Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai conjointement les amendements n° 128 rectifié, 129 rectifié et 130 rectifié, car tous trois relèvent de la même ambition : renforcer la participation de l’État aux dépenses sociales. Ces dernières sont actuellement très largement supportées par les départements, dont la plupart sont aujourd’hui confrontés à de grandes difficultés financières.
Même si l’on nous opposera sans doute que des dispositions similaires ont déjà été examinées, cet amendement a, selon nous, toute sa légitimité dans ce projet de loi de finances rectificative. En effet, le Gouvernement nous avait affirmé qu’il s’efforcerait d’apporter des réponses, au moins partielles, à la question de la dépendance lors de la réforme du patrimoine, les deux sujets étant liés. Or force est de constater que, à ce jour, il ne nous a pas proposé grand-chose et que les quelques dispositions présentées dans la loi de finances rectificative ne peuvent en rien satisfaire les départements.
En effet, que représentent les 150 millions d’euros proposés face aux plus de 12 milliards d’euros annuels de dépenses sociales transférées aux conseils généraux ? Le taux de compensation des charges, qui s’établit à 36 %, est loin d’apporter l’équilibre nécessaire !
La situation ne s’améliore guère, comme l’a montré l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée dans un récent rapport.
La charge nette a presque doublé en dix ans. Les dépenses liées au développement des allocations de solidarité ont été multipliées par neuf. L’insertion et le soutien aux personnes handicapées expliquent en partie la forte hausse observée en 2010.
Bien que leurs recettes soient en augmentation grâce à une remontée des droits de mutation – ceux-ci ont connu une hausse de 35 % en 2010 –, les départements restent souvent dans une situation critique. En tout état de cause, ils ne peuvent se satisfaire de cette recette particulièrement volatile.
Alors que la crise des finances départementales perdure, le Gouvernement regarde ailleurs et cherche à flatter la frange la plus dure de sa majorité, qui ose quelquefois se qualifier de « droite sociale » !
Un ministre du Gouvernement stigmatise ainsi les allocataires du RSA en les qualifiant de « cancer de la société » et d’irresponsables « assistés ». Sachez, monsieur le ministre, que c’est d’un véritable travail que ces personnes ont besoin, et non de sous-contrats de quelques heures, lesquels ne leur rendront pas confiance dans le monde du travail, dont ils se sentent, souvent à juste titre, exclus.
Le Gouvernement cherche également à effrayer l’opinion publique avec le poids financier de l’APA, dont la croissance ne pourrait pas être assumée par les pouvoirs publics et justifierait des mesures injustes – soit imposer le recours sur succession, soit faire appel aux assurances privées.
Enfin, le projet de loi sur la prise en charge de la dépendance, promis depuis 2007, se fait toujours attendre. Alors que le quinquennat du Président de la République touche bientôt à sa fin, aucune solution ne sera sans doute proposée aux départements.
Nos amendements visent à proposer une solution financière pour les départements. Nous refusons en effet de leur faire porter la totalité du poids de la solidarité sociale, alors même que l’État conserve une compétence générale en matière de détermination des normes, des mécanismes de calcul et des conditions d’accès à ces allocations.
L’absence de volonté des gouvernements successifs, qui n’assument pas leurs responsabilités face aux enjeux de la décentralisation, a mis les départements dans la situation financière que nous connaissons aujourd'hui et qui n’est plus tenable.
Certains départements ont souhaité porter l’affaire devant le Conseil constitutionnel, par le biais de trois questions prioritaires de constitutionnalité. Ces QPC ont été examinées le 14 juin dernier par le Conseil et les réponses devraient être connues le 30 juin prochain. Bien que la solution soit de nature plus politique que juridique, ces décisions sont attendues avec impatience.
Dans ces conditions, il nous semble important d’apporter dès aujourd'hui une solution afin de pérenniser le financement des allocations de solidarité. Tel est l’objet de nos trois amendements, qui tendent à prévoir un effort financier supplémentaire de l’État.
Bien sûr, on nous objectera que nous chargeons encore une fois la barque de l’État. À cela je répondrai, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que les amendements que nous avons déposés, tout particulièrement ceux que nous avons défendus en début d’après-midi, tendaient à prévoir plusieurs milliards d’euros de recettes possibles grâce au peignage fin de certaines niches fiscales – je pense en particulier à la « niche Copé », dont le réexamen permettrait incontestablement de dégager des ressources et, ainsi, de financer les dispositifs que nous proposons.