La vraie question lorsqu’on traite du bouclier fiscal est de savoir si l’impôt est équitable et économiquement efficace.
Le bouclier fiscal a été créé pour respecter le principe juste d’après lequel nul ne doit payer plus de 50 % de ses revenus en impôts. Il avait d’ailleurs été mis en place par Dominique de Villepin pour limiter les effets contre-productifs de l’impôt sur la fortune.
Pour plusieurs raisons, notamment parce que c’est le revenu net qui est pris en compte, ce dispositif est devenu, pour paraphraser le président de la commission des finances, une « offense à la justice fiscale », tant son application produit des injustices choquantes, comme l’ont révélé certains exemples récents.
Du fait de la complexité de notre système fiscal, que le bouclier n’a fait qu’accroître, ce dernier est devenu un amplificateur des défiscalisations et des opérations d’optimisation fiscale.
C’est pourquoi nous pensons que la solution proposée par la commission des finances de supprimer le bouclier fiscal, tout en abrogeant l’impôt sur la fortune, dont chacun connaît les effets contre-productifs sur notre économie, et d’instituer un nouveau taux marginal de 45 % de l’impôt sur le revenu est la plus à même de répondre aux impératifs de justice sociale et d’attractivité pour nos entreprises.
Nous avons déjà commencé sur cette voie lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 en plafonnant les niches fiscales. Monsieur le ministre, aujourd'hui, avec la crise, c’est nettement insuffisant. Vous devrez nécessairement traiter cette question à l’occasion du projet de loi de finances pour 2010, notamment dans le cadre de la réflexion sur notre système fiscal, en ayant à l’esprit plusieurs principes : attractivité du territoire, équité et efficacité fiscales, proportionnalité et progressivité de l’impôt.
Nous ne pouvons que déplorer la faiblesse de nos recettes fiscales, cause directe de notre déficit. Or cette situation n’est pas étrangère au fait que le produit de l’impôt sur le revenu – 50 milliards d’euros – est très faible par rapport à l’ensemble de nos ressources, voire ridicule si on le rapproche de celui de grands pays comparables à la France.
Il est vrai que les gouvernements n’ont cessé de multiplier les niches et les incitations fiscales, réduisant de fait le produit de l’impôt sur le revenu. Il faut profiter de cette crise pour mettre à plat notre fiscalité, car, on le sait, de toute façon, ce n’est jamais le moment !
Je veux dire un mot, enfin, sur les rémunérations excessives des dirigeants d’entreprise. Personne ne peut ignorer l’émotion suscitée par les annonces en cascade de dirigeants d’entreprise qui partent avec des bonus, actions, stock-options ou golden parachutes de plusieurs millions d’euros, alors qu’au même moment sont annoncés des fermetures d’entreprises, des licenciements ou du chômage partiel, que ces entreprises ont été aidées financièrement par l’État et que quelques dirigeants ont failli dans la gestion de leur entreprise.
Nous ne pouvons qu’être favorables à tout type de dispositif qui aurait pour objet la moralisation des pratiques de rémunération variable dans un contexte de crise. Comme l’écrivait un des pères du libéralisme, Adam Smith, pour que le marché fonctionne, l’entrepreneur doit modérer « ses pulsions d’avidité et d’accaparement ».
Il faut aller plus loin et véritablement moraliser le capitalisme, car les évolutions récentes du système l’ont dénaturé.
La question des rémunérations excessives peut être rattachée à une évolution du capitalisme, devenu un système où, finalement, ceux qui prennent les décisions ne sont pas ceux qui en supportent les risques.
Les actionnaires, les managers ou les administrateurs s’investissent dans l’entreprise pour faire carrière et, en général, pour faire fortune le plus rapidement possible, justement en s’attribuant des rémunérations excessives, sans tenir compte de l’intérêt de l’entreprise. Ils restent quelques années dans une entreprise, puis vont dans une autre.
Ces personnes ne sont pas attachées à l’entreprise et leur intérêt ne coïncide donc pas avec celui de cette dernière. Le pire, c’est qu’ils ne sont même pas responsables des décisions stratégiques.
La deuxième évolution, qui a dénaturé le système capitaliste, et qui est d’ailleurs une des raisons de la crise actuelle, est la préférence pour le présent et le court terme.
Cette préférence pour le présent ou l’instant a rendu quasiment impossible les investissements à long terme, alors qu’il ne devrait pas être possible de diriger une entreprise sans avoir en perspective l’avenir.
C’est, à mon avis, en réfléchissant à ces deux questions que nous pourrons refonder le système capitaliste.
Si j’ai émis quelques réserves sur certains aspects de ce collectif budgétaire au regard de leurs conséquences sur nos finances publiques, nous ne pouvons nous opposer aux différentes mesures en faveur du pouvoir d’achat et de soutien à l’activité économique qui nous sont proposées ici. C’est la raison pour laquelle une large majorité de notre groupe approuvera ce collectif budgétaire.
Nous sommes convaincus que, en cette période de crise, il faut surtout redonner confiance à notre pays si l’on veut éviter que 2009 ne soit l’année d’une crise sociale majeure. Pour cela, il faut cesser de dresser les Français les uns contre les autres.
Mais, au moment où notre pays s’enfonce dans la crise, il me semble aussi essentiel de préparer la sortie de crise. C’est pourquoi le groupe centriste est attaché à ce que le Gouvernement tienne la dépense en cette période difficile, gage toutes les dépenses nouvelles et refuse la facilité de la dérive budgétaire dans les années qui viennent. Nous y serons particulièrement vigilants.