Le collectif, la crise, la relance, la fiscalité et… les autres.
D’abord, la crise.
À l’occasion du collectif, le quatrième en six mois sur deux exercices budgétaires, le Gouvernement actualise son hypothèse macroéconomique. Il acte la récession à un niveau toutefois contestable et contesté, la limitant à 1, 5 %, alors que M. le rapporteur général l’estime à 3 % dans son rapport. Pis encore, monsieur le rapporteur général vous n’excluez pas a priori un scénario avec une chute à 4 % en 2009 et une croissance légèrement négative pour 2010. Autant dire que l’époque où le Gouvernement convoquait la sortie de crise à date fixe, évoquant d’abord le 1er juillet 2009, puis le 31 décembre 2009, paraît bien lointaine… En la matière, il vaut mieux être modeste. D’ailleurs, le 4 mars dernier, le Premier ministre lui-même déclarait : « Personne aujourd’hui ne peut savoir quand on sortira de cette crise. »
Avons-nous atteint le creux de la crise ? Rien n’est moins sûr. Alors que le scenario d’une crise en V a été défendu avec une certaine pugnacité, je note que l’hypothèse la plus probable est aujourd'hui celle du W. Mme la ministre a même utilisé l’expression fort appropriée de « tôle ondulée », ce qui nous renvoie à la crise japonaise des années quatre-vingt-dix, où une telle image était pertinente.
Ensuite, la relance.
Face à la montée explosive du chômage – d’après les prévisions, le taux devrait atteindre 10 % en 2009 –, qui affectera encore le pouvoir d'achat, à la chute de la consommation et à la paralysie de l’investissement, les mesures du Gouvernement sont-elles à la hauteur ? Les nouvelles dispositions annoncées après le sommet social du 18 février, telles qu’elles sont traduites dans le présent collectif, sont-elles à la mesure de la crise ? Vous connaissez notre réponse.
M. le rapporteur général nous propose la « riposte graduée ». Je pense que cela ne correspond pas au bon tempo d’une crise cumulative. En effet, la crise est à la fois financière et économique, économique et sociale. Alors qu’on nous avait dit que ce serait la finance d’abord, l’économie ensuite et peut-être le social après, nous avons tout concentré en même temps.
De notre point de vue, notre pays a besoin d’une riposte massive et immédiate. Il faut prioritairement et fortement cibler les bas revenus, ceux qui consomment toute injection d’argent. À cet égard, monsieur le rapporteur général, vous avez utilisé un terme que nous n’avons pas l’habitude d’entendre dans votre bouche – c’est la preuve que la crise bouleverse les modes de pensée –, en faisant référence au multiplicateur keynésien. Eh bien, pour de telles populations, qui consomment l’ensemble de leurs revenus, le multiplicateur joue à plein !
Or, en Europe, en additionnant les plans nationaux pour 2009, on ne dépasse pas 1, 4 point de PIB. Je vous mets au défi de me démontrer le contraire. En réalité, nous sommes arrivés au bout des mesures de court terme, ponctuelles, comme celles qui figurent dans le collectif budgétaire.
Vous connaissez nos propositions. Nous craignons que le refus de les entendre ne retarde la sortie de crise de notre pays et que la France ne souffre plus longtemps que ses partenaires.
Enfin, la fiscalité.
Le Gouvernement a choisi d’agir fiscalement sur la première tranche de l’impôt sur le revenu. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale a heureusement rectifié celui du Gouvernement pour éviter qu’une telle mesure ne bénéficie, comme c’était le cas au départ, aux contribuables riches se situant dans cette tranche en raison de la minoration de leur revenu par le jeu des niches fiscales.
Pour autant, la mesure « loupe » tout de même la cible des bas revenus que j’évoquais tout à l’heure, c'est-à-dire tous ceux – cela représente tout de même près de 50 % des foyers – qui ne paient pas l’impôt sur le revenu.
En outre, cette disposition ne peut occulter le débat fiscal qui nous oppose, gauche et droite. Nous avons développé nos arguments à l’occasion de l’examen de toutes les lois de finances depuis 2002. Je pense que mes collègues inscrits dans la discussion générale y reviendront mesure par mesure. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’exprimer nos positions tout récemment, jeudi dernier, lors de l’examen de la proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal et à encadrer les rémunérations des dirigeants de grandes entreprises, déposée par le groupe CRC-SPG.
Sur ce dernier point en particulier, nous considérons que le débat n’est pas tranché, et surtout pas par le décret annoncé, et signé ce matin même.
En effet, comment peut-on justifier que ceux qui s’inscrivent dans la fourchette supérieure des revenus ne contribuent pas au soulagement des plus modestes et des plus pauvres ? Il n’y a aucune justification possible !
Aussi, ne vous étonnez pas que, une fois encore, nous défendions un amendement de suppression du bouclier fiscal.
Du reste, je reprends à notre compte la recommandation adressée par Jacques Delors au Gouvernement et à sa majorité lors d’un récent entretien où il a utilisé une formule particulièrement adaptée : « Laissez tomber l’orgueil ». Il n’y aurait aucune honte, en effet, à renoncer aux mesures prônées en 2007, alors que vous n’aviez pas intégré la dureté de la crise.
En le faisant, vous rehausserez la crédibilité de l’action publique et de votre politique. Ne tergiversez pas plus longtemps, ne vous amusez pas avec la trilogie ! Ici et maintenant, entendez la sourde colère des Français. Il n’est pas un jour sans que l’on assiste à un acte de contestation, voire un acte violent. Cette colère ne fera que s’amplifier au fur et à mesure de l’annonce quotidienne de plans sociaux, de défaillances d’entreprises.
Suivez au moins la recommandation du Conseil des prélèvements obligatoires selon laquelle il faut veiller à maintenir un certain équilibre entre l’imposition progressive sur les revenus et les prélèvements sociaux. Tout est dit !
De toute façon, le débat sur l’impôt s’ouvrira une nouvelle fois, vous le savez bien, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010 et même avant, car il est fort à parier que, d’ici là, nous serons saisis d’un nouveau collectif.
S’agissant de l’encadrement des rémunérations, vous n’avez pas voulu nous entendre.
Ainsi, lorsque le groupe socialiste – que j’ai eu l’honneur de représenter – a défendu, le 4 novembre, son cadre général d’intervention après avoir constaté, dès le 8 octobre, que les contreparties demandées aux banques, soit en termes de garanties soit en fonds propres, pour avoir accès à l’aide publique étaient trop peu contraignantes, vous nous avez renvoyés au code de bonne conduite du MEDEF.
Vous ne nous avez pas davantage entendus, le 26 mars dernier, lors de la discussion de la proposition de loi du groupe CRC-SPG, à l’occasion de laquelle nous avons également rappelé nos propositions.
Pendant que le Sénat débattait de ce texte, le secrétaire général de l’Élysée annonçait un décret imminent, jugeant la voie – je reprends ses termes – plus facile et plus rapide. Aujourd’hui, il la déclare non pas « plus facile », mais « plus efficace ». Nous considérons que le recours à cette méthode est un déni du Parlement, alors que nous avons sous la main un véhicule législatif approprié.
Monsieur Arthuis, vous avez déposé en commission des finances, à titre personnel, un amendement que nous vous encourageons fortement à maintenir en séance publique, car – je l’ai dit ce matin en commission des finances – il sauve l’honneur du Parlement.
Cet amendement tend à élargir quelque peu le périmètre du décret et il n’en borne pas la durée. Même s’il ne répond pas à toutes nos attentes, puisque nous voulons que le cadre des rémunérations variables soit appliqué à l’ensemble des entreprises cotées, nous souhaitons en débattre à l’occasion de la discussion de l’article 11.
En effet, dans la mesure où le décret ne concerne que huit entreprises et n’apporte qu’une réponse partielle au problème des rémunérations variables, il valide le code de bonne conduite du MEDEF, dont la présidente, Mme Parisot, avait toujours dit qu’elle ne voulait pas d’une loi. De fait, il n’y aura pas de loi.
Faisons un bref retour sur le passé récent : à la suite de la déclaration du Président de la République, qui a fustigé les bonus lors de son discours prononcé à Toulon au mois de septembre dernier – ce n’est pas si ancien, même si cela paraît dater d’un siècle ! –, les dirigeants des entreprises concernées ont renoncé officiellement à ces bonus. Mais ils se sont reportés sur les stock-options. Comme ces dernières ont été fustigées à leur tour, elles se transforment en « retraites chapeaux » ! On n’en finira jamais !
Il nous faut donc définir un cadre général d’intervention, et ce dès maintenant ; c’est sur ce point que je suis en total désaccord avec M. le rapporteur général.
Nous avons bien une structure, le groupe de travail des vingt-quatre auquel vous avez fait allusion, qui travaille en toute sérénité et aboutit à de bons compromis.