chaque jour davantage.

Avec, cette année, une « croissance négative » d’au moins 1, 5 %, la tâche sera difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

En français, cela s’appelle une décroissance !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

L’environnement international est mauvais, voire catastrophique pour les pays les plus atteints par la crise.

Les États-Unis, première puissance économique, voient leur production industrielle tomber au plus bas depuis sept ans. Selon la Réserve fédérale, 48 % des entreprises industrielles estiment que leurs conditions d’activité ne cessent d’empirer, avec un indice de commandes plongeant de 14 points, pour s’établir au niveau record de moins 44, 8 points !

En France aussi, l’environnement économique demeure très difficile. Les chiffres sont tous, ou presque, convergents. La révision des hypothèses économiques conduit à des moins-values de recettes fiscales de 6, 3 milliards d’euros, dont 3, 5 milliards d’euros pour la TVA. Les recettes non fiscales sont également revues à la baisse de 1, 1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale, sous l’effet de la diminution des recettes attendues des participations de l’État et malgré les recettes nouvelles issues de la garantie apportée par l’État en faveur de la Société de financement de l’économie française.

Le solde budgétaire associé à ce collectif est de moins 103, 8 milliards d’euros ; il se creuse de 17 milliards d’euros par rapport à la dernière loi de finances rectificative ! À ce propos, madame le ministre, vous avez le courage de ne pas dissimuler que le problème est grave et que la dégradation de nos finances publiques conduira à un déficit de 5, 6 %, voire de 6 % du PIB.

Ce contexte de récession économique mondiale ne nous impose que davantage de maîtriser notre niveau de dépense et d’endettement publics : plus nous maîtriserons notre déficit, plus vite nous pourrons rétablir nos finances.

Le débat d’aujourd’hui nous offre l’occasion de dresser un premier bilan des mesures mises en œuvre ces derniers mois et de convaincre du bien-fondé de celles qui sont proposées aujourd’hui.

Le Gouvernement, qui s’est montré très réactif, s’est fixé deux objectifs majeurs : d’une part, mobiliser l’ensemble de nos partenaires européens pour parler d’une même voix et fixer de nouvelles règles de politique économique ; d’autre part, mettre en place une fiscalité incitative, afin d’encourager l’investissement de nos entreprises tout en prenant les mesures indispensables d’aide aux ménages les plus fragiles.

Dans une telle situation de crise, l’opportunité du bouclier fiscal peut, une fois de plus, être contestée. En effet, à un moment où le chômage augmente, avec des risques certains d’aggravation d’ici à la fin de l’année, il est impossible à ceux qui ont perdu ou qui craignent de perdre leur travail de ne pas éprouver un profond sentiment d’injustice lorsque l’État signe des chèques en faveur des plus hauts revenus, même s’ils comprennent l’idée selon laquelle on ne peut pas faire payer des impôts supérieurs à 50 % des revenus. Ce sentiment d’injustice va nuire à la stabilité de la France, ce qui pourrait avoir un effet très négatif sur les investissements étrangers et donc susciter une aggravation du chômage.

Donnons tort à Michel Colucci, dit Coluche, qui, sous le premier septennat de François Mitterrand, observait : « Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise : depuis que je suis petit, c’est comme ça ! »

Au vu des circonstances économiques exceptionnelles, il serait opportun de suspendre ce système afin de réconcilier équité fiscale et justice sociale. Il s’agit non pas de s’engager sur la voie stérilisante d’une hausse des impôts, mais plutôt d’adapter le système du bouclier fiscal aux impératifs de la crise. Ici aussi, ce serait faire preuve de réactivité !

Dans cet état d’esprit, je souligne l’initiative prise par le Sénat et la commission des finances en décembre 2008 afin que nos marges de manœuvre budgétaire ne soient pas réduites par nos moins-values fiscales. En premier lieu, je demeure persuadé que la réorganisation des niches fiscales, voire la suppression de certaines d’entre elles doivent être engagées au plus vite. En second lieu, il me semble indispensable que tout avantage fiscal ou social accordé aux entreprises soit compensé par des engagements fermes en termes de créations d’emplois, de relocalisation sur notre territoire et de politique salariale.

Face à la crise, notre capacité de proposition est essentielle, et ce collectif budgétaire concrétise de nouveaux engagements du Gouvernement pour accompagner notre pays sur le chemin de la relance économique et de la justice sociale. Si M. le rapporteur général laisse espérer que le creux de la crise n’est pas loin, je conclurai avec Khalil Gibran : « Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit. »

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

M. Aymeri de Montesquiou. Je voterai donc ce collectif budgétaire exceptionnel. À situation de crise exceptionnelle, collectif exceptionnel !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce moment du débat, je crois pouvoir dire que nous partageons tous un constat : l’ampleur de cette crise mondiale et de ses conséquences pour notre pays. Un chiffre, qui frappe les esprits et touche au plus profond de notre société, peut sans doute le résumer : depuis le début de l’année, nous comptons environ 80 000 chômeurs de plus chaque mois.

Révision après révision, le Gouvernement constate donc les dégâts. Il est loin le temps des prévisions du début de l’été 2008, et je sens tout de même moins d’arrogance dans les propos.

Aujourd’hui, cela peut se comprendre, le Gouvernement ajuste ou tente d’ajuster ses prévisions en gardant une bonne dose d’optimisme, cependant que le Président de la République, quelquefois, affiche un certain pessimisme et noircit la situation. Il est difficile de naviguer entre les deux !

Il en est de même des prévisions gouvernementales. Elles tablent désormais, pour 2009, sur un taux de « croissance » de moins 1, 5 % ; mais un consensus semble se dégager sur l’hypothèse d’un taux sûrement plus proche – mais je ne voudrais pas donner à mon tour l’impression de chercher à noircir le tableau – de moins 2, 5 % et d’un déficit public qui dépasserait alors 6 % du PIB.

Compte tenu de la situation économique, personne ne peut faire reproche au Gouvernement de nous soumettre un deuxième projet de loi de finances rectificative depuis le début de l’année. Il est malheureusement à craindre que nous n’ayons à en examiner un troisième avant l’été !

Je m’inscrirai dans la suite des propos de notre collègue François Marc en soulignant que, après s’être en quelque sorte « accroché » à sa position, le Gouvernement a bougé. Je me rappelle l’époque où il affirmait qu’il faisait déjà tellement pour le pouvoir d’achat des ménages et la consommation qu’il devait désormais privilégier l’investissement.

Nous n’avons rien contre les investissements qui pourraient être réalisés ou contre les prêts consentis au secteur de l’automobile – à condition bien sûr, comme le rappelait récemment notre collègue Martial Bourquin, que l’on en vérifie la destination et l’efficacité ! Mais voilà que, devant les journées de mobilisation sociale qu’a connues notre pays, le Président de la République a décidé qu’il fallait soutenir, sous la forme d’un crédit d’impôt, le pouvoir d’achat des contribuables dont le revenu imposable était inférieur à 12 475 euros. Ce qui était impossible, voire moqué quand nous le proposions devient soudainement intéressant, car telle est la volonté du Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Je rappellerai tout de même que, aujourd'hui comme hier, selon la logique du « multiplicateur keynésien » – et quel plaisir n’éprouve-ton pas à entendre de grands défenseurs du libéralisme ou du néolibéralisme y faire référence ! –, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

… 1 euro d’investissement public ou de transfert aux personnes à faible revenu crée 1 euro de PIB, tandis que 1 euro d’allégement fiscal n’augmente le PIB que de 0, 5 euro.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Il est tout de même curieux, madame la ministre, de constater que les tenants de l’orthodoxie budgétaire, qui ne manquent jamais de se manifester lorsque nous proposons de nous préoccuper du pouvoir d’achat, des capacités de consommation des milieux modestes et des classes moyennes, ne font aujourd’hui aucune difficulté quand le Gouvernement nous propose de financer ces baisses d’impôt par le déficit budgétaire !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Et il était encore plus curieux d’entendre M. le ministre chargé du budget parler, comme il l’a fait tout à l’heure, de maîtrise de la dépense courante alors même que le déficit des comptes sociaux était de 10 milliards d’euros en période de croissance et qu’il avoisinera cette année, je le crains, les 20 milliards d’euros !

M. Woerth a affirmé qu’augmenter les impôts des plus aisés conduisait toujours à augmenter les impôts de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Or c’est exactement le contraire qu’a fait le Gouvernement puisqu’il a diminué les impôts des plus aisés et augmenté les impôts indirects – la « taxe poisson », la taxe sur les assurances vie, etc. –, qui frappent proportionnellement davantage les moins aisés

Les conséquences sont malheureusement très visibles : se développe actuellement en France, et il faut y prendre garde, un sentiment d’injustice fiscale qui accroît la radicalité des mouvements sociaux ; nous le constatons tous sur le terrain. C’est la cohésion sociale même du pays qui est aujourd’hui atteinte ! Comment, en effet, mobiliser l’ensemble d’un pays face à la crise quand l’injustice fiscale est érigée en dogme ?

Pour les Français, cette injustice fiscale est symbolisée par plusieurs exemples. Je vais les citer de nouveau, mais nous n’aurons de cesse de les répéter.

C’est d’abord le bouclier fiscal : 834 VIP-contribuables qui possèdent un patrimoine de plus de 15 millions d’euros reçoivent un chèque de trop-perçu de 368 000 euros. Je vous le dis, c’est incompréhensible pour n’importe quel Français !

Ce sont ensuite les stock-options et autres rémunérations qui atteignent des sommes représentant des dizaines d’années de travail au SMIC, car c’est ainsi que les voient les salariés modestes.

Ce sont enfin des salaires de dirigeants qui rompent le consensus social et créent entre les revenus des inégalités dignes des pays en voie de développement.

Il ne peut y avoir, je le crois, de loi pour le secteur public et d’autodiscipline pour le secteur privé : ce qu’il faut, c’est de la justice pour tous !

J’ai envie, pour conclure mon propos, de dire à la majorité et au Gouvernement : abandonnez votre dogmatisme économique ! Faites fi de l’idéologie libérale ou néolibérale portée par le Président de la République pendant la campagne présidentielle ! Prenez exemple, puisque vous les aimez tant, sur les Anglo-Saxons : soyez pragmatiques ! Madame la ministre, vous savez ce que cela signifie : vous avez travaillé dans ces pays.

Convenons ensemble que des mesures qui peuvent se justifier en période de surchauffe économique, de pénurie de main-d’œuvre – je pense aux exonérations fiscales pour les heures supplémentaires – sont terriblement contre-productives en période de récession et de montée extraordinaire du chômage.

Pour retrouver des recettes fiscales, mais qui soient, cette fois, plus justes – je crois que c’est un souci que nous partageons –, n’hésitez pas à moduler les taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affectation du bénéfice réalisé : bonus quand les entreprises investissent, malus quand elles ne pensent qu’à servir les actionnaires ! Créez des contributions exceptionnelles pour celles qui réalisent des superprofits grâce à une politique des prix qui est finalement payée par les contribuables ; vous voyez certainement à quoi je fais allusion !

Madame la ministre, mes chers collègues, encore une fois, soyez pragmatiques. Vos dogmes sont dépassés. Pensez que justice sociale et justice fiscale vont de pair ! C’est en réalisant la cohésion sociale de notre pays que nous pourrons ensemble le mieux faire face à cette crise.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’aborderai un point particulier de ce projet de loi de finances rectificative : la forêt, dont la tempête Klaus a détruit, les 24 et 25 janvier dernier, des centaines de milliers d’hectares dans les trois régions du Sud-Ouest.

Je tiens tout d’abord à dire notre solidarité aux amis de la forêt, aux sylviculteurs et à tous les professionnels de la filière bois qui ont subi les ravages de cette tempête. Il aura fallu à peine six heures, quelquefois, pour détruire l’œuvre d’une vie. Je veux donc adresser un message d’amitié à tous ceux qui ont été victimes de cette tempête et à nos collègues du Sud-Ouest qui s’exprimeront tout à l’heure, notamment Gérard César, en les assurant de notre soutien face à une catastrophe dont les blessures ne seront effacées qu’au terme de plusieurs années.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Les Landes ont, bien sûr, subi cette tempête, mais il faut aussi parler des Pyrénées, avec les pins maritimes et les peupliers, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Il n’y en a pas dans les Pyrénées, mais il y en a dans le Lot-et-Garonne !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Je voulais parler de la région Midi-Pyrénées.

Mes chers collègues, il faudrait éviter les particularismes régionaux trop étroits. Le sort de la forêt des Landes intéresse tout le pays, car un déséquilibre dans les Landes peut avoir des conséquences économiques en France et même en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

L’évaluation des dégâts fait déjà apparaître que cette catastrophe est probablement plus importante que celle de 1999. L’estimation porte sur près d’un million d’hectares en Midi-Pyrénées, Aquitaine et Languedoc-Roussillon.

Près de cinq années de récolte, soit 40 millions à 50 millions de mètres cubes de bois ont été abattus par le vent, laissant l’épouvantable désordre des chablis. Ont été en particulier frappés le pin maritime et le peuplier, deux essences dont l’économie du bois en France a éminemment besoin.

Avant d’évoquer les crédits mobilisés au titre du projet de loi de finances rectificative, je voudrais, madame la ministre, vous féliciter, ainsi que le Gouvernement, pour la rigueur avec laquelle vous avez réagi et vous rappeler à tous, mes chers collègues, que cette tempête touche, comme tout ce qui a trait à la forêt, les propriétaires, les usagers de la forêt, la filière industrielle du bois et, plus généralement, toute la société.

Elle touche, en premier lieu, les propriétaires, qu’ils soient privés ou communaux, ou même l’État, qui possède, sur le littoral, de forêts de protection d’une grande beauté. Les propriétaires vont se trouver privés des rémunérations normales qu’ils attendaient pour gérer leurs forêts. Il y aura là, à l’évidence, un manque à gagner tout à fait préjudiciable.

Cette tempête touche ensuite la filière industrielle, qui valorise le bois sorti des forêts et qui apporte aux propriétaires les revenus nécessaires.

À cet égard, mes chers collègues, je rappelle que la forêt française, qui couvre environ 30 % du territoire national, autofinance presque l’ensemble de son entretien. La forêt, en dépit des idées reçues, ne coûte pas cher en deniers publics.

M. Jean-Louis Carrère approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

La filière industrielle du bois va subir dans le Sud-Ouest et au-delà des effets redoutables, notamment dans le domaine des produits transformés utilisés pour la construction, l’emballage, la pâte à papier ou l’ameublement.

Enfin, cette tempête touche la société, qui tire parti des services gratuits apportés par la forêt, et cela en tout point de l’Hexagone : la biodiversité, les paysages, le ressourcement en air et en eau ou encore, dimension dont l’importance est désormais reconnue comme majeure, le stockage du carbone.

Je voudrais d’abord insister sur les conséquences économiques immédiates de cette tempête, conséquences qui risquent d’être accentuées en 2009 par la crise économique frappant de plein fouet l’ensemble de l’économie : elle tirera vers le bas le prix des bois et entraînera une mévente des produits issus de la tempête. Par conséquent, les conséquences négatives sont doubles et extrêmement lourdes. Il en résultera une crise dans les Landes et dans tout le Sud-Ouest, qui se propagera aux régions voisines, à l’ensemble du marché national et probablement à l’Espagne, puisque celle-ci vit sur le même marché que nous.

La crise sera donc terriblement grave, touchant aussi des secteurs très importants auxquels on ne pense pas immédiatement, par exemple les pépinières forestières, qui préparent les plants nécessaires au reboisement. Elles ne les vendront pas cette année, car les terrains nécessaires aux plantations ne seront pas prêts. Les effets collatéraux de la tempête sont par conséquent très amples.

C’est dans ce contexte, mes chers collègues, qu’il convient d’envisager les crédits supplémentaires ouverts dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative.

Ces crédits, qui visent à financer les mesures d’urgence et à apporter les premières réponses cohérentes, en adéquation avec la réalité du terrain, ont été, à mon avis, bien calibrés, car nous avons l’expérience de 1999, qui nous a, hélas, appris comment faire face à ce type d’événement.

Ils permettront d’aider les trois cercles d’acteurs que j’ai évoqués tout à l’heure.

Au total, 68, 9 millions d'euros en autorisations d’engagement et 70 millions d'euros en crédits de paiement sont ainsi prévus pour financer les mesures gouvernementales.

Tout d’abord, 3, 95 millions d'euros en autorisations d’engagement et 5 millions d'euros en crédits de paiement sont destinés à financer le déblaiement d’urgence, car il s’agit d’abord de pouvoir de nouveau accéder à ces forêts, de façon à sortir le bois et à prendre les mesures de sécurité indispensables pour aborder l’été de façon optimale.

Par ailleurs, 50 millions d'euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont mobilisés pour la construction d’aires de stockage et le transport du bois. Il faudra en effet en stocker des centaines de milliers de mètres cubes, les scieries ne pouvant actuellement absorber tous les bois abattus aujourd'hui ; ainsi pourra-t-il être valorisé au mieux dans les années qui viennent. Il faudra ensuite le transporter, en essayant de l’envoyer loin, si possible vers l’Europe entière, pour trouver des débouchés. Telle est la raison pour laquelle des aides au transport au-delà de 150 kilomètres sont indispensables.

Enfin, 15 millions d'euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont prévus pour mettre en place les premières mesures de reconstitution des forêts sinistrées. Cet investissement est à l’évidence nécessaire pour que ces massifs forestiers restent utiles dans l’avenir.

Madame la ministre, au-delà de ces crédits, il est prévu à l’article 8 du présent projet de loi que l’État apportera sa garantie pour des prêts destinés aux opérateurs de la filière bois, dans la limite de 600 millions d'euros. C’est indispensable. Il faut fournir aux entreprises et aux opérateurs les financements nécessaires au transport, à la mise en place des stocks et à l’ensemble des mesures que l’ensemble des opérateurs publics et privés de la filière – collectivités territoriales, papeteries, scieries, coopératives – devront prendre pour mobiliser tout ce bois.

Nos collègues de l’Assemblée nationale ont en outre opéré l’ouverture de 40 millions d'euros d’autorisations d’engagement supplémentaires au titre de la reconstitution des forêts.

En définitive, je voudrais souligner, en tant que président du groupe d’études du Sénat « Forêt et filière bois », que nous avons ici, à travers ce projet de loi de finances rectificative, les moyens de prendre, cette année, les mesures d’urgence qu’appelle la situation. Toutefois, je tiens à attirer l’attention du Gouvernement sur un point : il ne faudrait pas, madame la ministre, que ces crédits déployés pour compenser les effets de la tempête se substituent dans le temps aux crédits normalement destinés à la filière bois.

En conclusion, mes chers collègues, je dirai que, en France, la forêt et la filière bois sont souvent décriées. Depuis trente ans, il est de bon ton de prétendre que, en France, la forêt est mal gérée et que l’industrie du bois ne fonctionne pas bien, qu’il est nécessaire d’importer parce que les industriels du bois ne satisfont pas la demande du marché.

Or la forêt française est, de l’avis général, l’une des plus belles du monde par sa diversité. Et c’est une forêt en bon état. J’ajoute l’industrie du bois en France n’a pas perdu d’emplois au cours des trente dernières années : le nombre de salariés y est constant. Rares sont les secteurs industriels qui affichent une telle stabilité. Il convient de préciser également que les industries du bois se sont totalement renouvelées : si le nombre de 240 000 emplois n’a pas varié, le contenu de ces emplois n’est pas du tout le même qu’il y a trente ans. La filière s’est considérablement modernisée ; elle a changé d’allure !

Je suis un ardent avocat de cette forêt. N’était la tempête, on pourrait dire qu’elle se porte bien, de même que les industries qui l’entourent également.

Cela étant, les réflexions menées à l’occasion du Grenelle de l’environnement, ont montré que la forêt française était perfectible. Du reste, madame la ministre, vous le savez bien, lorsque les effets de la tempête, qui seront malgré tout passagers – c’est pourquoi il faut d’urgence consentir des aides pour réparer les dégâts –, la forêt française peut, au cours des dix prochaines années, augmenter sa production de 15 millions à 20 millions de mètres cubes, qui alimenteront les industries du bois et qui nous permettront d’atteindre, comme nous en avons l’obligation, nos objectifs en matière d’énergies renouvelables.

J’y insiste : sans les récoltes de bois supplémentaires, nous ne parviendrons jamais – c’est un constat du Grenelle – à atteindre l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables sur notre territoire.

C’est pour cette raison, madame la ministre, que la tempête Klaus et les déboires de nos amis du Sud-Ouest devraient nous donner l’occasion d’engager une réflexion plus large sur cette question.

Cette réflexion devrait d’abord porter sur un thème que mon collègue Gérard César va certainement aborder, à savoir la mise en place d’un système de garantie pour s’assurer contre des fléaux tels ceux que nous avons connus en 1999 et récemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

M. Philippe Leroy. Par ailleurs, nous devons apporter une réponse à cette question : comment produire 20 millions de mètres cubes de bois supplémentaires au cours des dix ou quinze prochaines années, un objectif noble, afin que la France et l’Europe tout entière disposent d’une ressource économique nouvelle ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Madame la ministre, hier, en tant que sénateur des Landes, j’assistais à une réunion avec l’ensemble de la filière forestière à Rion-des-Landes, une commune qui s’est retrouvée au cœur même de la tempête.

Vendredi dernier, j’accueillais, à Morcenx, Mme Chantal Jouanno, avec plus de quarante acteurs de la filière bois ; nous sommes allés visiter les différents sites sur lesquels commencent les travaux.

Je tiens tout d’abord à vous dire que les Landais, les Aquitains en général sont effondrés. En effet, contrairement à une idée reçue, les forêts n’appartiennent pas à de gros possédants vivant tranquillement des rentes que leur procurent leurs immenses propriétés. Il s’agit de propriétés cultivées, dont la superficie moyenne est de 29 hectares, et je rappelle qu’il faut attendre plus de quarante ans pour qu’un pin arrive à « maturité ».

Jusqu’à présent, on parlait d’une tempête par siècle. Or nous en avons connue une en 1999 et une autre en 2009. Voilà qui crée, je vous l’assure, un sentiment de désespérance !

Dans cet hémicycle, sur différentes travées, il y a des hommes et des femmes qui ont de la famille ou des amis dans le département des Landes et tous me disent : « Faites très attention aux mesure que vous allez prendre dans le cadre du collectif budgétaire, car la majorité des propriétaires forestiers et des sylviculteurs baissent les bras. » Or, chers amis, s’ils renoncent, qu’adviendra-t-il ?

Cette forêt des Landes est, bien sûr, une richesse économique. Mais c’est, plus fondamentalement, une forêt de vie.

En outre, elle est totalement écologique, car c’est le plus fantastique piège à carbone qui existe. Savez-vous, mes chers collègues, qu’un hectare de forêt piège un mètre cube de carbone ? Les 320 000 hectares dévastés constituent, également de ce point de vue, un manque à gagner considérable pour l’Aquitaine. En effet, 8 000 camions circulent tous les jours sur la N 10. L’accroissement de ce transit quasiment ininterrompu posera donc d’importants problèmes écologiques si l’on ne parvient pas à reboiser. Or, chers amis, nous le pourrons le faire que si nous envoyons un signal fort aux propriétaires forestiers et aux sylviculteurs.

Comme M. Leroy, je suis très favorable à la valorisation de la forêt de manière qu’elle produise 20 millions de mètres cubes supplémentaires. Après lui, je tiens à souligner que la forêt est économiquement quasiment « autosuffisante » et que c’est un point qu’il convient de prendre en considération. Toutefois, je veux étayer ses propos en indiquant quelques chiffres.

Gérard César le sait bien, en Aquitaine, ce sont 35 000 salariés qui vivent de la filière forestière.

M. Gérard César approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Au total, ce sont 37, 5 millions de mètres cubes de pins maritimes qui sont « au tapis ».

Certes, monsieur Leroy, dans le Lot-et-Garonne et la région Midi-Pyrénées, les peupliers ont été touchés, mais, pour cette essence, un débouché intéressant a fort heureusement été trouvé, en Italie : le peuplier se vend à un prix qui correspond au prix normal du marché. Hélas, il n’en est pas de même pour le pin. Avant la tempête, le prix du mètre cube de pin s’établissait aux alentours de 45 euros ; il se situe actuellement entre 2 et 3 euros ! Et encore les acquéreurs veulent-ils parfois, à ce prix-là, que le bois soit débardé ! Or un propriétaire qui devrait payer le débardage perdrait de 1 500 à 2 000 euros par hectare, ce qui est absolument inconcevable. Telle est la situation actuelle !

De plus, madame la ministre, ce ne sont pas 150 000 hectares qui sont à reboiser, comme cela a été annoncé au début par le ministère de l’agriculture. Nous avons fait les comptes : 320 000 hectares sont touchés, et ce sont bien 220 000 hectares qui doivent être reboisés. En effet, quand plus de 40 % de la forêt est détruit, on ne peut préserver les pins qui ont été touchés même s’ils ne sont pas à terre.

Je voudrais revenir sur la question désespérante des chablis, à laquelle M. Leroy a fait très rapidement allusion.

Si nous n’aidons pas les sylviculteurs à débarrasser les chablis, nous allons vivre un été catastrophique. La forêt des Landes est cultivée, et la défense de la forêt contre les incendies, la DFCI, y est très performante. Or, si l’on ne peut plus y accéder, les risques d’incendie seront considérablement accrus. Même si le Gouvernement a consenti, je le reconnais, un effort significatif, ce ne sont pas les deux Canadairs arrivés au sud de la Gironde, à proximité des plans d’eau de ravitaillement, qui suffiront à protéger ce qui reste de cette forêt ! De plus, les risques phytosanitaires, qui vont de pair avec les risques d’incendie, sont très importants.

Sans vouloir alimenter une polémique, je tiens à dire que j’ai très mal vécu le fait que certains membres du Gouvernement se soient targués d’avoir fait mieux qu’en 1999 et d’avoir réagi plus vite. Pour ma part, je n’entre pas dans ce genre de compétition. Même si l’on peut considérer que d’autres font mieux, c’est, pour ce qui me concerne, l’intérêt général qui m’anime. De plus, chers amis, en 1999, les conditions économiques n’étaient pas les mêmes : Gérard César le sait, quand des millions de mètres cubes de bois étaient par terre, le marché espagnol achetait tout, et à bon prix.

M. Gérard César approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Certes, l’aide du Gouvernement est significative, monsieur Leroy, mais elle ne me paraît pas aussi bien calibrée que vous le dites.

Il est nécessaire d’indemniser au préalable les forestiers sinistrés, pour les inciter à exploiter les chablis et à s’engager dans le reboisement. Si nous ne leur envoyons pas un signe fort, nombre d’entre eux ne feront rien, ce qui serait un désastre supplémentaire pour l’Aquitaine.

Au demeurant, il faut stocker 10 millions de mètres cubes de bois pour nous prémunir contre la baisse des prix et essayer de réguler autant que faire se peut les cours. Certes, des aires de stockage existent déjà, à Mimizan, à Labouheyre ou ailleurs, mais elles doivent être arrosées en permanence pour que le bois ne bleuisse pas. D’ailleurs, les professionnels nous ont même expliqué hier que, si le bois d’œuvre est bien arrosé pendant cinq ans, il est de meilleure qualité.

Enfin, je tiens à attirer votre attention, madame la ministre, sur le fait que les aides consenties, toutes confondues, ne permettront de reboiser que 150 000 hectares, et non pas 220 000 hectares. Ce sont les chiffres avancés par les professionnels, car je n’ai aucunement intérêt à les majorer. Un amendement adopté à l'Assemblée nationale prévoit d’augmenter les autorisations d’engagement de 40 millions d’euros ; j’estime, pour ce qui me concerne, qu’il faudrait aller jusqu’aux 78 millions d’euros initialement prévus. Voilà qui constituerait, selon les professionnels que j’ai rencontrés, un signe vraiment encourageant.

Ces professionnels demandent également qu’on aille vite…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. Cela pourrait valoir également pour vous, monsieur Carrère !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je vais m’y employer, monsieur le président.

… et aussi de porter la durée des prêts bonifiés de cinq à huit ans. Gérard César vous dira pourquoi aussi bien que moi.

Sourires

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Mme Christine Lagarde, ministre. Mais si !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère. Peut-être pas à propos de la forêt, mais s’il s’était agi du vignoble, il l’aurait indiscutablement dit encore mieux que moi !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Il faudra grosso modo trois ans pour débarrasser les chablis et cinq ans pour exploiter et vendre le bois. Une durée de cinq ans des prêts bonifiés ne correspond donc pas à la réalité.

J’y insiste, madame la ministre, il faut aller très vite pour débloquer les crédits, afin de commencer à déblayer les chablis. Les pins commencent à bleuir, les aiguilles à roussir, les risques d’incendie vont augmenter. Je compte sur vous. §

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à M. Gérard César, dernier orateur de cette trinité des forestiers !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera en effet sur les crédits mobilisés en faveur de la filière bois, en particulier sur l’article 8, qui vise à instituer un régime de garantie des prêts consentis à certains opérateurs de cette filière.

Cette garantie trouve son origine dans la tempête Klaus, qui a frappé les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon le 24 janvier dernier.

Pour la deuxième fois en dix ans, l’Aquitaine a été durement touchée et, au-delà des drames humains qu’elle a provoqués, cette tempête a porté un coup terrible à la sylviculture.

Le Président de la République est venu, accompagné de membres du Gouvernement, témoigner de la solidarité de l’État à l’égard de tous les sinistrés des deux départements les plus touchés, la Gironde et les Landes, auquel il faut ajouter le Lot-et-Garonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Comme l’a rappelé fort justement notre collègue Philippe Leroy, président du groupe d'études « Forêt et filière bois », chacun sait que le bilan est lourd, avec près de 593 000 hectares du massif forestier affectés, dont 223 000 hectares détruits à plus de 40 %.

Au total, ce sont plus de 40 millions de mètres cubes de bois qui ont été abattus, dont plus de 37 millions de mètres cubes de pin maritime. Certaines communes forestières sont touchées à 60 %, voire davantage.

La majorité des dégâts est concentrée dans une région forestière encore convalescente, car elle n’avait pas totalement effacé les effets de la tempête particulièrement violente de 1999.

À cela s’ajoute un contexte économique morose pour le marché du bois. Nombre d’entreprises ont été contraintes de mettre leurs équipes en chômage partiel ces derniers mois, en raison notamment du ralentissement du marché de la construction.

Le marché espagnol et la Chine, qui avaient permis en 1999 de limiter la baisse des cours, n’offrent plus aujourd’hui de débouchés. Face à cette absence d’acheteurs, les sylviculteurs font de l’indemnisation des dégâts un impératif.

Cet ouragan a une nouvelle fois révélé la singularité juridique des propriétaires forestiers. Le système d’assurance en forêt est totalement inadapté, à la fois par les garanties proposées dans les contrats et par son coût prohibitif.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Les tempêtes précédentes avaient déjà montré les limites de l’assurance, d’autant que la forêt est juridiquement exclue du régime des catastrophes naturelles.

En 2005, un rapport de l’État concluait que « si les forêts sont juridiquement assurables, elles sont économiquement inassurables » !

Toutefois, la loi rend le reboisement obligatoire et pose le principe de l’interdiction de défricher.

Après chaque catastrophe, le sylviculteur est une victime non indemnisable et l’État est sollicité pour couvrir tout ou partie des dégâts. Cette situation ne saurait durer.

La profession a montré sa capacité d’organisation dans le domaine de la défense des forêts contre l’incendie, et le Gouvernement a d’ailleurs apporté son concours financier avec la défiscalisation concernant les cotisations.

Aujourd’hui, il convient donc de trouver un système qui garantisse l’investissement sylvicole, investissement durable par définition.

Madame le ministre, vous connaissez la proposition de la profession tendant à créer un fonds commun de garantie des calamités forestières pour l’avenir, afin d’apporter à ceux qui sont sinistrés les moyens de réinvestir, c’est-à-dire de reboiser. C’est à cette condition que la dynamique de la forêt cultivée pourra être relancée.

La forêt cultivée reste la meilleure garantie de la mobilisation du bois et de la gestion durable. Elle constitue un modèle économique, social et environnemental essentiel pour les régions, pour la France et pour l’Europe.

En Aquitaine, les enjeux sont importants. La filière bois-forêt-papier représente 2, 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires – c’est plus que les vins de Bordeaux, mais je ne vous parlerai pas aujourd'hui de la décision de la Commission européenne relative aux vins rosés ! – et 1, 5 milliard d’euros à l’export. De plus, il s’agit du deuxième employeur de la région Aquitaine.

Je vous invite donc, madame le ministre, monsieur le ministre, en collaboration très étroite avec le ministre de l’agriculture et de la pêche, à ouvrir rapidement un chantier sur ces questions d’indemnisation et d’assurance forestière.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture, a annoncé une aide de 1 milliard d’euros, dont 600 millions d’euros de prêts garantis par l’État, pour l’achat, la mobilisation et le stockage des chablis, c’est-à-dire les bois qui sont aujourd’hui abîmés. La garantie portera sur le principal de ces prêts, dans la limite de 80 %.

Cette mesure innovante par rapport à celles qui ont été prises à la suite des tempêtes précédentes doit être saluée. L’article 8, tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale, ainsi que l’ouverture de 40 millions d’euros d’autorisations d’engagement supplémentaires au titre du programme 149 « Forêt » doivent être adoptés en l’état, car il y a urgence pour la sylviculture. Chaque jour qui passe, c’est davantage de chablis disqualifiés, donc invendables – Jean-Louis Carrère et Philippe Leroy le rappelaient à l’instant –, surtout avec la montée des températures.

D’autres mesures complètent ce dispositif. Certaines d’entre elles n’ont pas, pour l’instant, fait l’objet d’un accord entre l’État et la profession. Il en est ainsi de l’enveloppe destinée à financer, sur huit ans, le nettoyage et le reboisement, d’un montant de 300 millions d’euros sur la base de 150 000 hectares de surface à reboiser.

Les derniers chiffres de l’inventaire forestier national font état de 223 000 hectares sinistrés à plus de 40 %, obligatoirement à reboiser. Le montant de 2 750 euros proposé par hectare et par an est donc insuffisant : il manque 1 000 euros à l’hectare.

Les propositions des professionnels portent sur la base de 200 000 hectares à reboiser pour 630 millions d’euros, soit 63 millions d’euros par an pendant dix ans. Je note que c’est moins de la moitié du versement compensateur annuel de l’Office national des forêts. Un plan sur dix ans à partir de 2010 serait beaucoup plus adapté aux réalités.

Selon moi, les marges de discussion ne sont pas épuisées et il faut tout faire pour aider non seulement la filière, mais aussi les communes forestières sinistrées, privées de leurs ressources et de leurs revenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Je ne prendrai qu’un seul exemple en Gironde, celui de Cazalis, une commune comptant 190 habitants, dotée d’un budget de 250 000 euros et sinistrée à 60 %, ce qui signifie qu’elle a perdu toutes ses recettes. Si l’on indemnise les sylviculteurs, il faut aussi penser aux communes forestières, qui représentent quand même dans nos régions un important potentiel.

Le conseil régional d’Aquitaine, dont notre collègue Jean-Louis Carrère est vice-président, s’est engagé à débloquer 20 millions d’euros. De son côté, le ministre de l’agriculture et de la pêche a évoqué la possibilité de faire appel au Fonds de solidarité de l’Union européenne. Il a également indiqué que « cette crise doit être utilisée pour valoriser la forêt et le bois », mais aussi « pour encourager les Français à utiliser le bois en énergie et dans la construction ».

La commande publique peut être aussi une réponse, avec des appels d’offres pour des constructions utilisant le bois comme matériau principal.

Le moment est également venu de prendre des mesures fiscales fidèles à l’esprit du Grenelle de l’environnement, par exemple celles qui consistent à encourager l’utilisation de la biomasse et surtout la construction à partir du bois.

Nous devons mettre à profit cette période pour préparer au mieux l’avenir de nos forêts, éviter le découragement des sylviculteurs qui viennent, rappelons-le, de subir deux sinistres en dix ans. Je demande que le décret concernant la garantie d’appoint soit pris en urgence, dès le vote de la loi de finances rectificative. La commission des finances s’est déclarée favorable à cette proposition, ce dont je vous remercie, monsieur le rapporteur général.

Il faut se rappeler qu’un appel d’offres doit être lancé auprès des banques pour que le financement du prêt garanti par l’État soit mis en place rapidement.

Madame le ministre, monsieur le ministre, les sylviculteurs attendent impatiemment les mesures indispensables pour le devenir de la forêt. Je vous remercie de votre concours précieux.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, après qu’il a été beaucoup question de la forêt, je vais, pour ma part, aborder le sujet de l’automobile.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

J’interviens en effet dans cette discussion générale en tant que président du groupe d’études sur l’automobile.

Le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui comprend trois mesures annoncées dans le cadre du « Pacte automobile » présenté par le Président de la République le 9 février dernier : tout d’abord 6, 5 milliards d’euros de crédits, qui correspondent aux prêts octroyés aux constructeurs automobiles ; ensuite, 150 millions d’euros de crédits pour le financement de prêts bonifiés en faveur de l’innovation en matière de véhicules « décarbonés » ; enfin, 240 millions d’euros versés à Oséo, afin de garantir des prêts jusqu’à 90 % aux équipementiers et sous-traitants de la filière automobile.

Le présent projet de loi est donc la traduction budgétaire du Pacte automobile, qui comprend également d’autres mesures : les prêts accordés par la Société de financement de l’économie française, la SFEF, aux banques internes des constructeurs français, le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, le FMEA, ou encore la mise en place d’une convention nationale de chômage partiel pour le secteur automobile.

Les différentes mesures de ce collectif et, plus généralement, du Pacte étaient attendues par les professionnels de la filière, mais également par nos concitoyens, qui sont nombreux à dépendre, directement ou indirectement, de l’industrie automobile. La filière automobile emploie en effet près de 10 % de la population active française.

La situation de l’ensemble de la filière est aujourd’hui précaire : le marché automobile a chuté de près de 15 % entre février 2008 et février 2009. Les mesures mises en place par le Gouvernement, comme le bonus/malus et la prime à la casse, ont pourtant atténué la crise par rapport à ce que l’on observe chez certains de nos voisins ; ainsi, en Espagne, le marché s’est effondré de 50 % en un an.

Madame la ministre, monsieur le ministre, il serait judicieux, me semble-t-il, d’étendre la prime à la casse à l’achat de véhicules d’occasion de moins de six mois, une mesure dont l’intérêt serait double. Outre qu’elle renforcerait le bonus/malus, elle permettrait de favoriser l’achat non plus seulement de petits véhicules, qui ne sont pas forcément tous construits en France, mais aussi des véhicules moyens, également susceptibles d’intéresser les consommateurs et plus souvent fabriqués en France.

Tous les acteurs de la filière sont touchés par la crise. Les ventes des deux constructeurs français ont chuté de plus de 4 % en 2008. Malgré les avancées de la loi de modernisation de l’économie en matière de réduction des délais de paiement, les équipementiers subissent, eux aussi, la crise de plein fouet, comme nous l’avons tous souligné la semaine dernière à l’occasion d’une question orale avec débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Dans les derniers mois, près de 7 000 emplois ont disparu dans ce secteur.

Face à cette situation, le Pacte automobile constitue la réponse adaptée, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, on ne peut que saluer le fait que le pacte a été élaboré avec l’ensemble des acteurs de la filière. Certaines mesures du pacte visent d’ailleurs spécifiquement les équipementiers, ce qui est justifié par leur rôle économique essentiel, notamment en ce qu’ils irriguent l’ensemble du territoire national.

Ensuite, le pacte repose sur une logique de donnant-donnant. Ainsi, les constructeurs ont pris un certain nombre d’engagements en contrepartie des prêts accordés par l’État, notamment en termes d’emploi, d’investissement et d’amélioration des relations partenariales avec les fournisseurs. C’est un élément clé du pacte.

Enfin, je me réjouis que le pacte prenne en compte les deux dimensions de la crise actuelle : une dimension conjoncturelle, mais aussi une dimension plus structurelle, la transformation profonde du comportement des consommateurs qui, selon les professionnels de la filière, devrait être durable. C’est pourquoi la priorité donnée à la recherche et développement en matière de « véhicule décarboné » me semble essentielle. Il convient en effet de préparer dès aujourd’hui la filière aux défis de demain.

En conclusion, je souhaite indiquer que les mesures du Pacte automobile doivent permettre à notre industrie automobile de rebondir. Je pense que nous pouvons être confiants quant à son avenir.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen, par notre Haute Assemblée, de ce second projet de loi de finances rectificative pour 2009, je tiens, tout d’abord, à dire combien je soutiens la politique de relance engagée par le Gouvernement dans un contexte de crise économique et financière mondiale sans précédent.

À cet égard, je reste tout particulièrement attentif aux mesures engagées en faveur de nos TPE et PME, convaincu que ce sont bien elles qui fondent aujourd’hui et qui fonderont demain notre espoir d’une économie relancée, dynamique et créatrice de richesses et d’emplois.

Madame le ministre, monsieur le ministre, votre plan d’urgence de 22 milliards d’euros pour l’accès au crédit des TPE et PME a été vital, en fin d’année dernière, pour pallier les carences et dysfonctionnements bancaires. La disposition élaborée par nos collègues députés Nicolas Forissier et Michel Bouvard, et adoptée par l’Assemblée nationale avec votre soutien, fruit d’un consensus politique, est essentielle pour aider ces entreprises à assurer leur pérennité et leur développement.

Je soutiens cette mesure d’autant plus vivement que je l’avais moi-même proposée, sous une autre forme, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009.

De quoi s’agit-il ?

La réduction d’impôt de solidarité sur la fortune instituée dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat du 21 août 2007, afin d’encourager l’investissement dans le capital de petites et moyennes entreprises bénéficie, par transparence, sous certaines conditions, aux versements effectués au titre de la souscription au capital de sociétés holdings dédiées à ce type d’investissements.

Afin de mettre un terme à certains abus constatés dans l’utilisation de ce dispositif, l’article 106 de la loi de finances pour 2009 a institué trois conditions supplémentaires à la charge des « holdings ISF », applicables aux versements effectués dans ces sociétés à compter du 15 juin 2009, et susceptibles d’ouvrir droit à une réduction d’ISF au titre de l’année 2010.

Les trois conditions en question sont : les « holdings ISF » ne devront pas compter plus de cinquante associés ou actionnaires ; elles devront être dirigées exclusivement par des personnes physiques ; aucune garantie en capital ni garantie de sortie automatique ne sera accordée au terme du délai de cinq ans de conservation des titres.

Dans un contexte de resserrement du crédit qui oblige à tout mettre en œuvre pour aider les TPE et les PME à accéder à de nouvelles sources de financement, la première de ces conditions supplémentaires constitue un véritable obstacle à un financement plus large de ces dernières. En effet, elle restreint le champ d’action de l’ensemble des « holdings ISF » au seul motif du constat de certains abus, lesquels pourraient être combattus plus simplement par la mise en place de contrôles, y compris des contrôles fiscaux.

La limitation du nombre des investisseurs à cinquante est un obstacle dès lors que, dans les petites entreprises, ceux-ci ont besoin de mutualiser davantage le risque, leur investissement étant justement plus audacieux, ce qui justifie sans aucun doute l’avantage fiscal maximum.

En outre, le vecteur d’investissement intermédié doit détenir une certaine puissance financière pour répondre aux besoins renouvelés engendrés par leurs participations, c’est-à-dire le deuxième ou troisième tour d’investissement dans les entreprises qui ont été soutenues.

Il convient donc de laisser les sociétés « holdings ISF » définir librement le nombre de leurs investisseurs. Sur ce sujet, je le sais, je suis en désaccord avec la commission des finances, mais il reviendra à notre assemblée, dans sa sagesse, de trancher. Ainsi, la disposition figurant à l’article 8 D du présent projet de loi permet aux sociétés holdings de lever des fonds auprès de plus de cinquante souscripteurs, sous réserve d’investir leur actif, en tout ou partie, en titres de TPE et PME cibles. Ces entreprises cibles correspondent à la définition européenne de la « petite entreprise communautaire ». Elles peuvent être définies sur le plan juridique comme employant moins de cinquante salariés, réalisant un bilan total inférieur à 10 millions d’euros et ayant débuté leur activité depuis moins de dix ans.

Mes chers collègues, madame le ministre, monsieur le ministre, si nous n’encourageons pas, dans la crise économique que nous traversons actuellement, les structures professionnelles dédiées au capital démarrage, il est plus que probable que nombre d’entre elles disparaîtront, faute de relais financiers suffisants dans les mois prochains.

Je souhaite également revenir sur le contenu du plan de relance de l’économie axé sur l’investissement et, plus particulièrement, sur l’avance de trésorerie aux collectivités locales via le FCTVA, qui est évaluée à 2, 5 milliards d’euros. Cette mesure permettra de verser, en 2009, deux attributions du FCTVA aux collectivités qui s’engageront, avant le 15 avril prochain, par une convention conclue avec le préfet, après délibération de leur assemblée délibérante, à augmenter en 2009 leurs dépenses réelles d’équipement.

Dans nos départements, nous avons tous constaté que la date du 15 avril était, pour de nombreuses collectivités, trop rapprochée : elles n’ont pas eu le temps de réviser leurs projets d’investissements ou de convoquer leurs assemblées. Selon moi, maintenir cette date pénaliserait nombre d’entre elles et ne permettrait pas, de surcroît, d’enregistrer les effets positifs d’un soutien à l’investissement. Il me paraît donc légitime et essentiel de reporter cette date au 15 mai prochain.

Je suis convaincu, madame le ministre, monsieur le ministre, que votre bon sens vous conduira à accorder ce remboursement anticipé de TVA avec souplesse.

Je souhaite enfin appeler votre attention sur la mise en œuvre de la délivrance du passeport biométrique. En effet, 2040 communes ont été choisies pour délivrer ce nouveau passeport biométrique à compter du 28 juin 2009. Dans ce cadre, le matériel mis à leur disposition permet de réaliser les photographies d’identité du demandeur.

Un arrêté du 5 février 2009, publié au Journal officiel du 13 février 2009, fixe d’ailleurs les conditions de production de photographies d’identité dans le cadre de la délivrance de ce passeport. Ce texte précise notamment que les photographies d’identité produites à l’appui d’une demande de passeport doivent répondre à certaines caractéristiques précises qui, à mon sens, relèvent de vrais professionnels.

Parallèlement, je souhaite vous alerter sur la situation des professionnels de ce secteur qui réalisent 10 % à 30 % de leur chiffre d’affaires avec les photographies d’identité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Or l’article 104 de la loi de finances rectificative pour 2008 précise que « le maire peut décider de ne pas procéder au recueil de l’image numérisée du visage du demandeur ».

Dès lors, madame le ministre, monsieur le ministre, ne serait-il pas plus raisonnable et loyal de recommander aux communes de se rapprocher des professionnels les plus susceptibles de produire des photos d’identité conformes à la réglementation, en évitant, dans la mesure du possible, qu’il revienne aux mairies de le faire ? Il y va de la sauvegarde d’une profession déjà bien mise à mal depuis l’arrivée du numérique, et que nous avons de plus en plus de mal à défendre dans nos communes. §

Telles sont, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques réflexions que je souhaitais vous soumettre et qui, me semble-t-il, vont dans le sens des objectifs du plan de relance de l’économie, dont nous attendons tous des effets rapides.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref, car vous êtes nombreux à avoir simplement porté une appréciation sur le texte : j’en prends acte, car c’est toujours intéressant, mais cela n’appelle pas nécessairement une réponse.

Monsieur le rapporteur général, vos propos sur les quatre principes qui doivent guider notre action sont totalement conformes à la position du Gouvernement.

Premièrement, vous avez raison, il faut garder la tête froide et ne pas céder à la tyrannie de l’urgence. Nous nous efforçons d’agir avec beaucoup de sang-froid, tout en demeurant néanmoins extrêmement réactifs.

Deuxièmement, Christine Lagarde l’a dit tout à l’heure, il convient de s’en tenir à des mesures réversibles. M. Fourcade a d’ailleurs énoncé la même idée.

Troisièmement, vous avez mis en avant le respect des normes de dépenses. C’est déjà le cas aujourd’hui ! C’est pour nous un garde-fou extraordinairement fort dans ce monde d’incertitude. On le voit dans les chiffres les plus récents de l’INSEE, nous avons réussi à limiter à 1 % en 2008 la progression des dépenses publiques en volume, ce qui, globalement, assurance maladie et régime de sécurité sociale compris, est plutôt une performance.

Quatrièmement, pour ce qui concerne l’appel aux marchés financiers, c’est évidemment la signature de la France qui est en jeu. Christine Lagarde et moi-même examinons donc tout cela de très près.

M. Thiollière a évoqué le plan en faveur de la presse. Nous sommes favorables à l’amendement déposé par M. Legendre, qui vise à mettre en place une exonération pour les porteurs et vendeurs colporteurs de presse, dans la droite ligne des préconisations des états généraux de la presse écrite.

Madame Bricq, vous proposez, si j’ai bien compris, de substituer des mesures pérennes aux mesures temporaires qui sont prises. Je vous remercie d’animer avec talent, comme toujours, ce débat fort intéressant, mais je crois que nous ne pourrons pas tomber d’accord, car nous nous opposons sur des questions majeures, notamment celle du bouclier fiscal. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir au cours du débat.

Je remercie M. Jégou d’avoir salué la transparence avec laquelle nous communiquons les données concernant nos finances. Nous avons décidé d’adopter cette méthode de travail, qui n’est pas la plus simple ! Nous allons la conserver, car nous souhaitons que les Français soient parfaitement informés de la situation financière de notre pays, qui peut évoluer dans un sens défavorable, comme – sait-on jamais ! – dans un sens favorable. En tout état de cause, nous devons continuer sans faillir à maîtriser la dépense courante.

Monsieur Foucaud, j’ai bien compris que vous évoquiez la loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012. Repère très important, elle reste plus que jamais d’actualité. Il convient ainsi de conserver les plafonds de dépenses qui y sont fixés. Le Premier ministre s’y est d’ailleurs référé pour l’organisation des conférences budgétaires que je mènerai, comme chaque année, pour préparer le budget pour 2010.

Le président de Raincourt a très brillamment décrit la stratégie mise en place, en insistant particulièrement sur la valeur travail. Comme nos concitoyens, nous donnons la priorité à l’emploi, et je le remercie d’avoir rappelé les principes qui guident l’action du Gouvernement.

M. François Marc en a appelé à plus de justice. Or j’ai le sentiment que toutes les actions que nous menons, notamment pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu, sont précisément placées sous ce signe. Je ne reviendrai pas sur le plafonnement global des niches, mais, je le répète, la révision des politiques publiques est un élément structurel de notre politique.

Monsieur Fourcade, je souhaite apporter des réponses – Christine Lagarde les complétera sans doute tout à l'heure – à plusieurs des questions que vous avez posées.

Nous nous sommes efforcés de faire les choses correctement : ni les allégements de charge, qui entraînent un déficit structurel, ni la suppression de la taxe professionnelle ne seront pris en compte dans le calcul du déficit lié à la crise.

Pour ce qui concerne la taxe professionnelle, il est clair que nous devrons en financer la suppression, qui sera débattue lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Par ailleurs, si cette décision entraîne un déficit, celui-ci sera d’ordre structurel puisqu’il s’agit de la fin d’une imposition.

Je remercie Aymeri de Montesquiou de son soutien. Il a souligné la nécessité d’une vraie cohésion sociale : celle-ci est en effet indispensable et constitue le véritable objectif de ce collectif budgétaire.

M. Rebsamen prétend que le déficit s’accroît et que la dépense n’est pas tenue. C’est faux ! Aujourd’hui, c’est la diminution des recettes, et non pas l’augmentation des dépenses, qui aggrave le déficit. Ce n’est pas tout à fait la même chose, car les deux situations n’impliquent pas le recours aux mêmes armes. D’ailleurs, les dépenses sont tenues, même en ce qui concerne l’ONDAM, ce qui n’était pas arrivé depuis bien des années !

Messieurs César, Leroy et Carrère, vous avez évoqué les problèmes de la forêt. Je comprends votre émotion, qui est partagée par la nation tout entière. L’État a mis en place un certain nombre de dispositifs importants. Peut-être faudra-t-il aller plus loin en cours d’année, car nous ne sommes qu’à la fin du mois de mars. Nous examinerons en avril le niveau de consommation des crédits.

Nous ne sommes pas obsédés par une comparaison comptable avec ce qui a été fait à la suite de la tempête de 1999.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Il s’agit simplement de répondre à la situation qui se présente aujourd’hui. Dans le contexte financier actuel, il s’agit de prendre garde à ne pas se montrer excessivement large dans l’ouverture des crédits. Il reste que l’État sera là, le Président de la République l’a dit à plusieurs reprises et nous vous le confirmons.

Monsieur César, vous nous demandez de travailler sur la question de l’indemnisation et de l’assurance financière. Pour ma part, je suis tout à fait favorable à une telle réflexion, sachant qu’il faut tout de même la mettre en parallèle avec les décisions que nous prenons plus généralement dans le domaine agricole, qui ne plaident pas nécessairement en faveur d’un fonds spécifiquement dédié.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Notre position, dont nous aurons l’occasion de discuter, s’inscrit plutôt dans le cadre d’un dispositif assurantiel.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Oui, nous devons discuter dans le cadre européen et en collaboration avec le ministre de l’agriculture !

Monsieur Houel, nous sommes favorables à un report au 15 mai prochain de la date limite avant laquelle les collectivités territoriales doivent s’engager par convention pour bénéficier du FCTVA. Nous y sommes même tellement favorables que cette mesure a été, si mes souvenirs sont bons, adoptée par l’Assemblée nationale. J’espère que le Sénat votera également cette disposition.

Les problèmes posés par les passeports biométriques sont compliqués, je vous en parle en connaissance de cause ! Il s’agit cependant d’un avantage offert à nos concitoyens. Dans ce domaine, nous avons encore du pain sur la planche ! Il nous faut travailler en liaison avec le ministère de l’intérieur et les associations d’élus, notamment l’Association des maires de France. Pour ma part, je remarque que nos concitoyens sont contents, ce qui est déjà une bonne chose. Quant aux attentes des élus, nous essaierons d’y répondre en liaison avec le ministère de l’intérieur.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mon collègue Éric Woerth ayant déjà largement répondu aux questions que vous avez soulevées, je me contenterai d’apporter brièvement quelques précisions.

Je vous remercie tout d’abord, monsieur le rapporteur général, d’avoir souligné, chiffres à l’appui, que notre plan de relance était d’une ampleur comparable à celui des États-Unis. Certains bons esprits ne cessent en effet de comparer l’un et l’autre, dans des termes défavorables au plan français, bien entendu.

Selon le Fonds monétaire international, le plan américain s’élève pour 2009 à 2 % du produit intérieur brut quand l’ensemble des mesures arrêtées à ce jour dans le cadre du plan français représente 2, 4 % du PIB, dont 1, 8 % sera décaissé en 2009.

Le plan de relance proprement dit se chiffre à 1, 3 % du PIB, à quoi il faut ajouter 0, 2% du PIB au titre des mesures sociales et 0, 9 % du PIB au titre des autres mesures, à savoir le Fonds stratégique d’investissement, le revenu de solidarité active, les effets de la loi TEPA pour 2009 et la baisse de la TVA dans la restauration.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

On ne peut pas inclure les mesures sociales dans le plan de relance !

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Ces mesures n’ont certes pas été prises dans le cadre du plan de relance stricto sensu, mais elles produisent toutes des effets de relance – ne serait-ce que par la stimulation de la demande qu’elles induisent – qui se prolongeront d’ailleurs en 2010, comme vous l’avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur général.

Nous avons des raisons de nous satisfaire de la manière dont notre plan de relance a été conçu. En premier lieu, 80 % des crédits seront décaissés en 2009, contre 24 % seulement pour le plan américain. En second lieu, notre plan est plus ciblé sur les populations à effet multiplicateur que le plan américain qui, pour sa partie fiscale – celle-ci s’élève à 168 milliards de dollars –, concerne tous les contribuables, sans viser spécifiquement les familles aux revenus modestes, à telle enseigne que le prix Nobel Joseph Stiglitz a déclaré qu’il allait alimenter l’épargne plus que la consommation.

Il faut également voir que la manière dont le Fonds monétaire international évalue les effets des plans de relance est manifestement défavorable à la France. D’un côté, aux États-Unis, les mesures du plan Paulson sont intégrées au plan de relance alors qu’elles ont été engagées en 2008 et ne produiront pas d’effets en 2009. De l’autre côté, en France, les mesures de la loi TEPA et les investissements supplémentaires décidés par les entreprises publiques, d’un montant de 5 milliards d’euros environ, ne sont pas pris en compte par le FMI.

En ce qui concerne les niches fiscales, j’ai entendu différents commentaires, mais je vous rappelle que c’est bien notre majorité qui les a plafonnées.

Quant au régime fiscal particulièrement favorable des stock-options, on le doit à mes prédécesseurs Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Les stock-options ont effectivement été inventées en 1970, mais leur fiscalité actuelle a été conçue sous l’impulsion de M. Strauss-Kahn, puis de M. Fabius.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Je vous recommande de vérifier vos informations, madame la sénatrice.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je suis bien placée pour le savoir : j’y étais !

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Monsieur Fourcade, je veux répondre à trois questions précises que vous avez posées.

Vous m’avez tout d’abord demandé si nous nous prémunissions contre une hausse des taux d’intérêt à l’aide d’un outil de gestion de la dette tels que les produits dérivés. Nous ne le faisons pas, de manière délibérée, afin que la gestion de notre dette conserve sa simplicité et sa transparence. Vous avez vous-même, et fort justement, monsieur le sénateur, souligné la complexité de ces outils.

Nous nous prémunissons également contre la hausse des taux d’intérêt en émettant essentiellement à taux fixe. Compte tenu de la durée moyenne de notre dette – six ans –, les cinq sixièmes de celle-ci sont chaque année immunisés contre les hausses de taux, au fur et à mesure des amortissements.

Vous m’avez ensuite interrogée sur l’émission de bons du Trésor par l’Agence France Trésor, l’AFT. Celle-ci émet des bons du Trésor à taux fixe, les BTF, pour des durées inférieures à un an et, compte tenu de la durée de ces titres, leurs intérêts sont précomptés. Les titres dont la durée est supérieure à un an offrent traditionnellement un coupon annuel pour répondre à la demande des investisseurs. D’un point de vue financier, l’émission de BTF à dix ans ne produirait pas d’avantages et elle conduirait en outre à inscrire au bilan financier de l’État la charge des intérêts pour la totalité de la durée de vie du titre, ce qui ne serait pas particulièrement favorable du point de vue de notre comptabilité.

Vous m’avez enfin questionnée sur le plan de financement des banques. Pourquoi avoir choisi la Société de financement de l’économie française, la SFEF, plutôt que l’AFT ? Cette voie nous a semblé plus sûre que l’octroi de garanties directes, la SFEF sécurisant les prêts par la prise d’actifs en collatéral. En outre, cette construction permet de mieux identifier le plan de financement des banques, de garantir son caractère transitoire et d’offrir une nouvelle signature aux investisseurs.

Je reconnais qu’il existe un petit écart entre les taux, mais l’émission de la dette par l’AFT aurait conduit à augmenter d’environ 100 milliards d’euros le programme de financement de l’État, ce qui aurait eu un impact sur le coût global de ce financement. Nous avons donc privilégié un spread de crédit légèrement supérieur plutôt que d’inscrire en dette de l’État les 100 milliards d’euros correspondant aux émissions de la SFEF consenties sur l’année 2009, et qui viendront s’ajouter aux 13 milliards d’euros émis en 2008.

Je voudrais enfin remercier les trois sénateurs qui ont décrit de manière très précise la situation de la filière bois. Outre les avantages qu’elle offre en termes d’énergie renouvelable, cette filière me paraît présenter un atout considérable au regard du commerce extérieur. Il est aberrant que, disposant d’un domaine forestier aussi vaste, nous soyons aujourd’hui importateurs nets de bois.

J’ai mobilisé les assureurs pour qu’ils interviennent le plus en amont possible et je pense que cette action a porté ses fruits.

Par ailleurs, mon ministère travaille actuellement sur la filière papier et carton. Nous avons délibérément exclu pour l’instant la filière bois, dont le sort est examiné par le ministère de l’agriculture. À terme, nous souhaitons rassembler l’ensemble des travaux – portant sur le bois, d’une part, sur le papier et le carton, d’autre part – pour pouvoir réunir des états généraux sur l’intégralité de la filière, afin de trouver de meilleurs débouchés pour notre forêt.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Mme Christine Lagarde, ministre. En ce qui concerne les efforts financiers, nous avons été à l’écoute de vos demandes et des éléments de réponse ont déjà été apportés par Éric Woerth. Nous nous ferons évidemment vos porte-parole auprès des ministères de l’écologie et de l’agriculture, afin de sauver une forêt à laquelle nous sommes tous attachés.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Jean-Louis Carrère salue également l’intervention de Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La séance est reprise.

Nous passons à la discussion des articles.

PREMIÈRE PARTIE - CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

La situation des comptes publics est telle qu’il convient désormais de s’interroger sur la réalité de notre droit fiscal.

La semaine dernière, nous avons eu dans cet hémicycle un échange particulièrement vif et intéressant sur la question du bouclier fiscal, au cours duquel on nous a dit que la discussion des projets de lois de finances était propice à ce genre de débats. C’est pourquoi, logiquement, nous représentons cet amendement aujourd’hui.

Comme vous le savez, nous sommes depuis le premier jour opposés, sans la moindre ambiguïté, à l’existence du bouclier fiscal.

Présenté comme une mesure de justice sociale qui devait profiter, entre autres, aux contribuables les plus modestes, notamment à ceux qui ont vu leur impôt foncier augmenter, le bouclier fiscal ne vise en réalité qu’à alléger le plus possible l’impôt de solidarité sur la fortune.

Le bilan de sa mise en œuvre confirme cette réalité : alors que le projet de loi estimait à 100 000 le nombre de bénéficiaires, on dénombrait 20 000 demandes de remboursement en 2007, et de 17 500 à 18 000 requêtes seulement en 2008, alors même que le plafond a été abaissé de 60 % à 50 % du revenu !

En fait, comme l’affirme le père du bouclier fiscal, M. de Villepin, compte tenu de l’intégration de la CSG et de la CRDS, c’est un bouclier fiscal à hauteur de 39 % qui est en fait appliqué.

Autre aspect du bilan : lorsque, d’un côté, 8 500 contribuables aux revenus modestes touchent un peu plus de 500 euros de remboursement en moyenne, ce qui correspond probablement au montant de leurs impôts locaux, de l’autre, 834 ménages très aisés, dont le patrimoine est supérieur à 15, 5 millions d’euros, reçoivent un chèque de 368 000 euros en moyenne, soit l’équivalent de trente années de SMIC !

J’ajouterai qu’une vingtaine de contribuables ont perçu un remboursement d’au moins 2, 5 millions d’euros !

C’est donc bien l’accumulation de la fortune et du patrimoine personnel sous toutes ses formes qui est encouragée et protégée par le bouclier fiscal.

Monsieur le ministre, tout à l’heure, dans votre propos introductif, vous avez souligné l’importance de la justice sociale en cette période de crise. Face à des chiffres tels que ceux que je viens de citer, il est bien difficile de parler de justice à propos du bouclier fiscal.

Cette injustice sociale et fiscale est devenue insupportable aux yeux des salariés qui produisent la richesse de notre pays, et dont les efforts ne sont pas reconnus.

Les classes moyennes, dont la situation vous préoccupait, monsieur le ministre, ont vraiment l’impression de vivre dans une société à deux vitesses : rappelons qu’en huit ans, le revenu médian a progressé de 14 % et les hauts revenus de 27 % !

L’argument fréquemment utilisé pour la création du bouclier fiscal est qu’il faciliterait le retour des immigrés fiscaux, ceux qui se plaignent de payer trop d’impôts. De l’aveu même de M. le rapporteur général, pourtant défenseur du bouclier fiscal, il semble que rien ne permette de l’affirmer !

À vrai dire, l’expatriation des Français n’est pas nécessairement provoqué par la fiscalité ; ce ne sont que quelques centaines de contribuables potentiels à l’impôt de solidarité sur la fortune qui vont et viennent ainsi tous les ans entre la France et l’étranger.

Le premier motif de départ des Français pour l’étranger, ne l’oublions jamais, c’est le travail. Des milliers de jeunes diplômés de nos grandes écoles, de nos universités, franchissent la Manche, l’Atlantique ou les frontières des pays de l’Union européenne pour aller travailler à l’étranger, faute d’avoir été embauchés en France où d’être rémunérés à leur juste valeur. Ce départ, souvent, n’est que temporaire.

Quant aux redevables de l’ISF qui quittent notre pays, n’oublions pas qu’ils sont souvent guidés par des motifs d’ordre professionnel, avant toute autre considération. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons qu’ils reviennent parfois dans notre pays !

Enfin, la progression du nombre de redevables de l’ISF ces dernières années semble prouver qu’il reste encore quelques foyers plutôt riches dans notre pays ! Ainsi, on compte désormais 568 000 contribuables à l’ISF, chiffre qu’il n’est pas inutile de comparer aux 719 expatriations enregistrées en 2008.

Aucun lien n’étant établi entre le bouclier fiscal et le comportement des contribuables, rien ne justifie donc le maintien de cette disposition coûteuse pour les finances publiques et inefficace sur le plan économique.

Compte tenu de la révision à la baisse des prévisions de recettes de l’État, l’adoption de notre amendement ne pourrait être que salutaire pour son budget et l’aiderait à garantir le fonctionnement des services publics dont notre population a le plus grand besoin, tout en assurant une plus grande justice fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 54, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er du code général des impôts est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous avons à maintes reprises défendu la suppression du bouclier fiscal, pour la raison essentielle qu’il « étouffe » la progressivité de l’impôt sur le revenu. Or, nous l’avons dit et redit, nous sommes très attachés au seul impôt à vocation redistributive et à la progressivité.

La question ne relève plus tant de la justice fiscale que de la nécessité de faire preuve d’un bon sens élémentaire, particulièrement dans cette période de crise. Aucune raison ne justifie qu’une catégorie de la population, aussi numériquement peu importante soit-elle, mais dotée d’une forte capacité contributive, soit exonérée de tout effort.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 57, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le b) du 2 de l'article 1649-0 A du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cet amendement vise à exclure l'impôt de solidarité sur la fortune des impositions à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution dû au titre du bouclier fiscal.

Il serait en effet normal de conférer à cette imposition un statut particulier, de la considérer comme une imposition à part. Dans la mesure où elle ne pèse pas sur les revenus du travail, on ne peut pas la qualifier de confiscatoire par rapport aux revenus du travail ou exagérée par rapport au temps passé à travailler.

Même s’ils sont opposés à l’impôt de solidarité sur la fortune et partisans du bouclier fiscal, nos collègues de la majorité devraient pouvoir voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Les amendements n° 6 rectifié bis et 56 sont identiques.

L'amendement n° 6 rectifié bis est présenté par M. Détraigne, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Maurey, J.L. Dupont, Zocchetto, Merceron, Dubois et Soulage, Mme Payet, MM. Deneux et Amoudry et Mme Gourault.

L'amendement n° 56 est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les e et f du 2 de l’article 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.

L’amendement n° 6 rectifié bis n'est pas soutenu.

La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° 56.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cet amendement vise également à exclure du montant des impositions à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution dû au titre du bouclier fiscal les prélèvements sociaux tels que la CSG et la CRDS, ainsi que la taxe de financement du revenu de solidarité active. Son adoption permettrait de relever le plafond de 50 % des revenus.

Je précise qu’un amendement identique, présenté par notre collègue député Charles de Courson, a fait l’objet d’un long débat à l’Assemblée nationale et a recueilli l’assentiment de nombreux députés, au-delà des sensibilités partisanes.

Cet ajustement du bouclier fiscal nous paraît tout à fait légitime.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 55, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1649-0 A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le 4, il est inséré un 4 bis ainsi rédigé :

« 4 bis. Le revenu mentionné au 4 s'entend de celui réalisé par le contribuable avant prise en compte des effets de l'application de dispositifs fiscaux dérogatoires. Il est majoré :

« a. des amortissements déduits au titre des logements visés au h) du 1° du I de l'article 31 ;

« b. du déficit provenant de dépenses effectuées sur des monuments historiques ou immeubles assimilés ;

« c. du déficit provenant des dépenses visées au b ter) du 1° du I de l'article 31 ;

« d. des déficits fonciers autres que visés au a), b) et c) du présent 4 bis pour la fraction supérieure à la limite mentionnée au sixième alinéa du 3° du I de l'article 156 ;

« e. du déficit provenant de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés » ;

2° Le c) du 5 et le 7 sont abrogés.

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cet amendement vise à ajuster le dispositif du bouclier fiscal, lequel s'applique en fonction de revenus minorés qui ne correspondent pas aux revenus effectivement perçus par les contribuables.

Actuellement, le revenu pris en compte pour la détermination du droit à restitution est diminué des réductions d’assiette obtenues au titre du dispositif « Robien », du dispositif relatif aux monuments historiques, du dispositif « Malraux », ainsi que de l’ensemble des dispositifs fiscaux dérogatoires permettant une imputation des déficits fonciers au-delà de la limite de droit commun de 10 700 euros.

Ne sont pas non plus prises en compte les sommes qui correspondent aux déficits des loueurs meublés professionnels – la définition des loueurs meublés professionnels ne doit être revue de manière plus stricte qu’à compter de l’imposition sur les revenus de 2009 –, non plus que les sommes que les contribuables affectent à la constitution d’une retraite par capitalisation, ni celles qui correspondent à une part des plus-values réalisées sur les cessions de valeurs mobilières jusqu’à 25 000 euros.

En conséquence, le bouclier fiscal s’applique en fonction de revenus minorés qui ne correspondent pas aux revenus effectivement perçus par les contribuables.

Il est donc impératif de remédier à cette situation anormale, injuste et d’autant plus choquante par les temps qui courent.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 58, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 1649-0 A du code général des impôts, il est inséré un article 1649-0 B ainsi rédigé :

« Art. 1649 -0 B. - L'application du droit à restitution défini à l'article 1649-0 A du code général des impôts ne peut conduire à rendre la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune calculée en application de l'article 885 U du même code inférieure à :

« - 1 230 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 760 000 euros et inférieur ou égal à 1 220 000 euros ;

« - 4 346 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 1 220 000 euros et inférieur ou égal à 2 420 000 euros ;

« - 6 610 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 2 420 000 euros et inférieur ou égal à 3 800 000 euros ;

« - 21 814 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 3 800 000 euros et inférieur ou égal à 7 270 000 euros ;

« - 67 963 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 7 270 000 euros et inférieur ou égal à 15 810 000 euros ;

« - 100 000 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 15 810 000 euros. ».

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cet amendement vise également à ajuster les revenus pris en compte pour la détermination du bouclier fiscal.

En effet, il n’est pas acceptable que la mise en place de ce bouclier conduise à créer une nouvelle niche fiscale, parmi les plus importantes, au bénéfice des redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune. Le bouclier fiscal représente, en réalité, une remise en cause insidieuse de cet impôt. Aussi, nous proposons que son application ne puisse réduire l’imposition au titre de l’ISF due par le contribuable en-dessous d’une cotisation minimale, calculée pour chaque tranche d’imposition du patrimoine.

L’adoption de cet amendement serait une élémentaire mesure de justice fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 59, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'ensemble des impositions au titre de l'impôt sur le revenu due par un contribuable au titre de la levée d'une option attribuée conformément à l'article L. 225-177 du code de commerce, de la revente des titres acquis dans ce cadre, au titre des rémunérations différées visées aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, n'est pas pris en compte pour l'application du plafonnement prévu à l'article 1649-0 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Cet amendement vise, lui aussi, à apporter quelques correctifs au bouclier fiscal.

La majorité actuelle ne peut sérieusement prétendre à la moralisation des pratiques en matière de stock-options si elle permet aux attributaires de ces produits de bénéficier, au surplus, du bouclier fiscal mis en place par la loi de finances pour 2006 et renforcé par la loi du 21 août 2007 dite « loi TEPA ».

Pour corriger cette situation déséquilibrée, notre amendement vise à exclure du calcul du droit à restitution dû au titre du bouclier fiscal les impositions portant sur les revenus issus des stock-options, des parachutes dorés et des retraites dites « chapeau ».

Il s’agit d’un élément essentiel de justice fiscale, eu égard à la nature et au montant de ce type de rémunérations. Qui plus est, la mesure que nous vous proposons aurait l’avantage de permettre a minima de limiter le coût du dispositif, encore élargi en 2008.

Chers collègues de la majorité, soucieux que vous êtes tous du dynamisme des rentrées fiscales, je ne doute pas que vous vous montriez favorables au dispositif que nous présentons.

M. Jean-Louis Carrère applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. N’est-ce pas un peu optimiste ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Jeudi dernier, l’examen d’une proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal nous a permis de débattre très largement de cette question. Aussi, mes chers collègues, vous ne m’en voudrez pas, je l’espère, de ne pas détailler mes explications.

La commission est évidemment majoritairement défavorable aux amendements n° 21 et 54. Celle-ci a en effet adopté, en accord avec président le Jean Arthuis et moi-même, une position de fond : elle considère que le bouclier fiscal n’a d’autre fonction que de corriger les effets pervers de l’impôt de solidarité sur la fortune, et ce dans un contexte de stabilisation ou de diminution de la fiscalité directe.

À partir du moment où des besoins doivent être couverts par la solidarité et par appel aux capacités contributives de tous – et le financement du RSA l’a montré –, la question du bouclier fiscal se pose. Toutefois, conformément à notre position constante, nous estimons qu’il vaudrait mieux simplifier notre système fiscal en supprimant à la fois le bouclier fiscal – car nous reconnaissons qu’il comporte des défauts – et l’impôt de solidarité sur la fortune. Les pertes de recettes liées à la disparition de l’ISF seraient alors compensées par la création d’une tranche marginale supplémentaire de l’impôt sur le revenu.

Nous ne pensons pas que cette position de fond soit susceptible de prospérer dans l’immédiat. Néanmoins, nous croyons vraiment qu’une telle décision contribuerait à simplifier notre fiscalité, à la rendre non seulement plus attractive, mais aussi plus juste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pourquoi pas, mon cher collègue ?

Cela étant dit, et conformément à l’analyse que nous faisons déjà depuis déjà un certain temps, vous comprendrez, mes chers collègues, que la commission soit défavorable aux amendements n° 56 et 55.

À ce propos, je ferai remarquer que le plafonnement de la quasi-totalité des niches fiscales par la dernière loi de finances atténue les difficultés qui sont évoquées par les auteurs de ce dernier amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Bien sûr, je me réfère à notre problématique générale et à l’analyse de principe que nous avons rappelée la semaine dernière.

Pareillement, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 58. Je rappelle d’ailleurs que, à partir du moment où l’autoliquidation par le contribuable de ses propres droits à se prévaloir du bouclier fiscal sera entré en application, à savoir dès cette année, les effets pervers que l’on souligne aujourd’hui seront, là encore, assez sensiblement atténués.

La commission n’est pas davantage favorable à l’amendement n° 59, car elle estime que traiter de manière aussi sévère les catégories variables de rémunération risquerait d’entraîner une augmentation de la part des rémunérations fixes et d’entraver la politique de rémunération des entreprises en fonction de leurs résultats et de leur performance économique.

Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur cette considération d’ordre général au cours du débat.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cela ne vous étonnera pas, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements.

L’amendement n° 21 rectifié vise à remettre en cause le bouclier fiscal. Comme l’a rappelé M. le rapporteur général, nous avons eu dix fois ce débat et le Sénat lui-même, la semaine dernière, a examiné et rejeté une proposition de loi visant à supprimer ce dispositif. Par conséquent, je ne développerai pas plus avant nos arguments. Nous estimons que, par principe, nul ne doit être redevable, au titre de l’impôt, de plus de la moitié de ses revenus.

Dès lors qu’il existe un impôt sur le patrimoine et un impôt sur le revenu élevés, le bouclier fiscal a pour fonction de rétablir un certain équilibre, pour une plus grande justice fiscale. D’une manière générale, l’impôt doit être non pas confiscatoire, mais équilibré. Chacun doit contribuer à la charge publique en fonction de ses revenus, dans une certaine limite.

L’amendement n° 54 tend à supprimer le plafonnement des impositions directes sur les revenus. Une telle mesure reviendrait également à supprimer le bouclier fiscal : elle appelle donc de ma part la même réponse et le même avis défavorable.

L’amendement n° 57 a pour objet d’exclure du bouclier fiscal l’impôt de solidarité sur la fortune. Or, si le bouclier fiscal n’intégrait plus l’ensemble des impositions, il ne mériterait plus de s’appeler bouclier : à quoi bon poser un principe si on y prévoit trente exceptions ? Au lieu de défendre la suppression pure et simple du bouclier fiscal, il est évidemment plus facile de proposer des ajouts ou des retraits ponctuels du dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il fallait créer un bouclier pour les revenus du travail !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Le Sénat, qui a adopté récemment la contribution additionnelle destinée à financer le revenu de solidarité active, ou RSA, l’a bien intégrée dans le bouclier fiscal : il existe donc une cohérence, qu’il convient de respecter. L’impôt de solidarité sur la fortune est un impôt sur le patrimoine : l’existence du bouclier fiscal permet d’éviter que cet impôt ne devienne confiscatoire.

L’amendement n° 56 vise à exclure du champ du bouclier fiscal les prélèvements sociaux. Le débat sur ce point a eu lieu à de nombreuses reprises : je rappelle simplement que la contribution sociale généralisée, ou CSG, et la contribution pour le remboursement de la dette sociale, ou CRDS, sont des impôts directs au sens juridique du terme. Or le bouclier fiscal englobe l’ensemble des impôts directs. On considère parfois que les taux d’impositions sur le revenu sont un peu moins élevés en France que dans d’autres pays mais, en réalité, il faut également prendre en compte le poids de la CSG et de la CRDS. Puisque ces contributions participent à la pression fiscale sur les revenus, il est bien naturel qu’elles soient intégrées au bouclier fiscal, qui perdrait sinon sa raison d’être. Nous assumons pleinement ce choix de société, en accord total avec le Président de la République.

L’amendement n° 55 tend à réintégrer dans l’assiette des impositions prises en compte par le bouclier fiscal un certain nombre de revenus minorés. Il vise en fait à remettre en cause des dispositifs comme la loi Malraux ou le statut de loueur en meublé professionnel. Ce débat date un peu, puisque la loi de finances pour 2009 a modifié un certain nombre de ces dispositifs, en transformant des minorations de revenus en réductions d’impôt. La question ne se pose donc plus pour la plupart des éléments que vous mentionnez.

L’amendement n° 58 a pour objet de fixer une cotisation minimale pour les contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune. Il s’agit à nouveau de contourner le plafonnement des impositions à 50 % des revenus introduit par le bouclier fiscal. Je répéterai mon argument précédent : à quoi bon instaurer un principe si on y prévoit une foule d’exceptions ? Il importe aussi que notre droit français soit clair dans ses principes, le droit fiscal tout particulièrement, si nous voulons permettre à nos compatriotes d’ajuster leur comportement économique en fonction de règles du jeu fixées au moins sur le moyen terme.

Enfin, l’amendement n° 59 vise à exclure des impositions prises en compte dans le bouclier celles qui portent sur les stock-options. Ses auteurs tendent ainsi à détourner le débat vers ce type de produits. Nous en avons déjà débattu à mille reprises : il s’agit d’impositions, elles ont donc vocation à être incluses dans le dispositif du bouclier fiscal. Tel est le principe auquel notre majorité demeure attachée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° 21 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Si j’essayais de résumer les avis défavorables du rapporteur général et du Gouvernement, je dirais que la majorité choisit délibérément de conserver ce boulet fiscal qui, me semble-t-il, l’entrave dans sa marche entamée en juillet 2007.

M. le rapporteur général argumente en se fondant sur sa fameuse trilogie. Il nous demande d’attendre l’examen du projet de loi de finances pour 2010, à l’occasion duquel sera présenté – peut-être – le dispositif qu’il envisage, consistant à supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune et le bouclier fiscal, tout en introduisant une nouvelle tranche dans le barème de l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas la première fois que ce sujet est évoqué et je note que je n’ai jamais entendu la réponse du Gouvernement à cette proposition.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

On nous promet qu’un dispositif complet sera mis au point, car le rapporteur général veut « tout », mais, en attendant, nous n’avons rien, même pas une déclaration du Gouvernement qui prendrait acte de cette revendication du rapporteur général et du président de la commission des finances du Sénat, reconnaissant que le sujet mérite réflexion.

Vous admettrez donc que nous voulions, tout de suite, supprimer la plus odieuse des injustices fiscales, dont tout le monde aura compris qu’elle était devenue le totem de la majorité issue des élections de 2007. Veillez à ce que ce totem ne vous tombe pas sur la tête !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous avons apprécié la semaine dernière l’acte de contrition du président de notre assemblée mettant en cause le bouclier fiscal. Cela étant, la commission des finances nous propose aujourd’hui sa fameuse trilogie : abrogation du bouclier fiscal, suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et relèvement de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu.

À notre avis, une telle démarche fait du bouclier fiscal un leurre permettant de tordre le cou à l’impôt de solidarité sur la fortune. Comme l’a déjà fait notre collègue Nicole Bricq, je serais tenté de vous conseiller de réfléchir, car le mécontentement de l’opinion va croissant sur ce sujet.

Cette trilogie appelle également quelques observations de notre part, car il convient de mettre divers éléments en perspective. L’abrogation du bouclier fiscal représenterait une économie de 458 millions d’euros pour le budget de l’État ; en revanche, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune entraînerait une perte de recettes de 3, 9 milliards d’euros – cette perte de recettes serait d’ailleurs illogique au moment où nous devons faire face à des déficits aggravés. Au total, le manque à gagner résultant de la mise en œuvre de ces deux mesures s’élèverait à 3, 442 milliards d’euros pour le budget de l’État : il faudrait donc rétablir l’équilibre en majorant d’autant le produit de l’impôt sur le revenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Pour que l’opération soit neutre, il conviendrait sans doute d’instaurer une tranche d’imposition taxée à 45 %...

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… ou plus, compte tenu des éléments disponibles en termes de recettes fiscales. Dans notre pays, environ 500 000 contribuables disposent d’un revenu global de référence légèrement supérieur à 100 milliards d’euros : ils semblent donc tout désignés pour se voir appliquer ce nouveau barème. Un prélèvement plus important sur ces contribuables permettrait de rétablir les recettes précédemment perdues.

Mais quelque chose cloche dans votre schéma : l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est constituée par du capital, du patrimoine, alors que l’assiette de l’impôt sur le revenu, comme son nom l’indique, est constituée, d’abord et avant tout, de revenus d’activité. La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune allégerait donc singulièrement une fiscalité du patrimoine et du capital déjà largement dérogatoire aux règles s’appliquant aux revenus du travail.

L’impôt de solidarité sur la fortune, même s’il est loin d’être parfait, demeure malgré tout l’un des rares impôts sur le capital des personnes physiques existant dans notre législation. La mise en œuvre de l’équation préconisée par le président et par le rapporteur général de la commission des finances reviendrait à accorder une prime aux petits malins qui imputent pertes, investissements divers et déficits sur leurs revenus imposables pour échapper à l’impôt sur le revenu et qui joueront, demain, de la disparition de l’impôt de solidarité sur la fortune sans avoir à payer plus d’impôt sur le revenu.

À vrai dire, avant même de se demander s’il faut relever le taux marginal d’imposition sur le revenu – ce qui pourrait se comprendre dans le contexte actuel de détérioration des comptes publics –, il faudrait commencer par faire la chasse aux diverses mesures dérogatoires, souvent injustifiées, qui permettent à quelques-uns de ne pas verser ce que leurs capacités contributives leur permettraient pourtant de payer. On peut donc augmenter le produit de l’impôt sur le revenu sans accroître le taux de la dernière tranche : pourquoi ne pas traiter, par exemple, les stock-options comme ce qu’elles sont, c’est-à-dire des éléments de rémunération. Faisons dès aujourd’hui un premier pas dans cette direction en supprimant le bouclier fiscal !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 137 :

Le Sénat n’a pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 56.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Cet amendement de nos collègues du groupe socialiste pose la question de la consistance du bouclier fiscal. Il vise à exclure du périmètre de ce bouclier la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale. Le groupe de l’Union centriste avait d'ailleurs déposé un amendement identique, qui n’a pas été défendu.

À dire vrai, s’il s’agissait de défendre réellement les intérêts des contribuables les plus modestes, en plafonnant les impôts à 50 % des revenus de leurs activités professionnelles, il conviendrait probablement de retirer du bouclier fiscal tant l’impôt de solidarité sur la fortune – qui, permettez-moi de le rappeler, n’a qu’un très lointain rapport avec le fruit du travail personnel de chacun – que les contributions sociales dont il est ici question.

En tout état de cause, nous ne pouvons, au moins dans un premier temps, qu’être favorables à cette exclusion de la CSG et de la CRDS du bouclier fiscal pour une raison très simple : le bouclier fiscal rend de fait déductible pour 14 000 contribuables ce qui ne l’est pas pour les 36 millions d’autres.

Pour nous, il s’agit d’une rupture d’égalité devant l’impôt, et c’est en ce sens que nous voterons en faveur de cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 51, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 5 de l'article 39 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces rémunérations ne peuvent être supérieures à une année de salaires de base. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Par cet amendement, il s’agit, toujours dans le même souci de justice, de plafonner les primes de départ des dirigeants d’entreprise de manière que les rémunérations de ce type ne puissent pas être supérieures à une année de salaires de base, ce qui nous paraît être quand même un montant très raisonnable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je me suis demandé à la lecture de cet amendement s’il avait un rapport direct avec les lois de finances.

Au-delà de cette remarque, je crois qu’en introduisant un plafonnement général on entre dans une sorte d’économie administrée, et l’on prive les entreprises de la souplesse nécessaire à la gestion de leur masse salariale et à la recherche des meilleurs profils de compétence.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission ne peut pas être favorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Exactement pour les mêmes raisons, le Gouvernement ne peut pas être favorable, madame Bricq, à votre proposition de plafonner le montant des rémunérations.

Je rappelle au passage que le paragraphe 5 de l’article 39 du code général des impôts, récemment instauré dans le cadre de la loi de finances pour 2009, permet déjà d’atteindre partiellement cette mesure en plafonnant la déduction des rémunérations différées versées aux dirigeants des sociétés cotées à six fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit environ 200 000 euros.

Donc, une mesure a été prise en 2009, et elle nous paraît largement suffisante.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.