La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean Roger, qui fut sénateur du Tarn-et-Garonne de 1984 à 1995.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 21 juin 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-161 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011 (projet n° 612, rapport n° 620, avis n° 642.)
Nous poursuivons l’examen des articles de la première partie.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS (suite)
Nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 6.
L'amendement n° 146, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 38 du code général des impôts est ainsi modifié :
Après le 2 bis, il est inséré un 2 ter ainsi rédigé :
« 2 ter. À compter du 1er juillet 2011, pour l’application du 1 et du 2 du présent article, les charges d’intérêts liées à l’émission d’emprunts par une société sont admises, en déduction pour le calcul du bénéfice net, dans la limite de 30 % du bénéfice avant charges d’intérêts liées à l’émission d’emprunts. »
La parole est à M. François Marc.
Le système fiscal incite les entreprises à la sous-capitalisation en permettant la déduction des intérêts d’emprunt du bénéfice imposable, et cela sans plafonnement.
En effet, pour bénéficier d’une telle déduction, l’acquisition d’une société par de la dette remboursable est financée par les résultats futurs de la société acquise, au travers des distributions de dividendes, ce qui limite les capitaux propres.
De façon générale, l’entrepreneur a intérêt à ne pas réinvestir les bénéfices et à s’endetter afin de réduire l’assiette de son impôt.
Le présent amendement prévoit, dès lors, un plafonnement de 30 % des charges d’intérêts déductibles, selon les mêmes paramètres que ceux qui sont retenus en Allemagne.
Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport d’octobre 2010, a d’ailleurs formulé cette proposition, qui entraînerait, pour l’État, des recettes supplémentaires de l’ordre de plusieurs milliards d’euros – vous m’avez bien entendu, monsieur le ministre, vous qui souhaitiez ces rentrées.
Après une aide importante accordée aux entreprises en 2010 – l’État a pris à sa charge 7 milliards d’euros en supprimant la taxe professionnelle sans contrepartie -, la présente mesure permettrait d’augmenter les recettes de l’État, en revenant, en partie, sur une importante niche fiscale, sans nuire à la compétitivité des entreprises.
Le dispositif que nous proposons se révélerait, n’en doutons pas, très efficace, et rapporterait beaucoup. Il remplirait le double objectif d’éviter une incitation défavorable à l’investissement et de faire bénéficier les finances publiques de plus de 11 milliards d’euros sur trois ans !
Vous le voyez, monsieur le ministre, nous sommes attentifs à vos petits soucis du moment ! §Nous essayons, au travers de nos amendements, de vous aider dans votre démarche.
L’amendement n° 146 prévoit de plafonner les charges d’intérêts déductibles à 30 % du bénéfice.
La commission ne peut pas recommander son adoption, car cet amendement, d’ailleurs comme plusieurs autres amendements, porte une atteinte majeure au principe de déductibilité des charges, sans pour autant se limiter aux seules entreprises sous-capitalisées.
Les auteurs de l’amendement soulèvent cependant une question intéressante, car nous savons, monsieur le ministre, que le régime français de déductibilité des charges d’intérêts est, par rapport à d’autres régimes, assez favorable. Il faut cependant rappeler qu’il est limité par le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation que nous avons adopté – je le dis de mémoire – voilà deux ans ou deux ans et demi, et, dans les montages avec effet de levier, par l’« amendement Charasse ».
Il pourrait être souhaitable, monsieur le ministre, que ce sujet soit réexaminé. Mais, dans l’immédiat, la commission suggère le retrait de cet amendement ; à défaut, elle demandera au Sénat de le repousser.
Le Gouvernement est défavorable à cette mesure, qui provoquerait en fait un déséquilibre financier des entreprises bien au-delà des mécanismes de LBO, ou leveraged buy-out, qui sont ici visés.
Il existe déjà des mesures limitant la déductibilité des charges financières supportées par les entreprises sous-capitalisées, dont un dispositif récent de sous-capitalisation et un plus ancien, dit « amendement Charasse », qui limite la déductibilité en cas d’achat de titres à soi-même.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 147, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 145 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au b du 1, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 10 % » ;
2° Au b ter du 6, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
La parole est à M. François Marc.
Il est proposé, par cet amendement, de réserver le bénéfice de l’application du régime « mère-fille » aux seuls cas dans lesquels la société mère détient plus de 10 % des titres de sa filiale, ce régime étant aujourd’hui applicable à partir de 5 %.
Pourquoi une telle proposition ? Parce qu’elle permettrait, à nos yeux, à la fois de contenir le coût de la dépense fiscale associée à ce régime et de rapprocher le dispositif français, dont le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport intitulé Entreprises et niches fiscales et sociales, a constaté le caractère particulièrement favorable, de celui qui s’applique chez nos principaux voisins.
Cet amendement s’inspire en effet du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, qui s’est penché sur toutes les niches fiscales relatives à l’impôt sur les sociétés : parmi ces dispositifs, il est longuement question du régime « mère-fille ».
Le dispositif que nous vous proposons permettrait enfin de rendre un peu moins « mité » notre taux d’imposition sur les sociétés. Si l’on parle, et à tout bout de champ, de la nécessité de favoriser les petites et moyennes entreprises, il est nécessaire de rappeler, une fois de plus, ce que nous dénoncions encore récemment, lors de la discussion, dans cet hémicycle, de notre proposition de loi tendant à apporter plus de justice dans l’imposition des sociétés : les PME payent en moyenne 23 % de leurs profits en impôt sur les sociétés, alors que les sociétés du CAC 40 n’en payent que 8 %, et certaines d’entre elles pratiquement rien !
Notre amendement prévoit un dispositif amélioré, puisque, sur le régime « mère-fille », il est possible de répondre à une exigence que nous avons maintes fois formulée.
Nous avons déjà examiné cet amendement dans le cadre des travaux préparatoires à la discussion du projet de loi de finances pour 2011. Je recommanderai, au nom de la commission, que l’on s’en tienne à la position qui avait été prise alors et qui était défavorable à cet amendement.
Sur le fond, si l’on devait réfléchir à une telle méthode, il serait certainement souhaitable de le faire en observant les régimes appliqués au sein des autres pays européens. Un peu de concertation ne serait pas superflue, en particulier avec l’Allemagne, dans le cadre de la stratégie de convergence qui apparaît souhaitable. Or, je le rappelle, l’Allemagne ne prévoit aucun seuil minimal de détention du capital de la filiale.
Sous le bénéfice de ces observations, j’invite notre collègue à retirer son amendement ; à défaut, la commission appellerait le Sénat à le rejeter.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
L'amendement n° 148, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « participation », sont insérés les mots : « détenus depuis plus de cinq ans » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011, une quote-part de frais et charges égale à 20 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. » ;
3° À la première phrase du dernier alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;
4° À la première et à la dernière phrase du dernier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
II. – Le I s’applique aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2011.
La parole est à M. François Marc.
Cet amendement est le troisième à porter sur ces questions de niches fiscales, en particulier la « niche Copé ».
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, avant de présenter cet amendement, je voulais attirer votre attention sur le fait que, depuis de nombreux mois, en raison des préoccupations qui sont les nôtres en termes d’assainissement des finances publiques, un regard attentif est porté sur notre situation par l’Union européenne. Au sein même de notre pays, des souhaits et des préconisations sont aussi formulés afin d’améliorer l’équilibre de nos comptes publics.
Monsieur le ministre, vous venez d’annoncer encore tout récemment, me semble-t-il, qu’il fallait « peigner » les niches fiscales.
L’Union européenne, qui nous a adressé la semaine dernière une petite note d’observation, indiquait aussi qu’il fallait, en France, améliorer les équilibres budgétaires, et en particulier réduire les niches fiscales.
Donc, nous sommes tout à fait, je le crois, dans le tempo au regard de cette exigence que de nombreux observateurs formulent clairement à l’encontre de la France.
S’agissant de cet amendement, nous avons bien noté que, lorsque la « niche Copé » a été instaurée, son coût pour l’État était censé devoir être extrêmement modeste. Selon les dires du rapporteur général de l’époque, ce coût pouvait même être nul, car l’effet de l’accroissement du bénéfice résultant de la baisse de l’impôt pouvait, selon lui, compenser la mesure.
Ce discours, connu, est tenu par nombre de libéraux, qui assurent que l’on peut compenser un allégement d’impôt par une augmentation de son assiette. Mais ce raisonnement se vérifie rarement dans la réalité. En l’occurrence, pour ce dispositif, il s’est révélé plutôt inexact, puisque le coût de la « niche Copé » s’est élevé à 12 milliards d’euros en 2008 et à 8 milliards d’euros en 2009.
En trois ans, de 2007 à 2009, cette mesure a entraîné un manque à gagner pour les finances de l’État de 25, 5 milliards d’euros !
Un tel montant de dépense fiscale devrait légitimement nous amener à nous interroger sur l’utilité du dispositif. Or, et c’est là le point le plus sensible, mes chers collègues, cette utilité semble impossible à évaluer. En réponse à M. le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale qui, à l’époque, s’interrogeait déjà sur les effets de cette mesure, Mme Christine Lagarde et M. Éric Woerth avaient déclaré, le 5 février 2010 : « Il n’a pas été possible à nos services de mesurer, à partir des données fiscales, l’emploi généré par les holdings implantés en France et d’apprécier s’il y a eu des délocalisations ou relocalisations d’effectifs. »
Bercy n’est donc pas en mesure d’évaluer les éventuels bienfaits de cette « niche Copé ». En revanche, on sait qu’elle a coûté un peu plus de 25 milliards d’euros aux caisses de l’État.
C’est pourquoi le Conseil des prélèvements obligatoires et de nombreux observateurs préconisent aujourd’hui d’aménager le dispositif.
Tel est l’objet de cet amendement, qui vise simplement à mettre en rapport le montant d’une dépense fiscale et les effets attendus de celle-ci. Outre que ces derniers sont difficiles à évaluer, ils apparaissent, dans tous les cas, inférieurs aux attentes initiales.
Le dispositif que nous proposons permettrait d’améliorer notre situation budgétaire et de moraliser le recours à cette niche, qui mobilise selon nous des sommes excessives.
La position de la commission n’a pas changé depuis hier.
Les estimations du coût de ce régime fiscal ne paraissent pas vraiment crédibles, car, si le régime antérieur avait été maintenu, il est très difficile de savoir si toutes les transactions qui ont eu lieu depuis se seraient effectivement déroulées.
En outre, le caractère rétroactif de cet amendement le rend plus inacceptable encore.
Je rappelle que ce régime d’exonération progressive des plus-values sur la cession de titres de participation détenus par des holdings a été adopté pour préserver la compétitivité de notre pays, un certain nombre de nos voisins appliquant déjà un tel système.
M. Philippe Dominati marque son approbation.
Si nous ne l’avions pas fait, les sièges de bon nombre de ces sociétés financières auraient sans doute été délocalisés hors de France, et les transactions n’auraient pas eu lieu.
J’exprime ma conviction, monsieur Marc, de même que vous avez exprimé la vôtre à l’instant !
En tout état de cause, l’avis de la commission reste défavorable.
Si l’on en croit les chiffres dont nous disposons, cette niche est extrêmement onéreuse.
Vous prétendez que nous sommes excessifs dans l’appréciation de son coût, mais, pour l’apprécier à sa juste mesure, encore faudrait-il que nous puissions nous livrer à un réel bilan coût-avantages. Or nous demandons en vain depuis plusieurs années une évaluation plus précise de cette mesure.
Ses avantages n’étant pas démontrés, nous retenons son coût le plus souvent cité, qui nous semble en effet très élevé.
Le Gouvernement aurait tout intérêt à donner le véritable coût de cette mesure, monsieur le ministre. Et cela permettrait aussi au Parlement de débattre, au fond, de cet avantage fiscal.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 161, présenté par MM. Cornu et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l’article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 1655 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les dispositions actuelles constituent un 1 ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « l’entreprise individuelle » sont remplacés par les mots : « l’entrepreneur individuel qui exerce son activité dans le cadre d’une entreprise individuelle » et les mots : « est assimilée » sont remplacés par les mots : « peut opter pour l’assimilation » ;
b) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque l’option est exercée, les dispositions de l’article 151 sexies s’appliquent aux biens nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle. » ;
c) À la dernière phrase, après le mot : « emporte » est inséré le mot : « alors » ;
2° Il est complété par un 2 ainsi rédigé :
« 2. L’option mentionnée au 1, exercée dans des conditions fixées par décret, est irrévocable et vaut option pour l’impôt sur les sociétés. »
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et n’entraînent pas l’application des dispositions de l’article 202 ter du code général des impôts aux entreprises individuelles à responsabilité limitée qui n’ont pas exercé l’option prévue au 3 de l’article 206 du même code avant cette date. Celles qui ont exercé cette option avant la publication de la présente loi sont réputées avoir opté pour l’assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou à une exploitation agricole à responsabilité limitée prévue au présent I.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard Cornu.
Cet amendement est très attendu par les petites et moyennes entreprises, notamment les artisans et commerçants exerçant en entreprise individuelle.
Nous avons fait en sorte de promouvoir l’EIRL, l’entreprise individuelle à responsabilité limitée, qui permet de séparer le patrimoine individuel du patrimoine de l’entreprise. De cette façon, les chefs d’entreprise qui créent des richesses sont encouragés et ne seront pas pénalisés en cas de malheur, car leur patrimoine privé sera protégé.
Cet amendement concerne la question de la transformation d’entreprises individuelles en entreprises individuelles à responsabilité limitée.
Aujourd’hui, une entreprise individuelle qui se transforme en EIRL doit réévaluer son actif, notamment l’immobilier ainsi que le fonds de commerce, et elle est imposable sur la plus-value de l’année de transformation. Autant dire qu’aucune transformation n’est possible !
Cet amendement vise à ce que la transformation d’une entreprise individuelle en EIRL devienne un non-événement fiscal et comptable.
Cet amendement, que nous avons examiné attentivement, vise à rapprocher fiscalement l’EIRL, c’est-à-dire le patrimoine affecté, soit de l’entreprise individuelle classique en nom personnel, lorsqu’elle est soumise à l’impôt sur le revenu, soit des différentes formes de sociétés, lorsqu’elle opte pour l’impôt sur les sociétés.
La commission s’en remet à l’avis du Gouvernement.
Je lève en effet le gage, monsieur le président.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 6.
I. – Les entreprises dont l’objet est d’effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation acquittent une contribution exceptionnelle assise sur la fraction excédant 100 000 € du montant de la provision pour hausse des prix prévue au onzième alinéa du 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts et inscrite au bilan à la clôture de l’exercice ou à la clôture de l’exercice précédent si le montant correspondant est supérieur.
Le taux de la contribution est fixé à 15 %.
La contribution est acquittée dans les sept mois de la clôture de l’exercice. Elle est liquidée, déclarée, recouvrée et contrôlée comme en matière de taxe sur le chiffre d’affaires et sous les mêmes garanties et sanctions.
II. – Le I s’applique au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2010.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peut-être vous rappelez-vous que, à l’issue de la table ronde avec les pétroliers, Mme la ministre Christine Lagarde a annoncé que « les acteurs de la filière du pétrole ont accepté de contribuer à la réduction de la facture [de carburant] des Français ». Le principe d’une telle taxation a été maintes fois défendu sur les travées de l’opposition, sans d’ailleurs jamais rencontrer l’appui du Gouvernement ou des parlementaires de la majorité.
Pourtant, cela fait quelques années maintenant que le prix du pétrole asphyxie les ménages, qui doivent faire face à une facture énergétique de plus en plus lourde, pour se déplacer, mais également pour se chauffer.
La mesure que vous annoncez aujourd’hui est largement insuffisante pour donner une réponse digne aux difficultés majeures que rencontrent un grand nombre de nos concitoyens.
Vous nous proposez de revaloriser de 4 % le barème forfaitaire kilométrique des frais de voiture et d’essence pour la déclaration d’impôt sur les revenus de 2010.
Ce faisant, vous laissez de côté ceux de nos concitoyens qui ne sont pas imposables, et vous ne réglez pas non plus la question du chauffage. Je rappelle d’ailleurs que la prime à la cuve n’a pas été rétablie depuis 2009. Souvenez-vous : à l’époque, Éric Woerth expliquait que cette prime était « une mesure exceptionnelle » qui devait être supprimée en raison de la baisse du prix du pétrole !
Dans le même sens, je rappelle que les tarifs du gaz ont crû de 20 % depuis un an, soit 240 euros en moyenne par foyer. L’augmentation est donc de 60 % depuis l’ouverture du capital de Gaz de France, décidée par votre majorité en 2004…
Or, en 2002, les tarifs du gaz ont été modifiés pour suivre l’évolution des produits pétroliers. Depuis 2004, l’État a accepté que GDF revendique une marge supplémentaire de commercialisation, dépense d’ailleurs créée de toutes pièces pour gonfler ses tarifs. Grâce à cette nouvelle formule, GDF-Suez a réalisé en 2010 4, 6 milliards d’euros de bénéfices. Et, avec l’hiver précoce et froid que nous avons connu, l’entreprise a engrangé 600 millions d’euros supplémentaires.
Nous pensons que la restitution de cette somme aux consommateurs aurait permis une baisse de tarif de 8 % !
Là encore, quand le prix du pétrole a diminué, les baisses n’ont pas été répercutées.
Le dispositif de l’article 7 présente d’autres limites qui ont été dénoncées par la majorité. À travers l’amendement qu’il propose, M. le rapporteur général a raison d’appeler de ses vœux une clarification de la politique de l’État. Il souligne à juste titre la contradiction de cet article, qui met une ressource exceptionnelle en face d’un coût probablement pérenne, car il est peu probable que les prix du pétrole soient orientés durablement à la baisse à l’avenir.
Il est peut-être bon de rappeler, monsieur le ministre, que les nouveaux records atteints par le prix du pétrole et par ceux de l’essence sont, comme l’a lui-même reconnu le président de l’Union française des industries pétrolières, s’expliquent à 100 % par la spéculation.
En outre, le prix de l’essence est composé de 67 % de taxes, parmi lesquelles la TVA et la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP. Elles représentent près des deux tiers du prix d’un litre à la pompe. Alors que les cadeaux fiscaux se multiplient, vous maintenez à un haut, et même très haut niveau ces taxes particulièrement injustes !
Alors que les ménages ont, dans toute la mesure du possible, réduit le kilométrage parcouru en voiture, la part des dépenses en carburant a atteint dans leur budget des niveaux inégalés. Ce sont les plus modestes qui sont touchés, une fois encore, et tous ceux qui n’ont d’autre choix que d’utiliser leur voiture, faute de transports publics suffisants.
Une politique engagée en faveur des transports publics sur l’ensemble du territoire et une diminution de la TIPP seraient des réponses bien plus crédibles que le dispositif proposé à l’article 7 de ce projet de loi de finances rectificative.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le onzième alinéa du 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les entreprises dont l’objet est d’effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation ne peuvent pas pratiquer de provision pour hausse des prix au titre d’exercices clos à compter du 31 décembre 2010. »
La parole est à M. le rapporteur général.
Cet amendement de principe a pour objet de provoquer un débat – espérons qu’il ne soit pas trop long ! – sur le financement de certaines conséquences budgétaires de la hausse des prix du pétrole.
L’article 7 vise à placer une ressource exceptionnelle en face d’un coût probablement pérenne. Pour toute une série de raisons économiques et géopolitiques, il est en effet fort peu probable que les prix du pétrole s’orientent durablement à la baisse à l’avenir.
Dès lors, monsieur le ministre, l’État devra choisir : soit il considère que l’évolution des prix des produits pétroliers fait partie des multiples aléas ayant un impact budgétaire, et il n’en tire pas de conséquence spécifique à l’égard des entreprises du secteur ; soit il considère qu’il revient aux dites entreprises du secteur de financer ce coût pour les finances publiques.
Cet amendement, qui prévoit une solution définitive, c'est-à-dire la suppression, pour les seules entreprises pétrolières, de la faculté de passer des provisions pour hausse des prix, vise avant tout, monsieur le ministre, à ce que le Gouvernement précise son approche de ce dossier devant le Parlement, la multiplication des prélèvements exceptionnels ne constituant pas, à nos yeux, une bonne façon de procéder.
Il s’agit donc, monsieur le ministre, d’un amendement de questionnement et d’appel, car l’article 7, dont nous acceptons tout à fait le principe, est une mesure temporaire, une sorte de cheville que l’on ajoute, sans être certain que l’édifice soit stable et tienne debout longtemps !
L'amendement n° 80, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. – Les entreprises dont l’objet est d’effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation, acquittent une contribution assise sur le montant de la provision pour hausse des prix prévue au onzième alinéa du 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts et inscrite au bilan à la clôture de l’exercice ou à la clôture de l’exercice précédent si le montant correspondant est supérieur.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Nous souhaitons que toutes les entreprises dont l’objet est d’effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer des carburants issus de cette transformation acquittent la contribution prévue par l’article 7.
En effet, les entreprises du secteur pétrolier bénéficient dans leur ensemble de l’augmentation du prix du baril de pétrole, qui est répercutée sur l’ensemble de la chaîne de commercialisation.
En général, les activités directement liées au secteur pétrolier ne sont pas en difficulté et, bien sûr, si elles le sont, c’est en réalité en raison des politiques de délocalisation menées par ces groupes. Je pense ici aux activités de raffinage que les groupes pétroliers préfèrent délocaliser par souci de rentabilité. On pourrait citer l’arrêt du site de Dunkerque de Total ou la décision de la société Petroplus de fermer son site de Reichstett, et bien d’autres exemples encore.
L’abattement à concurrence de 100 000 euros sur la provision au motif d’exonérer la catégorie des « petites entreprises indépendantes », catégorie au demeurant non identifiée, ne nous semble guère se justifier. D’ailleurs, il y a fort à parier que cette mesure profitera essentiellement aux grosses entreprises.
Au regard des bénéfices faramineux réalisés par les entreprises comme Total, il est normal qu’elles participent à la solidarité organisée par le Gouvernement dès le premier euro !
Rappelons d’ailleurs que, depuis 2004, Total réalise chaque année un volume équivalent au tiers du total des dépenses de carburant en France, autant de profits prélevés directement sur le pouvoir d’achat des consommateurs en faveur de la rémunération de l’actionnariat : plus 20 % de dividendes par an chez Total…
Vous l’aurez compris, notre amendement vise donc à supprimer l’abattement, à moins que le Gouvernement ne nous fasse la démonstration précise que cela mettrait en grave difficulté un certain nombre de petites entreprises !
L'amendement n° 112, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer le mot :
exceptionnelle
par le mot :
annuelle
II. - Alinéa 2
Remplacer le taux :
par le taux :
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Il ne s’agit pas d’un amendement d’appel, car nous voulons au contraire rendre pérenne et augmenter la contribution sur la provision pour hausse des prix. C’est l’une des alternatives que présentait M. le rapporteur général au soutien de l’amendement n° 7.
Après une légère baisse durant l’année 2009, les révoltes dans le monde arabe ainsi que la hausse de la demande mondiale ont porté le prix du baril à un niveau particulièrement élevé. Il est à ce jour de 94 dollars, ce qui représente une augmentation très importante. La facture pétrolière de la France est maintenant supérieure à celle de 2008, où les prix avoisinaient déjà 80 euros.
Avec cette nouvelle hausse, puisque le prix du gaz est en général adossé au prix du pétrole, ce sont également les factures de gaz et, d’une certaine manière, d’électricité qui augmentent. Les années à venir, en raison notamment de la demande mondiale portée par les pays émergents, conjuguée à la raréfaction des énergies fossiles, ne peuvent malheureusement laisser espérer aucune amélioration.
J’en veux pour preuve la déclaration du président-directeur général de Total il y a quelques semaines : « Le super à 2 euros, cela ne fait aucun doute. La vraie question, c’est quand ? ».
Or, face à cette charge croissante et pérenne, le Gouvernement répond, une fois encore, par une solution exceptionnelle et dérisoire : une contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix des entreprises du secteur pétrolier, pour un produit de 115 millions d’euros.
C’est déjà la solution que vous avez utilisée en 2007 et en 2008 pour financer la prime à la cuve, que vous avez supprimée en 2010.
Il s’agit cette fois de financer le coût de la revalorisation de 4, 6 % des barèmes kilométriques applicables au titre de l’imposition sur les revenus de 2010.
Cette solution n’est que cosmétique. Elle ne profite qu’aux redevables de l’impôt sur le revenu. Nombre de nos concitoyens, parmi les plus modestes, qui ne paient pas d’impôt sur le revenu, se trouvent exclus de son bénéfice. Ils ne percevront aucune aide, alors qu’ils doivent consacrer une part toujours plus importante de leurs ressources aux dépenses énergétiques.
C’est pourquoi nous proposons de rendre pérenne cette contribution afin de pouvoir dégager des recettes supplémentaires permettant de financer des aides aux ménages actuellement exclus du dispositif.
Nous devons prendre des mesures et cela nous semble d’autant plus légitime que l’entreprise Total, notre champion national, a encore dégagé un bénéfice net de 10, 3 milliards d’euros en 2010, en hausse de 32 %, notamment du fait de la hausse des cours du pétrole.
Comme vous le savez, nous sommes partisans de l’abrogation du dispositif du bénéfice mondial consolidé, qui permet à cette entreprise de réaliser un gain d’impôt sur les sociétés.
Notre amendement est légitime et nous fait entrer de plain-pied dans le débat qu’a ouvert notre collègue Philippe Marini.
L'amendement n° 81, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le taux de contribution est fixé à 25 %.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Par cet amendement, nous proposons de relever le taux de contribution à 25 %. En effet, au regard des bénéfices réalisés par les entreprises du secteur, nous estimons que ce taux est, bien sûr, un minimum.
En 2010, la société Total, vous le savez, a réalisé 10, 3 milliards d’euros de bénéfices ; elle en a distribué la moitié en dividendes à ses actionnaires. Dès lors, la contribution de 70 millions d’euros que Total a annoncée paraît bien dérisoire, surtout quand on sait que, aux Antilles, l’État a dû indemniser les compagnies pétrolières pour un montant de 175 millions d’euros !
De plus, mes chers collègues, et comme l’a d’ailleurs fait remarquer notre collègue président de la commission des finances, sans pour autant que son groupe en tire les conséquences : « Que Total ne paie pas d’impôt en France est un scandale. » Dans le même temps, on demande à nos concitoyens de participer à la rigueur budgétaire…
Mais Total n’est pas le seul à profiter des hausses du prix du pétrole, vous le savez bien. Le groupe Bolloré a, lui, expliqué que son chiffre d’affaires du trimestre a bondi de 27 %, soit 2, 05 milliards d’euros au premier trimestre, et ce grâce au pétrole.
Ensuite, soyons clairs, le mécanisme de provision pour hausse du prix constitue un véritable outil de détournement de l’impôt sur le chiffre d’affaires. Avec un cours du pétrole qui est passé de 70 dollars le baril en juin 2010 à 100 dollars en juin 2011, ce sont les mêmes, là encore, qui ont engrangé les bénéfices et qui ont pu ainsi constituer des provisions !
Enfin, la hausse du taux de contribution est un minimum quand on sait que les entreprises du secteur ne répercutent jamais totalement la baisse du cours du baril sur les prix à la pompe. Et, là encore, nous attendons et nous demandons un véritable contrôle de l’État, et pas seulement des propos offusqués de Mme Lagarde, comme elle sait si bien en trouver.
Pour toutes ces raisons – il y a en bien d’autres – nous demandons que le taux de 15 % prévu par l’article 7 soit relevé à 25 %.
L'amendement n° 82, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Le I s’applique à compter du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2010.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Cet amendement tend à assurer la pérennité du mécanisme prévu à l’article 7 car, si les 120 millions d’euros du produit de la taxe – surtout que 5 millions seront défalqués sur l’impôt sur les sociétés en 2012 -, nous paraissent dérisoires, la somme nous semble d’autant plus faible que le dispositif est limité dans le temps.
Il y a sans doute là l’aveu du Gouvernement devant son incapacité à trouver une solution pérenne et efficace pour garantir aux consommateurs un prix raisonnable et juste de l’énergie et en même temps des moyens alternatifs pour limiter leur consommation.
En d’autres termes, le Gouvernement propose une mesure valable une fois, et on verra après !
Au regard du contexte économique très défavorable, de l’absence totale de mécanismes aptes à juguler la spéculation et, bien sûr, des contraintes territoriales irréductibles, le Gouvernement répond par une mesure exceptionnelle, un effort consenti généreusement, mais sans penser à l’avenir.
Par notre amendement, nous demandons donc que la mesure s’applique à compter du premier exercice clos, à partir, bien sûr, du 31 décembre 2010.
L’amendement n° 80 vise à pérenniser la contribution sur la provision pour hausse des prix et celle-ci s’appliquerait dès le premier euro, sans aucun abattement.
En réalité, cet amendement annihile l’intérêt même de la provision pour hausse des prix des sociétés pétrolières et revient en pratique à la supprimer.
Je suggère que nos collègues soient attentifs aux réponses du Gouvernement à l’amendement d’appel présenté par la commission des finances, car il faudra bien trouver un jour ou l’autre des dispositions plus satisfaisantes et plus pérennes.
À ce stade, je ne peux que solliciter le retrait de l’amendement n° 80, au bénéfice de l’amendement n° 7 de la commission des finances.
Je ferai la même réponse à Nicole Bricq pour l’amendement n° 112, bien qu’il soit substantiellement différent. Cet amendement revient, dans ses effets, à supprimer la provision pour hausse des prix des pétroliers. Nicole Bricq sera certainement comme moi-même très attentive aux réponses du Gouvernement.
Avec l’amendement n° 81, nous passons au dispositif de l’article 7 lui-même : on alourdit, me semble-t-il, inutilement le taux de la contribution, calibrée pour correspondre au coût pour l’État de l’augmentation du barème kilométrique.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 82 vise à modifier la formule relative à l’entrée en vigueur de l’article de façon à pérenniser la contribution. Cela nous renvoie au débat de fond. Nos collègues pourraient, me semble-t-il, à la suite de ce débat qui, je l’espère, nous éclairera, retirer l’amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les cinq amendements en discussion commune ?
Nous sommes là face à un sujet important, qui a des répercussions et des conséquences non négligeables à la fois sur la gestion des caisses de l’État mais aussi et avant tout sur le quotidien des entreprises, pour le développement de leur activité, comme sur le quotidien des Français, notamment pour ceux qui sont amenés à se déplacer entre leur domicile et leur travail.
Sur le fond, je rappellerai en quelques mots le contexte.
Au second semestre de l’année 2010, les prix du pétrole ont connu en moyenne une hausse de 50 %, ce qui est important. Les prix sont aujourd’hui stabilisés à hauteur de 115 dollars le baril de Brent, ce sont des chiffres élevés puisqu’ils sont supérieurs à la matrice que nous avions définie pour la construction budgétaire l’an dernier.
Il y a deux raisons à cela.
La première raison est plutôt positive. En effet, c’est l’augmentation de la demande, donc la reprise de l’activité économique mondiale, qui explique la tension sur les prix.
La seconde est liée, depuis le mois de février dernier, à la situation en Libye, quatrième pays exportateur africain : le ralentissement de sa production pétrolière, en réalité son arrêt jusqu’à nouvel ordre, explique, pour partie, la tension existant sur le marché.
Vous le savez, les prix à la consommation des produits pétroliers évoluent en fonction des marchés internationaux sur lesquels sont côtés notamment le gazole et l’essence. Les cotations ont suivi l’envolée des cours du baril de pétrole ; l’appréciation récente de l’euro a contribué à en limiter l’impact.
Ainsi, depuis le début du mois de mai, on constate une tendance plutôt baissière des prix des carburants à la pompe – la tendance est plus forte pour le gazole que pour l’essence, et le gazole représente aujourd'hui 75 % de la consommation de carburants –, les compagnies pétrolières répercutant ainsi la baisse des cours du brut et des cotations internationales des produits pétroliers à Rotterdam.
Face à cette situation, quelles actions le Gouvernement a-t-il engagées ?
Au niveau international, nous avons mené un travail de fond avec nos partenaires pour favoriser une meilleure organisation du marché mondial du pétrole. À cet égard, je tiens à rendre hommage à l’action de notre diplomatie, qui, sous l’impulsion du Président de la République, s’est employée à conduire cette action dans le cadre de la préparation du G20.
En effet, c’est bien sur l’initiative de la France que la problématique des matières premières a été mise au rang des priorités du G20. C’est un fait acquis, cette problématique sera désormais considérée comme un sujet incontournable de toute discussion internationale dans la mesure où il s’agit d’un élément stratégique de la poursuite de l’accompagnement de l’activité économique.
Au niveau national, les principaux acteurs du secteur pétrolier ont été réunis le 11 avril dernier, ce qui fut l’occasion d’un échange sur la situation du marché du pétrole notamment. Il a été alors constaté que la situation des régions productrices était à l’origine des tensions existantes – on est d’accord sur le constat, mais c’était un constat d’évidence ! – et qu’il fallait prendre des mesures.
Les compagnies pétrolières ont rappelé les efforts accomplis pour maintenir la production ; nous en avons pris acte et avons annoncé la revalorisation du barème kilométrique de 4, 6 % des frais de voiture et d’essence en faveur des salariés et des travailleurs indépendants, qui sont les plus touchés par la hausse des carburants.
Ce ne sont pas les contribuables qui financeront cette revalorisation. Cette mesure, d’un coût de 115 millions d’euros, sera financée par une contribution assise sur la provision pour hausse des prix constituée à la clôture de l’exercice de l’année 2010 par les entreprises qui interviennent dans le secteur pétrolier.
Les services des ministères concernés vérifient régulièrement que les distributeurs répercutent dans leurs prix les évolutions constatées sur les marchés internationaux, sans augmenter leur marge brute, qui doit notamment couvrir les coûts des biocarburants. L’ensemble des ministères, notamment celui de l’industrie et de la consommation, ont mis en ligne un serveur gouvernemental pour identifier les meilleurs prix. Il s’agit vraiment là d’un outil pour l’usager- contribuable-administré, afin qu’il dispose d’une information transparente sur les prix pratiqués par les stations-service. Cette action doit s’inscrire dans la durée et dans la perspective d’une transition énergétique vers une économie décarbonée et moins dépendante des énergies fossiles, ce qui constitue l’un des éléments de réponse au problème.
Vous connaissez notre programme : la France a l’objectif d’augmenter de 23 %, à l’horizon 2020, son parc éolien et son parc photovoltaïque en vue de diminuer le coût d’achat de la matière première qu’est le pétrole et de favoriser les énergies renouvelables.
Je pense, monsieur le rapporteur général, vous avoir exposé de manière précise et exhaustive quelle a été la position du Gouvernement, d’une part, lors des négociations internationales, pour essayer d’amortir le choc de l’augmentation du prix du baril de pétrole et, d’autre part, au niveau national, avec des mesures adaptées à la réalité de l’évolution de l’activité économique, afin de préserver le pouvoir d’achat des Français.
Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de nous avoir apporté ces explications, mais je veux revenir précisément sur la provision pour hausse des prix au bénéfice des entreprises pétrolières.
En effet, qu’est-ce qui justifie la constitution d’une provision venant en déduction du bénéfice imposable, dès lors que les entreprises concernées ont une vraie propension à répercuter sur le prix du carburant les hausses constatées ? Monsieur le ministre, je n’ai pas entendu de votre bouche de justification de cette pratique.
Au surplus, les entreprises pétrolières sont devenues des entreprises globales qui œuvrent à l’échelle du monde et payent l’impôt sur les bénéfices dans les pays où elles sont supposées les réaliser. Tant qu’elles ne réalisent pas de bénéfices, elles jouissent du régime fiscal relatif au bénéfice mondial consolidé pour ne pas payer d’impôt en France. Et, de surcroît, elles bénéficient d’une provision pour hausse des prix…
À en juger par leurs résultats financiers, il me semble qu’elles ont largement les moyens de faire face aux hausses de prix. La France est sortie du contrôle des prix le 1er décembre 1986, mes chers collègues !
C’est pourquoi nous voulons, au travers de l’amendement présenté par M. le rapporteur général, au nom de la commission des finances, remettre en cause cette procédure, qui n’a plus, à nos yeux, de vraie justification.
Je veux ajouter un codicille, afin que vous ayez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, le même niveau d’information.
C’est une gestion de trésorerie qui s’applique non pas seulement aux entreprises pétrolières, mais également à toutes les entreprises des secteurs d’activité concernés.
Ensuite, vous avez évoqué, monsieur le président de la commission, la situation des entreprises pétrolières, et plus particulièrement le dispositif du bénéfice mondial consolidé. Même si vous ne l’avez pas citée, j’imagine que vous pensiez à Total.
Évidemment, on peut être pour ou contre ce dispositif, mais j’aimerais rappeler la logique qui a présidé à sa mise en place.
En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées !
Sourires
La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur l’amendement n° 7.
Je voterai l’amendement de la commission des finances, non pas parce qu’il est de nature à résoudre le problème – nous savons bien que nous sommes entraînés vers une augmentation tendancielle des prix des produits pétroliers ! –, mais parce que les grandes entreprises distributrices de produits pétroliers exagèrent un peu.
En effet, que constatent nos concitoyens ? Car c’est tout de même, me semble-t-il, leur sentiment qui doit être pris en compte dans cet hémicycle ! Il y a trois ou quatre ans, les prix à la pompe étaient différents entre les stations-service ayant un label d’entreprise et les grandes surfaces. Or, de manière tout à fait curieuse, cet écart de prix s’est réduit, et il est même devenu aujourd'hui inexistant.
Un certain nombre de grandes compagnies, parmi lesquelles Total et Esso, ont pris une décision qui me semble très importante : elles ont mis en place des stations-service entièrement automatisées, dans lesquelles les prix sont nettement plus bas.
Ce matin, j’ai moi-même acheté de l’essence, et j’ai pu constater que l’écart de prix entre une station-service labellisée et une station-service entièrement automatisée est de l’ordre de dix à douze centimes par litre.
On voit donc là que, pour l’image des grandes compagnies pétrolières, cette affaire de prix est essentielle.
Pour ma part, je souhaite que les compagnies pétrolières développent leur politique en faveur des stations-service automatisées, avec des prix plus bas, laissant aux usagers la liberté de choisir. Pour l’instant, ces stations-service sont peu nombreuses. Aux alentours de mon domicile, il y en a deux à moins d’un kilomètre, ce qui me permet de réaliser une économie relativement importante.
En votant la suppression de la provision pour hausse des prix, qui est une mesure importante et lourde de conséquences, nous enverrons un signal aux grandes compagnies pétrolières : elles ne peuvent pas faire n’importe quoi en matière de prix.
De plus, j’observe que les stations-service automatisées répercutent immédiatement les baisses de prix. Entre la semaine dernière et cette semaine, l’écart de prix était de cinq centimes par litre.
Monsieur le ministre, vous avez le privilège de réunir de temps en temps à Bercy l’ensemble des représentants des compagnies pétrolières. Demandez-leur de favoriser la mise en place de stations-service automatisées pour préserver le pouvoir d’achat des consommateurs, car il s’agit d’un élément essentiel pour la croissance globale. C’est dans cette direction qu’il faut aller !
Un certain nombre de distributeurs de produits pétroliers se moquent un peu de l’évolution des prix et des indicateurs monétaires. En votant cet amendement, nous les inciterons à être aussi prompts à répercuter les baisses qu’ils le sont à répercuter les hausses, et ce ne sera pas un mal !
Sourires
Nous sommes pour la suppression de la provision pour hausse des prix, une mesure qu’il faut bien considérer comme un avantage. D’ailleurs, si cet amendement est adopté, l’amendement n° 113 tendant à insérer un article additionnel après l’article 7 que nous avons déposé se trouverait ainsi pleinement satisfait.
M. le président de la commission des finances a raison, le ministre n’a pas répondu à la question qui lui a été posée à propos de la reconduction, chaque année, de cette mesure. Sera-t-elle pérenne ? Il n’a pas pris d’engagement.
Sans vouloir faire preuve de méchanceté aucune, M. le ministre ne doit pas faire souvent son plein !
Sourires
M. le ministre a vanté l’efficacité des services des ministères concernés. Je pense qu’il faisait référence à la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, …
… qui a rendu public, à la fin du mois de mai dernier, un rapport, dont les termes sont assez clairs : « La baisse des cours du pétrole brut n’est que partiellement répercutée sur les prix payés par les automobilistes à la pompe, de 50 % à 70 % sur le gazole et très peu sur le SP95-E10 et encore moins sur le 98. » Ces services ont effectivement fait leur travail, mais ils n’en tirent pas tout à fait la même conclusion que le ministre !
La provision pour hausse des prix ne doit pas être un outil d’optimisation fiscale pour les compagnies pétrolières.
Pour ma part, je ne me focalise pas sur Total, car on sait très bien qu’elle n’est pas responsable de tout le réseau de distribution et que d’autres entreprises interviennent. Notre entreprise nationale subit des pertes dans le raffinage en France, mais, par le biais de ses filiales à l’étranger, elle bénéficie du régime fiscal du bénéfice mondial consolidé, et donc d’une aide du contribuable français. Il s’agit là d’une niche fiscale importante, que nous vous demandons régulièrement de supprimer.
Au nom de l’équité fiscale et parce que vous n’êtes pas capable de dire si, oui ou non, vous pérennisez cette mesure, nous défendons une contribution pérenne. Si celle-ci devait rester exceptionnelle, il faut que vous en augmentiez le taux pour que cette contribution satisfasse vraiment les besoins.
M. le ministre a presque imputé tout à l'heure l’augmentation du prix de l’essence à la situation en Libye. Comme toujours, le propos est assez exagéré.
Ce dont les Françaises et les Français sont certains, c’est que les compagnies pétrolières profitent de l’augmentation du prix du pétrole. Tout à l'heure, j’ai rappelé les chiffres : sur les 10 milliards d’euros de bénéfice de Total, 5 milliards sont redistribués sous forme de dividendes aux actionnaires. À partir de là, monsieur le ministre, on peut quand même demander un effort aux pétroliers !
Marques d’approbation sur certaines travées du groupe socialiste.
En présentant l’amendement, j’ai cité l’exemple de Total, puis celui de Bolloré, dont le chiffre d’affaires a bondi de 27 % au premier trimestre, soit 2, 05 milliards d’euros, cela grâce au pétrole !
Soyons clairs, soyons lucides ! Je rejoins ce qui a été dit par le président de la commission des finances et par notre collègue Mme Nicole Bricq : pour ces pétroliers, le mécanisme de provision pour hausse des prix constitue un véritable outil de détournement de l’impôt sur le chiffre d’affaires.
Peut-être trouvez-vous trop élevé le pourcentage de la contribution que nous fixons dans notre amendement. Mais il est, en tous les cas, nécessaire de faire quelque chose !
L’amendement n° 7 est très important.
Je comprends bien que les entreprises confrontées à des approvisionnements dont les cours sont volatiles ressentent la nécessité de procéder à des lissages et de constituer une provision pour hausse des prix ; c’est de la bonne gestion.
Faut-il pour autant que les provisions ainsi constituées soient déductibles du bénéfice imposable ?
Je ne le crois pas. Au contraire, il faut bien faire la distinction entre ce qui relève de la bonne gestion et le reste.
En cas de hausse des prix, l’utilisation de ce mécanisme de provision pour hausse des prix peut éviter de sortir des bénéfices et distribuer des dividendes. Mais je ne crois pas qu’il faille en tirer des conséquences sur le plan fiscal.
L’amendement n° 7 ne vise que les entreprises du secteur pétrolier. Cependant, dans la perspective de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, nous devons, au sein de la commission des finances, conduire une réflexion plus globale sur le caractère opportun de maintenir ou non dans le code général des impôts la déductibilité de cette provision pour hausse des prix.
Avec tout le respect que je dois au président de la commission des finances, je ne partage pas tout à fait son analyse.
Comme je le disais tout à l’heure à propos de la problématique des matières premières et du fait qu’il s’agit vraiment désormais d’un élément constitutif de la dynamique de la création de croissance sur le plan mondial, il est très difficile, avec une telle mesure, de rendre de façon durable, presque éternelle, des entreprises dépendantes de l’évolution du cours du marché mondial.
Nous abordons la discussion budgétaire à l’automne. Nous tablons sur un certain prix du baril, lequel constitue une matrice importante de la construction budgétaire. Trois mois plus tard, la situation internationale et les incertitudes sur un certain nombre de pays – de surcroît, producteurs et exportateurs de rang mondial significatif – amènent naturellement le chef d’entreprise, et c’est logique, à provisionner pour anticiper l’évolution de ces cours. Ne pas le faire serait d’ailleurs de mauvaise politique et de mauvaise gestion !
Ensuite, le rôle de l’État, des pouvoirs publics, de la puissance gouvernementale, est bien d’en tirer très vite les conséquences immédiates tout à la fois pour les entreprises ainsi que leur accès à un outil qui s’appelle l’énergie et qui est l’une des conditions de leur développement, et pour les particuliers et leur pouvoir d’achat, car cela a un impact direct, net, immédiat, sur les personnes qui sont obligées d’utiliser leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail. Par conséquent, la mesure que nous avons prise nous semble vraiment équilibrée.
Je dois à la vérité de le dire, j’avais plutôt compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel destiné à nourrir un débat qui est utile pour éclairer la Haute Assemblée et, au-delà, l’opinion publique sur les enjeux. C’est déjà un acquis de nos échanges.
Pour conclure sur la position gouvernementale, je me permets de dire le doute sérieux que nous avons, au regard de notre loi fondamentale, sur la validité d’une telle mesure.
Le débat qui s’engage nous renforce dans l’opinion que la question que nous posons est légitime.
Il s’agit ici, en réalité, de l’image de l’industrie pétrolière dans l’opinion publique.
La France peut être fière de son industrie pétrolière. Mais, comme le rappelait Jean-Pierre Fourcade, l’opinion publique est sensible aux variations des prix des carburants à la pompe. Il s’ensuit une grande confusion dans les esprits, voire parfois de l’hostilité. Nous devons le reconnaître, c’est une donnée politique.
Face à cette situation, l’article 7 crée une contribution exceptionnelle à la charge des pétroliers qui permet d’améliorer le barème kilométrique des remboursements des salariés. C’est très bien, et cette mesure n’est en rien contestée, monsieur le ministre.
Cependant, nous observons que, en raison des provisions pour hausse des prix déductibles du résultat qu’elle pratique, la profession pétrolière paie moins d’impôts et que, dans le même temps, on lui demande une contribution exceptionnelle !
En bons libéraux que nous sommes, le président Arthuis et moi-même pensons qu’il vaudrait mieux supprimer la provision et ne pas créer de contribution exceptionnelle, en un mot ne pas voter une mesure de circonstance sur le barème des indemnités kilométriques. C’est une approche de simplification, une approche économique, monsieur le ministre.
Dans cette affaire, on a l’impression qu’il existe une sorte de ministère technique du pétrole, qui, de temps en temps, joue sur quelques petits curseurs qui sont autant de soupapes pour éviter une explosion du mécontentement ! Voilà ce que nous avons voulu dire.
Monsieur le ministre, sans doute devrions-nous poursuivre le travail car, je suis le premier à le dire et je vous le soufflais tout à l’heure, cet amendement n’est pas parfait. Il faudrait en effet travailler davantage sur le fond et ne pas se contenter d’un dispositif pour trois mois. Cela passe sûrement par quelques comparaisons internationales.
Ce régime franco-français de provision pour hausse des prix porte sans doute l’empreinte du ministère de la production industrielle de l’après Seconde Guerre mondiale...
... et du contrôle des prix, mais, franchement, nous ne sommes plus à cette époque-là ! Alors, ne serait-il pas utile de s’assurer que d’autres pays ont évolué plus que nous ?
Monsieur le ministre, nous ne voulons pas casser la mécanique, même celle du ministère technique du pétrole !
Sourires
Alors, si vous étiez prêt à demander à vos vaillants services de travailler avec nous, de faire quelques comparaisons, afin de chercher, à l’avenir, comment simplifier les dispositifs fiscal et comptable, nous pourrions nous entendre sur un tel cheminement d’ici à la loi de finances pour 2012, à condition toutefois que Dieu nous prête vie sénatoriale
Sourires
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.... Dieu et les grands électeurs, naturellement !
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.
On est en droit de chercher l’efficacité partout où elle peut se trouver, mes chers collègues…
Nouveaux sourires.
Si vous y étiez prêt, monsieur le ministre, cet amendement resterait alors un amendement d’appel.
Ainsi sollicité, je ne vois que des avantages à la proposition formulée par le rapporteur général de la commission des finances.
Avec mes services et même, si vous le souhaitez, une instance d’inspection susceptible de réunir utilement des éléments comparatifs au moins sur le plan européen, puisque nous sommes peu ou prou dans la même situation, nous pourrions effectivement prendre un rendez-vous engageant non pas nos modestes personnes – nous ne sommes en effet que de passage ! –, mais au moins les institutions que nous avons l’honneur de représenter, la commission des finances et le Gouvernement, et nous retrouver à l’occasion de la loi de finances pour 2012 autour de ce sujet, dont nous sommes tous d’accord depuis le début pour reconnaître l’importance.
J’entends bien l’appel qui vient d’être lancé par le rapporteur général et la réponse de M. le ministre. Retrouvons-nous en 2012, si toutefois, comme l’a dit M. le rapporteur général, nous sommes encore là ! Après tout, pourquoi pas ?
Toutefois, s’agissant d’un amendement de la commission, nous avons quand même le sentiment que M. le rapporteur général prend à l’instant une décision qui n’était pas tout à fait celle de M. le président de la commission des finances.
Par conséquent, nous aimerions savoir comment sont traitées les décisions de la commission !
En commission, j’ai présenté cet amendement comme un amendement d’appel, et tout le monde sait ce que cela veut dire !
Monsieur Sergent, dois-je interpréter votre propos comme une demande de réunion de la commission ?
La parole est à M. le président de la commission des finances.
Monsieur le président, nous n’allons pas réunir la commission. Nous avons eu un débat tout à fait intéressant, mais c’était incontestablement un amendement d’appel, mes chers collègues.
Tout à l’heure, il était essentiel et nécessaire. Maintenant, ce n’est plus qu’un amendement d’appel !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est peut-être aussi de la monnaie de commission mixte paritaire, si je puis dire !
Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le ministre, d’ici à la semaine prochaine, nous avons peut-être le temps d’obtenir quelques indications ?
M. François Baroin, ministre. C’est un amendement d’appel, et c’est très bien ainsi !
Sourires
Force est de reconnaître que c’était un amendement d’appel. Notre doctrine veut que, en de telles circonstances, ayant entendu le Gouvernement...
... et le ministre ayant pris un engagement, nous décidions d’avancer sur ce sujet à l’occasion de la préparation de la discussion de la loi de finances pour 2012, du moins pour ceux d’entre nous qui seront encore ici au lendemain du 25 septembre !
Je fais l’hypothèse que cette provision pour hausse des prix a été mise en forme sous l’empire du contrôle des prix, lorsqu’il n’y avait pas de possibilité de faire fluctuer les prix et de tirer les conséquences des hausses. On a probablement maintenu cet archaïsme ; c’est en tout cas la vérification à laquelle il faut maintenant procéder.
L’amendement est retiré, monsieur le président.
M. le rapporteur général nous a fait tout un discours pour nous dire que cet amendement était fondamental, important, précieux, et voilà que, après conciliabule avec le ministre, l’amendement est retiré !
Pourtant, sans revenir sur ce que j’ai expliqué tout à l’heure, cette mesure est importante aux yeux des Françaises et des Français, eu égard au prix de l’essence qu’ils mettent dans leur réservoir !
Personnellement, je trouve scandaleux que l’on reporte aux calendes grecques une mesure que le rapporteur général a qualifiée d’importante. Par conséquent, je reprends l’amendement afin qu’un vote ait lieu au Parlement sur ce point et que les choses soient claires.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est un amendement d’appel !
Sourires
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
L'amendement n° 32, présenté par MM. Poniatowski, Belot, Bourdin, P. Dominati, Grignon et Sido, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Le second alinéa du a du 5 de l’article 266 quinquies est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « et qui bénéficient d'un contrat d'achat d'électricité conclu dans le cadre de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ou mentionné à l'article 50 de cette même loi ».
b) La seconde phrase est supprimée.
2° Au 1° du 5 de l’article 266 quinquies B, après les mots : « installations mentionnées à l'article 266 quinquies A », sont insérés les mots : « et qui bénéficient d'un contrat d'achat d'électricité conclu dans le cadre de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ou mentionné à l'article 50 de cette même loi ».
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la majoration de la taxe visée aux articles 266 sexies à 266 terdecies du code des douanes.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
Cet amendement concerne les installations de cogénération hors obligation d'achat d'électricité. Il s’agit d’entreprises qui vendent à la fois de la chaleur et de l’électricité. Alors qu’elles ont toujours besoin de la chaleur pour faire tourner leurs propres installations, elles revendaient jusqu’à présent l’électricité à EDF, au tarif de rachat. Elles doivent désormais trouver un acquéreur.
Or ces entreprises se trouvent en situation de concurrence déloyale, puisqu’elles sont soumises, contrairement à leurs concurrents, à la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel, la TICGN, et à la « taxe charbon », ou TICC.
Cet amendement, qui avait été présenté à la commission des finances de l’Assemblée nationale, y avait reçu un avis favorable. Malheureusement, il n’avait pas été soutenu en séance publique. Considérant que la cogénération mérite d’être soutenue dans notre pays, je le reprends en termes identiques.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement et lève le gage.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 7.
L'amendement n° 113, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du c du 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase, le montant : « 15 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 1 million d’euros » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne s’applique pas pour les entreprises dont l’objet est d’effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Je serai brève, car l’objet de cet amendement est quasi identique à celui de l’amendement n° 7, retiré par la commission puis repris par notre collègue Thierry Foucaud sous le numéro 241.
Il s’agit en effet d’abaisser le plafond de la provision pour hausse des prix et d’exclure de son bénéfice les entreprises pétrolières.
La portée de cet amendement, qui s’applique à tous les secteurs de l’économie, n’est pas identique à celle de l’amendement n° 7. De ce point de vue, je suis donc un peu plus réticent.
Sans doute pourriez-vous accepter, madame Bricq, de participer au groupe de travail que nous avons évoqué tout à l’heure et dont M. le ministre a approuvé la création. Cela nous permettrait de construire, ensemble, une position que nous pourrions défendre dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2012.
Dans cet esprit, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Il serait en effet dommage qu’il soit rejeté.
Vous me proposez, monsieur le rapporteur général, de retirer mon amendement en échange d’une participation à un groupe de travail.
Comme vous le savez, dès lors qu’il y a du travail, je participe ! Toutefois, compte tenu du sort qu’ont connu nos amendements, je ne retire pas celui-ci.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 191, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 39 ter du code général des impôts est abrogé.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Avec cet amendement, nous restons dans le cadre de la fiscalité pétrolière, puisqu’il s’agit de nouveau d’une provision faisant l’objet de l’article 39 ter du code général des impôts, à savoir la provision pour reconstitution des gisements d’hydrocarbures.
Permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler un point d’histoire – rassurez-vous, c’est de l’histoire récente ! –, afin que chacun soit bien éclairé en la matière.
L’année dernière, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, cette question avait fait l’objet de longs débats. L’Assemblée nationale avait adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, la suppression de cette dépense fiscale, qui coûte chaque année environ 11 millions d’euros à l’État. Cette niche n’est pas énorme, mais elle pourrait prospérer.
Quelques sénateurs de la majorité avaient réussi à rétablir cet article, avec le soutien du Gouvernement et de M. le rapporteur général, au motif, justement, que cette niche ne coûtait pas très cher.
La commission mixte paritaire avait débouché sur un compromis : le bénéfice de ce dispositif était simplement « suspendu » à compter des exercices clos à compter du 31 décembre 2010.
Mais ce qu’une loi de finances suspend, une autre loi de finances peut le réactiver, l’article en question n’ayant pas disparu.
Mon attention a été attirée par cette question, dans le cadre de la discussion de la proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, qui sera de nouveau à l’ordre du jour du Sénat le 30 juin prochain, à l’occasion de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire réunie sur ce texte.
Cette niche étant assise sur les volumes extraits, ceux qui sont favorables à l’extraction de ces hydrocarbures de type nouveau pourraient lancer une campagne de publicité auprès des investisseurs – il s’agit de sociétés américaines ou canadiennes cotées en bourse – pour les convaincre de l’intérêt de se lancer dans cette aventure, en France, dans la mesure où il existe un avantage fiscal intéressant et un gisement mature. En effet, si l’extraction de ces hydrocarbures s’amplifiait, la niche augmenterait également !
Je pense donc qu’il serait plus simple d’abroger cette disposition. Cela rassurerait un grand nombre de personnes qui participent au débat très actuel sur l’extraction des gaz de schistes et, de manière générale, sur l’extraction dans ce type de gisements, néfaste pour l’environnement.
On va certainement m’expliquer que le dispositif finalement voté au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 entraînera l’extinction de cette niche et qu’il serait préférable de la laisser mourir tranquillement.
Sourires
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je comprends bien ce qui inspire notre collègue, mais je voudrais l’inciter à faire preuve d’une certaine compassion.
Sourires
Il avait en effet été observé, lors du débat budgétaire, que les travaux de recherche pour la mise en valeur de gisements d’hydrocarbures en France, sur le territoire métropolitain, relevaient de sociétés de taille moyenne. Par conséquent, la suppression brutale du régime de la PRG, la provision pour reconstitution des gisements, leur posait un réel problème économique.
C’est la raison pour laquelle nous avions décidé, au cours de l’examen du projet de loi de finances, l’extinction progressive de ce régime, dans un délai de deux ans maximum, c'est-à-dire au fur et à mesure que les provisions seraient reprises.
Conformément à une culture centriste dont nous sommes tous, plus ou moins, les garants, la commission préfère cette mort naturelle et paisible à la brutalité d’une solution plus radicale, mais plus traumatisante.
Nous serions donc heureux, madame Bricq, que vous puissiez retirer cet amendement.
En l’occurrence, je ne suis pas favorable aux soins palliatifs ! Supprimons donc cette niche, cela rendra service à de nombreux élus, y compris dans la perspective de la prochaine échéance électorale. Comme les associations et les citoyens concernés, ils seront quelque peu rassurés à cet égard.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 232, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre III du livre VI est complété par deux articles L. 631-4 et L. 631-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 631 -4. – Toute personne qui, au cours de l’année civile, a reçu des quantités d’hydrocarbures donnant lieu à contribution aux fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, conformément aux articles 1.3 et 10 de la Convention de 1992 portant création du Fonds et aux articles 1.7 et 10 du protocole de 2003 portant création du Fonds complémentaire, est soumise à contribution aux Fonds.
« Les contributions annuelles sont dues au plus tard au 31 décembre de l’année qui suit celle au cours de laquelle l’Assemblée a décidé de percevoir ces contributions.
« Art. L. 631 -5. – Au vu du procès-verbal et des observations mentionnés au II de l’article L. 142-15, l’autorité administrative peut prendre une décision motivée ordonnant une astreinte par jour de retard, d’un montant déterminé par arrêté, proportionnel aux contributions dues, dans la limite maximale de 1 500 €. » ;
2° L’article L. 142-15 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est précédé de la mention : « I. – » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – En cas de manquement à l’obligation prescrite par l’article L. 631-4, dans le délai prévu au deuxième alinéa, un procès-verbal de manquement est dressé par les agents assermentés désignés par le ministre chargé de l’énergie. Une copie de ce procès-verbal est remise à la personne physique ou morale qui en fait l’objet. Cette personne a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d’un mois, à compter de la communication dudit procès-verbal, sur les manquements relevés. La sanction susceptible d’être infligée est définie à l’article L. 631-5. » ;
3° L’article L. 142-17 est ainsi modifié :
a) Les mots : « l’astreinte » sont remplacés par les mots : « les astreintes » ;
b) Après la référence : « L. 631-3, », est insérée la référence : « L. 631-5, » ;
4° À la fin du premier alinéa de l’article L. 631-3, les mots : « à l’article L. 142-15 » sont remplacés par les mots : « au I de l’article L. 142-15 » ;
5° À l’article L. 611-1, la référence : « L. 631-3 » est remplacée par la référence : « L. 631-5 ».
La parole est à M. le rapporteur général.
Cet amendement se réfère à une convention internationale de 1992, qui créé les Fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ; il s’agit de pollutions maritimes.
D’après ce texte, les sociétés de stockage qui reçoivent les hydrocarbures doivent verser, État par État, des contributions dont les montants sont variables selon la gravité des catastrophes survenues sur les côtes de l’État concerné.
Il s’agit d’un mécanisme assez complexe. Selon les sources tout à fait sérieuses qui sont à l’origine de cet amendement, il semble que les arriérés de contribution représentent aujourd’hui un volume financier important, ce qui motive, de la part du secrétariat de l’organisation internationale, la demande faite aux États de renforcer, dans leur législation nationale, les mesures de sanction susceptibles de s’appliquer aux redevables de cette contribution qui ne feraient pas leur devoir ou ne le feraient pas dans les délais prévus.
Une telle situation, à la vérité, ne concerne pas directement la France, puisque, selon les mêmes sources, nous n’enregistrerions pas d’arriérés de contribution significatifs.
Toutefois, au vu de la convention internationale de 1992, le régime de sanction doit être homogène d’un État à l’autre et s’appliquer de manière générale parmi les États membres.
Il est donc proposé de modifier le code de l’énergie, en insérant deux articles prévoyant respectivement une obligation de verser les contributions annuelles au plus tard le 31 décembre et une sanction en cas de manquement, qui prend la forme d’une astreinte journalière. Il est également prévu une procédure d’enquête et de contrôle.
Je m’empresse d’ajouter que ces dispositions ne changent absolument rien au calcul des contributions.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 7.
L’article 302 bis KI du code général des impôts est abrogé.
Je m’exprimerai ici en ma qualité de présidente du groupe d’études « Médias et nouvelles technologies ».
Je rappelle que j’étais déjà intervenue, lors de la discussion de la loi de finances pour 2011, pour me prononcer contre l’instauration de la taxe sur l’achat des services de publicité proposée par la commission des finances.
Je m’étais également exprimée lors de la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire réunie sur le même texte, au terme de laquelle il a été décidé de reporter la mise en œuvre de cette taxe au 1er juillet 2011.
Et pour cause : sur ces entrefaites, on s’est rendu compte que cette taxe, abusivement appelée « taxe Google », serait en définitive contre-productive. Nos collègues députés en ont d’ailleurs voté la suppression.
En effet, si elle venait à être appliquée, la taxe serait due non par les acheteurs des prestations publicitaires, qui sont, pour les principaux d’entre eux, localisés hors de France –Google, Facebook ou Apple –, mais bien par les annonceurs. Elle n’atteindrait donc pas sa cible et serait aisément contournable par les grands groupes internationaux, qui localiseraient alors leurs bénéfices dans les États à fiscalité réduite.
Les premières entreprises touchées seraient les petites entreprises françaises de l’Internet, en particulier celles du commerce électronique, qui ont besoin de la publicité afin d’émerger comme de nouveaux acteurs dans un secteur très concurrentiel.
Je n’ai pas besoin de vous le rappeler, une étude vient d’être publiée sur le sujet. Ces entreprises représentent un très fort gisement de croissance et d’emplois. En quinze ans, ce sont 700 000 emplois qui ont été créés, et 450 000 autres sont prévus d’ici à 2015.
Le récent e-G8, qui s’est tenu à Paris, a souligné le rôle du secteur d’Internet comme vecteur de croissance, puisque Internet représente 3, 2 % du PIB et 21 % de sa croissance.
Certes, le rapporteur général considère que cette taxe « a le mérite d’ouvrir le débat de la fiscalité dans les échanges immatériels en ligne ». Nous sommes favorables à ce débat, tout comme le sont les acteurs représentatifs de cette économie émergente. Le Conseil national du numérique a d’ailleurs évoqué quelques pistes.
Alors, taxer Google, oui ! Taxer la croissance, non ! Ce serait un très mauvais signal adressé aux acteurs économiques de l’Internet. Au moment même où David Cameron, au Royaume-Uni, vient d’annoncer un plan ambitieux pour attirer les entrepreneurs de l’Internet, et ce en dépit du contexte d’austérité budgétaire, ce serait une erreur économique et culturelle.
Mes chers collègues, c’est au niveau européen que doit être posé ce débat de la fiscalité applicable aux géants de l’Internet. Au lendemain de l’e-G8, et la mise en exergue de ses conclusions, il serait paradoxal de faire rater à notre pays le train de l’avenir.
Je suis donc défavorable à l’amendement qui va être présenté par la commission des finances. Mais je souhaite bien entendu que l’on continue de travailler sur ces questions afin de parvenir à appliquer le principe de neutralité technologique à la fiscalité.
L'amendement n° 8, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
Je m’apprêtais à retirer mon amendement, et puis j’ai écouté Mme Catherine Morin-Desailly.
Je veux dire à notre collègue que tout le monde peut faire l’éloge d’Internet, mais, plutôt que de critiquer – ce en quoi la commission de la culture excelle –, il conviendrait sans doute de faire des propositions et d’avancer.
Il est très facile de crier haro sur le baudet, de reprocher à la commission des finances, selon un discours convenu, d’entraver le développement à la fois des jeunes entreprises dont dépendent la croissance et la prospérité de ce pays, la culture, la diffusion d’Internet, la liberté du monde… La commission des finances s’efforce simplement d’être constructive.
Mes chers collègues, pourquoi avons-nous pris cette initiative ? Parce que nous avons le sentiment qu’une grave injustice se fait jour dans notre société, dans notre économie.
Quelle injustice ? Des multinationales, américaines pour la plupart, utilisent tous les moyens d’optimisation et d’arbitrage juridiques et fiscaux pour échapper au paiement de l’impôt dans les territoires où elles exercent leurs activités.
; c’est autre chose que d’avancer, et il le faut, en l’occurrence.
Plusieurs contre-propositions ont été formulées ici et là, notamment au sein du Conseil de l’économie numérique. Elles ont le mérite d’être esquissées. En général, elles consistent à réclamer une concertation au niveau européen. Je veux bien, mais combien d’années seront nécessaires pour parvenir à une décision ? Une ? Deux ? Trois ? Cinq ? Dix ? Combien ?
Véritablement, il faut bien en prendre conscience, plus Internet se développera, plus la publicité en ligne gagnera du terrain sur la publicité traditionnelle, et plus les médias classiques, qu’il s’agisse de la presse ou de la télévision, seront évincés du marché publicitaire au bénéfice des réseaux et des sites. Nous le savons tous !
Que souhaite la commission des finances ? Elle souhaite introduire de la neutralité. La commission de la culture, …
Pas la commission de la culture : je suis intervenue au nom du groupe d’études « Médias et nouvelles technologies » !
… bien entendu, demandera toujours plus d’aides pour la presse et toujours plus de financements pour l’audiovisuel. Seulement, un jour, il faudra bien retrouver une certaine cohérence.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Si la matière fiscale disparaît, s’il y a un effet d’éviction au bénéfice des sites en ligne et de la publicité sur des supports virtuels, alors, comment fera-t-on ? Où trouvera-t-on l’argent ?
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Chers collègues du groupe socialiste, plus tôt dans mon exposé, j’avais cru comprendre que vous faisiez vôtre la préoccupation que nous avons exprimée.
Rires sur les mêmes travées.
Riez autant que voulez ! Contestez-vous la réalité du problème et la nécessité de rechercher des solutions ?
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’entends ce qui est dit par les uns et par les autres. Si vous avez des solutions, proposez-les ! Ne politisez pas ce débat, cela n’a aucun sens ! Ne ramenez pas tout à de la politique politicienne !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
C’est un sujet que l’on doit être capable d’aborder dans le souci de l’intérêt général !
Monsieur le rapporteur général, dois-je considérer que votre propos vaut présentation de l’amendement de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, cet amendement est présenté et va être retiré pour les raisons que l’on sait.
Ah ! sur différentes travées.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Sourires
… alors que nous soulevons un réel problème qu’il faudra bien résoudre un jour.
Nous protestons sur la forme de votre propos, et le ton de l’expression !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La forme ? Justement ! N’est-ce pas le rôle d’une commission que de présenter des amendements ? L’initiative parlementaire vous choque-t-elle, chers collègues socialistes ?
Protestations amusées sur les travées du groupe socialiste.
On vous a pourtant assez entendus pleurer, lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, parce que vous craigniez que le monopole des lois de finances ne permette plus l’exercice de l’initiative parlementaire. J’en conclus que la conception que vous vous faites de l’initiative parlementaire est à géométrie variable : elle serait bonne quand elle viendrait d’un côté et ne le serait pas quand elle viendrait de l’autre…
Mais enfin, qu’est-ce que tout cela signifie ?
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais vous savez bien que ma colère est feinte !
Sourires
Essayons de progresser dans le sens de l’intérêt général !
En tout cas, je le répète, je vais retirer cet amendement, dussé-je frustrer les collègues qui auraient souhaité s’exprimer à son sujet. Je compatis à leur peine !
Sourires
Je serais heureux que ce dossier progresse et que le Gouvernement nous dise à quels moyens il compte recourir pour ce faire. Le débat que nous avons ouvert est tout à fait réel et nous ne pouvons accepter que se développent des activités en franchise d’impôt, fussent-elles liées à Internet.
M. François Baroin, ministre. … d’avoir provoqué le rapporteur général sur un terrain qu’il a lui-même choisi lors de l’examen de la dernière loi de finances, à savoir celui d’Internet.
Sourires
Nouveaux sourires.
Il ne faut pas qu’il retire son amendement ! Nous ne pourrons pas lui répondre…
Je veux lui rendre hommage, car, sous son impulsion, le Sénat a ouvert un débat utile sur l’assiette la plus pertinente qui permette à l’État de recueillir les fruits légitimes du développement d’une activité prospère.
J’accuse également la gauche de ne pas avoir trouvé l’argument pour prouver au rapporteur général que, si son idée était bonne, l’amendement manquait néanmoins sa cible.
En effet, et c’était toute la difficulté, la mesure qu’a fait adopter la commission des finances ne touchait finalement que les petits, épargnant ceux qui étaient initialement visés, à savoir les acteurs de l’économie globale, internationale, mondialisée, dont les activités ont connu un développement spectaculaire.
De ce fait, les recettes escomptées de cette taxe n’auraient pas été celles qui avaient été espérées.
Le Gouvernement, après avoir écouté un peu les parlementaires de gauche – je le dis avec malice, vous l’aurez compris –, et, dans une bien plus large mesure, les membres du Conseil national du numérique, acteur essentiel, s’est engagé à définir, dans un délai relativement court, les règles d’une taxation qui pourrait être reconnues par tous les pays, selon une assiette fiscale large.
À cet égard, sans attendre les résultats du G20, nous pouvons nous féliciter de la tenue du e-G8, réuni sur l’impulsion et sous l’autorité du Président de la République, et auquel ont pris part des acteurs majeurs du secteur. Celui-ci a fait évoluer les esprits et les mentalités et permis une prise de conscience collective sur cette problématique.
Nous prendrons des initiatives au niveau européen. Ainsi, l’ancien ministre Jacques Toubon a été mandaté pour envisager avec la Commission européenne les actions que pourrait engager l’Europe à l’échelle européenne s’agissant du livre numérique – je crois savoir qu’un consensus s’est dégagé au sein de la Haute Assemblée.
Moi-même, au cours du mois de juillet, je représenterai le gouvernement français à une réunion organisée à Bruxelles et consacrée à la double problématique du livre numérique et de cette taxe abusivement appelée « taxe Google ». Nous devrons définir les modalités d’une taxation reposant sur une assiette large nous permettant de tirer des recettes de cette activité en développement.
De tout cela, monsieur le rapporteur général, je voulais vous remercier, comme je vous remercie également d’avoir accepté de retirer l’amendement.
Monsieur le ministre, cette question est sans doute l’une des plus graves qui soient sur le plan fiscal. Nous mesurons les conséquences de la globalisation et de l’usage d’Internet.
Vous allez tenter de convaincre vos collègues européens de progresser dans cette voie, dites-vous. Je vous souhaite bien du courage, parce que, sur le plan fiscal, l’Europe, c’est le zéro absolu ! Seule la Cour de justice de l’Union européenne fait évoluer la fiscalité européenne.
Lorsqu’il s’agit de réglementer le calibrage des pommes ou de produire une directive sur le permis de conduire des véhicules transportant des animaux vivants
Sourires
Peut-être en contrepartie de son accord sur le taux réduit de TVA à 5, 5 % dans la restauration, on a concédé au Luxembourg la possibilité de conserver un régime fiscal dérogatoire en ce qui concerne le « e-business » et les activités immatérielles.
Vous avez évoqué le livre numérique, monsieur le ministre. L’Europe considère cette activité comme une prestation de services ; par conséquent, elle doit être assujettie, dans notre pays, à un taux de TVA de 19, 6 %. Le Luxembourg, pour sa part, applique un taux normal de 15 %. Par conséquent, tous les diffuseurs s’établiront dans ce pays, lequel, par dérogation, sera autorisé à conserver le produit de la TVA issu de cette activité, alors même que les lecteurs sont en France. C’est réellement problématique.
Je sais gré au rapporteur général d’avoir annoncé le retrait de l’amendement de la commission des finances, amendement de provocation…
n’ayant d’autre finalité que de mettre l’accent sur la situation périlleuse dans laquelle nous sommes : mes chers collègues, c’est notre matière fiscale qui s’évapore !
Voilà six semaines, une audition publique – nos collègues de la commission de la culture étaient présents – a été organisée, réunissant notamment des représentants de la société Google. À cette occasion, il a été clairement démontré que cette société avait monté une opération qui, tout en étant sans doute légale, n’en est pas moins véritablement scandaleuse : Google ne paie aucun impôt là où il fait du bénéfice !
Cette taxe sur la publicité se trompait de cible, car elle ne touchait pas les acteurs du business to business, comme l’on dit. L’annonceur pouvant facilement domicilier son activité hors du territoire national et échapper ainsi à cette taxe, oui, nous manquions notre cible.
Il faut revoir la copie. C’est l’un des dossiers les plus importants du moment, monsieur le ministre. Nous appelons votre attention, car les rôles se distribuent rapidement.
Pour vous en convaincre, demandez-vous pourquoi l’ensemble des grands opérateurs américains de prestations immatérielles se concentrent au Luxembourg. C’est parce que le Luxembourg peut se payer le luxe d’avoir un taux normal de TVA à 15 %, et il garde le produit perçu !
On l’a dit souvent : président de l’Eurogroupe, M. Juncker nous rappelle, et vous rappelle, monsieur le ministre, à l’obligation d’équilibrer les comptes publics ; mais c’est le même qui vous fait les poches tous les matins !
Sourires
Tâchons donc de nous tirer de cette difficulté particulièrement grave, et de nature à compromettre la trajectoire de retour à l’équilibre de nos finances publiques.
Monsieur le président, l’amendement n° 8 est maintenant retiré.
L'amendement n° 8 est retiré.
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l'article.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’avais pas l’intention de prendre la parole à ce moment de notre discussion, mais le débat qui s’est engagé sur l’article 7 bis me conduit à réagir.
Ce débat passionné, mais aussi passionnant, porte sur un sujet de fond, qui intéresse plusieurs commissions.
Pour ma part, je suis solidaire de la position exprimée par le rapporteur général de la commission des finances, …
… car je mesure ici les limites du virtuel.
D’une certaine manière, je suis d’accord avec ce qui a été dit sur l’incidence financière de la mesure envisagée, de même qu’avec l’intervention de M. le ministre.
Je souhaite toutefois que la situation puisse évoluer de manière positive. Je crois en effet, comme l’ont dit un certain nombre de mes collègues, qu’il faut toujours rester attaché aux valeurs humaines ; car Internet a ses limites, et ne saurait remplacer une véritable communication entre des personnes.
Dans certains départements, comme celui des Ardennes que je représente, certains secteurs sont en outre très mal couverts par le haut débit. La couverture de notre territoire est particulièrement imparfaite dans les zones rurales, aussi.
Les opérateurs avaient pourtant pris des engagements. Mais, parce qu’ils ne les ont pas toujours tenus, c’est souvent aux collectivités territoriales qu’il appartient d’intervenir pour le financement. Il s’agit, là encore, d’une limite au rôle d’Internet.
Si donc, par solidarité, je vote l’article, je souhaite que le débat engagé par le rapporteur général provoque certaines évolutions, et permette d’améliorer la situation. Il importe en particulier de faire preuve de réalisme et de garder à l’esprit que le virtuel a ses limites.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Je souhaite rappeler très brièvement à M. le rapporteur général que, comme j’avais pris soin de le préciser au début de mon intervention, je me suis exprimée non pas en tant que membre de la commission de la culture, mais en tant que présidente du groupe d’études « Médias et nouvelles technologies. »
Celui-ci rassemble des sénateurs de différents horizons, dont certains appartiennent à la commission de l’économie. Certains de ses membres, qui auraient pu intervenir, ne l’ont pas fait, mais le point de vue que j’ai exprimé est partagé par une grande partie d’entre eux.
Revenons donc au calme. Il s’agit pour nous non de pousser à la dépense, mais de réagir, comme il est normal, sur une question qui intéresse particulièrement notre groupe d’études.
Celui-ci poursuivra sa réflexion ; je prends l’engagement qu’il le fera en concertation avec la commission des finances.
Je constate que le Gouvernement n’a pas lui-même pris l’initiative d’abroger l’article 302 bis KI du code général des impôts…
Pour quelle raison ? Parce qu’il reconnaît, comme nous, que le dispositif que nous avons voté n’est pas extraordinaire, et qu’il faut attendre les conclusions du groupe d’études présidé par Mme Morin-Desailly pour identifier une base fiscale solide.
Je ne comprends pas, en revanche, la position prise par nos collègues députés lorsqu’ils ont voté, avec l’article 7 bis, la mort de l’article 302 bis KI du code général des impôts.
Je trouve en effet que c’est déshonorer le Parlement que de proposer l’abrogation d’une disposition seulement six mois après l’avoir votée, et alors que l’on est incapable de trouver une formule différente !
Aussi, pour que les valeurs qui font le Parlement subsistent, je voterai contre l’article 7 bis !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, en quelques mots, vous dire mon étonnement devant la réaction violente du rapporteur général.
Les propos de ma collègue Catherine Morin-Desailly ne comportaient aucune provocation. Il n’y en a pas davantage dans le fait de considérer que cette taxe, comme l’a souligné le président de la commission des finances, était mal ciblée.
Le rapporteur général a rappelé que, dans le domaine d’Internet, certaines entreprises américaines réalisaient aujourd’hui des profits considérables sans payer de taxes. C’est une évidence, et nous nous accordons tous à reconnaître, avec le président de la commission des finances, que cette situation est scandaleuse.
Reste que ce problème n’était en rien résolu par la taxe sur la publicité en ligne : les entreprises ciblées n’étant pas localisées en France, elles ne peuvent être soumises à aucune taxe…
De la sorte, cela conduisait à taxer des acteurs qui ne sont en rien responsables de la situation que nous dénonçons.
Taxer des sociétés comme Google ou Facebook est possible uniquement dans un cadre européen.
On peut seulement regretter, comme le rapporteur général dans son rapport écrit, que le Gouvernement, contrairement à ce qu’il avait promis lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, n’ait pas fait progresser cette idée au niveau européen. Il est nécessaire de le faire, comme le Gouvernement en avait pris l’engagement.
Taxer les entreprises qui recourent à la publicité sur Internet, c’est prendre le risque de les voir se délocaliser, et leur départ réduire à néant les modestes recettes que la taxe aura produites…
C’est pourquoi je considère que cet amendement était tout à fait malvenu.
Je me félicite donc que le rapporteur général, dans sa sagesse proverbiale, ait accepté de le retirer.
Une fois n’est pas coutume, je suis de l’avis du président de la commission des finances !
En effet, ce n’est pas d’aujourd’hui que cette question se pose. Je me souviens qu’il y a quelques années, lorsque les cinéastes et téléastes se réunissaient à Beaune, Jack Valenti, représentant du cinéma américain, était toujours invité. Or les débats étaient très vifs entre lui et beaucoup d’autres, parmi lesquels je figurais. À l’origine du désaccord, il y avait sa position, exprimée sans ambiguïté : pour ce qui concerne le secteur régulé, c’est-à-dire l’ancien, la régulation devait être minimale ; pour tout ce qui était nouveau, elle ne devait pas exister du tout…
C’est une telle stratégie qu’appuient et pratiquent, de façon lancinante, les intérêts américains, en particulier par l’intermédiaire des grands groupes dont nous parlons depuis quelques instants.
Je crois donc qu’il était nécessaire de donner l’alerte. J’avais, pour ma part, voté l’amendement du rapporteur général, tout en étant conscient de ses limites.
J’avais considéré que retirer un dispositif pour la raison qu’il souffre de certaines limites, c’était rendre service à celui d’en face, qui, lui, de dispositif, n’en veut pas du tout !
Même imparfaite, la taxation était une manière de pression. À présent, l’amendement a été retiré. Dont acte !
Mais je veux souligner que ce problème est absolument capital : en fait de régulation, les Américains n’en veulent aucune !
Or, quand on voit le rôle nouveau joué par Internet et quantité d’autres technologies, que l’on célèbre mais qui coûtent sans rien rapporter, je trouve qu’il y a là quelque chose de bancal…
Monsieur le rapporteur général, notre débat fut tout à fait intéressant.
Je veux dire à Hervé Maurey que la colère du rapporteur général était toute virtuelle…
Sourires et exclamations sur diverses travées.
Au surplus, nous avons donné au rapporteur général des arguments supplémentaires pour plaider en faveur d’une gouvernance européenne.
Tous, en effet, nous avons compris que toute régulation conçue à l’échelon infra-européen serait pure gesticulation. Qu’une pareille taxe soit instituée en France, et les annonceurs auront tôt fait de se déplacer au Luxembourg, ou ailleurs, afin de s’y soustraire !
Encore un pas, donc, et, dans le but d’instaurer une régulation digne de ce nom, et peut-être aussi de gérer la crise des dettes souveraines, nous deviendrons bientôt des adeptes du fédéralisme européen…
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'article 7 bis.
Le II de l’article 131 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est ainsi rédigé :
« II. – A. – Le I s’applique aux crédits d’impôt relatifs aux primes d’intéressement dues au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011.
« B. – 1. Pour les entreprises employant habituellement, au sens de l’article L. 1111-2 du code du travail, moins de deux cent cinquante salariés, le I s’applique aux crédits d’impôt relatifs aux primes d’intéressement dues en application d’accords d’intéressement conclus ou renouvelés à compter de cette même date. Pour les entreprises membres d’un groupe mentionné à l’article 223 A du code général des impôts, le nombre de salariés est apprécié en faisant la somme des salariés de chacune des sociétés membres de ce groupe.
« 2. Le 1 est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis. » –
Adopté.
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – 1° Il est créé un prélèvement sur les recettes de l’État intitulé dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle résultant des contributions fiscalisées aux syndicats de communes.
Cette dotation est égale, pour chaque commune dont tout ou partie de la contribution versée, au titre de l’année 2009, à un syndicat de communes dont elle était membre était fiscalisée, en application du deuxième alinéa de l’article L. 5212-20 du code général des collectivités territoriales, au produit des bases communales de taxe professionnelle figurant sur le rôle général de l’année 2009, à l’exception de celles afférentes aux biens passibles de taxes foncières et qui n’en sont pas exonérées en application du 11° ou du 12° de l’article 1382 du code général des impôts, par le taux syndical additionnel au taux de taxe professionnelle applicable en 2009.
Cette dotation est versée les années au cours desquelles la commune verse l’intégralité de sa contribution au syndicat, dont elle est associée depuis le 1er janvier 2009, soit sous la forme de la contribution prévue au 1° de l’article L. 5212-19 du code général des collectivités territoriales, soit sous celle d’autres ressources, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 5212-20 du même code.
En 2012, chaque commune perçoit, au titre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle résultant des contributions fiscalisées aux syndicats de communes, un montant égal à la somme des produits calculés conformément aux deux alinéas ci-dessus pour chaque syndicat de communes à contribution fiscalisée dont elle était membre.
Les dotations versées en 2013 et 2014 sont égales respectivement à 67 % et 33 % du montant versé en 2012.
Les taux des taxes foncières et de la taxe d'habitation applicables l'année au cours de laquelle la commune bénéficie de la dotation définie au présent 1° peuvent être augmentés des taux des taxes additionnelles aux taxes foncières et à la taxe d'habitation perçues au titre de l'année précédente au profit du syndicat. Le taux de la cotisation foncière des entreprises applicable cette même année peut être augmenté du taux de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle perçue au titre de 2009 au profit du syndicat.
Les dispositions du code général des impôts relatives à la fixation des taux d'imposition s'appliquent aux taux des taxes foncières, de la taxe d'habitation et de la cotisation foncière des entreprises ainsi augmentés.
2° La dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle résultant des contributions fiscalisées aux syndicats de communes est exclue du périmètre des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales stabilisés en valeur en application de l’article 7 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
3° Les 1° et 2° du présent I entrent en vigueur au 1er janvier 2012.
II. – Après l’article 1647 C quinquies B du code général des impôts, il est inséré un article 1647 C quinquies C ainsi rédigé :
« Art. 1647 C quinquies C. – I. – Sur demande du contribuable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la cotisation foncière des entreprises, due par les entreprises au titre des années 2010 et 2011, pour la fraction acquittée au profit des syndicats de communes, en application des articles L. 5212-20 du code général des collectivités territoriales et 1609 quater, fait l’objet d’un dégrèvement.
« Le dégrèvement s’applique entre :
« - la cotisation foncière des entreprises due, selon le cas, en 2010 ou en 2011, pour la fraction acquittée au profit des syndicats de communes ;
« - et le produit résultant de l’application à la base imposable de l’entreprise, selon le cas, de l’année 2010 ou de l’année 2011, du taux de cotisation foncière des entreprises qui aurait résulté, selon le cas, en 2010 ou en 2011, de l’article 1636 B octies si, pour son application, les bases de cotisation foncière des entreprises de la commune étaient restées égales à ses bases de taxe professionnelle de l’année 2009.
« II. – Le dégrèvement institué par le présent article s’applique en priorité par rapport au dégrèvement prévu à l’article 1647 C quinquies B.
« III. – Les dégrèvements résultant de l’application du présent article sont ordonnancés dans les six mois suivant celui du dépôt de la demande.
« IV. – Le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu’en matière de cotisation foncière des entreprises. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière de cotisation foncière des entreprises.
« V. – Pour les impositions dues au titre de l’année 2010, le dégrèvement institué par le présent article peut être demandé dans les six mois suivant la promulgation de la loi n° … du … de finances rectificative pour 2011. »
III. – Les pertes de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en arrivons à un domaine tout différent : laissant le virtuel, nous revenons pour ainsi dire à la réalité physique !
En effet, je vous propose à présent de corriger un effet secondaire, non prévu et totalement indésirable, de la réforme de la taxe professionnelle.
Le dispositif de compensation des pertes de recettes résultant de cette réforme a traité de façon différenciée, s’agissant des syndicats de communes, les contributions dites « budgétaires » et les contributions dites « fiscalisées ».
Dans le premier cas, chaque commune a pu bénéficier, au moyen de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et du Fonds national de garantie individuelle des ressources, de la compensation des pertes de recettes résultant pour elle de la réforme.
En revanche, dans le cas des contributions aux syndicats de communes dites « fiscalisées », aucune compensation n’a été prévue, puisque la contribution ne transitait pas par le budget de la commune et que le syndicat de communes n’est pas un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.
J’ai conservé un souvenir très précis de l’élaboration de cette réforme : en effet nous avons dû la rédiger de nouveau, ici, au Sénat, après qu’elle eut été re-rédigée à l’Assemblée nationale…
Aussi, je vous le confirme : ce problème avait échappé à notre attention, et il s’agit d’un oubli totalement involontaire.
Depuis lors, il est apparu que cette différence dans le régime de la compensation, en plus d’introduire une rupture d’égalité, avait pour effet de créer des distorsions fiscales non anticipées au détriment des syndicats à contribution dite « fiscalisée » ; ceux-ci doivent en effet financer le même budget à partir d’une base fiscale fortement réduite, la réforme ayant conduit à priver la taxe professionnelle de l’élément « équipements et biens mobiliers », ou EBM.
Afin de remédier à cette situation, le présent amendement vise en premier lieu à créer un prélèvement sur recettes au profit des communes représentatif de la perte de recettes résultant, pour les syndicats à contribution dite « fiscalisée » dont elles sont membres, de la réforme de la taxe professionnelle.
Ce dispositif permet de mettre en œuvre, autant que possible, dans le respect de nos principes, une réforme à droit constant pour les collectivités territoriales.
Comme l’ensemble des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, le prélèvement sur recettes ainsi créé serait sorti du périmètre de l’enveloppe normée des concours financiers aux collectivités territoriales de l’État, afin que l’on ne reprenne pas d’une main ce que l’on aurait donné de l’autre.
Par ailleurs, faute de pouvoir établir cette compensation rétroactivement au 1er janvier 2010, le présent amendement tend également, dans son II, à instituer un dégrèvement total de contribution foncière des entreprises, ou CFE, au titre des années 2010 et 2011.
Ce dégrèvement, qui bénéficierait à des entreprises modestes et à des artisans, est destiné à annuler la fraction de CFE indûment payée par les entreprises, compte tenu de l’augmentation des taux syndicaux de la contribution induite par la réforme de la taxe professionnelle. En revanche, l’accroissement des taux résultant d’une décision d’un syndicat intercommunal et ayant entraîné une hausse de la contribution ne serait évidemment pas pris en compte dans le calcul du dégrèvement.
Monsieur le ministre, j’espère que vous réserverez un accueil bienveillant à cette mesure. En parcourant les communes du département dont je suis l’élu, j’ai pu observer que, dans un certain nombre d’entre elles, des hausses absolument imprévisibles de contribution foncière des entreprises par rapport à la taxe professionnelle étaient notifiées à des commerçants ou à des artisans, du fait de l’application du mécanisme indésirable que je viens de rappeler.
J’ai cru comprendre que le département que je représente n’était pas isolé et que des situations de ce genre se reproduisaient dans bon nombre d’autres, notamment celui des Yvelines, puisque le président du Sénat a pu constater exactement les mêmes anomalies ! Il a d’ailleurs vivement insisté pour qu’une solution soit trouvée afin d’éliminer cette « scorie » de la réforme de la taxe professionnelle.
Le sous-amendement n° 237 rectifié, présenté par M. Massion, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5 de l’amendement n° 19 rectifié :
Remplacer les mots :
En 2012
par les mots :
À compter de 2012
II. – Alinéa 6 de l’amendement n° 19 rectifié :
Supprimer cet alinéa.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État de l’alinéa 5 est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
L’amendement de M. le rapporteur général est intéressant dans son objet, puisqu’il vise à corriger, selon ses propres termes, « un effet secondaire non prévu et non désiré de la réforme de la taxe professionnelle » – ce qu’il a coutume d’appeler, comme il vient de le faire à l’instant, une « scorie ». Nous consacrons effectivement beaucoup de notre temps à réparer les effets non anticipés de la suppression de la taxe professionnelle qui, depuis près de deux ans, plongent les élus locaux dans un climat d’insécurité et d’imprévisibilité inacceptable...
Avec cet amendement, M. le rapporteur général aborde un véritable problème, celui de la compensation de la taxe professionnelle pour les EPCI sans fiscalité propre. Et ce problème ne se pose pas uniquement dans les Yvelines.
En effet, notre collègue Marc Massion, alerté par une commune de Seine-et-Marne, a soulevé cette question depuis plusieurs mois, sans jamais obtenir de réponse du Gouvernement.
Je ne reprendrai pas la démonstration sur laquelle s’est appuyé M. le rapporteur général pour défendre son amendement, mais la situation qu’il a décrite donne lieu à une différence de traitement tout à fait inéquitable entre les communes ayant opté pour des contributions budgétaires et celles ayant fait le choix des contributions fiscalisées ; elle pénalise également entreprises et ménages, qui ont vu leur fiscalité augmenter pour compenser cette perte de recettes.
Face à ce constat, l’amendement de M. le rapporteur général tend à instaurer une compensation de cette perte en faveur des communes et un dégrèvement d’impôt au bénéfice des entreprises, afin d’effacer les effets de l’augmentation de la contribution foncière des entreprises qui a résulté de cette erreur.
Notre groupe était a priori favorable à l’amendement de M. le rapporteur général, tel qu’il nous avait été présenté lors de la réunion de la commission des finances. Toutefois, depuis lors, M. le rapporteur général a rectifié son amendement, sans doute sur les bons conseils du Gouvernement d’ailleurs, lui apportant des modifications qui sont pour nous inacceptables. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé ce sous-amendement.
En effet, si l’amendement n° 19 rectifié était adopté en l’état, la dotation de compensation attribuée aux communes ne serait versée que pendant trois ans, jusqu’en 2014, et son montant serait ramené, en 2013, à 67 % du montant versé en 2012, et à 33 % de ce montant en 2014. Pour nous, ces modifications représentent des reculs inacceptables, sachant que les communes ne sont absolument pas responsables de la suppression de la taxe professionnelle et n’ont donc pas à en assumer les conséquences non prévues et non désirées, pour reprendre les qualificatifs employés par M. le rapporteur général.
Notre sous-amendement tend donc à instaurer une compensation pérenne et totale. S’il devait être rejeté, monsieur le rapporteur général, notre groupe ne pourrait voter votre proposition. En effet, celle-ci, je le répète, pénaliserait les communes, qui subissent les conséquences de cette erreur et sont obligées de la pallier par le biais d’une augmentation des impôts locaux, notamment la contribution foncière des entreprises, ce qui est profondément anormal ! Je vous laisse donc juge de la qualité de notre sous-amendement.
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 237 rectifié ?
Je voudrais vous convaincre, madame Bricq, car l’amendement de la commission, s’il est effectivement le fruit d’un dialogue avec le Gouvernement et ses services, …
Pardonnez-moi ! Cet amendement a été rectifié et soumis une deuxième fois à la commission des finances.
Personne n’est donc pris au dépourvu.
Pourquoi avons-nous entrepris cette rectification ? Ce qui est inacceptable, c’est de laisser subsister un fait accompli contre lequel personne ne peut réagir : or nous prévoyons un dégrèvement au bénéfice des contribuables victimes de l’effet pervers que j’ai dénoncé, au titre des années 2010 et 2011, et la compensation intégrale de ces dégrèvements dans les budgets locaux au titre des exercices 2011 et de 2012 – à partir de 2013, cette compensation serait dégressive.
Le mécanisme que nous proposons peut – et doit – être accepté. Premièrement, il sera, à terme, moins coûteux pour l'État, et la commission des finances ne saurait être totalement indifférente à des préoccupations de cet ordre.
Ma chère collègue, je crois que nous avons contribué à en corriger beaucoup ! En l’occurrence, les bêtises ne nous sont pas imputables, et nous nous trouvions d’ailleurs tous dans le même camp à ce moment-là.
Si le sénateur de l’Oise que je suis souhaite une compensation maximale en faveur des communes, le rapporteur général de la commission des finances doit rester cohérent avec certains principes de bonne gestion des finances publiques.
Sourires
Deuxièmement, en 2012, 2013 et 2014 l’aménagement des structures territoriales va se poursuivre, nous le savons tous. Dans les départements dont nous sommes les élus, un débat est ouvert, sur les syndicats intercommunaux en particulier.
Est-il si difficile d’imaginer que des syndicats à fiscalité propre changent de régime budgétaire et adoptent le système contributif classique ? Dans cette hypothèse, ils reviendraient dans le régime de droit commun de la réforme de la taxe professionnelle et, de ce fait, n’auraient plus besoin de ce mécanisme correctif.
Personne n’est pris en traître : ces syndicats intercommunaux disposeront de tout le temps nécessaire pour aménager leur budget, leur mode de financement, leurs structures, leur périmètre. Dans les années à venir, nous assisterons, dans nombre de nos départements, à une évolution des structures territoriales, résultant, je l’espère, de la concertation la plus large possible – si les préfets veulent obtenir de bons résultats, ils ont intérêt à jouer le jeu correctement. Compte tenu de ces évolutions, nous pourrons donc sortir de ce traquenard.
L’amendement de la commission donne du temps aux EPCI, avec une compensation qui demeure intégrale en 2011 et 2012 et qui serait réduite d’un tiers en 2013. D’ici là, les syndicats de communes et les communes auront pu aménager leur situation pour ne plus subir aucune conséquence fâcheuse de la réforme de la taxe professionnelle.
Si nous avions un doute, nous pourrions revenir sur cette question lors de la discussion de la loi de finances pour 2012, de la loi de finances rectificative de fin d’année ou de l’une des nombreuses lois de finances rectificatives qui nous seront soumises au cours de l’année 2012. En effet, si une chose est certaine pour ce qui concerne l’année prochaine, c’est bien qu’il s’agira d’une belle et bonne année pour les collectifs budgétaires !
Sourires
La commission des finances sollicite donc le retrait de ce sous-amendement ou, s’il n’était pas adopté, le ralliement de nos collègues du groupe socialiste à l’amendement n° 19 rectifié, car ses dispositions représentent un progrès, vous le reconnaîtrez, madame Bricq. Nous vous incitons donc à faire ces quelques petits pas supplémentaires dans le sens de la justice, de l’équité et de l’harmonie de nos territoires.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 237 rectifié, pour les raisons évoquées par M. le rapporteur général.
Il s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 19 rectifié, défendu, à juste titre, par M. Marini. En effet, je dois à la vérité de reconnaître qu’il s’agit de réparer l’une des malfaçons de la réforme de la taxe professionnelle, puisque les taux syndicaux ont augmenté mécaniquement dans des proportions très importantes, ce qui a majoré d’autant le montant de la CFE. Cet amendement tend donc à accorder aux entreprises un dégrèvement pour le passé.
En revanche, mes services ont émis quelques doutes sur le plan budgétaire. Ils souhaitaient que le Gouvernement dépose un sous-amendement pour équilibrer et accompagner la mesure proposée par la commission des finances. J’ai pris en toute conscience la responsabilité de retirer ce sous-amendement.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 237 rectifié.
Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur général a fait état d’une dichotomie entre sa fonction de sénateur de l’Oise et sa mission de défenseur de la bonne gestion des finances publiques : croyez bien que je compatis !
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Mes chers collègues, sans répéter mon argumentation, j’observe que le Gouvernement n’a pas émis un avis favorable et s’est contenté de s’en remettre à la sagesse de notre assemblée.
Votre amendement peut être considéré comme un progrès, monsieur le rapporteur général, mais celui-ci n’est que très provisoire et ne présente aucun caractère pérenne. Le Gouvernement laisse au Sénat la liberté de se prononcer, mais je ne suis pas sûre que les dispositions de votre amendement subsisteront lorsque cette loi de finances rectificative parviendra au terme de son parcours parlementaire.
Je maintiens notre sous-amendement, car les collectivités locales sont victimes d’une injustice. Vous avez évoqué les regroupements qui s’opéreront dans le cadre de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, monsieur le rapporteur général. Je puis vous dire que les réticences sont très fortes dans de nombreux départements, où ces regroupements à marche forcée provoquent du grabuge.
Le mois dernier, M. Philippe Richert, répondant à une question orale de notre collègue Jacqueline Gourault, s’est montré très souple quant aux délais d’application. Il a bien fait, du reste, même si les élus locaux ne sont pas nécessairement rassurés.
Quoi qu’il en soit, nous aurons l’occasion de reparler de cette réorganisation à marche forcée de l’intercommunalité.
Le sous-amendement n’est pas adopté.
Je lève le gage sur l’amendement n° 19 rectifié.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l’article 7 ter.
L'amendement n° 105 rectifié bis, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 1447-0 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« La contribution économique territoriale est complétée par la taxation des actifs financiers des entreprises.
« Cette taxation porte sur l’ensemble des titres de placement et de participation, les titres de créances négociables, les prêts à court, moyen et long terme. Ces éléments sont pris en compte pour la moitié de leur montant figurant à l’actif du bilan des entreprises assujetties. Pour les établissements de crédits et les sociétés d’assurances, le montant net de leurs actifs est pris en compte après réfaction du montant des actifs représentatifs de la couverture des risques, contrepartie et obligations comptables de ces établissements.
« La valeur nette des actifs, déterminée selon les dispositions du précédent alinéa, est prise en compte après réfaction de la valeur locative des immobilisations. » ;
2° L’article 1636 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 1636. – Le taux grevant les actifs définis au dernier alinéa de l’article 1447-0 est fixé à 0, 3 %. Il évolue chaque année, pour chaque entreprise assujettie, à proportion d’un coefficient issu du rapport entre la valeur relative à ces actifs au regard de la valeur ajoutée de l’entreprise. » ;
3° Le premier alinéa du 4° du 1 de l’article 39 du même code est complété par les mots : « et de l’imposition résultant de la prise en compte des actifs financiers définis au deuxième alinéa de l’article 1447-0. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État de l’application des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Vera.
Monsieur le ministre, au lieu de répondre aux vœux de la grande majorité des élus locaux, qui souhaitent disposer des moyens financiers de leur action, afin de satisfaire les attentes de leurs administrés, vous partez, malheureusement, du principe que tout service rendu est avant tout une dépense publique de trop.
La réforme de la taxe professionnelle a été expédiée dans un article de la dernière loi de finances, alors que nous pensons qu’il aurait été utile de mener un débat sur cette question dans notre pays.
La modernisation de la taxe professionnelle était indispensable. Le secteur industriel, qui produit le plus grand nombre d’emplois, était en effet surtaxé par rapport aux banques et aux assurances.
L’actuelle non-imposition des actifs financiers des entreprises constitue une inégalité de ces dernières devant l’impôt. C’est pourquoi nous vous proposons de gommer toute distinction en créant une base d’imposition sur les actifs financiers des entreprises. Cette mesure reviendrait, tout simplement, à prendre en compte l’évolution de la structure de l’activité économique.
Concrètement, il s’agit de rétablir l’égalité des entreprises devant l’impôt. En prenant en compte les actifs financiers des entreprises, il deviendrait possible de dégager des marges de manœuvre afin de répondre aux besoins de financement des collectivités locales et de mettre en œuvre un véritable outil de péréquation.
Ces actifs sont le fruit du travail et de l’activité des entreprises. Une telle taxation permettrait de faire contribuer les entreprises les plus riches, plutôt que les PME et les artisans.
Notre proposition met en évidence une nouvelle ressource disponible pour les collectivités et elle permettrait de changer la donne des finances locales. Elle pourrait être le moteur d’une péréquation régénérée. C’est pourquoi nous considérons qu’elle mérite d’être soumise au débat, discutée, étudiée.
Des élus de plus en plus nombreux s’intéressent à notre proposition. Ils la trouvent novatrice, source de progrès et d’égalité. Ils ne comprennent pas pourquoi la richesse financière est exemptée d’une telle taxe alors que les entreprises ont tout intérêt à se développer dans un environnement favorable. Parce qu’elle prend en compte l’intérêt des collectivités et des entreprises, notre proposition permettrait de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens.
Mes chers collègues, je ne puis donc que vous inviter à adopter cet amendement dont les dispositions auraient, dans le contexte actuel, un autre avantage : rassurer un peu les élus locaux sur la réalité de leurs capacités budgétaires à venir, au moment même où aucune estimation de la réforme de la taxe professionnelle ne permet de le faire avec la plus élémentaire des certitudes.
Ce dispositif a déjà été examiné deux fois et deux fois rejeté au cours du dernier semestre. La commission considère qu’il est préférable de maintenir sa position. C’est pourquoi elle a de nouveau émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 167, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 151 septies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du IV, les mots : « l’exercice de » sont remplacés par le mot : « la » ;
2° Au VI, les mots : « aux II et III » sont remplacés par les mots : « aux II, III et IV ».
II. – Les pertes de recettes résultant pour l’État du I sont compensées par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Adnot.
Il s’agit d’un amendement de coordination et de clarification.
La notion de plus-value nette, qui prévaut dans le régime d’exonération des plus-values professionnelles, est également appliquée pour la détermination des périodes de références utilisées pour apprécier les recettes de l’entreprise.
Cette solution est déjà retenue par la doctrine administrative. Cet amendement tend donc à éviter toute interprétation du texte conduisant à décaler les périodes de référence et à assurer la sécurité juridique des contribuables.
L'amendement n° 199 rectifié, présenté par M. Détraigne et Mme Férat, est ainsi libellé :
Après l'article 7 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au premier alinéa du IV de l'article 151 septies du code général des impôts, les mots : « l'exercice de réalisation des plus-values » sont remplacés par les mots : « la date de clôture de l'exercice de réalisation des plus-values ».
II. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du I sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 167 ?
C’est à regret, monsieur Adnot, que le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.
En effet, il ne nous semble pas souhaitable de revoir les règles de détermination de l’ensemble des plus-values professionnelles, qui s’appliquent à des dizaines de milliers d’entreprises, uniquement pour traiter quelques situations individuelles. Mieux vaudrait attendre la loi de finances pour définir précisément un nouveau cadre réglementaire plutôt que d’aborder cette question aujourd’hui de façon beaucoup trop large.
Mon amendement visait non pas à remettre en cause la pratique administrative, mais, au contraire, à la valider de manière définitive. Nous resterons donc dans l’insécurité juridique. Toutefois, comme il n’est pas dans mes intentions d’entrer en désaccord avec M. le ministre, je retire mon amendement.
L’amendement n° 167 est retiré.
L'amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le IV de l’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi rédigé :
« IV. – Lorsque les mouvements de l’ensemble ou d’une partie d’un même capital s’effectuent plus d’une fois dans un délai inférieur à un mois, le taux de la taxe est fixé à 0, 05 % à compter du 1er juillet 2011. »
La parole est à M. Bernard Vera.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons lutter contre la spéculation financière.
Ainsi, nous proposons de taxer les mouvements financiers avec un temps de rotation rapide à un taux de 0, 05 %, qui serait dissuasif sans être pour autant excessif, vous nous le concéderez, monsieur le ministre.
Les conséquences de cette mesure pourraient être importantes à deux points de vue : d’une part, elle aurait sans doute un effet vertueux sur les opérateurs financiers, et, d’autre part, elle pourrait apporter quelques recettes à l’État.
Sur le fond, alors que, nous le savons, la crise économique et sociale que nous traversons est liée à la dégénérescence de la finance et à ses excès à l’échelle mondiale, nous ne pouvons nous dédouaner d’engager une réflexion sur les moyens d’empêcher les opérateurs financiers de spéculer.
Les bulles spéculatives constituent des dangers importants sur le plan social et elles ont provoqué une destruction considérable d’emplois. Il nous faut donc aujourd’hui réaffirmer que c’est le politique qui régule la finance, et non l’inverse. C’est pourquoi nous prônons une législation ambitieuse, qui encadre les mouvements de capitaux. Tel est le sens de cet amendement.
Il s’agit d’une proposition bien connue. Cet amendement vise en fait à instituer la taxe dite « Tobin », qui est, pour la commission des finances, une coupable illusion.
Fidèle à sa position, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Gélard, Guené, Bourdin et Revet, est ainsi libellé :
Après l'article 7 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa du III de l’article 266 quindecies du code des douanes est ainsi rédigé :
« Toutefois, les biocarburants désignés au 2 du tableau précité qui sont produits dans une unité agréée pour ces biocarburants en application du 2 de l’article 265 bis A du code des douanes, sont pris en compte pour le double de leur valeur réelle en pouvoir calorifique inférieur, y compris lorsqu’ils sont issus de matières visées à l’article 10 du règlement (CE) n°1069/2009, dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé du budget. »
La parole est à M. Patrice Gélard.
Les dispositions relatives à la valorisation par double comptage de certains biocarburants produits à partir de déchets ou de résidus, au regard de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, transpose l’article 21-2 de la directive européenne n° 2009/28/CE sur les énergies renouvelables.
Une première fois transcrite dans le code des douanes par la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, elle a fait l’objet d’un amendement introduit dans la loi de finances rectificative n° 2010-1658 du 29 décembre 2010. Or la disposition prévue par ce dernier amendement donne lieu à des difficultés d’application substantielles, tant pour la mise en œuvre par voie d’arrêté du plafonnement institué que pour le traitement à réserver aux esters méthyliques d’huile usagée. Il convient donc de remédier à cette situation.
Les biocarburants visés par cette mesure sont les esters méthyliques d’huile animale et les esters méthyliques d’huile usagée incorporés au gazole. Ces biocarburants, pour lesquels des sites industriels ont été récemment construits, et d’autres sont sur le point de l’être en France, sont élaborés à partir de matières premières ne pouvant être utilisées pour l’alimentation humaine. Leur excellent profil environnemental et l’absence de compétition à l’égard du secteur alimentaire sont reconnus, quelle que soit la catégorie sanitaire des graisses animales, matières de catégorie 1, 2 et 3.
C’est pourquoi, même si ces biocarburants ne constituent qu’un marché fort restreint, il convient de favoriser l’établissement de ces filières sur le territoire national. Il s’agit également d’un facteur de compétitivité pour les filières animales, qui voient ainsi s’ouvrir un nouveau débouché pour leurs déchets et résidus.
L’adoption de cet amendement permettra la création attendue de ces filières sur le territoire français, sans entraver l’activité des producteurs d’esters méthyliques d’huile végétale, conformément à la disposition adoptée dans la loi de finances rectificative de 2010.
En outre, il tend à réserver le bénéfice du double comptage au regard de la TGAP aux esters méthyliques d’huile animale ou d’huile usagée issus des seules unités agréées pour ces biocarburants par les pouvoirs publics français au terme d’une procédure d’appel d’offres communautaire, dans les conditions prévues par l’article 265 bis A du code des douanes instituant une réduction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.
Je précise enfin que l’adoption de cet amendement n’aurait aucune incidence budgétaire.
La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement avant de se déterminer. Il s’agit en effet d’une question complexe et technique, qui a d’ailleurs déjà fait l’objet d’un amendement voté en fin d’année dernière, comme l’a rappelé M. Gélard.
Cet amendement est important, puisque ses dispositions concernent le développement d’une filière à laquelle nombre d’entre vous êtes attachés, mesdames, messieurs les sénateurs, à savoir les biocarburants, et la différenciation entre les esters de méthyle d’huiles animale, végétale ou usagée.
Ce sujet fait encore l’objet de nombreux débats et il est difficile de lire vraiment la pertinence des arguments des différentes parties. Pour l’heure, des désaccords subsistent entre les professionnels et les acteurs publics sur la provenance, dominante ou monopolistique, de tout ce qui concerne les esters de méthyle d’huile animale.
Monsieur Gélard, j’admets que l’adoption de cet amendement n’aurait pas d’incidence budgétaire, du moins à court terme. Toutefois, sachez que la direction générale des douanes et droits indirects travaille sur ce sujet. Des discussions ont été engagées avec les acteurs interprofessionnels des filières des huiles animales, des huiles végétales et des huiles usagées, qui sont bien distinctes.
Monsieur le sénateur, je constate que nous visons le même objectif. Quand les résultats des concertations en cours seront connus, nous pourrons en tirer les conséquences à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances, sachant que nous souhaitons aussi respecter les décisions adoptées par la représentation nationale l’an dernier, qui traduisent l’engagement du Président de la République de stabiliser la filière des biocarburants.
Les acteurs de ces filières ont investi des centaines de millions d’euros dans des outils industriels. Les marchés se développent et les perspectives d’ouverture sont réelles. Toutefois, pour trouver les débouchés dont ils ont besoin, ces acteurs doivent pouvoir s’appuyer durablement sur des dispositions fiscales stables, élaborées dans un cadre communautaire lui aussi stabilisé.
Pour toutes ces raisons, monsieur Gélard, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
L'amendement n° 29 rectifié est retiré.
L'amendement n° 128 rectifié, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A. - L’article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion est ainsi rédigé :
« Art. 7. – I. - S'agissant de la contribution des départements au financement du revenu de solidarité active, mentionnée à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la présente loi, le maintien de la compétence transférée par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation du revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité demeure compensé dans les conditions fixées à l'article 4 de cette loi.
« À la date d'entrée en vigueur de la présente loi, l'allocation à la charge des départements mentionnée à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la présente loi, est calculée selon les mêmes modalités réglementaires que l'allocation prévue à l'article L. 262-3 du même code dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
« II. - En ce qui concerne l'extension de compétences réalisée par la présente loi, les charges supplémentaires qui en résultent pour les départements sont intégralement compensées par l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances.
« À la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le montant forfaitaire majoré mentionné à l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la présente loi, est calculé selon les mêmes modalités réglementaires que l'allocation prévue à l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
« La compensation financière mentionnée au premier alinéa s'opère, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature.
« III. - À compter de l’exercice 2010, l’État assure la compensation au département des sommes versées au titre des articles L. 262-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles sur la base de la différence entre le produit de cette compensation et les dépenses réelles constatées aux derniers comptes administratifs connus des départements.
« Cette compensation est ajustée chaque année, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges, dans les conditions prévues au II de l’article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
« Dans l’attente du calcul de la compensation définitive au titre d’une année considérée, l'État assure mensuellement, à chaque département, le versement d’une somme calculée sur la base de la compensation complémentaire déterminée au titre de l’exercice précédent. »
B. - La compensation complémentaire aux départements est assurée par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
C. - La perte de recettes pour l’Etat est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Marc.
Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai conjointement les amendements n° 128 rectifié, 129 rectifié et 130 rectifié, car tous trois relèvent de la même ambition : renforcer la participation de l’État aux dépenses sociales. Ces dernières sont actuellement très largement supportées par les départements, dont la plupart sont aujourd’hui confrontés à de grandes difficultés financières.
Même si l’on nous opposera sans doute que des dispositions similaires ont déjà été examinées, cet amendement a, selon nous, toute sa légitimité dans ce projet de loi de finances rectificative. En effet, le Gouvernement nous avait affirmé qu’il s’efforcerait d’apporter des réponses, au moins partielles, à la question de la dépendance lors de la réforme du patrimoine, les deux sujets étant liés. Or force est de constater que, à ce jour, il ne nous a pas proposé grand-chose et que les quelques dispositions présentées dans la loi de finances rectificative ne peuvent en rien satisfaire les départements.
En effet, que représentent les 150 millions d’euros proposés face aux plus de 12 milliards d’euros annuels de dépenses sociales transférées aux conseils généraux ? Le taux de compensation des charges, qui s’établit à 36 %, est loin d’apporter l’équilibre nécessaire !
La situation ne s’améliore guère, comme l’a montré l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée dans un récent rapport.
La charge nette a presque doublé en dix ans. Les dépenses liées au développement des allocations de solidarité ont été multipliées par neuf. L’insertion et le soutien aux personnes handicapées expliquent en partie la forte hausse observée en 2010.
Bien que leurs recettes soient en augmentation grâce à une remontée des droits de mutation – ceux-ci ont connu une hausse de 35 % en 2010 –, les départements restent souvent dans une situation critique. En tout état de cause, ils ne peuvent se satisfaire de cette recette particulièrement volatile.
Alors que la crise des finances départementales perdure, le Gouvernement regarde ailleurs et cherche à flatter la frange la plus dure de sa majorité, qui ose quelquefois se qualifier de « droite sociale » !
Un ministre du Gouvernement stigmatise ainsi les allocataires du RSA en les qualifiant de « cancer de la société » et d’irresponsables « assistés ». Sachez, monsieur le ministre, que c’est d’un véritable travail que ces personnes ont besoin, et non de sous-contrats de quelques heures, lesquels ne leur rendront pas confiance dans le monde du travail, dont ils se sentent, souvent à juste titre, exclus.
Le Gouvernement cherche également à effrayer l’opinion publique avec le poids financier de l’APA, dont la croissance ne pourrait pas être assumée par les pouvoirs publics et justifierait des mesures injustes – soit imposer le recours sur succession, soit faire appel aux assurances privées.
Enfin, le projet de loi sur la prise en charge de la dépendance, promis depuis 2007, se fait toujours attendre. Alors que le quinquennat du Président de la République touche bientôt à sa fin, aucune solution ne sera sans doute proposée aux départements.
Nos amendements visent à proposer une solution financière pour les départements. Nous refusons en effet de leur faire porter la totalité du poids de la solidarité sociale, alors même que l’État conserve une compétence générale en matière de détermination des normes, des mécanismes de calcul et des conditions d’accès à ces allocations.
L’absence de volonté des gouvernements successifs, qui n’assument pas leurs responsabilités face aux enjeux de la décentralisation, a mis les départements dans la situation financière que nous connaissons aujourd'hui et qui n’est plus tenable.
Certains départements ont souhaité porter l’affaire devant le Conseil constitutionnel, par le biais de trois questions prioritaires de constitutionnalité. Ces QPC ont été examinées le 14 juin dernier par le Conseil et les réponses devraient être connues le 30 juin prochain. Bien que la solution soit de nature plus politique que juridique, ces décisions sont attendues avec impatience.
Dans ces conditions, il nous semble important d’apporter dès aujourd'hui une solution afin de pérenniser le financement des allocations de solidarité. Tel est l’objet de nos trois amendements, qui tendent à prévoir un effort financier supplémentaire de l’État.
Bien sûr, on nous objectera que nous chargeons encore une fois la barque de l’État. À cela je répondrai, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que les amendements que nous avons déposés, tout particulièrement ceux que nous avons défendus en début d’après-midi, tendaient à prévoir plusieurs milliards d’euros de recettes possibles grâce au peignage fin de certaines niches fiscales – je pense en particulier à la « niche Copé », dont le réexamen permettrait incontestablement de dégager des ressources et, ainsi, de financer les dispositifs que nous proposons.
Je comprends bien l’inspiration de ces amendements, dont les dispositions sont bien connues, car nous en avons plusieurs fois déjà débattu.
Je me contenterai d’indiquer que les dispositifs proposés entraîneraient des dépenses supplémentaires pour l’État, évaluées respectivement, en valeur 2009, à 700 millions d’euros pour le premier amendement, à 2, 3 milliards d’euros pour le deuxième et à 333 millions d’euros – seulement !
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Au demeurant, compte tenu des arguments que notre collègue Charles Guéné a développé dans l’excellent rapport qu’il a rédigé sur une récente proposition de loi du groupe socialiste, il ne me paraît pas possible, du moins dans l’immédiat, d’aller dans le sens que vous souhaitez, cher collègue.
Vous comprendrez donc que la commission ait de nouveau émis un avis défavorable sur ces amendements.
Les arguments qui nous sont opposés, monsieur le rapporteur général, paraissent un peu sommaires compte tenu de l’urgence qu’il y a aujourd'hui à apporter des réponses aux départements.
Je conçois qu’il soit difficile de dégager des marges de manœuvre dans ce projet de loi de finances rectificative, qui est calculé au centime près, mais vous ne pouvez pas refuser d’écouter l’opposition quand elle propose de trouver des ressources supplémentaires. Vous ne pourrez pas nous opposer ce type d’argument chaque fois que nous ferons une proposition !
Mes chers collègues, le problème des finances publiques en France aujourd'hui est bien le manque de recettes. La droite est responsable depuis 2002 de la perte de 60 milliards d’euros de recettes, comme l’a montré la Cour des comptes. Cela a été rappelé à plusieurs reprises.
Si vous refusez toutes nos propositions visant à réduire les niches fiscales afin de dégager des ressources, vous serez en permanence confrontés, c’est sûr, à des refus de prise en charge des compétences décentralisées. À terme, les départements seront dans une situation ingérable.
Je regrette sincèrement que vous ne soyez pas capables de vous projeter dans l’avenir des départements, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, et que nous ne parvenions pas à trouver des solutions satisfaisantes. Les départements sont dans une situation financière de plus en plus périlleuse. C’est tout à fait regrettable, car cette situation met également en péril la décentralisation, à laquelle nombre d’entre nous ici sont attachés. Sans moyens financiers, je crains que nous ne soyons pas en mesure de donner satisfaction à nos concitoyens !
Les questions de compensation sont très importantes pour les départements. Toutefois, la contrainte financière que vous évoquez, monsieur Marc, va s’imposer à l’ensemble des collectivités territoriales.
Je suis totalement d’accord avec vous concernant les niches fiscales et sociales, mais comment parviendrez-vous à réduire le déficit public si vous n’utilisez pas le produit de la suppression de ces niches pour le combler ? Si vous affectez ce produit à d’autres dépenses, vous n’aurez aucune chance de rétablir l’équilibre des finances publiques.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 129 rectifié, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre II du titre III du livre II est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« sous-section 3
« Dispositions communes à l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile et en établissement
« Article L. 232-11-1 - À compter de 2011, les charges résultant, pour les départements, des prestations versées au titre des articles L. 232-3 et L. 232-8 sont compensées sur la base des dépenses constatées aux derniers comptes administratifs connus des départements.
« La compensation versée en application de l’article L. 232-3 est calculée hors le montant actualisé versé en 2001 au titre de la prestation spécifique de dépendance, créée par la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l’attente du vote de la loi instituant une prestation d’autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l’institution d’une prestation spécifique dépendance.
« Les compensations versées au titre des deux alinéas précédents sont ajustées par département, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges, dans les conditions prévues au II de l’article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
« Dans l’attente du calcul de ces compensations définitives au titre d’une année considérée, l’État assure mensuellement, à chaque département, le versement d’une somme calculée sur la base de la compensation complémentaire déterminée au titre de l’exercice précédent. » ;
2° Après l’article L. 232-3, il est inséré un article L. 232-3-1 ainsi rédigé :
« I. – Pour chaque département, le droit à compensation de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile est calculé en prenant en référence le plan d’aide moyen national établi par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
« Sur la base de la moyenne des dépenses constatées au titre des trois derniers exercices, la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie calcule, pour chaque département et au niveau national, les montants moyens des plans d’aide établis à l’aide de la grille nationale mentionnée à l’article L. 232-2 pour chacun des groupes iso-ressources.
« Elle détermine aussi pour chaque département et au niveau national le montant moyen des plans d’aide sur l’ensemble des groupes iso-ressources.
« II. - Pour les départements dont le montant moyen des plans d’aide est supérieur au montant moyen des plans d’aide au niveau national, le droit à compensation est calculé en multipliant le nombre réel de bénéficiaires par le montant national résultant du calcul effectué au deuxième alinéa du I du présent article.
« III. - Pour les départements dont le montant moyen des plans d’aide est inférieur au montant moyen des plans d’aide au niveau national, le droit à compensation est calculé en multipliant le nombre réel de bénéficiaires par le montant départemental résultant du calcul effectué au deuxième alinéa du I du présent article.
« IV. - Chaque département reçoit 90 % du droit à compensation visé au II et III du présent article. » ;
3° Après l’article L. 232-8 il est inséré un article L. 232-8-1 ainsi rédigé :
« I. - Le droit à compensation de l’allocation personnalisée d’autonomie en établissement est calculé en prenant en compte l’ensemble des forfaits globaux mentionnés au 2° de l’article L. 314-2 versés dans le département aux établissements relevant du I de l’article L. 313-12.
« La caisse nationale de solidarité pour l’autonomie calcule pour chaque département et au niveau national, les valeurs départementales et la valeur nationale du point groupe iso-ressources dépendance en divisant pour le dernier exercice connu le total des forfaits globaux mentionnés au 2° de l’article L. 314-2 par le total des points groupes iso-ressources dépendance des établissements concernés.
« La caisse nationale de solidarité pour l’autonomie calcule aussi le groupes iso-ressources moyen pondéré des établissements relevant du I de l’article L. 313-12 dans le département.
« II. - Pour les départements dont la valeur du point groupes iso-ressources dépendance est supérieure au montant de la valeur nationale, le droit à compensation est calculé en multipliant d’abord la valeur nationale du point groupes iso-ressources dépendance par le groupes iso-ressources moyen pondéré départemental et ensuite, le résultat ainsi obtenu, par le nombre départemental de places dans les établissements relevant du I de l’article L. 313-12.
« III.- Pour les départements dont la valeur du point groupes iso-ressources dépendance est inférieure au montant de la valeur nationale, le droit à compensation est calculé en multipliant d’abord, la valeur départementale du point groupes iso-ressources dépendance par le groupes iso-ressources moyen pondéré départemental, et ensuite, le résultat ainsi obtenu par le nombre départemental de places dans les établissements relevant du I de l’article L. 313-12.
« IV. – Chaque département reçoit 90 % du droit à compensation visé aux II et III du présent article. »
II. - La compensation complémentaire aux départements est assurée par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
III. - La perte de recettes résultant pour l’État de l’application du présent article est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a déjà été défendu.
Je rappelle qu’il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 130 rectifié, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 245-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 245-1-1. – À compter de 2011, les charges résultant pour les départements des prestations versées au titre de l’article L. 245-1 sont compensées sur la base des dépenses constatées aux derniers comptes administratifs connus des départements.
« II. - La compensation versée au titre du I est ajustée par département, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges, dans les conditions prévues au II de l’article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
« III. - Dans l’attente du calcul de cette compensation définitive au titre d’une année considérée, l’État assure mensuellement, à chaque département, le versement d’une somme calculée sur la base de la compensation complémentaire déterminée au titre de l’exercice précédent. »
II. - La compensation complémentaire aux départements est assurée par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
III. - La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a déjà été défendu.
Je rappelle qu’il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 36 rectifié quater, présenté par Mme Keller, M. Hérisson, Mmes Henneron et Sittler, M. Bernard-Reymond et Mme Desmarescaux, est ainsi libellé :
Après l'article 7 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Il est opéré, en 2011 et au profit du budget général de l'État, un prélèvement exceptionnel de 200 millions d'euros sur le produit des contributions additionnelles mentionnées au III de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles.
II. - La perte de recettes résultant, pour le fonds national des solidarités actives, des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Fabienne Keller.
J’évoquerai ici la situation du Fonds national des solidarités actives, aussi appelé « Fonds Hirsch ».
Ce fonds présentait un solde très excédentaire, de l’ordre de 300 millions d’euros, à la fin de l’année dernière, ce qui sera encore le cas cette année, malgré une réduction des versements, comme l’ont montré dans leur excellent rapport nos collègues Albéric de Montgolfier et Auguste Cazalet.
Ce fonds est destiné à financer le RSA activité, c'est-à-dire l’accompagnement des personnes les plus fragiles et les plus éloignées de l’emploi.
L’amendement que je présente vise à accompagner ces personnes dans leur retour vers l’emploi, mais dans un autre cadre que le RSA, grâce aux contrats aidés de l’éducation nationale.
Cette proposition s’inscrit dans le droit fil de la décision prise par le Président de la République au mois de février dernier de consacrer 500 millions d’euros à l’emploi, notamment à travers les contrats aidés, et des mesures qu’il a annoncées hier en Lozère en faveur de l’école, notamment le moratoire sur les fermetures de classes.
La réaffectation de l’excédent de ce fonds permettrait, notamment, d’assurer la prolongation ou le renouvellement de contrats d’accompagnement dans l’emploi et d’autres contrats aidés pour le soutien administratif dans les écoles ou l’appui à un certain nombre de projets pédagogiques dans différents établissements scolaires.
L’idée est de conserver l’esprit du fonds Hirsch. Il s’agit d’accompagner les personnes dans leur retour vers l’emploi, mais dans un cadre un peu plus large. On prendrait ainsi en compte le nombre plus faible qu’escompté de bénéficiaires du RSA activité. Le volet « accompagnement vers l’emploi » étant un peu moins important que prévu, il convient d’utiliser les excédents du Fonds pour d’autres contrats aidés, afin de faciliter le rebond d’après la crise qui est constaté aujourd'hui sur le marché de l’emploi.
L'amendement n° 220 rectifié, présenté par MM. Hérisson et Carle, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est opéré, en 2011 et au profit du budget général de l’État, un prélèvement exceptionnel de 50 millions d’euros sur le produit des contributions additionnelles mentionnées au III de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles.
II. – La perte de recettes résultant pour le fonds national des solidarités actives des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 36 rectifié quater ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Présenter cet avis est une douleur !
Sourires
En revanche, du point de vue budgétaire, cette mesure conduirait à compromettre l’équation de 2012.
Le Fonds national des solidarités actives fait partie des très nombreux « machins » qui existent dans la périphérie de l'État, au point que l’on s’y perd, et qui sont si bien dotés qu’ils sont en général excédentaires.
Si j’ai bien compris, l’excédent de ce fonds sera reporté et contribuera à l’équilibre de l’année 2012. Si on l’utilise aujourd'hui, fut-ce en faveur de l’excellent dispositif proposé par Fabienne Keller, il faudra accorder une dotation de 200 millions d’euros de crédits budgétaires au Fonds national des solidarités actives.
Je vous dis tout cela avec beaucoup de gêne, mes chers collègues, car j’ai développé cette argumentation aux côtés du président Arthuis au sein de la commission des finances, et – cela n’est pas fréquent, mais cela peut arriver – nous avons été battus. L’amendement n° 36 rectifié quater a reçu un avis favorable de la commission, et il est de mon devoir de l’indiquer.
J’en suis vraiment désolé pour Mme Keller, que je tiens en haute estime pour son implication dans les politiques de solidarité, notamment, mais je suis très défavorable à cet amendement, et cela pour plusieurs raisons.
J’y suis hostile, tout d’abord, pour une raison de principe. Le RSA est financé par une taxe affectée, transmise à 100 % au Fonds national des solidarités actives. La conséquence d’un tel amendement, s’il était adopté, serait simple dans sa déclinaison et double dans sa construction. Si nous utilisions les 200 millions d’euros du Fonds national des solidarités actives pour financer les contrats aidés, il nous faudrait les compenser par une dotation budgétaire d’un montant équivalent, ce qui créerait un déficit structurel. Or nous ne pouvons nous le permettre aujourd'hui.
Je ne conteste pas la philosophie qui sous-tend cet amendement. Je ne dis pas qu’il n’est pas pertinent d’imaginer des politiques publiques plus efficaces en matière d’éducation. Simplement, nous n’avons pas aujourd'hui les moyens de telles politiques.
Ensuite, je suis défavorable à cet amendement pour des raisons de fond, madame la sénatrice. Vous proposez d’utiliser l’excédent de 200 millions d’euros du Fonds des solidarités actives pour créer 25 000 nouveaux contrats aidés. Sachant qu’il en existe déjà 25 000, vous proposez en fait de doubler ce nombre. Or nous refusons une telle évolution.
En effet, au départ, les contrats aidés, en particulier dans l’éducation nationale, s’inscrivaient dans le contexte particulier du lendemain de la crise et dans le cadre du plan de relance. L’objectif était de maintenir à flot l’activité économique et de permettre à des gens de conserver une activité, grâce à des contrats ponctuels à durée déterminée, pour des missions particulières.
Le plan de relance est aujourd'hui derrière nous. Cela signifie que nous sommes sortis de la crise.
Nous avons souligné dès l’an dernier, au moment des discussions portant sur le budget triennal, qu’il n’était pas question de maintenir des dispositifs qui avaient été conçus dans l’urgence, afin de préserver l’équilibre douloureux de notre économie, fragilisée par la crise.
Ainsi, pour des raisons de fond qui tiennent à l’affectation des taxes et à la dotation du Fonds national des solidarités actives, aux contraintes budgétaires et au fait que 25 000 contrats aidés remplissent déjà des missions dans l’éducation nationale, le Gouvernement émet, malheureusement, un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos arguments. Je suis notamment très impressionnée par le chiffre que vous affichez : le doublement des contrats aidés !
Je ferai trois remarques.
Premièrement, la situation que vous décrivez n’est pas du tout celle que je vis dans le département dont je suis l’élue, qui passera – c’est la seule statistique dont je dispose – de 200 contrats aidés à 40. Il semble donc bien nécessaire de reconduire les contrats de ces personnes qui épaulent le personnel de nos établissements scolaires.
Deuxièmement, et sans entrer dans les détails, un autre prélèvement sera opéré sur le Fonds national des solidarités actives, qui servira à financer autre chose que le RSA. Le principe que vous mentionnez subit donc déjà des dérogations, qui pourraient dès lors bénéficier aussi aux personnes en recherche d’emploi.
Troisièmement, vous affirmez que nous sommes sortis de la crise. Tel n’est pas le sentiment qui prédomine dans les quartiers fragiles et chez les personnes qui sont loin de l’emploi. C’est tout l’enjeu de cet amendement. C’est aussi toute la question de l’équilibre de cette loi de finances rectificative et des lois de finances à venir.
L’économie repart... Je me suis promenée ce matin au salon de l’aéronautique du Bourget : c’est Byzance ! L’industrie repart, mais va-t-elle laisser sur le carreau les populations les plus éloignées de l’emploi, comme pourrait le laisser accroire le sempiternel discours sur le manque de personnel qualifié pour répondre aux milliers d’offres d’emplois suscitées par les remarquables ventes réalisées dans ce secteur ?
Cet amendement tend à épauler les plus éloignés de l’emploi, les plus fragiles. L’objectif est donc bien le même que dans le cas du RSA. Parmi les systèmes si compliqués qui ont été mis en place pour accompagner les personnes fragiles, il s’agirait simplement d’un autre dispositif, mais qui sert exactement le même but.
Monsieur le ministre, pardonnez ma passion, mais il me semble que nous sommes à un moment où il faut accompagner non seulement l’économie, mais aussi les personnes qui aimeraient mieux contribuer à son fonctionnement.
Mme Keller vient de montrer que les affirmations du Gouvernement en matière de contrats aidés n’étaient pas justes.
À l’évidence, monsieur le ministre, vous avez supprimé les contrats aidés, puis vous les avez rétablis, mais en moins grand nombre qu’auparavant. Et les chiffres que Mme Keller a donnés valent pour d’autres départements.
Dans ces conditions, notre collègue se voit contrainte – et c’est d’ailleurs le problème de fond qui est posé au travers de son amendement – de pallier ces insuffisances en piochant dans le Fonds national des solidarités actives. À ce propos, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, n’utilisez pas le terme de « machin » pour désigner cette structure ! Il est désobligeant pour les gens qui ont la volonté de revenir vers l’emploi et que l’on aide au travers de ce Fonds et du RSA, même si beaucoup d’entre vous, chers collègues de la majorité, n’ont jamais accepté, je le sais bien, ce dispositif.
Je tiens à souligner que le désengagement de l’État, notamment dans le secteur de l’éducation nationale, est patent et crée de nombreux problèmes.
Sur le fond, même si les arguments de M. le ministre sur l’affectation et la préservation de la ressource fiscale sont bons, cet amendement vise le même objectif que le RSA. On sait très bien que ces emplois créés dans l’éducation nationale sont utiles. On le voit au travers des nombreuses demandes qui émanent des municipalités et des écoles.
Toutefois, même si la finalité de cette mesure est bonne, il n’est pas louable de piocher dans le Fonds national des solidarités actives, et cela nous pose problème.
Ce que nous tenons à dire, c’est que le Gouvernement ne fait pas ce qu’il faut en matière de contrats aidés, et surtout dans l’éducation nationale, où il se borne à se désengager ! Quelque 1 500 postes d’enseignants seront encore supprimés à la rentrée de 2011 et des écoles devront être fermées parce qu’il n’y aura pas assez d’instituteurs.
On s’attaque à l’avenir des enfants, qui seront les jeunes actifs de demain. Il faut réduire la dette pour ne pas la laisser aux générations futures, nous dites-vous, monsieur le ministre. Mais vous, vous leur laisserez une éducation nationale en lambeaux !
Pour pallier ce désengagement, Mme Keller a donc été obligée de présenter un tel amendement.
Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes.
Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le ministre.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.
La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me paraît préférable de nous prononcer dès maintenant sur l’amendement n° 36 rectifié quater de Mme Fabienne Keller, afin d’éviter de devoir y revenir ce soir.
Je crois savoir d’ailleurs que Mme Keller accepte de rectifier son amendement…
Monsieur le président de la commission des finances, si Mme Keller souhaite rectifier son amendement, il vaut mieux en reporter l’examen à la séance de ce soir.
Ce soir, à la reprise de nos travaux, nous examinerons les amendements portant sur l’article 8, relatif à la taxe d’apprentissage et à l’alternance ainsi qu’au système de bonus, puis les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 8, et, enfin, les amendements portant sur l’article d’équilibre.
Ensuite, nous entamerons la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances rectificative. Dans ce cadre, je souhaiterais que nous examinions par priorité l’article 18 bis, relatif à l’aide médicale d’État, et l’article 22, relatif au Mediator, afin que M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé puisse être parmi nous.
Avis favorable.
L’ordre du jour appelle un débat préalable au Conseil européen du 24 juin 2011.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis évidemment très heureux de pouvoir m’exprimer devant vous à la veille d’un Conseil européen important.
En effet, les dossiers à gérer sont nombreux, et nous savons tous la valeur prééminente que le Sénat accorde à l’élaboration de la stratégie européenne de la France.
À cet égard, permettez-moi de saluer une nouvelle fois le travail rigoureux de Jean Bizet au sein de la commission des affaires européennes. Je souhaite aussi rendre hommage au travail en profondeur effectué par les sénateurs sur les questions européennes pour que notre représentation nationale puisse disposer d’un éclairage de qualité. Je pense, notamment, aux deux derniers rapports rédigés, pour l’un, par MM. Jacques Blanc et Didier Boulaud sur l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, et, pour l’autre, par MM. Jean-François Humbert et Simon Sutour sur la Grèce et la zone euro.
Ne nous cachons pas les réalités. Depuis 2007, l’Union européenne fait face à de nombreuses turbulences : crise du fonctionnement des institutions, crise financière et économique, crise de la dette souveraine, attaques spéculatives contre la zone euro, ou encore, dernièrement, dans un autre registre, tensions vives aux frontières de l’espace Schengen.
Faut-il pour autant désespérer de la cause européenne ? N’est-il pas plutôt nécessaire de revenir au message de Jean Monnet, qui déclarait : « L’Europe se fera dans les crises. Elle sera la somme des solutions qu’on apportera à ces crises » ? Et si nous avons assurément notre lot de crises, nous ne manquons pas non plus de solutions !
L’Union européenne n’est pas restée paralysée face aux dangers.
Alors que cette période restera sans doute dans l’Histoire comme l’un des grands moments de test de la solidité de l’édifice européen, nous nous sommes systématiquement employés à défendre la construction européenne, à consolider l’essentiel, à tenter de faire bouger les lignes, à nouer des compromis, à définir des solutions, à écarter les dangers et, progressivement, à faire en sorte que l’Europe puisse réagir et repartir de l’avant. Le prochain Conseil européen illustrera une nouvelle fois ce mouvement et ces efforts.
Nous avancerons dans quatre directions principales, qui sont toutes importantes : la concrétisation de la nouvelle gouvernance économique européenne, le renforcement de la gouvernance de l’espace Schengen, la rénovation de la politique de voisinage et, surtout, la conclusion des négociations d’adhésion avec la Croatie, qui prennent une dimension historique toute particulière s’agissant de cette zone géopolitique.
J’évoquerai tout d’abord la gouvernance économique européenne.
Le Conseil européen nous permet de mettre concrètement en œuvre la nouvelle procédure de coordination des politiques économiques et d’approuver le traité mettant en place le mécanisme européen de stabilité.
Revenons quelques instants sur ce qui vient de se passer. Les efforts portés par le Président de la République face à la crise de l’euro ont été engagés dans deux directions.
D’une part, il était urgent de réagir face à la crise elle-même, afin d’empêcher qu’elle ne détricote l’ensemble de l’édifice de l’euro, l’un des principaux acquis de la construction communautaire.
D’autre part, et dans le même temps, il fallait tirer des leçons structurelles quant à la conception même de l’euro, afin de remédier à ses faiblesses initiales. En l’occurrence, la leçon à retenir est fort simple : une monnaie commune n’est pas viable sans racines économiques communes !
Ce Conseil européen sera aussi l’occasion pour les chefs d’État et de gouvernement de rappeler les nouveaux engagements pris au titre du Pacte pour l’euro plus. Cette initiative, que nous avons défendue avec nos amis allemands, vise à accélérer la convergence des politiques économiques, comme le souhaitaient les Français, toutes tendances politiques confondues, depuis des années.
Parmi les éléments de cette convergence figurent l’instauration d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés – en cas de succès, ce serait un progrès considérable dans la coordination européenne ! –, la mise en place d’une fiscalité énergétique, les efforts réalisés dans la conception d’une taxe sur les transactions financières – cette idée, qui est soutenue par la France, progresse auprès de nos partenaires – ainsi que l’intensification de la lutte contre les pratiques fiscales dommageables.
Est-il normal, par exemple, que Google réalise des chiffres d’affaires considérables dans les différents États membres, perçoive l’ensemble de ses bénéfices en Irlande et parvienne, via le système dit du « Double Irish », à se soustraire à la quasi-totalité de la fiscalité européenne ?
Je me réjouis du soutien qui vient d’être exprimé par M. le rapporteur général de la commission des finances.
Les progrès qui pourront être réalisés sur les quelques sujets que je viens d’évoquer seront évidemment décisifs pour la consolidation durable de l’euro et pour la coordination économique au sein de l’Union.
Ce Conseil européen offrira également l’occasion de signer le traité intergouvernemental sur le mécanisme européen de stabilité. Ce dispositif, qui sera doté de 500 milliards d’euros de capacité de prêt effective, constitue la meilleure réponse que nous pouvions apporter aux spéculateurs pariant sur le détricotage de l’euro. C’est le choix d’une solidarité européenne qui a été fait. En effet, nous avons toujours été convaincus, et nous pouvons en être fiers, que les attaques lancées contre la Grèce visaient en réalité notre monnaie commune.
Nous pouvons également mesurer le chemin parcouru de ce point de vue. Certes, on peut toujours pointer telle ou telle faiblesse de l’euro. Néanmoins, observons les progrès accomplis depuis deux ans ! Voilà deux ans à peine, il n’existait aucun mécanisme de défense de l’euro ; aujourd'hui, nous disposons d’une capacité de prêt effective de 500 milliards d’euros pour réagir en cas d’attaque spéculative.
Le Conseil européen abordera également la question du « paquet législatif » sur la gouvernance économique dans la perspective des discussions qui ont lieu encore en ce moment entre le Conseil et le Parlement européen.
Enfin, ce Conseil européen devrait clore le premier exercice du « semestre européen ». L’objectif est d’évaluer les engagements souscrits par les États membres dans leurs programmes nationaux de réforme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprendrez évidemment que je souhaite évoquer le cas de la Grèce.
Sur ce dossier, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont clairement rappelé que tout serait fait pour défendre la zone euro. L’identité de vues franco-allemande, qui n’était pas évidente a priori, a pu être dégagée le 17 juin dernier à Berlin, ouvrant ainsi la voie à l’adoption de nouvelles mesures de soutien à la Grèce.
Alors que le débat public français n’a bien souvent rien à voir avec celui qui est mené en Allemagne, il est tout de même très intéressant de noter que les dirigeants de nos deux pays ont chaque fois été capables de parvenir à des positions communes, faisant ainsi évoluer notre approche de la crise grecque. C’est sur cette base que des décisions concrètes seront prises par les ministres des finances le 3 juillet prochain.
Comme vous le savez, le principe d’une aide supplémentaire à la Grèce a été acté, et le compromis franco-allemand a permis que ses modalités soient précisées.
J’y insiste : les créanciers privés participeront, sur une base volontaire, à l’effort de financement de la dette grecque, vraisemblablement par des opérations de roulement de la dette arrivée à maturité.
Pour autant, et il ne doit subsister aucun doute sur ce point, restructurer ne signifie nullement admettre un quelconque défaut de paiement. Nous excluons totalement cette option, car elle reviendrait à faire payer…
… l’ensemble des pays de la zone euro, ce que ne nous voulons en aucun cas.
La troïka formée par le FMI, la Commission européenne et la BCE travaille activement à un accord technique avec Athènes. À très court terme, le déboursement de la cinquième tranche de 12 milliards d’euros du plan de soutien devrait intervenir au début du mois de juillet prochain, après le vote d’un nouveau train de mesures par le parlement grec.
Grâce aux dispositions qui ont été adoptées, la Grèce peut aujourd'hui se financer sur les marchés financiers à moyen terme à un taux d’environ 5 %. D’après les différents économistes, sans ces mesures, les taux seraient de 25 % !
Quant aux hypothèses selon lesquelles la Grèce sortirait de l’euro qui ont été envisagées par certains, elles sont tout simplement absurdes : dès lors que la dette grecque est établie en euros, ce scenario aboutirait à une explosion de l’endettement du pays.
Les Grecs doivent naturellement prendre leurs responsabilités. Nous avons conscience que cela leur demandera de très lourds efforts et ne sera pas facile. Pour autant, le gouvernement de Georges Papandréou a pris des décisions courageuses, nous ne pouvons que le souligner. Il a présenté une nouvelle stratégie budgétaire, qui comprend des mesures d’économies et de privatisation, pour lever environ 50 milliards d’euros. Ce plan courageux doit être adopté par le Parlement grec et tenu de bout en bout.
En prenant un peu de recul, en examinant la situation passée et présente de la France, nous nous apercevons que la crise de la Grèce est celle d’un pays qui n’a pas su prendre des réformes à temps et qui a laissé s’accumuler et dériver des déficits devenus insupportables.
Tous les efforts décidés par le gouvernement français, qui sont parfois difficiles à accomplir, vont dans le sens de l’intérêt général. Il faut l’expliquer à l’opinion publique. L’objectif est précisément d’éviter que la France ne soit, à son tour, prise dans la tourmente. Nous devons tout faire pour que notre pays soit protégé et n’ait pas à connaître les difficultés que traversent aujourd'hui la Grèce, l’Irlande et le Portugal.
Il faut du courage politique si nous voulons mener notre pays à bon port. J’en suis convaincu : lorsque nos compatriotes voient les difficultés auxquelles doit faire face le peuple grec, parce son gouvernement n’a pas su prendre, à temps, les mesures courageuses qui s’imposaient, ils comprennent que notre action a pour objectif non pas de les punir, mais, bien au contraire, de les protéger et de faire en sorte que notre pays n’ait jamais, à quelque moment de son histoire, à connaître un tel destin.
J’en viens maintenant au deuxième enjeu de ce Conseil européen, à savoir la réforme de la gouvernance de Schengen.
Ce point a été inscrit à l’ordre du jour à la demande de la France. Qu’il n’y ait aucune ambiguïté : la libre circulation des personnes est un acquis fondamental de l’Europe. C’est même l’une des matérialisations les plus concrètes pour nos compatriotes des apports de l’Europe. Nous devons le préserver et il n’est pas question de le remettre en cause. Toutefois, maintenir un acquis ne suppose pas d’être myope vis-à-vis des difficultés de la politique européenne. À l’évidence, Schengen, aujourd'hui, a besoin d’être réformé et renforcé.
C’est précisément le sens des propositions que le chef de l’État a faites conjointement avec l’Italie le 26 avril dernier. Ces propositions ont donné le tempo de la séquence que viendra clore le Conseil européen qui se tiendra demain.
Renforcer Schengen, c’est d’abord le doter d’une véritable direction politique, qui lui fait actuellement défaut. Comme Claude Guéant l’a rappelé, il faut qu’il y ait un pilote et que nos concitoyens sachent de qui il s’agit.
Par ailleurs, renforcer Schengen suppose d’avoir une défense européenne commune qui soit plus efficace. Oui, la défense de nos frontières communes passe par une approche commune. Je me suis rendu à Varsovie, au siège de l’agence Frontex. J’ai constaté, à cette occasion, que ses capacités opérationnelles devaient être renforcées. La France plaide pour la création en son sein d’un corps d’inspecteurs européens, en attendant, le moment venu, la mise en place d’un système européen de garde-frontières.
Renforcer Schengen, c’est enfin lui donner plus de flexibilité. Nous devons pouvoir réagir en cas de crise. L’analogie avec les difficultés que rencontre l’euro est éclairante. Les systèmes européens ne peuvent pas tenir sur la durée sans une capacité de réaction en cas de crise. Ce qui faisait défaut à l’euro, c’était un système de défense en cas d’attaque spéculative. Ce qui fait défaut à Schengen, c’est un système de défense si un État membre n’arrive pas à faire face à une crise migratoire. C’est tout le sens de la proposition française.
Nous voulons qu’il soit possible de rétablir de façon temporaire des frontières intérieures, dans le cadre d’une coopération communautaire, pour faire face soit à des situations exceptionnelles, comme l’arrivée massive de migrants, soit à la défaillance systématique d’un État en matière de sécurité de ses frontières extérieures.
Il s’agit non pas de détricoter la dimension communautaire de Schengen, mais, au contraire, de la renforcer. Il s’agit non pas d’affaiblir Schengen, mais, au contraire, de lui donner du muscle. Si nous voulons que nos compatriotes croient en la possibilité d’une réponse européenne, nous ne devons pas être aveugles à la nécessité de pouvoir apporter des réponses en temps de crise.
Ce qui s’est passé à Lampedusa est terriblement fragilisant pour le système de Schengen. Que nous puissions réagir dans de tels cas de figure est impératif si nous voulons que nos compatriotes conservent leur confiance en l’Europe. Cela suppose également la mise en œuvre d’un régime européen d’asile, la poursuite d’une politique équilibrée en matière de visa, la définition d’une relation mutuellement bénéfique avec les pays du voisinage Sud.
J’en viens au troisième enjeu du prochain Conseil européen, à savoir la politique européenne de voisinage.
La réforme engagée est essentielle pour ne pas manquer le train de l’Histoire. Souvent, le Sénat a été aux avant-postes ; bien avant d’autres, il a insisté sur les enjeux historiques du printemps arabe. Le Conseil européen évoquera, bien sûr, les crises qui se déroulent en Libye, en Syrie, au Yémen, ainsi que notre initiative pour relancer le processus de paix.
Cependant, l’enjeu est aussi de définir clairement les objectifs et les modalités de l’action de l’Union européenne. Selon moi, cet objectif peut se définir assez simplement : investir dans la démocratie.
Notre histoire, notamment au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, nous prouve qu’il ne peut y avoir de transition démocratique réussie sans un accompagnement fort. La réussite démocratique doit être en même temps économique et sociale.
Le Conseil européen devra donc fixer les bases des différentes propositions faites par la Haute représentante et par la commission. Il s’agit d’appuyer les évolutions démocratiques et de soutenir les sociétés civiles. Je salue, une nouvelle fois, le processus courageux et nécessaire engagé par le roi Mohamed VI au Maroc. Nous ne devons pas uniquement nous concentrer sur des pays tels que la Tunisie et l’Égypte. Nous ne devons pas oublier ceux qui cheminent avec prudence et constance, en essayant d’éviter les difficultés pouvant naître d’une révolution brusque.
Il s’agit également de soutenir une croissance économique durable et solidaire et d’organiser la mobilité des populations. Tout cela suppose des moyens et des ressources financières nouvelles. L’Union européenne doit être à la hauteur de ce défit historique. C’est la raison pour laquelle les crédits européens pour les seize pays couverts ont été augmentés de 1, 2 milliard d’euros, ce qui portera cette enveloppe à 7 milliards d’euros. C’est la raison pour laquelle le niveau de prêts de la Banque européenne d’investissement à la Méditerranée a été relevé, pour être porté à 6 milliards d’euros. C’est la raison pour laquelle nous envisageons l’extension du mandat de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, aux pays du sud de la Méditerranée, ce qui représente 2, 5 milliards d’euros. C’est enfin la raison pour laquelle la France plaide avec acharnement pour que le ratio « deux tiers-un tiers » continue de bénéficier au voisinage Sud. Ce n’est pas au moment où la rive sud de la méditerranée a besoin de nous qu’il faut l’abandonner !
N’oublions pas cette leçon simple de l’histoire que nous a léguée par Braudel : l’Europe a été prospère quand la rive nord et la rive sud de la Méditerranée commerçaient ensemble et maintenaient un équilibre.
Ce soutien financier de l’Union européenne passe aussi par une implication dans l’Union pour la Méditerranée et par un meilleur appareillage entre l’Union pour la Méditerranée et l’Union européenne.
Je conclurai mon intervention en évoquant un sujet historique dont chacun, ici, mesure l’importance, je veux parler de la poursuite de l’élargissement de l’Union européenne aux Balkans avec les négociations d’adhésion de la Croatie, dont le Conseil européen pourra constater la conclusion.
En pensant l’Europe, nous devons avoir en tête les enjeux financiers et économiques, ainsi que le développement des d’infrastructures, naturellement. Toutefois, nous ne devons jamais oublier pour autant les enjeux historiques, notamment la préservation de la paix sur le continent européen. Dans un monde aujourd'hui traversé par des crises brutales, pouvant déstabiliser une région du jour au lendemain, l’Europe est un profond facteur de stabilité. Nous le mesurons pleinement avec la Croatie et la Serbie, pays théâtres de massacres il y a à peine quinze ans, pour qui l’horizon européen a été un puissant facteur de paix. C’est aussi cela l’Europe, ne l’oublions jamais. Le président Pompidou était particulièrement attaché à cette dimension.
La clôture de l’adhésion de la Croatie est, de ce point de vue, particulièrement importante. La France l’a voulue, la France l’a soutenue, mais la France a aussi souhaité que la clôture des négociations se fasse sur des bases saines. Nous avions été amenés, monsieur le président de la commission des affaires européennes, à évoquer ce sujet ensemble. Le but n’est pas d’élargir l’Union européenne, sabre au clair, pour donner satisfaction à tel ou tel pays. Si nous voulons être crédibles, si nous voulons que les États qui entrent dans l’Union européenne ne rencontrent pas de difficultés par la suite, l’élargissement doit s’opérer sur des bases extrêmement saines, en tenant compte de critères d’évaluation stricts et en respectant rigoureusement l’acquis communautaire.
De ce point de vue, la France a plaidé pour une nouvelle approche. Jusqu’à présent, après la clôture des négociations, s’ouvrait une période d’environ deux ans et demi avant l’entrée effective au sein de l’Union européenne, période au cours de laquelle l’effort se relâchait, car les pays avaient le sentiment d’avoir franchi la ligne d’arrivée. Un temps très précieux était alors perdu.
La France a donc défendu, en bonne entente avec le gouvernement croate, le principe d’un suivi durant la phase intermédiaire, assez longue, entre la clôture des négociations et l’adhésion. La Croatie a accompli des efforts remarquables d’adaptation durant cette période, je tiens à le souligner avec force.
Au cours de cette phase de préadhésion, nous avons pu nous assurer que la lutte contre la corruption progressait, que les réformes envisagées pour la justice étaient bien mises en place et que le programme de privatisation était correctement mené. Nous avons pu également apporter tout l’accompagnement nécessaire aux Croates, pour qu’ils cheminent jusqu’au bout sur le sentier européen.
Il s’agit d’un véritable changement dans notre approche des négociations d’adhésion, qui devrait nous permettre de poser des bases plus solides que dans le passé.
Je suis convaincu que la Croatie peut être une histoire à succès particulièrement précieuse pour la suite de l’élargissement européen. Sur ce territoire, l’Europe panse ses plaies, soigne ses blessures, qui viennent souvent de très loin dans notre histoire commune, et adresse un profond message d’espoir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, oui, l’Europe traverse des crises. Non, l’Europe n’est pas un grand corps malade ! Face aux tensions, aux défis, l’Europe est capable de réagir, même dans la douleur et la difficulté. Elle trouvera des réponses grâce à une plus grande coordination et à un renforcement de l’Union. Pour la France, cela suppose que nous jouions totalement notre rôle, celui d’un pays proactif, profondément pro-européen, capable de proposer des initiatives.
En cette année 2011 où nous allons commémorer le centenaire de la naissance de Georges Pompidou, rappelons-nous la vision de la France et de l’Europe qu’il nous a léguée. Selon lui, l’avenir et l’influence d’un pays comme le nôtre au XXIe siècle passaient incontestablement par l’Europe. Néanmoins, ce levier d’influence européen n’a de sens pour la France que si notre pays est au premier plan des initiatives, s’il participe d’une avant-garde cherchant à renforcer systématiquement, à travers les crises et les épreuves, la coordination européenne, la convergence et la capacité à construire notre avenir commun. C’est ce que nous ferons dans les deux jours qui viennent.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai pas besoin de souligner l’importance du Conseil européen du 24 juin prochain. La reprise économique qui commence à s’affermir peut être mise en danger par les séquelles de la crise sur les finances publiques. Le Conseil européen doit apporter une réponse crédible, sinon nous connaîtrons de nouvelles turbulences.
Comme la Grèce se trouve au centre des difficultés, la commission des affaires européennes a confié à deux de ses membres, Jean-François Humbert et Simon Sutour, le soin d’examiner la situation de ce pays. Leur rapport, que je vous invite à lire, car il est bien sûr de qualité, vient d’être publié. Je crois pouvoir en tirer quelques enseignements pour notre débat d’aujourd’hui.
Tout d’abord, il ne faut surtout pas stigmatiser le peuple grec. Certains clichés, certaines caricatures ne devraient pas avoir cours entre Européens.
Cela ne veut pas dire qu’il faut minimiser les maux dont souffre la Grèce. Ces maux sont anciens et ils sont connus : un secteur public hypertrophié et peu efficace, une fonction publique pléthorique, une mauvaise utilisation des fonds européens, une fiscalité apparemment élevée, mais très mal recouvrée. Et l’entrée dans la zone euro a eu, paradoxalement, un effet anesthésiant. La Grèce a bénéficié des taux d’intérêt relativement bas qui valaient, à l’époque, pour l’ensemble de la zone euro. Elle a fortement accru un endettement qui était, nous le savons maintenant, bien supérieur aux montants officiels.
Puis, les marchés ont commencé à différencier les dettes des États membres. Avec la crise, la situation de la Grèce est rapidement devenue intenable.
Nous voyons bien la difficulté : la Grèce a besoin, manifestement, de profondes réformes structurelles, nécessairement douloureuses. Or, par définition, les réformes structurelles n’apportent pas d’amélioration immédiate. Il faut du temps pour en recueillir les bienfaits.
Des mesures difficiles ont déjà été prises. L’âge de départ en retraite a été porté de 60 à 65 ans. Le nombre des collectivités territoriales a été divisé par trois. Parallèlement, des mesures de plus court terme ont été décidées pour réduire le déficit budgétaire : réduction des remboursements de l’assurance maladie, passage de la TVA de 21 % à 23 %, augmentation de 10 % des taxes sur les carburants et les alcools, suppression des treizième et quatorzième mois de salaire pour les fonctionnaires, gel des pensions de retraite.
Ces décisions n’ont pas suffi à desserrer l’étau. Il en résulte un sentiment d’inquiétude et d’injustice. La population a le sentiment qu’il lui est demandé sans cesse de nouveaux efforts sans qu’elle en entrevoie les bénéfices. À cela s’ajoute le sentiment d’être considéré de haut par les pays situés plus au Nord. Le désarroi est particulièrement sensible dans la jeunesse, qui va recevoir l’héritage d’années de facilité qu’elle ne connaîtra pas. Les sondages montrent qu’un jeune Grec sur trois souhaite s’expatrier.
Il est vrai que la Grèce doit aller bien plus loin dans les réformes. Toutefois, il ne faut pas que ces réformes apparaissent comme une punition. Pour paraphraser un mot célèbre, je dirai qu’il ne faut pas désespérer Athènes. Les réformes doivent apporter l’espoir, à moyen terme, d’un retour à la croissance et d’une société plus ouverte.
Là encore, les solutions sont bien identifiées : un sentiment de confiance ne peut renaître sans une profonde réforme de la gouvernance publique, incluant une lutte effective contre la fraude fiscale endémique. En outre, un vaste programme de privatisations est indispensable pour donner plus de dynamisme à l’économie et pour réduire l’encours de la dette. Ce programme est globalement évalué à 50 milliards d'euros. Nos amis grecs doivent bien prendre conscience que ces mesures sont totalement incontournables. C’est seulement dans le cadre de ces réformes préparant l’avenir que de nouvelles mesures d’austérité pourront être comprises.
En temps de paix, un gouvernement ne peut se résoudre à bousculer autant de situations acquises que s’il a le dos au mur. C’est pourquoi il est justifié d’imposer une conditionnalité stricte à la poursuite de l’aide européenne. En réalité, ni l’Union européenne ni la Grèce n’ont le choix, et rien ne serait pire que d’avoir un gouvernement grec jouant à cache-cache tandis que l’Union européenne feindrait de tergiverser sur son aide.
Quelles que soient les précautions terminologiques, une « restructuration » ou un « reprofilage » de la dette grecque apparaîtraient comme une forme de défaut de paiement, avec le risque d’une crise de confiance affectant d’autres pays européens, et la perspective d’un nouvel ébranlement des systèmes bancaires. Nous avons pris bonne note des propositions de M. le ministre, à savoir l’implication volontaire des investisseurs privés ; c’est une voie qui me semble tout à fait rationnelle et intéressante.
On ne peut prendre ce risque au sortir d’une récession qui a mis à mal les finances publiques de tous les États occidentaux. C’est pourquoi il est indispensable que l’Union européenne se dote des moyens nécessaires, selon le schéma arrêté au mois de mars dernier, avec le renforcement du Fonds européen de stabilité financière et la mise en place, après 2013, du mécanisme européen de stabilité, qui disposera d’une capacité de prêt effective de 500 milliards d’euros.
On peut dire, monsieur le ministre – et c’est à l’honneur du Gouvernement –, que l’attitude de la France dans les difficultés actuelles de l’Europe est bien perçue, parce que, face au risque d’un clivage Nord-Sud, nous apparaissons plutôt comme un trait d’union. Nous devons persévérer dans cette voie d’équilibre et de synthèse.
Nous n’avons pas à entrer dans de fausses oppositions, notamment celle entre le retour à la croissance et l’assainissement des finances publiques. Contrairement aux pronostics de certains, l’Europe connaît un début de reprise alors même que tous les pays membres s’efforcent de réduire leurs déficits ; ce sont les États dont l’effort d’assainissement est le plus crédible qui enregistrent les meilleurs résultats en termes de croissance.
Il ne faut pas davantage opposer la réduction des déficits et la préparation de l’avenir. D’abord, parce qu’on ne prépare pas l’avenir en léguant une dette excessive, même avec de bonnes intentions. Ensuite, parce que la réduction des déficits doit être un élément au sein d’une stratégie globale : elle doit s’accompagner des réformes structurelles qui rendront les pays européens plus compétitifs ; elle doit s’accompagner aussi d’une réorientation de la dépense, d’une plus grande sélectivité, au profit des dépenses qui préparent l’avenir, en premier lieu le soutien à la recherche et à l’innovation. C’est bien le sens de la stratégie « Europe 2020 » comme du pacte « euro plus ».
Ce souci d’équilibre et de synthèse – je terminerai par là mon intervention –, nous en avons également besoin pour un autre sujet important que doit aborder le Conseil européen, à savoir la réforme du système Schengen. Là encore, n’opposons pas – ou ne feignons pas d’opposer – les partisans de la libre circulation des personnes et ceux qui rêveraient, au nom de la sécurité, de rétablir les contrôles aux frontières intérieures.
Nous avons besoin, au contraire, d’une approche réaliste, qui combine, d’abord et avant tout, la libre circulation des personnes, M. le ministre l’a rappelé, mais aussi le renforcement des contrôles aux frontières extérieures et, tant que ce dernier ne sera pas pleinement acquis, la possibilité de prendre des mesures de sauvegarde dans des circonstances critiques, comme celles que nous avons connues récemment. Veillons à ne pas donner des armes aux extrémistes contre ce qui constitue un des grands acquis de la construction européenne.
Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques observations que je souhaitais faire à l’approche d’un Conseil européen dont le succès est particulièrement nécessaire à l’Europe.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant dans ce débat au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je centrerai mon propos sur un point qui nous est apparu très important : l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne. En effet, notre commission a travaillé en profondeur sur cette question, qui a donné lieu à un rapport d’information que Didier Boulaud et moi-même avons cosigné. J’évoquerai également l’Union pour la Méditerranée.
Vous constatez, mes chers collègues, qu’il y a une coordination parfaite entre la commission des affaires européennes, qui a établi un rapport sur la Grèce, et la commission des affaires étrangères, qui, de son côté, a présenté un rapport sur la Croatie.
Alors que le Conseil s’apprête à ouvrir la porte de l’Union européenne à la Croatie, vingt ans après son indépendance, quel est l’état de préparation de ce pays, qui – nous l’espérons, comme vous-même d'ailleurs, monsieur le ministre –, sera le vingt-huitième État membre de l’Union ?
Peuplée de 4, 5 millions d’habitants, d’origine slave, de religion catholique et utilisant un alphabet de caractères latins, au carrefour des influences de la Méditerranée, de l’Europe centrale et des Balkans, la Croatie, ancienne république de la Fédération Yougoslave, a une histoire douloureuse, puisqu’elle n’a acquis son indépendance qu’au terme d’un conflit meurtrier, au début des années quatre-vingt-dix.
Sur le plan économique, La Croatie est, après la Slovénie, le pays le plus avancé de la région, avec un revenu moyen par habitant égal à 65 % de la moyenne européenne, deux fois supérieur à celui de la Roumanie, par exemple.
Le système politique croate a été rééquilibré en 2000 en faveur d’un régime parlementaire. Les élections ont amené l’alternance et le pays vit aujourd’hui une cohabitation constructive, autour de trois priorités : adhérer à l’Europe, redresser l’économie et lutter contre la corruption.
Membre de l’OTAN depuis 2009, la Croatie maintient un contingent de 350 hommes en Afghanistan et soutient les opérations en Libye. Elle est membre, depuis l’origine, de l’Union pour la Méditerranée.
La Croatie a obtenu le statut de pays candidat à l’Union européenne en juin 2004 et a entamé ses négociations d’adhésion en octobre 2005 – un processus de longue haleine, qui a connu plusieurs phases d’accélération ou de ralentissement.
Aujourd’hui, le « consensus renouvelé sur l’élargissement » de 2006 a renforcé, vous l’avez souligné, monsieur le ministre, la rigueur du processus d’adhésion. Vous avez rappelé la position de la France, qui a visé non pas à ralentir cette adhésion, mais, au contraire, à la faciliter, comme nous avons pu l’expliquer aux responsables croates, qui l’ont bien compris d’ailleurs.
Une sévérité plus grande que par le passé, c’est vrai, s’attache aux conditions d’élargissement, et il faut reconnaître que les Croates ont, à cet égard, accompli un effort considérable. Les chapitres d’adhésion qui avaient été ouverts ont créé des conditions exigeant des réformes en profondeur.
Ces différents chapitres devaient être clos. Dans le chapitre 8, « Concurrence », et dans le chapitre 23, « Justice et État de droit », un certain nombre de difficultés sont à un moment apparues, mais les autorités – gouvernement et président de la République de Croatie – ont su les maîtriser et les dépasser.
Le problème de la restructuration des chantiers navals n’était pas simple. La Croatie a su, là aussi, faire preuve d’une capacité à analyser objectivement la situation et à prendre les décisions qui s’imposaient.
Dans le chapitre 23 « Justice et État de droit », un sujet politiquement très sensible et exigeant, après qu’un rapport plutôt critique eut été établi par la Commission européenne, on peut constater que les problèmes ont été maîtrisés et que les Croates ont répondu à l’attente qui avait été exprimée.
C’est pourquoi, avec la clause de suivi renforcé, nous espérons bien, monsieur le ministre, que tout pourra être débloqué le 23 ou le 24 juin prochain, lors du sommet. Il faut comprendre l’attente de la population croate, qui risquait de se désespérer. Le signal fort, porté par le Conseil, d’une adhésion à la date du 1er juillet 2013 répondrait à l’attente de ce peuple qui a été si meurtri par le passé.
Vous rappeliez – et on l’oublie souvent – que l’Europe est facteur de paix. Ce n’est qu’au travers d’une démarche volontaire d’adhésion, à laquelle nous devons exprimer notre soutien, que la paix sera assurée dans ce secteur des Balkans.
Aujourd’hui, je peux donc dire – au nom de la commission des affaires étrangère, puisque le rapport que j’ai coécrit avec mon collègue Didier Boulaud a été adopté à l’unanimité – que nous souhaitons ardemment que la France continue de soutenir l’entrée de la Croatie dans l’Union. J’espère que notre pays sera ensuite parmi les premiers à ratifier le traité d’adhésion.
Je voudrais dire à présent un mot de l’Union pour la Méditerranée. À l’heure où s’ouvrent de formidables perspectives démocratiques en Égypte et en Tunisie et où se produisent au Maroc les évolutions, que vous avez rappelées, monsieur le ministre, il n’est pas opportun d’abandonner le grand projet que le Président de la République a proposé à la France et à l’Europe. Au contraire, il faut renforcer les moyens qui lui sont alloués, en garantissant que la règle des « deux tiers-un tiers », qui résulte de l’accord de Barcelone, soit respectée lors de la réforme de la politique de voisinage.
Il faudrait, me semble-t-il, un véritable plan Marshall pour l’ensemble de la Méditerranée, afin que la démocratie ait une chance de s’implanter. Pour cela – je partage votre analyse, monsieur le ministre –, il faut adresser un geste fort à la jeunesse de ces pays, pour qu’elle retrouve foi en son avenir social, politique et économique.
L’énergie déployée par le Président de la République pour défendre l’Europe force notre admiration. Par son intermédiaire, par celui du Gouvernement et, plus précisément, par le vôtre, monsieur le ministre, la France porte un message très fort : ce n’est pas à cause de l’Europe que naissent les crises, c’est, au contraire, grâce à elle que nous pouvons les dépasser dans de meilleures conditions. Nous comptons sur vous pour faire avancer l’Europe !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souscris tout à fait aux remarques des deux orateurs précédents sur la Croatie. Il y a un peu plus d’un an, j’ai eu le plaisir de me rendre dans ce pays, qui représente un enjeu important ; à Zagreb, j’ai pu observer, pour la commission des finances, combien la Croatie avait été exemplaire pendant la crise, même si cela ne signifie pas qu’elle ne connaît plus aucun problème d’adaptation de ses structures économiques.
Nous avons engagé une coopération parlementaire et reçu au Sénat, pendant deux jours, une délégation de la commission des finances de l’Assemblée de la République de Croatie. Lors de notre réunion commune de travail, nous avons constaté que nos collègues croates étaient vraiment au diapason des problématiques européennes.
Le Conseil européen qui se tiendra dans les prochains jours est bien évidemment une étape tout à fait essentielle, que nous avons évoquée lors de l’examen, qui n’est pas achevé, du projet de loi de finances rectificative. Nos collègues le savent bien, trois points de ce texte nous renvoient aux problématiques européennes.
En premier lieu, il faut approuver une nouvelle tranche d’aide à la trésorerie de la Grèce.
En second lieu, dans le cadre du Fonds européen de stabilité financière – car en français il s’agit bien d’un fonds, monsieur le ministre, et non d’une facilité –, la garantie de la France doit être portée de 115 milliards d’euros à 145 milliards d’euros environ.
En troisième lieu, nous observons avec beaucoup d’intérêt les conditions dans lesquelles sera mis en place le futur mécanisme européen de stabilité, qui nous intéresse tout particulièrement au regard de nos finances publiques. En effet, la France doit souscrire à hauteur de 18 milliards d’euros au capital de ce mécanisme, un montant qui alourdira le déficit de nos comptes publics – je pense à l’endettement de notre pays, et non à son déficit « maastrichtien ».
Il ne faut pas oublier, mes chers collègues, que la solidarité européenne repose sur le crédit des États du groupe central de la zone euro ; sans lui, rien n’est possible ! Nous avons d’ailleurs constaté que la capacité réelle d’action du Fonds européen de stabilité financière est limitée à la quote-part des emprunts que peuvent souscrire sur le marché les États qui bénéficient du fameux AAA, soit 255 milliards d’euros. C’est l’extension des garanties qui nous permet d’atteindre le niveau initialement souhaité de 440 milliards d’euros.
Monsieur le ministre, vous avez eu mille fois raison de le souligner, nous sommes réellement en grand péril si nous ne savons pas unir nos forces pour éviter ce grave événement de crédit que serait le défaut de la Grèce. Ce que nous craignons, ce ne sont pas les pertes qui toucheraient directement les établissements financiers sous régulation française, car, somme toute, la taille de l’économie grecque rendrait ces pertes supportables, mais bien l’amplification qui ne manquerait pas de se produire sur l’ensemble des marchés internationaux, notamment par l’intermédiaire d’un instrument redoutable, les credit default swaps.
Les analystes le confirment tous, cette amplification pourrait placer les autorités européennes dans une situation extrêmement difficile à anticiper et à contrôler, qui pourrait même devenir complètement ingérable durant une certaine période.
Nous devons donc trouver un compromis, ce qui est extrêmement difficile. On peut comprendre l’approche, en particulier politique, qui fut celle de la chancelière allemande lors des derniers mois, jusqu’à ce que l’on aboutisse, semble-t-il, il y a quelques jours, à un rapprochement de nos points de vue. On peut également comprendre que le peuple allemand renâcle, compte tenu des efforts considérables de rigueur qu’il a fournis pour assainir ses finances, et qui venaient après les sacrifices exigés par la réunification. On peut tout à fait concevoir que, en Allemagne, eu égard à la situation politique intérieure, la question de la solidarité financière au sein de la zone euro soit un sujet extrêmement difficile, voire douloureux.
Pour autant, je le répète, nous devons trouver un compromis. Nous devons, d’une part, éviter le défaut de la Grèce, et, d’autre part, faire prendre sa part au secteur privé, mais volontairement, dans le cadre de ce renouvellement, de cette rotation, de ce roll over volontaire auquel vous avez fait allusion, monsieur le ministre, et qui est assurément une notion nouvelle.
Nous savons que l’imagination des négociateurs européens – les meilleurs du monde, sinon l’Europe ne serait pas ce qu’elle est aujourd'hui ! – est presque sans limites. L’Union européenne, il est vrai, s’est toujours forgée dans les difficultés, en côtoyant le péril, même le plus imminent.
Monsieur le ministre, je voudrais vous poser quelques questions.
Nous n’avons pas forcément compris en quoi consistera le chaînage entre les programmes de stabilité et la mise en œuvre des volets préventif et répressif du pacte.
Nous nous interrogeons également sur la logique des sanctions : sont-elles, ou non, automatiques ? Selon les interlocuteurs, les réponses sont différentes… Néanmoins, chacun le sait, les sanctions, dont l’application entraînerait un alourdissement considérable des difficultés budgétaires des États déjà les plus mal en point, sont essentiellement un outil de dissuasion. En tant que tel, elles doivent être maniées avec d’extrêmes précautions.
Nous attendons beaucoup de ce conseil européen, de cette fixation des règles du jeu du mécanisme européen de stabilité, car, même si cet instrument ne verra le jour qu’au milieu de l’année 2013, il est absolument essentiel aux yeux des acteurs extérieurs, pour les investisseurs et pour les marchés. Il faut que l’objectif soit clairement défini : nous aurions en particulier besoin de savoir quelle place accorder aux clauses d’action collective dans le dispositif des emprunts qui seront souscrits par le mécanisme européen comme par les États membres.
Je ne prolonge pas mon propos, monsieur le ministre. Nous sommes tous convaincus tant du caractère historique de la situation que nous vivons que de la grande responsabilité qui est la nôtre. Nous avons interrompu la discussion du projet de loi de finances rectificative pour ce débat qui élargit heureusement nos horizons. Notre responsabilité, c’est de tenir le cap des finances publiques, car notre crédibilité dépend des efforts, certainement douloureux, que nous serons en mesure de faire.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présidence hongroise a choisi comme devise : « Une Europe forte avec une dimension humaine ». Cette dimension humaine pourra et devra se manifester face à deux crises majeures, une crise financière et une crise migratoire.
Le tsunami économique et financier fait encore sentir ses effets dramatiques sur les économies des États membres, mais c’est dans les situations de crise, voire de rupture, que l’Europe prend toujours le dessus. L’Union fait face à la tragédie grecque et à la dégradation des finances publiques de ses membres en créant une gouvernance économique inédite.
Le président Van Rompuy a souligné dans son discours sur l’état de l’Union que « la grande leçon de 2010 a été le constat que l’intégration monétaire et financière a été beaucoup plus rapide que l’intégration de nos politiques économiques et de la supervision bancaire ».
Des enseignements en ont été tirés et le Pacte pour l’euro plus, décidant une coordination renforcée des politiques économiques pour la compétitivité et la convergence, a été adopté en mars dernier. Le défi du prochain Conseil, qui conclut le semestre européen, nouvellement mis en place, est clair : adopter le « paquet » de législations renforçant la gouvernance économique élaboré par le groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy. La présidence hongroise participe bien sûr très activement à ces négociations avec le Parlement européen et la Commission. Monsieur le ministre, sommes-nous parvenus à un texte de compromis ?
La crise de l’euro a été gérée au mieux par l’Union européenne, qui a mis en place des mécanismes de défense de sa monnaie. La France a joué un rôle majeur à cet égard.
Monsieur le ministre, comme vous l’avez justement souligné le 22 mars dernier dans cet hémicycle, « une monnaie ne peut exister en apesanteur, sans être fondée sur une convergence économique et sociale entre les différents États concernés ».
L’Union européenne sortira vraisemblablement renforcée de cette crise – c’est sa façon de se construire –… ou se délitera.
Au mois de mars, les États membres se sont engagés à respecter un certain nombre de critères ; je m’interroge sur la réalité de ce respect. Le Conseil européen de demain évaluera les engagements pris par les États dans leurs programmes nationaux de réformes. Sur cette base, il formulera ses avis et recommandations, pays par pays.
Avec un déficit himalayen, une dette abyssale, sans parler d’un projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques dont l’inscription du dispositif dans la Constitution reste très incertaine, notre pays est à mes yeux semblable à un élève qui a très mal préparé ses devoirs et risque fort d’encourir une punition.
Les recommandations de la Commission européenne sur le programme de stabilité actualisé de la France ont été examinées par la commission des finances la semaine dernière. À cet égard, je voudrais soulever plusieurs points, dont nous avons déjà débattu à l’occasion de l’examen des deux précédents textes à caractère financier.
Tout d’abord, la France est une fois encore stigmatisée pour ses hypothèses économiques trop optimistes. Je le demande pour la deuxième fois cette semaine : quand le Gouvernement se décidera-t-il à se fonder sur des estimations réalistes ?
Ensuite, la charge fiscale pesant sur le travail devrait être davantage reportée sur l’environnement et, surtout, sur la consommation, via la TVA anti-délocalisations prônée par notre commission des finances. Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce sujet essentiel ?
Enfin, que proposerez-vous pour réduire les allégements de prélèvements obligatoires engendrés par nos trop fameuses niches fiscales ?
Avec l’enthousiasme et l’allant qui vous caractérisent, monsieur le ministre, vous avez affirmé ici même, en mars dernier, que « l’Europe est de retour ; elle repasse à l’offensive et assure une vraie protection de son économie et de sa monnaie commune ». Dès lors, quel sera le message de la France au Conseil européen ? Quand lancerez-vous la procédure d’approbation de la modification du traité de Lisbonne pour instituer le mécanisme européen de stabilité ?
Outre le couple franco-allemand, deux acteurs ont joué un rôle déterminant : la présidence hongroise et le président Van Rompuy. Cet homme de dialogue, rôdé à la gestion de crises dans son pays, a su, selon sa méthode du « pas à pas », faire avancer dans la concertation un projet fondamental pour l’Union, exprimant la solidarité voulue par la majorité de ses membres. Le « tous pour un, un pour tous » des mousquetaires est toujours d’actualité !
Quand il s’agit de l’Europe, le moindre problème devient un drame, voire une crise existentielle remettant en cause ses acquis les plus fondamentaux.
Ainsi, l’immigration sauvage et massive de réfugiés venant de l’autre rive de la Méditerranée a réveillé la tentation du repli sur soi, du contrôle aux frontières nationales, mettant en péril la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen. Nous avons paré au plus pressé, mais quelle sera la position de la France sur le long terme ?
« Une politique de migration réussie commence à l'extérieur de nos frontières. » La mise en œuvre de ce principe posé par le président Van Rompuy a été rendue urgente par le printemps arabe. Il nous appartient d’aider nos voisins méditerranéens, de conclure un partenariat intégrant, au même titre que le développement économique et démocratique, la politique migratoire et la sécurité.
Monsieur le ministre, comment faire jouer son plein rôle à l’Union pour la Méditerranée dans ce nouveau contexte ? Quelle politique européenne conduire à l’égard de l’Égypte, de la Tunisie, de la Libye, de la Syrie ou du Yémen pour que, grâce à l’Europe, le printemps arabe soit suivi d’un été ? Je paraphrase, une nouvelle fois, le président du Conseil.
Il est évident que l’espace Schengen doit être mieux organisé, tant à ses frontières extérieures qu’en son sein, son élargissement à d’autres membres étant en discussion. Les États ayant une frontière avec des pays extérieurs à l’espace Schengen ont en la matière une responsabilité plus forte et, comme l’a dit M. le ministre d’État Alain Juppé, « une confiance mutuelle est nécessaire au bon fonctionnement » de cet espace.
Monsieur le ministre, quelles mesures peut-on proposer pour asseoir cette confiance ? Quelles clauses de sauvegarde devront être adoptées ? Enfin, quels enseignements ont été tirés des dysfonctionnements de l’espace Schengen, en vue de le rendre plus sûr et plus humain ?
Vous avez évoqué ici, lors du débat préalable au Conseil européen de mars dernier, une « portée historique », une « rupture totale avec la situation antérieure » et une « affirmation de la volonté de progresser sur la voie de l’intégration communautaire ». Vous avez affirmé être confiant pour le Conseil de juin, qui, espérons-le, validera l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne.
Tous les chefs d’État de l’Union doivent redonner à nos concitoyens européens la conviction qu’ils ont un avenir commun. Ils ont le devoir de redonner à l’Europe le souffle qui animait ses pères fondateurs. L’Europe peut et doit être forte ; forte, elle sera belle, elle restera humaine !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le ministre, à la veille du Conseil européen qui se tiendra demain et vendredi à Bruxelles, vous nous avez exposé les grandes lignes des positions qu’y défendra le Président de la République.
Trois points principaux, ayant déjà fait l’objet d’âpres discussions entre les États membres, retiennent toute l’attention des sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG : la gouvernance de la politique économique, avec l’évaluation des engagements pris par les États membres dans leurs programmes de stabilité et de convergence, à savoir le pacte « euro plus » et le plan de sauvetage de la Grèce ; les politiques d’asile et de migration, avec la révision probable des accords de Schengen ; la nécessaire évolution de la politique de voisinage à la suite des bouleversements entraînés par les printemps des pays arabes.
Concernant le premier point, monsieur le ministre, vos propos me confirment dans l’idée que le Gouvernement persiste à proposer et à soutenir les mêmes mauvaises solutions que lors du précédent Conseil européen.
Alors que l’heure devrait être à la solidarité économique entre les États membres, à la responsabilité et à la réactivité pour surmonter la crise, sauver la zone euro, relancer la croissance et sauvegarder les acquis sociaux dans chaque pays, nous assistons au contraire à des réactions tardives, désordonnées, traduisant la défense d’intérêts étroitement nationaux au seul profit de quelques grands groupes économiques et financiers. Tout cela s’inscrit dans la logique du pacte de stabilité auquel le Gouvernement a souscrit et dont l’objectif premier est de contraindre chaque État à rationner les dépenses publiques.
C’est ce cadre que vous rendrez encore plus contraignant en approuvant sans doute demain les six directives actuellement en cours de discussion au Parlement européen, visant à renforcer le pacte de stabilité, le pacte pour l’euro et la mise sous tutelle des pays très endettés.
Tous ces « pactes » sont présentés comme étant la seule solution pour faire face à la crise financière dont les salariés et les retraités font les frais. C’est pourtant la financiarisation de l’économie qui en est responsable !
Ces questions sont précisément au cœur des discussions actuelles sur la nécessité et les modalités d’un second plan de sauvetage de la Grèce. Pourtant, la démonstration a été faite il y a dix-huit mois que les remèdes préconisés par l’Union européenne et le FMI, loin d’apporter de l’oxygène au malade, l’ont au contraire asphyxié.
La Grèce est dans l’incapacité de rembourser une première dette, mais vous acceptez de conditionner un second plan de sauvetage à des mesures qui assècheront l’économie, tueront la croissance et mèneront tout droit à une explosion sociale. Malgré tout, vous pressez le premier ministre grec d’accélérer le processus.
Une nouvelle fois, ceux auxquels on demande en priorité de faire des sacrifices sont non pas les banques, les compagnies d’assurances, les fonds de pension – sinon de manière bénévole ! –, mais les salariés, les retraités et les contribuables : eux n’auront pas le choix ! On peut même s’interroger, monsieur le ministre, sur le comportement que vous adopterez dans l’avenir à l’égard des banques françaises impliquées dans ce dossier…
Vendredi dernier, le Président de la République et la Chancelière allemande paraissaient être parvenus à un accord, propre à rassurer les marchés, sur une participation des banques créancières de la Grèce fondée sur leur bon vouloir. Toutefois, aucune confirmation claire n’a depuis été apportée par les ministres de l’Eurogroupe.
Au milieu de cette confusion, pour éviter une faillite de la Grèce, une contagion à d’autres pays et un effondrement de l’euro, il faudra bien en passer par une restructuration de la dette grecque selon d’autres modalités. Soyons lucides : les bailleurs de fonds privés ne sont disposés à renoncer à une partie de leur mise qu’à condition de pouvoir la récupérer d’une autre façon.
Ce nouveau plan imposé par l’Union européenne et le FMI n’est donc qu’une erreur, une fuite en avant, et le peuple grec a bien compris qu’il servira à alimenter le tonneau des Danaïdes au seul profit des banques. Le gouvernement grec tente d’imposer de nouvelles mesures d’austérité sociale, encore plus dures que les précédentes, et brade à des intérêts privés étrangers, en particulier chinois, un patrimoine d’activités assurées par le secteur public.
Mais l’histoire n’est pas écrite d’avance. Il se pourrait bien que la résistance du peuple grec à la mise en place de ces mesures économiquement inefficaces et socialement injustes ouvre la voie, en Europe, à des solutions autres qui consisteraient à faire payer les vrais responsables de la crise financière ayant frappé la zone euro. Il ne serait que temps !
Concernant les politiques d’asile et de migrations, nous estimons qu’elles ne devraient en aucun cas remettre en cause les acquis fondamentaux des accords de Schengen que sont le principe de la liberté de circulation des personnes et l’instauration d’un espace sans frontières.
Or, les gouvernements français et italien, pour des raisons électorales internes qui leurs sont communes, ont pris prétexte d’un afflux temporaire, et somme toute relativement limité, de migrants en provenance de Tunisie pour proposer un élargissement des clauses de sauvegarde permettant aux États membres de rétablir les contrôles aux frontières intérieures. Cette politique flatte des sentiments malsains. Elle vise cyniquement à utiliser des situations humainement dramatiques pour tenter de répondre à l’influence grandissante de partis populistes et xénophobes.
Des moyens de faire face à ces événements ponctuels sont pourtant prévus par les accords de Schengen. Il n’est donc pas nécessaire de durcir encore les conditions d’entrée et de circulation sur le territoire européen. Votre réponse n’est pas adaptée : elle ne résoudra en rien les problèmes posés par une immigration illégale due avant tout à des motivations économiques.
Nous nous opposerons donc à ces projets de révision des accords de Schengen, tendant à donner aux États une plus grande latitude pour rétablir temporairement les frontières nationales, les visas et la conditionnalité des aides. Tout cela traduit une approche étroitement sécuritaire des mouvements migratoires qui n’est pas la nôtre : nous proposons au contraire que l’on s’attaque à la source de ces problèmes, en aidant financièrement les pays concernés de façon équitable et en établissant des coopérations équilibrées. Si nous partageons la même volonté de refonder la politique de voisinage, nous divergeons profondément sur les moyens de le faire.
En remettant en cause le principe de la libre circulation des personnes dans l’espace Schengen, en vous confinant dans une « Europe forteresse » que je dénonçais déjà lors de la rencontre interparlementaire des 16 et 17 novembre 2009, dont le thème était « Construire l’Europe des citoyens », vous ne permettrez pas à la France d’être à la hauteur des événements historiques en Tunisie et en Libye, ni même d’en mesurer la portée. En proposant de relancer une politique de voisinage conditionnelle, sans tenir compte de la nouvelle situation dans cette région, vous ne changerez rien sur le fond.
Pour instaurer véritablement de nouvelles relations entre les pays européens et ceux du sud de la Méditerranée, il faut les fonder sur des rapports économiques justes et équilibrés et sur une nouvelle politique de circulation entre les deux rives. Sinon, vous persisterez dans la même démarche déséquilibrée, marquée par des relations conditionnées à l’ouverture au marché européen et à la conclusion d’accords renforcés de libre-échange.
Telles sont, monsieur le ministre, les réflexions dont les sénateurs du groupe CRC-SPG voulaient vous faire part avant le Conseil européen de demain.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été dit, le Conseil européen qui s’ouvrira demain est stratégique. Une nouvelle fois, sa capacité à décider va être rudement mise à l’épreuve. Il doit absolument montrer qu’il sait où il veut aller. Les difficultés rencontrées doivent être présentées non pas comme des occasions de sombrer, mais comme autant d’exigeantes chances d’approfondir la construction européenne.
Il faut retrouver un discours européen tonique, tourné vers l’avenir, portant sur l’essentiel.
Le Conseil va traiter de l’adhésion de la Croatie. Réjouissons-nous avant tout que l’Union continue à attirer, spécialement dans des régions du continent aussi éprouvées que les Balkans, où l’on sait bien que l’Europe est, d’abord et essentiellement, « pardon et promesse », pour reprendre l’une des plus belles définitions que je connaisse.
Il ne s’agit pas d’être pour ou contre la mondialisation : l’universalité et l’instantanéité qui caractérisent notre époque sont des données. C’est clairement le cas pour les marchés financiers. La crise économique et financière dont nous voulons sortir est non pas européenne, mais mondiale. L’existence de l’Union n’est pas à l’origine de la crise, et l’euro n’en est pas la cause. J’ai été a contrario frappé par la réflexion d’un responsable d’un pays ayant récemment rejoint l’Eurogroupe : pour lui, ce qui protégeait son pays, c’était, bien plus que l’euro lui-même, l’effet des réformes engagées en vue de la qualification pour l’euro.
Si la crise n’est pas imputable à l’euro, elle n’est pas non plus une crise de l’euro. Nous devons simplement déplorer le fait que l’euro soit toujours une monnaie « orpheline d’État », pour reprendre une expression chère à Jean Arthuis. Tout ce que le Conseil pourra faire pour donner une famille à notre monnaie sera donc bienvenu. Plus vite et plus loin on ira en matière de gouvernance économique, et mieux cela vaudra !
Si la mutualisation entre les États de l’Union vaut pour les ambitions, elle vaudra évidemment aussi pour les risques, ainsi que pour les secours. Notre soutien à la Grèce doit donc être sans faille. Si tel n’était pas le cas, les marchés financiers ne le feraient pas payer à la seule Grèce, ils nous entraîneraient tous vers l’abîme. Ils ne doivent pas douter de notre détermination, même si vivre la démocratie à vingt-sept États peut rendre parfois difficile l’expression de cette détermination. Les choix opérés, les décisions prises sont capitaux ; la fermeté du discours également !
Notre solidarité ne doit plus être mise en doute. Les jugements de valeur portés sur la situation grecque laissent supposer que nous accordons notre soutien avec réticence et qu’il pourrait s’interrompre. Il faut être très ferme : la mutualisation des secours ne peut se concevoir sans mutualisation de la surveillance et des contrôles. Il vaut mieux d’ailleurs être sous le contrôle de ses pairs que sous celui d’un syndic de faillite.
Dorénavant, nous devrons tout naturellement parler de mutualisation des disciplines. C’est tout le sens du « trimestre européen ».
Il appartient aux parlements nationaux de jouer pleinement leur rôle en la matière. Les budgets nationaux resteront évidemment votés par ces derniers. Les États ne sont pas sous la tutelle de l’Union : il s’agit ici non pas d’une conception « communautaire », mais de l’exercice conjugué de compétences nationales, placées sous des contraintes communes mutuellement acceptées.
Au demeurant, le budget de l’Union ne prévoit pas, pour l’instant, de possibilité d’emprunter. À la marge de manœuvre de 40 millions d’euros dont dispose la Commission près, ce sont les parlements nationaux qui ont été appelés à se prononcer afin de constituer, chacun pour une tranche, la réserve commune de garantie des dettes souveraines. C’est un peu compliqué, peut-être, mais rempli de sens en ces temps de tempête où les solidarités les plus durables, car les plus exigeantes, peuvent se forger.
Incontestablement, le débat suivi d’un vote que nous avons eu fin avril sur le projet de programme de stabilité européen participe de ce mouvement. Je ne peux que m’en réjouir. Il fallait, tant à l’égard de Bruxelles qu’au plan intérieur, que ce programme nous engage tous.
La résolution européenne que notre commission des finances a adoptée ce matin confirme le bien-fondé de cette procédure. Le Sénat y souligne que les programmes de stabilité doivent reposer sur des hypothèses de croissance correspondant à la croissance potentielle de l’économie, que la France doit impérativement déplacer sa charge fiscale du travail vers la consommation et l’environnement, que le recours aux niches fiscales n’est pas de bonne pratique et que des mesures supplémentaires doivent être présentées pour renouer avec l’équilibre dès 2013. C’est exactement ce que la commission des finances demande depuis des mois. Nous soulignons simplement une nouvelle fois qu’il reste du chemin à faire pour que la recommandation de la Commission et les réflexions de notre commission des finances puissent porter tous leurs fruits !
J’en viens à l’autre grand sujet inscrit à l’ordre du jour du Conseil, l’immigration. Gardons-nous d’adopter une approche trop sécuritaire de ce thème ; elle ne préparerait pas l’avenir.
L’actualité de la question a été ravivée par l’extraordinaire élan qui traverse aujourd’hui les pays arabes. Le cas de la Tunisie, sur lequel j’intervenais hier soir à Strasbourg devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, est à ce titre emblématique.
En Tunisie, une révolution de la faim s’est transformée en révolution pour la liberté. Les deux vont de pair parce que, pour avoir le droit de voter, il faut avoir celui de manger. Ce sont des difficultés économiques et sociales qui ont provoqué le soulèvement : il ne faut pas que des difficultés de même nature viennent entraver la démocratisation en marche de la société tunisienne. La Tunisie se heurte à d’immenses difficultés. La grave crise économique qu’elle connaît pousse à l’exil une jeunesse pourtant indispensable au pays, tant sur le plan économique que sur le plan politique.
Lampedusa ne peut être notre seule réponse : nous devons, en priorité, accompagner sur le plan économique la transition démocratique tunisienne. Pour ce faire, il convient de mobiliser de nouvelles aides au redressement du pays. Le G20 s’y est engagé à l’occasion de son sommet de Deauville. Il convient de rechercher tous les canaux de financement possibles.
L’imagination étant mise à contribution, je m’interroge sur la possibilité de gager de nouvelles aides sur les fonds gelés de la famille Ben Ali, actuellement bloqués dans des établissements financiers pour la plupart européens. Ces fonds sont d’un niveau autrement plus important que ceux qui ont pu être dégagés jusqu’ici et devraient permettre de lancer vraiment en Tunisie les investissements porteurs d’avenir qu’attendent les jeunes de ce pays. Il sera probablement démontré, mais plus tard, que ces fonds appartiennent bien aux Tunisiens. Est-il vraiment exclu de trouver, tout de suite, une solution pour les « dégeler », pour les utiliser, au moins dans un premier temps, afin de garantir des prêts ou de mobiliser les produits financiers qu’ils génèrent ? Est-ce plus difficile et moins immédiatement efficace que de remettre les accords de Schengen en chantier ?
Monsieur le ministre, je vous livre cette idée qui a rencontré un écho certain hier à Strasbourg. Avec encore un effort d’imagination en matière de procédure, nous pourrons peut-être la mettre en œuvre. C’est aujourd’hui que les Tunisiens nous attendent : ne les décevons pas !
L’Union doit investir dans la démocratie, avez-vous dit à l’instant, monsieur le ministre. Vous visiez la politique de voisinage « sud » de l’Union européenne. Je vous rappelle que si nous voulons être efficaces et bien utiliser les moyens disponibles, il faut laisser agir ceux qui savent, sans doubles emplois. Nous devons faire jouer en parfaite complémentarité l’Union européenne et le Conseil de l’Europe dès lors qu’il est question de démocratie, d’État de droit ou de droits de l’homme. Monsieur le ministre, cela doit vous rappeler un rapport que j’ai eu récemment l’honneur de remettre au Premier ministre !
De même que, dès 1990, le Conseil de l’Europe avait su donner immédiatement un statut d’invité spécial aux pays d’Europe centrale et orientale qui retrouvaient la liberté, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a inauguré hier le nouveau statut de « partenaire pour la démocratie » dont j’avais personnellement proposé la création dans un rapport sur l’Euro-Méditerranée. Ce statut a été offert au parlement marocain, qui l’a accepté, en présence des présidents de ses deux chambres. Pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, cette initiative est d’une importance historique comparable à celle des efforts qui avaient été déployés au début des années quatre-vingt-dix au bénéfice des pays d’Europe centrale et orientale. Nous retrouvons ainsi la possibilité de susciter un grand élan, qui devrait permettre de proposer à nos jeunes le projet européen qu’ils attendent avec confiance !
Applaudissements au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat d’aujourd’hui doit concourir à l’élaboration de la position française en vue du Conseil européen qui se tiendra demain et après-demain à Bruxelles. La tâche sera difficile. En effet, comme l’ensemble des sénateurs socialistes au nom desquels je m’exprime ce soir, je ne partage pas la position assez défensive du Gouvernement face aux défis européens qui nous attendent, particulièrement ceux qui seront à l’ordre du jour de ce Conseil.
Je ne suis pas de ceux, par exemple, qui constatent passivement et sans enthousiasme l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. Je considère que c’est là un événement important. Je partage plutôt la position de la Commission, qui recommande aux États membres de clore les négociations sur les quatre derniers chapitres en suspens et de retenir le mois de juillet 2013 comme date butoir pour l’entrée de ce pays dans l’Union. Certes, la Croatie devra continuer à renforcer l’État de droit, poursuivre sa réforme judiciaire et intensifier la lutte contre la corruption, mais elle fait partie intégrante de l’Europe. Je me réjouis de voir s’unir des peuples autour des mêmes aspirations et d’un réel désir d’avancer ensemble.
L’adhésion de la Croatie montrera, je l’espère, la voie aux autres pays candidats de la région – je pense en particulier à la Serbie – et les encouragera à poursuivre leurs efforts afin de respecter les critères requis pour intégrer l’Union européenne.
En matière de politique migratoire, je regrette que la Commission ait cédé aux interpellations des présidents français et italien en concédant, le 4 mai dernier, une possible révision des clauses dites de sauvegarde de l’espace Schengen. Nous le savons, les accords prévoient d’ores et déjà la possibilité de rétablir temporairement le contrôle aux frontières nationales en cas de « menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure ». La réponse de la Commission tend donc simplement à conforter les attitudes inquiètes, frileuses de certains États de l’Union face au printemps arabe et aux mouvements migratoires qu’il a engendrés.
En fait, si les accords de Schengen doivent être révisés aujourd'hui, c’est plutôt, à mon avis, dans la perspective d’une réorientation vers une dimension plus démocratique. La bonne application des règles doit, par exemple, être contrôlée par les institutions européennes, et non plus exclusivement par les États membres, comme c’est le cas actuellement.
Il faudrait également instaurer un contrôle parlementaire de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, dite FRONTEX, qui est chargée de la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne. C’était d’ailleurs le sens de la proposition de résolution européenne présentée par les sénateurs socialistes, malheureusement rejetée par la commission des affaires européennes la semaine dernière.
En revanche, rétablir un contrôle sous une forme ou une autre aux frontières intérieures contredit l’essence même du projet européen. Tout d’abord, la liberté de circulation des personnes et la constitution d’un espace sans frontières sont parmi les plus belles conquêtes de la construction européenne depuis l’origine. Les citoyens ont conscience qu’ils doivent à l’échelon européen le droit de voyager sans passeport à l’intérieur de l’espace Schengen, tout particulièrement dans les régions transfrontalières où ils traversent la frontière chaque jour pour aller travailler. Il s’agit d’une des réalisations les plus concrètes, les plus visibles de l’Union pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Revenir d’une quelconque manière sur ce droit acquis alors que monte l’euroscepticisme ne manquera pas de nuire à l’image de l’Union européenne et alimentera les critiques de tous ceux qui doutent aujourd'hui de notre avenir européen commun.
Mais plus encore, monsieur le ministre, l’Europe, c’est aussi le Conseil de l’Europe, dont la finalité est la promotion de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. En tant que maire de Strasbourg, capitale européenne où siège cette institution, j’y suis particulièrement sensible.
L’Europe des Vingt-Sept doit sortir de la logique purement défensive dans laquelle elle a tendance à s’enfermer. Elle doit arrêter de se penser en forteresse assiégée, en créant ainsi un climat de méfiance avec les pays voisins du Sud et parfois entre les États membres eux-mêmes. Au contraire, à mon sens, nous devons accompagner les pays voisins dans leur processus de démocratisation.
En tout état de cause, je ne peux concevoir que la France engage au Conseil européen une discussion se focalisant sur un élargissement des clauses de sauvegarde. L’Union européenne a aujourd'hui plus que jamais besoin de vrais débats en matière de migrations, par exemple pour définir les contours d’une politique commune d’asile, que nous réclamons depuis plusieurs années déjà.
En réalité, l’Union européenne s’enlise dans des considérations nationales, elle semble se contenter de faire face aux urgences au fur et à mesure qu’elles se présentent et de gérer les crises au coup par coup.
En matière économique, je ne peux bien évidemment que m’interroger sur les mesures de soutien financier à répétition prises pour éviter les défaillances des États en difficulté, s’agissant notamment de la Grèce. Je ne prétends pas qu’il puisse y avoir, dans le contexte actuel, une autre solution immédiate pour éviter une crise majeure, mais le vrai problème est de savoir comment on a pu en arriver là et de prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour que cela ne se reproduise pas ailleurs à l’avenir, car les menaces existent, nous le savons bien. La crise aura au moins eu le mérite de démontrer, s’il en était besoin, que le temps du chacun chez soi ou du chacun pour soi est dépassé, et que c’est ensemble que les États de l’Union parviendront à s’en sortir et à arrêter les mesures indispensables pour développer une politique économique et financière commune, seule capable d’empêcher les dérives nationales que nous constatons malheureusement aujourd'hui.
De ce point de vue, je pense que les mesures qui seront proposées à l’occasion de ce Conseil européen sont très insuffisantes. Les six textes législatifs du paquet « gouvernance économique » sont, pour l’essentiel, axés sur la réduction de la dette et des déficits des États, et leur mise en œuvre aura donc pour conséquence l’instauration dans les pays concernés d’une politique d’austérité généralisée dont les peuples feront les frais, alors même que les dérives financières sont le fait de spéculateurs qui s’engraissent sur le dos des plus pauvres de nos concitoyens.
Fondamentalement, il faut, à mon sens, envisager le problème sous un autre angle.
Nous ne pourrons pas sortir de ces difficultés sans avoir, au préalable, répondu à la question du projet politique européen. Il faut donc franchir un nouveau pas vers une intégration politique plus poussée de l’Union européenne : c’est la condition de la réussite. Les pères fondateurs s’étaient eux-mêmes rendu compte assez rapidement que l’objectif ultime de la construction européenne ne pouvait et ne devait pas être purement économique. Jean Monnet ne disait-il pas : « si c’était à refaire, je commencerais par la culture » ?
Il ne suffit donc pas de réduire les déficits ou de contrôler l’évolution de la dette. Nous devons mener une politique commune de soutien à la croissance et à l’emploi, ou encore accentuer l’harmonisation de nos politiques économiques et fiscales à l’échelon européen.
Par exemple, la proposition de directive ACCIS sur une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, qui vise à offrir la possibilité aux entreprises présentes dans plusieurs États membres de produire leurs déclarations fiscales dans un seul d’entre eux, ne réglera pas le problème fondamental que constitue la coexistence de vingt-sept systèmes fiscaux différents. Elle risque même de créer une niche fiscale supplémentaire – c’est un comble ! En effet, seules les entreprises qui y trouveront leur intérêt opteront pour ce nouveau système. Plutôt qu’à une démarche par petits pas, je suis favorable, pour ma part, à une réelle harmonisation, à l’échelon européen, de l’impôt sur les sociétés, pour éviter le développement d’une concurrence interne fondée sur un dumping fiscal très malsain.
Toutefois, cette harmonisation nécessaire ne sera vraiment possible qu’à la condition que nous parvenions à renforcer l’intégration politique de l’Union européenne. Je note d’ailleurs que, depuis quelque temps, la perspective fédéraliste européenne semble resurgir alors même que l’on n’en parlait plus guère.
Nicolas Demorand résume cette situation par une formule lapidaire dans le journal Libération : « L’avenir de l’Europe, c’est, à court terme, la faillite ou le fédéralisme. »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen qui se réunira les 23 et 24 juin prochains doit répondre à trois défis majeurs pour l’Europe.
Le premier défi est celui de la crise de la dette publique et de l’euro. Au-delà de la situation très difficile de la Grèce, les États membres devront apporter, pour l’avenir, une réponse commune, solide et crédible en termes de gouvernance économique européenne. J’y reviendrai.
Le deuxième défi est celui de la gestion des flux migratoires, avec la crise de la gouvernance de l’espace Schengen. Il s’agit non pas de remettre en cause la libre circulation des personnes, qui est un acquis fondamental et non négociable de la construction européenne, mais de permettre à l’Union européenne de mieux contrôler ses frontières extérieures. Je pense par exemple au nécessaire renforcement de l’Agence FRONTEX.
Au-delà de cette question, nous devons avancer vers la mise en œuvre d’une véritable politique européenne de l’immigration et de l’asile, ainsi que vers la mutualisation des moyens humains et matériels des États membres. Il nous faut des orientations claires et précises, à même de convaincre nos concitoyens que les États membres ont la volonté et la détermination de régler cette question qui, vous le savez, monsieur le ministre, est politiquement très sensible.
Enfin, le troisième défi à relever par le Conseil européen est celui de la rénovation de la politique européenne en Méditerranée, face à la crise des printemps arabes. Il nous faut absolument mettre en œuvre une politique européenne durable en Méditerranée, je dirais même une stratégie européenne de voisinage dans cette zone, notamment en matière d’intégration économique, de consolidation de la démocratie et de gestion des flux migratoires. Là aussi, notre pays a un rôle important à jouer, grâce à l’Union pour la Méditerranée, dont on voit aujourd’hui qu’elle constituait une initiative particulièrement clairvoyante du Président de la République.
Ces trois défis à relever par l’Union européenne et ses États membres obligent ces derniers à plus de solidarité et de confiance mutuelle, à plus de volonté politique commune, sous peine de voir les acquis de plus de cinquante ans de construction européenne voler en éclats.
Mais une chose est sûre : l’Europe avance, quoi qu’en disent les éternels sceptiques, confortablement installés sur les rives tranquilles de l’immobilisme, de la critique permanente et du conservatisme bon teint.
La crise a eu l’avantage d’accélérer la mise en place d’une gouvernance économique et financière à l’échelon européen : d’un côté, les États se sont mobilisés en faveur des plus touchés d’entre eux, comme la Grèce, le Portugal ou l’Irlande ; de l’autre, ils se sont mis d’accord sur un ensemble de dispositions visant à éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir.
Durant ces derniers mois, les institutions européennes et les États membres ont pris une série de décisions majeures qui renforcent la coordination économique et budgétaire de l’Union européenne dans son ensemble et de la zone euro en particulier. Le déséquilibre qui existait entre les deux volets de l’Union économique et monétaire est ainsi corrigé. Ces décisions doivent garantir une coordination des politiques économiques des États membres, élément qui est apparu essentiel pendant la crise. Les économies interdépendantes de l’Union européenne seront mieux armées pour tracer la voie vers la croissance et l’emploi. Il s’agit, mes chers collègues, d’une avancée majeure, qui était inimaginable avant la crise.
Je voudrais maintenant vous faire part de mes réflexions sur la situation de la Grèce, un an après l’intervention de l’Union européenne et du FMI. Mon collègue Simon Sutour et moi-même nous sommes rendus dans ce pays voilà quinze jours, et nous venons de rendre un rapport d’information sur sa situation, au nom de la commission des affaires européennes.
Un an après la mise en place d’un premier plan d’aide, la Grèce se trouve toujours confrontée à des problèmes majeurs de financement. Son endettement et l’absence de résultats tangibles de sa tentative de réduction de ses déficits vont ainsi interdire tout retour sur les marchés financiers l’année prochaine. Le plan d’aide international prévoyait pourtant un tel retour en 2012. La défiance des marchés à l’égard d’Athènes contraste avec les efforts déjà accomplis par le gouvernement grec en matière de réformes structurelles. Les systèmes de santé et de retraites ont notamment été réformés en profondeur, et l’administration territoriale largement rationalisée.
À ces bouleversements s’ajoute une cure d’austérité inédite, visant toutes les catégories de la population grecque et rompant de façon nette avec la tradition interventionniste de l’État grec. Néanmoins, en dépit de leur coût social, ces mesures demeurent insuffisantes pour juguler l’augmentation régulière des taux d’intérêts. La privatisation et la cession d’une large partie du patrimoine de l’État, l’intensification de la lutte contre l’évasion fiscale, mal endémique du pays, et une réforme en profondeur du marché du travail sont encore attendues. Au-delà, il apparaît indispensable que la Grèce renoue avec la croissance. La récession économique et l’augmentation concomitante du chômage lui interdisent pourtant, à l’heure actuelle, une telle perspective.
Ce constat induit inévitablement une nouvelle intervention européenne. Les modalités de celle-ci restent cependant à définir, notamment en ce qui concerne l’implication des créanciers privés dans l’allégement de la charge financière qui pèse sur la Grèce. Le défi demeure de taille, tant l’Union européenne semble incapable, à l’heure actuelle, d’aboutir à un consensus sur la question, au risque de brouiller son image et la cohérence de son action, à l’égard notamment de l’opinion publique grecque, lasse de la politique de rigueur appliquée par son gouvernement.
Un an après le premier choc grec, l’Union européenne a pourtant avancé de façon concrète en matière de gouvernance économique. Selon nous, il lui appartient cependant de franchir une seconde étape en renforçant encore celle-ci afin d’enrayer définitivement la crise de la dette souveraine, qui, après avoir frappé l’Irlande et le Portugal, menace dans une moindre mesure l’Espagne ou l’Italie. Pour l’Union européenne, le deuxième acte de la crise grecque est un test de grande ampleur. Elle doit faire montre de maturité politique en parlant d’une seule voix.
C’est sans aucun doute le défi majeur que devra relever le Conseil européen des 23 et 24 juin prochains, afin que la dette et l’austérité ne menacent pas la construction européenne.
Je conclurai en indiquant que je souscris pleinement à la proposition que notre collègue Pierre Bernard-Reymond formulera lors du débat interactif et spontané.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
M. le président Bizet a très bien exposé la position d’équilibre de la France concernant l’espace Schengen, qui ne saurait devenir une zone de libre circulation de l’immigration illégale. Nos compatriotes ne l’accepteront jamais. Il est donc extrêmement important que nous démontrions que les accords de Schengen permettent de répondre aux situations de crise.
De ce point de vue, permettez-moi de souligner que, contrairement à ce que j’ai pu entendre, que l’arrivée de 41 000 personnes à Lampedusa ne représente pas une crise mineure. Un tel flux d’entrées en France équivaut à une augmentation de 20 % de l’immigration illégale sur notre territoire en moins d’un mois et demi.
Sur ce point, mon approche diverge profondément de celle de M. Ries. Les principes, c’est bien joli et ils sont nécessaires, mais il faut aussi prendre en compte la réalité de la situation : que fait-on si un pays ne contrôle pas ses frontières avec des États extérieurs à l’Union, parce qu’il sait que les immigrants ne resteront pas sur son territoire, mais se rendront par exemple en France ?
N’oublions pas non plus l’existence de trafics de drogues ou d’armes. Doit-on considérer que ce n’est pas un sujet et que les mécanismes européens n’ont pas à en tenir compte ? La raison, le pragmatisme et la lucidité n’imposent-ils pas, au contraire, tout en s’inscrivant dans une perspective résolument pro-européenne, de se donner les moyens de réagir en cas de crise ? C’est, ni plus ni moins, ce que nous essayons de faire.
Je remercie M. Jacques Blanc d’avoir défendu la dimension méditerranéenne de l’Europe, sujet qu’il connaît parfaitement pour avoir souvent joué un rôle très important dans ce domaine. Comme l’a très bien dit M. Blanc, la France n’acceptera aucun repli, surtout dans la période actuelle, quant au nécessaire engagement européen à l’égard de la rive sud de la Méditerranée. Si nous avons défendu la règle des « deux tiers, un tiers » – deux tiers pour le partenariat méditerranéen, un tiers pour le partenariat oriental –, tout en renforçant des outils tels que la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, la BIRD, ou la Banque européenne d’investissement, la BEI, c’est précisément pour affirmer notre présence aux côtés de nos voisins de la rive sud de la Méditerranée et les aider dans la transition qu’ils vivent. Ils ont besoin de nous !
Je salue la précision chirurgicale avec laquelle M. le rapporteur général de la commission des finances a exposé les enjeux de la période actuelle : il s’agit effectivement non pas d’une crise de l’euro, mais d’une crise de la dette, l’enjeu fondamental étant, pour tous les États, la maîtrise des déficits.
L’Eurogroupe a annoncé que tous les nouveaux titres émis par les États membres seraient assortis de clauses d’action collective, en quelque sorte standardisées. Quel est l’objectif ? Au-delà de ses modalités juridiques, qui seront finalisées d’ici à la fin de 2011, il s’agit d’un dispositif contractuel prévoyant des procédures spécifiques en cas de défaut d’un pays débiteur. L’enjeu est d’assurer la prévisibilité des dispositions de remboursement : c’est là un point essentiel.
Comme vous l’avez très bien expliqué, monsieur le rapporteur général, si nous mettons en place une participation forcée des créanciers privés, il en résultera immédiatement ce que l’on appelle un « événement » sur les marchés, dont les conséquences pourraient être dramatiques pour la Grèce, l’Irlande, le Portugal et, au-delà, l’ensemble de la zone euro. C’est pourquoi nous avons opté pour une participation volontaire des créanciers privés.
En revanche, l’inclusion d’une clause d’action collective permettra de placer toutes les données sur la table et d’instaurer davantage de prévisibilité dans la gestion de la zone euro. Personne ne sera pris par surprise !
M. de Montesquiou a évoqué les hypothèses de croissance. Sur ce point, il me semble très important de préciser que les prévisions publiées par la Commission européenne à la mi-mai n’intégraient pas les données pour le premier trimestre de 2011, qui font état d’une croissance supérieure à 1 %. Aujourd'hui, les économistes s’accordent à prévoir un taux de croissance de 2 % pour notre pays cette année, l’OCDE estimant même qu’il devrait atteindre 2, 2 %. L'analyse de la Commission me semble donc excessivement pessimiste : les premiers résultats de 2011 tendent plutôt à valider les hypothèses que nous avons retenues.
S’agissant de l’espace Schengen, je salue, monsieur le sénateur, votre souci d’équilibre entre engagement européen et nécessité de prévoir des mécanismes de réaction aux crises. Comme vous l’avez souligné, il ne faut pas que toute crise européenne constitue un drame. Les difficultés actuelles ne signifient pas la mort du projet européen.
Monsieur Badré, j'aime beaucoup votre définition de l’Europe, qui serait « pardon et promesse ».
J'y compte bien !
Je vous remercie d’avoir insisté sur le fait que la crise que nous vivons est non pas une crise de l'euro, mais une crise de la dette. Certains États ont accumulé des dettes de façon structurelle, et les investisseurs doutent aujourd’hui de leur capacité à les rembourser. Cette situation a le mérite de nous rappeler un principe élémentaire de sagesse budgétaire : on ne peut accumuler durablement les déficits et les dettes sans finir par être confronté au problème de leur remboursement. Il s’agit là d’un simple principe de bonne gestion ; nul n’est besoin d’invoquer le spectre du grand capital.
En ce qui concerne le Conseil de l'Europe, ce débat me donne l'occasion de remercier les sénateurs qui s’investissent au sein de cette institution. Elle a un rôle majeur à jouer dans la transition démocratique à l’œuvre sur la rive sud de la Méditerranée.
Si vous m’aviez écouté avec attention, monsieur Ries, vous m’auriez entendu souligner la dimension historique de l'adhésion de la Croatie à l’Union européenne, dont je me réjouis. La France a pesé pour que la clôture des négociations intervienne au mois de juin.
Monsieur le sénateur, notre approche n’est aucunement défensive. Je voudrais d’ailleurs vous montrer que nous pouvons, sur certains points, nous retrouver autour d’une vision commune de l’Europe.
Je pense notamment à la mise en place d’une taxation sur les transactions financières – une proposition française reprise par l'Europe –, d'un mécanisme de solidarité européenne – 500 milliards d'euros pour défendre les pays exposés à des attaques spéculatives – ou d’un gouvernement économique, notion jusqu’alors taboue, dont les Allemands ne voulaient pas entendre parler. Ce sont là autant de manifestations d’une Europe ambitieuse et innovante ! Affirmer que nous devons développer une véritable coordination en matière d’infrastructures, de recherche ou d’investissements d’avenir, réfléchir sur l’harmonisation fiscale, thème emblématique sur lequel nous nous sommes très souvent heurtés au veto de nos partenaires européens et qui avait été exclu de l'ordre du jour communautaire, voilà d’autres signes d’ambition !
Dans cet ordre d’idées, je pourrais également évoquer le soutien apporté aux project bonds, destinés à redonner une visibilité à de grands projets industriels d’avenir. Cet après-midi même, je signais avec le commissaire Tajani la relance de Galileo : d’ici à la fin de l’année seront lancés les premiers satellites qui assureront à l’Europe un accès indépendant au ciel et à l'espace.
C’est là une vision ambitieuse de l’Europe, monsieur Ries, que nous pouvons partager et défendre conjointement !
Pour le reste, il me semble que l'opposition entre fédéralisme et démarche confédérale a été dépassée grâce au traité de Lisbonne. Ces deux approches peuvent se concilier : le fédéralisme doit prévaloir dans certains domaines, la coopération entre États membres dans d’autres. D’ailleurs, c'est sans doute en ayant adopté une démarche trop idéologique et voulu à tout prix faire marcher l'Europe à un pas fédéral que nous avons suscité une réaction de rejet de la part des opinions publiques.
Soyons plus pragmatiques et moins dogmatiques : jugeons, selon les cas, s’il faut opter pour une coopération entre États membres ou pour une approche plus fédérale. L'Europe a surtout besoin, dans cette période, de résultats concrets.
En tout état de cause, je ne veux ni d’une Europe forteresse ni d'une Europe passoire. Je veux simplement que notre continent soit armé pour répondre aux défis de demain.
Enfin, je remercie M. Humbert d'avoir rappelé l'importance de l'Union pour la Méditerranée. Sur ce point, nous devons faire progresser rapidement certains dossiers emblématiques, afin de poser les premières pierres de l’édifice : je pense à la création d’un office euro-méditerranéen de la jeunesse, à la mise en place de fermes solaires, à la possibilité de formations croisées, à l’établissement de coopérations dans des domaines précis entre entreprises de part et d'autre de la Méditerranée.
Je conclurai par une citation de Marc Bloch, qui reflète parfaitement l’articulation entre la France et l’Europe : « Il y a bien besoin de toute l'Europe pour écrire histoire de la France. »
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
Tout à l’heure, le président Arthuis a demandé l’examen par priorité des articles 18 bis et 22 du projet de loi de finances rectificative, concernant respectivement l’aide médicale d’État et l’indemnisation des victimes du benfluorex.
Or nous venons d’apprendre que M. Xavier Bertrand, le ministre chargé de ces questions, ne pourra être parmi nous ce soir, lorsque nous reprendrons l’examen de ce texte. Dès lors, il est préférable de reprendre l’ordre normal de celui-ci. La commission des finances se voit donc amenée à retirer sa demande de priorité, monsieur le président.
Acte est donné du retrait de cette demande de priorité. Nous revenons donc à la case départ !
Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.
Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes au maximum. S’ils sont sollicités, la commission des affaires européennes ou le Gouvernement pourront répondre.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Monsieur le ministre, pour l’heure, nous n’avons pas l’assurance que le Conseil des 23 et 24 juin permette de sortir durablement l’Union européenne de la zone dangereuse dans laquelle elle se trouve de nouveau depuis plusieurs semaines. En effet, tout se passe comme si nous étions revenus un an en arrière, en mai 2010, à l’époque de l’éclatement de la première crise de la dette grecque, et nous sommes aujourd’hui confrontés à ce que j’appellerai un « Lehman Brothers » rampant…
Les déclarations de certains chefs d’État européens incapables de résister aux tropismes électoraux locaux trouvent évidemment un écho sur les marchés. Les chefs d’État et de gouvernement qui se réuniront les 23 et 24 juin doivent prendre toute la mesure de la crise et mettre un terme à cette cacophonie, qui encourage la spéculation sur le risque de défaut de la Grèce. S’il n’y avait qu’un seul résultat à attendre de ce Conseil, ce devrait être celui-là.
Au demeurant, les marchés craignent autant la persistance des déficits que les politiques d’austérité qui pénalisent la croissance.
De leur côté, le Parlement européen et la Commission négocient le paquet « gouvernance économique », mais il existe à l’évidence un blocage : le Parlement pourrait voter le compromis élaboré par le Conseil des ministres de l’économie et des finances, mais il ne devrait pas voter de résolution législative.
Bref, les instances européennes sont paralysées, et pendant ce temps on demande à la Grèce de réduire ses déficits à marche forcée, alors même qu’elle est en récession. L’équation est insoluble !
Le président Barroso a déclaré vouloir proposer au Conseil d’autoriser le versement de subventions à la Grèce, à hauteur de 1 milliard d’euros, afin de soutenir la croissance et de réduire le chômage. La France approuvera-t-elle cette initiative, qui ne règle pas le problème au fond, mais qui présente au moins l’intérêt d’être concrète ?
Madame Bricq, je ne peux que vous rejoindre sur la nécessité de réduire la cacophonie et la dispersion dans les déclarations des chefs d’État et de gouvernement.
À cet égard, je souligne que la France s’est exprimée d’une façon très claire et dépouillée. Que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition, nous devons d’ailleurs tous nous efforcer de tenir un discours responsable.
Nous n’avons pas d’opposition de principe à l’initiative du président Barroso. Il reste à en définir les modalités techniques. N’oublions pas que la Grèce a bénéficié dans une mesure considérable des fonds européens, qui doivent être utilisés à bon escient. Il ne s’agit pas d’essayer de remplir le tonneau des Danaïdes !
M. Jean-Claude Trichet a préconisé voilà quelques jours la création d’un ministère européen de l’économie, proposition rapidement appuyée par le commissaire européen Michel Barnier, ainsi que par M. Yves-Thibault de Silguy, qui était commissaire européen aux affaires économiques, financières et monétaires au moment de la création de l’euro.
Dans un rapport sur la gouvernance économique européenne, un sénateur de l’opposition et un sénateur de la majorité ont fait une proposition analogue voilà plusieurs mois, en demandant la création d’un haut représentant de l’Union européenne à l’économie.
Que pensez-vous de cette suggestion, monsieur le ministre ? L’Europe se trouve au milieu du gué : soit elle franchit un pas de plus vers l’intégration, soit elle prend le risque de la régression et de l’éclatement. Le rythme de la construction européenne n’est pas à la mesure du rythme de la mondialisation. Dès lors, ne faut-il pas aller plus vite dans l’instauration d’une gouvernance plus intégrée de l’Europe ?
Monsieur le sénateur, je vais essayer de répondre le plus directement possible à cette vaste question.
Tout d’abord, le moment ne me semble pas venu de créer une nouvelle superstructure. Cela soulèverait d’ailleurs de vraies difficultés sur le plan institutionnel : ce haut représentant serait-il responsable, et devant qui ? Devant le Parlement européen ? Devant les parlements nationaux ? Comment se positionnerait-il par rapport aux exécutifs ?
En revanche, il est vrai que nous devons améliorer la gouvernance économique de l’Europe – nous le faisons avec le semestre budgétaire – et le dialogue économique entre le Parlement européen, le Conseil et les États membres. Il me semble que, pour l’heure, nos efforts doivent porter principalement dans cette direction.
Cela ne signifie pas, pour autant, que je considère que la voie que vous proposez est sans issue. J’estime simplement que ce n’est pas alors que nous sommes au cœur de la tourmente que nous devons l’emprunter.
Le nouveau plan prétendument destiné à sauver la Grèce de la faillite financière prévoit de mettre douloureusement à contribution le peuple grec, qui n’est pas responsable de cette situation catastrophique, et ce de façon obligatoire.
Ce même plan prévoit, en revanche, que la contribution des banques, premières responsables de la crise avec les marchés financiers, interviendra sur la base du volontariat. Il serait naïf de croire qu’elles accepteront spontanément de payer en partie les conséquences des risques inconsidérés qu’elles ont pris et qu’elles ont fait prendre à l’État grec. Notre pays est très exposé dans cette affaire, puisque c’est aux banques françaises que la Grèce doit le plus d’argent.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il serait nécessaire d’instaurer un mécanisme obligeant les banques à accepter le rééchelonnement et l’allégement de la charge de remboursement des prêts consentis à la Grèce, c’est-à-dire à participer à l’effort, en acceptant d’être remboursées un peu plus tard ou un peu moins ?
Par ailleurs, à l’échelon européen, pour éviter que les banques ne se retournent vers les États – cela s’est déjà vu – et prévenir la contagion à d’autres pays, ne faudrait-il pas obtenir avec nos partenaires européens une modification du rôle de la Banque centrale européenne, pour qu’elle puisse racheter les titres de la dette publique des États ?
Enfin, je voudrais vous faire une suggestion, monsieur le ministre.
Lors de la crise de 2008, le Président de la République et le Président Obama avaient promis une réforme des agences de notation pour qu’elles ne contribuent plus à l’accentuation de la spéculation sur les crises. Ne pensez-vous pas qu’il serait temps de passer du discours aux actes, au moment où l’agence Moody’s a décidé de « placer sous surveillance » la note de trois de nos banques ?
Monsieur Billout, permettez-moi d’abord de vous remercier du caractère posé de votre question, qui aborde des sujets de fond, que l’on ne saurait contourner.
Effectivement, le peuple grec n’est pas responsable de la situation présente : nous sommes parfaitement d’accord sur ce point. Faut-il, pour autant, chercher un bouc émissaire extérieur ? La responsabilité doit-elle être rejetée sur les banques, par exemple ? Objectivement, je ne le crois pas.
En réalité, plus que de la crise, la Grèce est victime, d’une part, de ne pas avoir suffisamment œuvré pour développer l’emploi, et, d’autre part, d’avoir accumulé, année après année, des dettes et des déficits, son taux d’endettement atteignant aujourd’hui 142 % du PIB et son déficit budgétaire 10 %, ce qui est énorme. Elle est victime non pas de la spéculation financière, mais de s’être placée dans une situation de dépendance.
Ce constat étant posé, nous devons essayer de trouver un juste équilibre : à l’évidence, les créanciers privés doivent participer à l’effort. Pour autant, il faut veiller, ce faisant, à ne pas déclencher le chaos sur les marchés, ce qui affecterait ensuite l’Irlande, le Portugal et toute la zone euro. Nous n’aurions alors rien gagné, bien au contraire : une telle situation serait redoutable pour l’ensemble des peuples européens, d’où le mécanisme que j’ai détaillé tout à l’heure, reposant sur le volontariat.
Quant à la réforme des agences de notation, elle est lancée. Elle figure dans le « paquet Barnier », qui a notamment posé des principes de plus grande éthique et de transparence. Une deuxième série de mesures vont d’ailleurs être prises. Permettez-moi de le souligner, sur tous ces sujets, le Gouvernement français et le Président de la République ne cessent de prendre des initiatives et de peser pour que les leçons du passé ne soient pas oubliées. Au nombre de ces initiatives, je citerai l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, l’intensification de la lutte contre les paradis fiscaux, le renforcement de l’éthique dans le fonctionnement des banques, la régulation des agences de notation : la France est systématiquement aux avant-postes.
En conclusion, je rappellerai une leçon très gaulliste : quand vous dépendez de l’extérieur pour votre financement, vous n’avez plus complètement votre destin entre les mains. §
Je me félicite de ce que la Commission européenne ait rendu un avis positif sur l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. Ce pays a fait des progrès remarquables et il doit être encouragé à poursuivre sur la voie de la modernisation et de la réconciliation régionale. Pour autant, n’oublions pas les autres États des Balkans occidentaux, qui ont également vocation à adhérer à l’Union européenne.
Première observation : ne serait-il pas temps, monsieur le ministre, de reconnaître à la Serbie, l’autre grand de la région, le statut de candidat à l’adhésion ? Le transfèrement de Ratko Mladić au Tribunal pénal international est un signal encourageant à cet égard, mais la route sera longue. Malgré le lancement d’un dialogue entre Pristina et Belgrade, la Serbie n’a toujours pas reconnu l’indépendance du Kosovo, et l’idée d’une partition du nord du Kosovo, qui déstabiliserait la région, est parfois, hélas ! évoquée en ce moment à Belgrade. À la lumière du précédent chypriote, il faut veiller à ne pas importer de conflits dans l’Union européenne… L’octroi du statut de candidat ne peut-il constituer un levier pour faire avancer Belgrade sur tous ces sujets ?
Deuxième observation : au moment où l’Union européenne s’apprête à adopter un nouveau plan de sauvetage de plusieurs milliards d’euros en faveur de la Grèce, ne pourrait-on pas demander à ce pays de faire un réel effort pour régler enfin son contentieux avec la Macédoine ? Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait opportun d’agir en ce sens au sein du Conseil européen ?
Troisième observation : j’ai pu constater, dans la région, des inquiétudes très vives quant à l’avenir de la Bosnie-Herzégovine, État plus que fragile, traversé de forces centrifuges. Comment sortir de la crise actuelle ? Les inquiétudes ne manquent pas non plus en ce qui concerne le blocage politique actuel en Albanie.
En conclusion, les événements en cours sur la rive sud de la Méditerranée ne doivent pas amener la France à délaisser la région des Balkans occidentaux. Notre pays doit au contraire continuer à y asseoir son influence, en particulier en matière économique.
Monsieur Boulaud, je salue votre expertise sur les pays de l’Est et la région des Balkans.
Je vous remercie d’avoir souligné l’engagement de la France en faveur de l’élargissement de l’Union européenne à la Croatie. Le gouvernement croate y a été sensible. La position équilibrée que nous avons adoptée a permis d’emporter l’adhésion de pays qui étaient à l’origine beaucoup plus réticents. Nous avons travaillé ensemble sur ce dossier dans une optique très constructive.
N’oublions pas les autres pays de la région. En ce qui concerne la Serbie, l’arrestation de Mladić est incontestablement une étape importante : une page de l’histoire a été tournée. Quant à la reconnaissance du Kosovo, ce n’est pas une condition, mais c’est une nécessité. Le Conseil devrait être amené à se prononcer d’ici à l’automne sur l’ouverture du processus pour la Serbie.
S’agissant de la Macédoine, vous connaissez la difficulté de trouver une solution avec la Grèce. La Commission européenne et les États membres s’y emploient. C’est incontestablement là le deuxième problème très difficile dans cette région.
S’agissant de la Bosnie-Herzégovine, je partage vos inquiétudes. Nous devons être très attentifs à la situation de cet État. De ce point de vue, si Mme Ashton fait souvent l’objet de critiques, il faut savoir reconnaître qu’elle est parvenue à mettre un terme à ce projet de référendum sur la République serbe de Bosnie-Herzégovine, qui aurait pu avoir des effets redoutables.
Je voudrais apporter trois précisions à mes propos de tout à l’heure, faire part d’une inquiétude et appeler à la vigilance.
En ce qui concerne tout d’abord l’espace Schengen, j’ai bien dit que les clauses de sauvegarde existent d’ores et déjà dans les accords. Je souhaite simplement que leur mise en œuvre soit cohérente à l’échelle de l’ensemble de l’Union européenne et qu’elle ne continue pas à relever de la responsabilité des États.
Ensuite, l’harmonisation fiscale est à l’évidence nécessaire, mais elle ne pourra être menée à son terme qu’à condition de mettre l’accent sur la construction politique de l’Europe. C’est la base de tout !
Il faut une autorité politique, et donc une meilleure intégration.
Enfin, je ne suis pas dogmatique, monsieur le ministre, vous le savez. Il ne s’agit pas pour moi d’opposer fédéralisme et confédéralisme. J’affirme que, pour faire face aux crises à venir, la meilleure garantie est de progresser dans l’intégration politique, sous des formes à définir.
Par ailleurs, j’ai entendu le Premier ministre britannique dire qu’il souhaitait, lors d’un prochain Conseil européen, poser de nouveau la question du maintien du siège du Parlement européen à Strasbourg. Il faudra alors manifester une nouvelle fois l’unanimité qui avait prévalu ici même au Sénat à l’occasion de l’examen d’une proposition de résolution que j’avais présentée.
Aujourd’hui, les clauses de sauvegarde prévues par les accords de Schengen sont trop restrictives : elles ne peuvent jouer qu’en cas d’atteinte à l’ordre public. Si un État membre manque à son devoir de surveillance de ses frontières, cela ne permet pas toujours de mettre en œuvre une clause de sauvegarde. C’est pourquoi les choses doivent être revues. Nous plaidons aussi pour une meilleure évaluation, par les services de la Commission, du respect par les États membres de leurs obligations en matière de défense des frontières européennes.
S’agissant de l’harmonisation fiscale, je ne sais pas si cela est dû à mon tempérament auvergnat, mais je ne crois pas au grand soir, qui amène souvent beaucoup de désillusions. J’ai plutôt tendance à penser que les grandes avancées se construisent pas à pas. Cela vaut d’ailleurs aussi en matière d’intégration politique. Ainsi, la mise en place d’un gouvernement économique, le semestre européen sont des pas dans la bonne direction : peut-être sont-ils insuffisants, mais ils permettent en tout cas de préparer l’avenir. L’Europe s’est toujours faite de cette manière.
Un saut qualitatif est en train de se produire, et de ce point de vue les Européens convaincus que nous sommes, vous et moi, ne doivent pas bouder leur plaisir.
Enfin, on connaît la très forte mobilisation des élus alsaciens et français, ainsi que de tous les Européens humanistes, en faveur du maintien à Strasbourg du siège du Parlement européen. Seuls les eurosceptiques le contestent, et il est hors de question de les laisser l’emporter. Nous avons été très clairs sur ce point avec nos amis Anglais.
M. Roland Ries applaudit.
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Je voudrais remercier M. le ministre chargé des affaires européennes d’avoir bien voulu, à la veille du prochain Conseil européen, nous accorder de son temps pour répondre à nos questions et nous informer.
Conforter, renforcer et assurer une meilleure gouvernance de l’espace Schengen, c’est tout simplement assurer la survie de cet espace de liberté de circulation pour les hommes et les femmes en situation régulière. Cette libre circulation suppose un certain nombre de règles, qui doivent par exemple prendre en compte l’hypothèse d’une crise brutale, entraînant un afflux massif d’immigrés. C'est la raison pour laquelle le Sénat et l'Assemblée nationale ont créé un groupe de suivi sur les accords de Schengen : il importe de conserver cet acquis communautaire fondamental qu’est la liberté de circulation des personnes.
Par ailleurs, nous devons faire preuve de réalisme et de fermeté s’agissant de la crise grecque. En défendant la Grèce, nous défendons notre monnaie commune. Mais cet effort, auquel les créanciers privés sont appelés à participer, ce dont je me réjouis, devra nécessairement s’accompagner de réformes structurelles très profondes : la Grèce devra, le plus tôt possible, procéder à un certain nombre de privatisations et rationaliser sa gouvernance. En dégageant 50 milliards d’euros, elle adresserait également un message très clair aux marchés et à ses partenaires de l’Eurogroupe.
Enfin, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir souligné que l’Europe est sortie, avec le traité de Lisbonne, d’une vision dichotomique opposant fédéralisme et confédéralisme. Il faut avant tout savoir faire preuve de réactivité et de souplesse dans l’action. C’est précisément là, me semble-t-il, l’un des grands acquis de ce traité.
En conclusion, je tiens à saluer l’action de la France au sein du couple franco-allemand dans la crise difficile que nous traversons, dont l’Europe, je l’espère, sortira renforcée. À cet instant, je voudrais citer M. Barnier : « Malheur à celui qui ne bouge pas quand tout, autour de lui, est en mouvement ! Malheur à celui qui préfère être solitaire quand, précisément, il convient d’être solidaire ! »
Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen du 24 juin 2011.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Monique Cerisier-ben Guiga pour siéger au sein du conseil d’orientation de France Expertise Internationale.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-et-une heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.