Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 31 mars 2009 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou :

Ainsi, après un premier collectif instaurant un plan de soutien au système bancaire, un deuxième, consacré aux aides aux entreprises, et un troisième, voté en janvier dernier, faisant de l’investissement public une priorité, ce projet de loi de finances rectificative vise une série de mesures centrées principalement sur l’emploi et le pouvoir d’achat.

Il comprend trois types de mesures : l’abondement du fonds d’investissement social en faveur des chômeurs, le plan en faveur du secteur automobile et la suppression du versement des deux premiers tiers de l’impôt sur le revenu pour les contribuables de la première tranche et une partie de ceux de la deuxième tranche.

C’est aussi l’occasion pour le Gouvernement de réviser ses hypothèses macro-économiques et ses prévisions de croissance, prenant en compte la forte dégradation de la situation économique française. Je profite de l’occasion pour vous remercier, madame la ministre, monsieur le ministre, de l’effort de transparence et de sincérité devant la représentation nationale et les Français sur l’état très dégradé de nos comptes publics.

C’est aussi un moyen, j’en suis sûr, pour l’ensemble de nos concitoyens de mesurer la gravité de la situation financière du pays et d’amener l’ensemble des acteurs à se montrer plus vertueux dans la gestion de l’argent public.

La révision des prévisions de croissance nous fait prendre conscience chaque jour davantage de la profondeur de la crise que nous vivons. L’année 2009 sera, pour l’économie de notre pays, celle de la plus grave récession depuis 1945 et nul ne peut dire aujourd’hui à quelle échéance nous en sortirons.

Avec l’annonce, chaque jour, de nouveaux plans sociaux, de fermetures d’entreprises, d’augmentation rapide du chômage, le climat social est extrêmement tendu.

Les mesures en faveur du pouvoir d’achat et de soutien à l’activité économique contenues dans ce deuxième volet du plan de relance sont nécessaires. Personne ne saurait le contester.

Il ne faut pas oublier non plus que nous débattons de ce collectif budgétaire à la veille de la tenue du G20. Les opinions publiques attendent beaucoup de ce sommet, qui doit refonder le système économique et financier international et apporter des réponses à la crise mondiale.

Tout le monde a désormais conscience qu’il faut revoir un certain nombre de règles de fonctionnement du système capitaliste financier qui s’est écroulé sous nos yeux. Les grandes puissances économiques doivent donner des signes tangibles dans le domaine de la relance et de la croissance économique pour reconstruire la confiance entre les acteurs.

La coopération internationale doit primer pour trouver un accord sur de nouvelles règles, pour instaurer une nouvelle gouvernance de notre système financier en l’assainissant, notamment en traitant l’ensemble des actifs toxiques des banques et en luttant contre les paradis fiscaux qui empêchent toute régulation efficace, pour revoir le fonctionnement des agences de notation, enfin, pour faire évoluer les nouvelles normes comptables IFRS – International Financial Reporting Standards – qui ont été responsables, à mon avis, d’une bonne partie de la crise.

Nous espérons que les décisions seront à la hauteur des enjeux. Les mesures devront être, comme l’a dit le président Obama, « audacieuses, ambitieuses et coordonnées » afin d’enrayer la crise économique mondiale.

Le présent projet de loi de finances rectificative enregistre l’aggravation de nos déficits et de la dette. Je salue les efforts réalisés par Éric Woerth, qui fait partie de ceux qui ont pleinement conscience de la nécessité et de l’urgence pour notre pays d’assainir durablement la situation des comptes publics de l’État.

Je tiens à le rappeler, même en période de crise économique, où la tendance naturelle des pouvoirs publics peut être de laisser filer les déficits, maîtriser notre niveau de dépense et d’endettement public est une obligation.

Cependant, alors que nous affirmons inlassablement, année après année et auprès de tous les gouvernements, la nécessité d’équilibrer nos comptes publics et de réduire la dette et les déficits, nous mesurons – nous payons, devrais-je dire –toutes les conséquences de nos faiblesses collectives.

Lors de la précédente loi de finances rectificative, qui a été adoptée voilà un peu moins de deux mois, j’estimais qu’une situation moins dégradée de nos finances publiques nous aurait garanti des marges d’intervention plus grandes, donc plus efficaces, en matière d’investissements publics et de relance de l’économie.

En effet, le plan de relance français, bien qu’allant dans le bon sens en accordant la priorité à l’investissement, est modeste au regard de ceux de nos partenaires européens et américains.

Nous ne pouvons que le regretter compte tenu de la dégradation de nos comptes publics : avec une croissance de moins 3 % en 2009, voire pire, la France, contrairement à plusieurs de ses partenaires européens qui ont équilibré leurs comptes, ne dispose plus de marges de manœuvre budgétaires.

Le déficit public atteindra, selon le Gouvernement, près de 104 milliards d’euros, soit 5, 6 % du PIB, voire 6, 6 % si l’on suit les estimations faites par M. le rapporteur général.

Conséquence de la baisse de la masse salariale, monsieur le ministre, le déficit de la sécurité sociale atteindra, quant à lui, 18 milliards d’euros en 2009. La dette publique grimpera à plus de 75 points de PIB en 2009.

Les estimations de notre commission des finances ne sont pas « réjouissantes » : la perspective de voir nos déficits descendre en dessous de 3 % du PIB s’éloigne alors que la dette publique pourrait atteindre, en 2012, plus de 90 points de PIB, selon le scénario central.

Cette situation handicape notre pays et l’empêche de préparer l’avenir en investissant dans la recherche et l’innovation, pourtant indispensables pour créer des richesses, ce dont nous ne sommes plus capables aujourd’hui, et c’est là tout le problème.

Le développement, ou plutôt le « redéveloppement », du système productif français est primordial si nous voulons assurer un avenir quelconque à l’économie de notre pays.

Certes, nous espérons tous que la croissance repartira le plus vite possible, mais nous n’avons aujourd’hui aucune certitude à ce sujet.

Certains parlent, imprudemment selon moi, d’une reprise de l’activité en 2010. Ayons le courage d’avouer que personne n’en sait rien. Aucun économiste ne peut prétendre aujourd’hui que la croissance redémarrera l’année prochaine.

Il sera donc extrêmement difficile de réduire nos déficits d’ici à 2012, contrairement aux engagements qui avaient été pris par le Gouvernement.

Nous devons donc tous, encore plus aujourd’hui qu’hier, demeurer attentifs à la maîtrise des dépenses publiques. Ainsi, toutes les dépenses nouvelles doivent être gagées et il n’est pas possible de financer par le déficit la dette et les réductions d’impôt.

Je le dis, madame la ministre, monsieur le ministre, car l’annonce récente de la réduction du taux de TVA de 19, 6 % à 5, 5 % sur la restauration est, pour nos finances publiques, inquiétante.

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