Dès 2002, vous prétendiez également améliorer l’attractivité fiscale du pays et permettre l’épanouissement des entreprises. Il fallait, disait-on, « libérer les énergies », selon un slogan alors à la mode. Vous avez donc abaissé l’impôt sur les sociétés, créé un dégrèvement de taxe professionnelle, réduit l’imposition des plus-values, pour ne rien dire de l’exonération d’ISF, à hauteur de 75 %, sur les actions et les parts sociales. Vous avez multiplié les mesures dérogatoires, qui portent aujourd’hui le nombre de « niches fiscales » à plus de cinq cents ! En 2003, elles coûtaient déjà plus de 50 milliards d’euros à l’État. Je n’ose imaginer à combien s’élèvera leur montant en 2009…
Cette stratégie fiscale désastreuse a encore été accentuée depuis 2007.
Loin de revenir sur les choix fiscaux antérieurs, le gouvernement Fillon a aggravé l’injustice fiscale. Dans la lettre de mission qu’il vous a adressée en 2007, madame la ministre, et conformément à la promesse faite au MEDEF lors de son université d’été, le Président exigeait une baisse des impôts de quatre points sur les dix prochaines années.
La loi dite « TEPA », votée dès juillet 2007, a ainsi permis aux grandes fortunes d’échapper à l’ISF en autorisant la déduction des sommes investies dans les PME jusqu’à 50 000 euros. Si l’on y ajoute le bouclier fiscal et les autres niches, on se demande bien ce qu’il leur reste à payer !
Au prétexte que vous diminuez les recettes, vous vous êtes attaqués aux fondements du service public à la française en prétendant le moderniser.
Qu’on ne se méprenne pas sur le sens de mes propos : nous sommes d’accord sur la nécessité de moderniser l’État. Oui, il faut que le service rendu à nos concitoyens soit le meilleur possible. Oui, dans un contexte de raréfaction des ressources, il faut des réformes. Mais les choix budgétaires que vous avez effectués se cantonnent trop souvent à une vision purement financière, sans réelle prise en compte des besoins des usagers, comme nous le constatons en matière d’hôpitaux ou d’écoles.
Outre les restrictions imposées, vous opérez un tour de passe-passe qui consiste à transférer le coût de fonctionnement des services publics du contribuable vers l’usager. Ce que vous enlevez de la feuille d’impôt, les Français le retrouvent à la facturation. Cette stratégie pénalise évidemment les plus modestes, qui ont du mal à s’acquitter des augmentations de tarifs des services publics.
L’État fait aussi porter cet abandon de recettes par les collectivités. L’acte II de la décentralisation, qui devait être une nouvelle ère pour les politiques locales, s’avère n’être qu’un corset de fer. Le transfert massif de charges n’a pas été compensé comme il aurait dû l’être, ce qui contraint les élus locaux à pallier les carences du Gouvernement. Les dégrèvements de taxe professionnelle et, bientôt, la suppression pure et simple de celle-ci conduiront à ce que le principe d’autonomie fiscale, pourtant inscrit dans la Constitution, reste lettre morte.
Grâce à la décentralisation, l’État détricote l’impôt progressif pour mieux en reporter le coût sur les impôts locaux qui sont, eux, des impôts proportionnels : les collectivités ont bon dos ! Le Gouvernement peut ensuite leur faire la leçon, sur l’air des dépensiers qui ne jurent que par les taxes. Il est pourtant bien heureux de s’appuyer sur l’investissement des collectivités, sans lequel son plan de relance est voué à l’échec. N’oublions pas que ce sont les collectivités qui assurent jusqu’à 73 % de l’investissement public !
Admettez, madame la ministre, que, compte tenu de la dette endémique qui grève nos finances, l’État peut difficilement s’ériger en donneur de leçons.
Depuis l’arrivée de la droite au pouvoir, la dette liée aux déficits n’a cessé de croître. Elle sera au mieux de 73, 9 % du PIB en 2009, pour un déficit de 5, 6 %, très loin du seuil autorisé par nos engagements européens.
La politique menée depuis 2002 ne mérite d’être associée qu’à deux vocables : électoralisme et « court-termisme ».
Dans son rapport annuel pour 2008, la Cour des comptes estime que, si la dette publique continuait d’évoluer au même rythme, elle atteindrait 85 % du PIB en 2012 ; et encore n’est-ce là qu’une hypothèse optimiste !
Madame la ministre, il est urgent de dire la vérité aux Français et de comprendre que les privilèges fiscaux d’aujourd’hui sont les hausses d’impôts de nos enfants !
À l’heure où l’État injecte des milliards dans l’économie, notamment dans les banques qui continuent de verser des rémunérations faramineuses aux responsables de la crise, il est du devoir du Gouvernement de rétablir l’équité en sollicitant davantage les hauts revenus.
Rappelons que l’une des premières mesures prises par Roosevelt, qui n’était pas vraiment un gauchiste, après la crise de 1929 a été d’augmenter le taux marginal d’imposition, pour le porter à 63 % en 1932 et à 91 % en 1941. Votre gouvernement, qui prétend lutter contre les inégalités, devrait s’en inspirer !
Il faut cesser de justifier votre laxisme fiscal par l’efficacité économique, car cela ne marche pas. Il faut d’urgence changer votre politique fiscale, inefficace et injuste.