Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 22 juin 2011 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2011 — Article 7 bis nouveau

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Je m’exprimerai ici en ma qualité de présidente du groupe d’études « Médias et nouvelles technologies ».

Je rappelle que j’étais déjà intervenue, lors de la discussion de la loi de finances pour 2011, pour me prononcer contre l’instauration de la taxe sur l’achat des services de publicité proposée par la commission des finances.

Je m’étais également exprimée lors de la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire réunie sur le même texte, au terme de laquelle il a été décidé de reporter la mise en œuvre de cette taxe au 1er juillet 2011.

Et pour cause : sur ces entrefaites, on s’est rendu compte que cette taxe, abusivement appelée « taxe Google », serait en définitive contre-productive. Nos collègues députés en ont d’ailleurs voté la suppression.

En effet, si elle venait à être appliquée, la taxe serait due non par les acheteurs des prestations publicitaires, qui sont, pour les principaux d’entre eux, localisés hors de France –Google, Facebook ou Apple –, mais bien par les annonceurs. Elle n’atteindrait donc pas sa cible et serait aisément contournable par les grands groupes internationaux, qui localiseraient alors leurs bénéfices dans les États à fiscalité réduite.

Les premières entreprises touchées seraient les petites entreprises françaises de l’Internet, en particulier celles du commerce électronique, qui ont besoin de la publicité afin d’émerger comme de nouveaux acteurs dans un secteur très concurrentiel.

Je n’ai pas besoin de vous le rappeler, une étude vient d’être publiée sur le sujet. Ces entreprises représentent un très fort gisement de croissance et d’emplois. En quinze ans, ce sont 700 000 emplois qui ont été créés, et 450 000 autres sont prévus d’ici à 2015.

Le récent e-G8, qui s’est tenu à Paris, a souligné le rôle du secteur d’Internet comme vecteur de croissance, puisque Internet représente 3, 2 % du PIB et 21 % de sa croissance.

Certes, le rapporteur général considère que cette taxe « a le mérite d’ouvrir le débat de la fiscalité dans les échanges immatériels en ligne ». Nous sommes favorables à ce débat, tout comme le sont les acteurs représentatifs de cette économie émergente. Le Conseil national du numérique a d’ailleurs évoqué quelques pistes.

Alors, taxer Google, oui ! Taxer la croissance, non ! Ce serait un très mauvais signal adressé aux acteurs économiques de l’Internet. Au moment même où David Cameron, au Royaume-Uni, vient d’annoncer un plan ambitieux pour attirer les entrepreneurs de l’Internet, et ce en dépit du contexte d’austérité budgétaire, ce serait une erreur économique et culturelle.

Mes chers collègues, c’est au niveau européen que doit être posé ce débat de la fiscalité applicable aux géants de l’Internet. Au lendemain de l’e-G8, et la mise en exergue de ses conclusions, il serait paradoxal de faire rater à notre pays le train de l’avenir.

Je suis donc défavorable à l’amendement qui va être présenté par la commission des finances. Mais je souhaite bien entendu que l’on continue de travailler sur ces questions afin de parvenir à appliquer le principe de neutralité technologique à la fiscalité.

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