Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 31 mars 2009 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2009 — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

La situation des comptes publics est telle qu’il convient désormais de s’interroger sur la réalité de notre droit fiscal.

La semaine dernière, nous avons eu dans cet hémicycle un échange particulièrement vif et intéressant sur la question du bouclier fiscal, au cours duquel on nous a dit que la discussion des projets de lois de finances était propice à ce genre de débats. C’est pourquoi, logiquement, nous représentons cet amendement aujourd’hui.

Comme vous le savez, nous sommes depuis le premier jour opposés, sans la moindre ambiguïté, à l’existence du bouclier fiscal.

Présenté comme une mesure de justice sociale qui devait profiter, entre autres, aux contribuables les plus modestes, notamment à ceux qui ont vu leur impôt foncier augmenter, le bouclier fiscal ne vise en réalité qu’à alléger le plus possible l’impôt de solidarité sur la fortune.

Le bilan de sa mise en œuvre confirme cette réalité : alors que le projet de loi estimait à 100 000 le nombre de bénéficiaires, on dénombrait 20 000 demandes de remboursement en 2007, et de 17 500 à 18 000 requêtes seulement en 2008, alors même que le plafond a été abaissé de 60 % à 50 % du revenu !

En fait, comme l’affirme le père du bouclier fiscal, M. de Villepin, compte tenu de l’intégration de la CSG et de la CRDS, c’est un bouclier fiscal à hauteur de 39 % qui est en fait appliqué.

Autre aspect du bilan : lorsque, d’un côté, 8 500 contribuables aux revenus modestes touchent un peu plus de 500 euros de remboursement en moyenne, ce qui correspond probablement au montant de leurs impôts locaux, de l’autre, 834 ménages très aisés, dont le patrimoine est supérieur à 15, 5 millions d’euros, reçoivent un chèque de 368 000 euros en moyenne, soit l’équivalent de trente années de SMIC !

J’ajouterai qu’une vingtaine de contribuables ont perçu un remboursement d’au moins 2, 5 millions d’euros !

C’est donc bien l’accumulation de la fortune et du patrimoine personnel sous toutes ses formes qui est encouragée et protégée par le bouclier fiscal.

Monsieur le ministre, tout à l’heure, dans votre propos introductif, vous avez souligné l’importance de la justice sociale en cette période de crise. Face à des chiffres tels que ceux que je viens de citer, il est bien difficile de parler de justice à propos du bouclier fiscal.

Cette injustice sociale et fiscale est devenue insupportable aux yeux des salariés qui produisent la richesse de notre pays, et dont les efforts ne sont pas reconnus.

Les classes moyennes, dont la situation vous préoccupait, monsieur le ministre, ont vraiment l’impression de vivre dans une société à deux vitesses : rappelons qu’en huit ans, le revenu médian a progressé de 14 % et les hauts revenus de 27 % !

L’argument fréquemment utilisé pour la création du bouclier fiscal est qu’il faciliterait le retour des immigrés fiscaux, ceux qui se plaignent de payer trop d’impôts. De l’aveu même de M. le rapporteur général, pourtant défenseur du bouclier fiscal, il semble que rien ne permette de l’affirmer !

À vrai dire, l’expatriation des Français n’est pas nécessairement provoqué par la fiscalité ; ce ne sont que quelques centaines de contribuables potentiels à l’impôt de solidarité sur la fortune qui vont et viennent ainsi tous les ans entre la France et l’étranger.

Le premier motif de départ des Français pour l’étranger, ne l’oublions jamais, c’est le travail. Des milliers de jeunes diplômés de nos grandes écoles, de nos universités, franchissent la Manche, l’Atlantique ou les frontières des pays de l’Union européenne pour aller travailler à l’étranger, faute d’avoir été embauchés en France où d’être rémunérés à leur juste valeur. Ce départ, souvent, n’est que temporaire.

Quant aux redevables de l’ISF qui quittent notre pays, n’oublions pas qu’ils sont souvent guidés par des motifs d’ordre professionnel, avant toute autre considération. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons qu’ils reviennent parfois dans notre pays !

Enfin, la progression du nombre de redevables de l’ISF ces dernières années semble prouver qu’il reste encore quelques foyers plutôt riches dans notre pays ! Ainsi, on compte désormais 568 000 contribuables à l’ISF, chiffre qu’il n’est pas inutile de comparer aux 719 expatriations enregistrées en 2008.

Aucun lien n’étant établi entre le bouclier fiscal et le comportement des contribuables, rien ne justifie donc le maintien de cette disposition coûteuse pour les finances publiques et inefficace sur le plan économique.

Compte tenu de la révision à la baisse des prévisions de recettes de l’État, l’adoption de notre amendement ne pourrait être que salutaire pour son budget et l’aiderait à garantir le fonctionnement des services publics dont notre population a le plus grand besoin, tout en assurant une plus grande justice fiscale.

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