La filière industrielle du bois va subir dans le Sud-Ouest et au-delà des effets redoutables, notamment dans le domaine des produits transformés utilisés pour la construction, l’emballage, la pâte à papier ou l’ameublement.
Enfin, cette tempête touche la société, qui tire parti des services gratuits apportés par la forêt, et cela en tout point de l’Hexagone : la biodiversité, les paysages, le ressourcement en air et en eau ou encore, dimension dont l’importance est désormais reconnue comme majeure, le stockage du carbone.
Je voudrais d’abord insister sur les conséquences économiques immédiates de cette tempête, conséquences qui risquent d’être accentuées en 2009 par la crise économique frappant de plein fouet l’ensemble de l’économie : elle tirera vers le bas le prix des bois et entraînera une mévente des produits issus de la tempête. Par conséquent, les conséquences négatives sont doubles et extrêmement lourdes. Il en résultera une crise dans les Landes et dans tout le Sud-Ouest, qui se propagera aux régions voisines, à l’ensemble du marché national et probablement à l’Espagne, puisque celle-ci vit sur le même marché que nous.
La crise sera donc terriblement grave, touchant aussi des secteurs très importants auxquels on ne pense pas immédiatement, par exemple les pépinières forestières, qui préparent les plants nécessaires au reboisement. Elles ne les vendront pas cette année, car les terrains nécessaires aux plantations ne seront pas prêts. Les effets collatéraux de la tempête sont par conséquent très amples.
C’est dans ce contexte, mes chers collègues, qu’il convient d’envisager les crédits supplémentaires ouverts dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative.
Ces crédits, qui visent à financer les mesures d’urgence et à apporter les premières réponses cohérentes, en adéquation avec la réalité du terrain, ont été, à mon avis, bien calibrés, car nous avons l’expérience de 1999, qui nous a, hélas, appris comment faire face à ce type d’événement.
Ils permettront d’aider les trois cercles d’acteurs que j’ai évoqués tout à l’heure.
Au total, 68, 9 millions d'euros en autorisations d’engagement et 70 millions d'euros en crédits de paiement sont ainsi prévus pour financer les mesures gouvernementales.
Tout d’abord, 3, 95 millions d'euros en autorisations d’engagement et 5 millions d'euros en crédits de paiement sont destinés à financer le déblaiement d’urgence, car il s’agit d’abord de pouvoir de nouveau accéder à ces forêts, de façon à sortir le bois et à prendre les mesures de sécurité indispensables pour aborder l’été de façon optimale.
Par ailleurs, 50 millions d'euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont mobilisés pour la construction d’aires de stockage et le transport du bois. Il faudra en effet en stocker des centaines de milliers de mètres cubes, les scieries ne pouvant actuellement absorber tous les bois abattus aujourd'hui ; ainsi pourra-t-il être valorisé au mieux dans les années qui viennent. Il faudra ensuite le transporter, en essayant de l’envoyer loin, si possible vers l’Europe entière, pour trouver des débouchés. Telle est la raison pour laquelle des aides au transport au-delà de 150 kilomètres sont indispensables.
Enfin, 15 millions d'euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont prévus pour mettre en place les premières mesures de reconstitution des forêts sinistrées. Cet investissement est à l’évidence nécessaire pour que ces massifs forestiers restent utiles dans l’avenir.
Madame la ministre, au-delà de ces crédits, il est prévu à l’article 8 du présent projet de loi que l’État apportera sa garantie pour des prêts destinés aux opérateurs de la filière bois, dans la limite de 600 millions d'euros. C’est indispensable. Il faut fournir aux entreprises et aux opérateurs les financements nécessaires au transport, à la mise en place des stocks et à l’ensemble des mesures que l’ensemble des opérateurs publics et privés de la filière – collectivités territoriales, papeteries, scieries, coopératives – devront prendre pour mobiliser tout ce bois.
Nos collègues de l’Assemblée nationale ont en outre opéré l’ouverture de 40 millions d'euros d’autorisations d’engagement supplémentaires au titre de la reconstitution des forêts.
En définitive, je voudrais souligner, en tant que président du groupe d’études du Sénat « Forêt et filière bois », que nous avons ici, à travers ce projet de loi de finances rectificative, les moyens de prendre, cette année, les mesures d’urgence qu’appelle la situation. Toutefois, je tiens à attirer l’attention du Gouvernement sur un point : il ne faudrait pas, madame la ministre, que ces crédits déployés pour compenser les effets de la tempête se substituent dans le temps aux crédits normalement destinés à la filière bois.
En conclusion, mes chers collègues, je dirai que, en France, la forêt et la filière bois sont souvent décriées. Depuis trente ans, il est de bon ton de prétendre que, en France, la forêt est mal gérée et que l’industrie du bois ne fonctionne pas bien, qu’il est nécessaire d’importer parce que les industriels du bois ne satisfont pas la demande du marché.
Or la forêt française est, de l’avis général, l’une des plus belles du monde par sa diversité. Et c’est une forêt en bon état. J’ajoute l’industrie du bois en France n’a pas perdu d’emplois au cours des trente dernières années : le nombre de salariés y est constant. Rares sont les secteurs industriels qui affichent une telle stabilité. Il convient de préciser également que les industries du bois se sont totalement renouvelées : si le nombre de 240 000 emplois n’a pas varié, le contenu de ces emplois n’est pas du tout le même qu’il y a trente ans. La filière s’est considérablement modernisée ; elle a changé d’allure !
Je suis un ardent avocat de cette forêt. N’était la tempête, on pourrait dire qu’elle se porte bien, de même que les industries qui l’entourent également.
Cela étant, les réflexions menées à l’occasion du Grenelle de l’environnement, ont montré que la forêt française était perfectible. Du reste, madame la ministre, vous le savez bien, lorsque les effets de la tempête, qui seront malgré tout passagers – c’est pourquoi il faut d’urgence consentir des aides pour réparer les dégâts –, la forêt française peut, au cours des dix prochaines années, augmenter sa production de 15 millions à 20 millions de mètres cubes, qui alimenteront les industries du bois et qui nous permettront d’atteindre, comme nous en avons l’obligation, nos objectifs en matière d’énergies renouvelables.
J’y insiste : sans les récoltes de bois supplémentaires, nous ne parviendrons jamais – c’est un constat du Grenelle – à atteindre l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables sur notre territoire.
C’est pour cette raison, madame la ministre, que la tempête Klaus et les déboires de nos amis du Sud-Ouest devraient nous donner l’occasion d’engager une réflexion plus large sur cette question.
Cette réflexion devrait d’abord porter sur un thème que mon collègue Gérard César va certainement aborder, à savoir la mise en place d’un système de garantie pour s’assurer contre des fléaux tels ceux que nous avons connus en 1999 et récemment.