Intervention de François Marc

Réunion du 31 mars 2009 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion d'un projet de loi

Photo de François MarcFrançois Marc :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui prévoit un déficit des finances publiques de la France de 104 milliards d’euros, chiffre jamais atteint !

Ce chiffre est inquiétant en lui-même parce qu’il atteste le délabrement de nos finances publiques mais aussi en ce qu’il nous indique à quel point les marges de manœuvre sont aujourd’hui limitées pour faire face à la crise.

Cette situation préoccupante s’explique en grande partie, me semble-t-il, par la politique fiscale conduite par la droite depuis 2002 en France, et c’est ce que j’entends maintenant démontrer.

Pour introduire mon propos, j’évoquerai la situation actuelle aux États-Unis, première économie mondiale et pays, comme vous le savez, où est née cette crise majeure que nous traversons aujourd’hui.

Le Président Sarkozy s’est longtemps flatté qu’on le surnomme « Sarkozy l’Américain » ; il prétendait introduire en Europe « ce qui marche », c’est-à-dire, à ses yeux, la politique économique qui était mise en œuvre aux États-Unis par Georges Bush. Il fallait rompre, disait-il, avec la vision européenne de l’État-providence, cette vieille lune sociale-démocrate, dispendieuse et ringarde.

L’un des exemples les plus cocasses de ce discours fut, vous vous en souvenez, la proposition formulée durant la campagne présidentielle d’introduire les prêts immobiliers hypothécaires destinés à faire de la France une « société de propriétaires ».

Hélas, cette politique américaine s’est révélée être un échec. Elle a conduit à inverser le sens de la redistribution puisque, sous la présidence Bush, les États-Unis ont vu s’exercer un transfert annuel de quelque 150 milliards de dollars des couches populaires vers la fraction de 1 % des plus riches. Il en est résulté le déclassement des couches moyennes, entrées dans une spirale de pauvreté.

Les instruments fiscaux qui ont conduit à ce désastre ressemblent beaucoup aux vôtres et sont à peine plus caricaturaux : baisse de la fiscalité sur le patrimoine, réduction des impôts progressifs à la portion minimale au profit d’une fiscalité proportionnelle, ainsi que d’une fiscalité d’entreprise qui encourage la rente et pénalise l’investissement productif.

Heureusement, Barack Obama, comme jadis Roosevelt lors du New Deal, revient aux fondamentaux de l’économie réelle. Le nouveau président américain, tout en baissant de 250 milliards de dollars les impôts des plus modestes, s’apprête à relever l’impôt des grandes fortunes américaines, en même temps qu’il prévoit de limiter réellement les scandaleuses rémunérations des patrons des sociétés maintenues en vie grâce aux perfusions du Trésor.

Pour une fois, nous aimerions, madame la ministre, monsieur le ministre, que votre gouvernement s’inspire de ce qui se fait outre-Atlantique. Le président Sarkozy pourrait ainsi méditer ce propos de Roosevelt : « Gouverner, c’est maintenir égales pour tous les balances de la justice. »

Cela étant, attribuer toute la responsabilité au seul président Sarkozy serait malhonnête. Il dispose de solides complicités au sein de la majorité, car ses malencontreuses options ne datent pas d’hier. Dès le retour de la droite au pouvoir, en 2002, nous avons été obligés de constater une forte régression de la justice fiscale en France.

Dès 2002, en effet, votre politique prétendait renforcer la croissance, consolider l’emploi et le pouvoir d’achat. Pour y parvenir, il fallait, nous disait-on, diminuer les prélèvements obligatoires tout en réduisant la dette du pays et les déficits, afin de se redonner des marges de manœuvre.

Ici même, en 2003, on entendit qualifier de « cocktail gagnant » l’ensemble de mesures destiné à faire baisser l’impôt sur le revenu, les charges patronales, la fiscalité du patrimoine et l’impôt de solidarité sur la fortune. Rétrospectivement, ce cocktail nous apparaît plutôt être une potion empoisonnée !

En effet, de 2002 à 2007, si votre politique de baisse d’impôts a coûté au bas mot plus de 23 milliards d’euros à la collectivité publique, le taux de prélèvements obligatoires est resté quasiment inchangé. Comment expliquer cette stabilité alors que vous prétendiez diminuer les impôts ? Il suffit d’observer que, contrairement à vos promesses, vous n’avez pas réellement réduit le niveau d’imposition. Vous avez simplement concentré les prélèvements sur les classes moyennes pour mieux décharger vos clientèles électorales de leur devoir de solidarité nationale.

De 2002 à 2007, les foyers dont les revenus étaient compris entre 15 et 20 fois le SMIC ont profité, en moyenne, d’une baisse d’imposition comprise entre 3 000 et 12 000 euros par an ! En taillant en pièces le principe de progressivité de l’impôt, vous avez réussi la gageure d’inventer la redistribution à rebours : prendre aux pauvres pour donner aux riches !

C’est dans le même esprit que vous avez menti aux Français lorsque vous promettiez que le bouclier fiscal devait profiter aux classes moyennes et modestes. Nous avons entendu plusieurs fois de tels propos dans cet hémicycle. De fait, en 2008, ce sont 834 contribuables disposant d’un patrimoine moyen de 15, 5 millions d’euros qui ont reçu de l’État un chèque d’un montant moyen atteignant 368 000 euros.

Au total, ce dispositif nous coûte la bagatelle de 307 millions d’euros. Même Dominique de Villepin, qui en est l’instigateur, s’en est inquiété il y a quelques jours dans les colonnes du journal Le Monde !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion