Intervention de Philippe Marini

Réunion du 22 juin 2011 à 14h30
Débat préalable au conseil européen du 24 juin 2011

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souscris tout à fait aux remarques des deux orateurs précédents sur la Croatie. Il y a un peu plus d’un an, j’ai eu le plaisir de me rendre dans ce pays, qui représente un enjeu important ; à Zagreb, j’ai pu observer, pour la commission des finances, combien la Croatie avait été exemplaire pendant la crise, même si cela ne signifie pas qu’elle ne connaît plus aucun problème d’adaptation de ses structures économiques.

Nous avons engagé une coopération parlementaire et reçu au Sénat, pendant deux jours, une délégation de la commission des finances de l’Assemblée de la République de Croatie. Lors de notre réunion commune de travail, nous avons constaté que nos collègues croates étaient vraiment au diapason des problématiques européennes.

Le Conseil européen qui se tiendra dans les prochains jours est bien évidemment une étape tout à fait essentielle, que nous avons évoquée lors de l’examen, qui n’est pas achevé, du projet de loi de finances rectificative. Nos collègues le savent bien, trois points de ce texte nous renvoient aux problématiques européennes.

En premier lieu, il faut approuver une nouvelle tranche d’aide à la trésorerie de la Grèce.

En second lieu, dans le cadre du Fonds européen de stabilité financière – car en français il s’agit bien d’un fonds, monsieur le ministre, et non d’une facilité –, la garantie de la France doit être portée de 115 milliards d’euros à 145 milliards d’euros environ.

En troisième lieu, nous observons avec beaucoup d’intérêt les conditions dans lesquelles sera mis en place le futur mécanisme européen de stabilité, qui nous intéresse tout particulièrement au regard de nos finances publiques. En effet, la France doit souscrire à hauteur de 18 milliards d’euros au capital de ce mécanisme, un montant qui alourdira le déficit de nos comptes publics – je pense à l’endettement de notre pays, et non à son déficit « maastrichtien ».

Il ne faut pas oublier, mes chers collègues, que la solidarité européenne repose sur le crédit des États du groupe central de la zone euro ; sans lui, rien n’est possible ! Nous avons d’ailleurs constaté que la capacité réelle d’action du Fonds européen de stabilité financière est limitée à la quote-part des emprunts que peuvent souscrire sur le marché les États qui bénéficient du fameux AAA, soit 255 milliards d’euros. C’est l’extension des garanties qui nous permet d’atteindre le niveau initialement souhaité de 440 milliards d’euros.

Monsieur le ministre, vous avez eu mille fois raison de le souligner, nous sommes réellement en grand péril si nous ne savons pas unir nos forces pour éviter ce grave événement de crédit que serait le défaut de la Grèce. Ce que nous craignons, ce ne sont pas les pertes qui toucheraient directement les établissements financiers sous régulation française, car, somme toute, la taille de l’économie grecque rendrait ces pertes supportables, mais bien l’amplification qui ne manquerait pas de se produire sur l’ensemble des marchés internationaux, notamment par l’intermédiaire d’un instrument redoutable, les credit default swaps.

Les analystes le confirment tous, cette amplification pourrait placer les autorités européennes dans une situation extrêmement difficile à anticiper et à contrôler, qui pourrait même devenir complètement ingérable durant une certaine période.

Nous devons donc trouver un compromis, ce qui est extrêmement difficile. On peut comprendre l’approche, en particulier politique, qui fut celle de la chancelière allemande lors des derniers mois, jusqu’à ce que l’on aboutisse, semble-t-il, il y a quelques jours, à un rapprochement de nos points de vue. On peut également comprendre que le peuple allemand renâcle, compte tenu des efforts considérables de rigueur qu’il a fournis pour assainir ses finances, et qui venaient après les sacrifices exigés par la réunification. On peut tout à fait concevoir que, en Allemagne, eu égard à la situation politique intérieure, la question de la solidarité financière au sein de la zone euro soit un sujet extrêmement difficile, voire douloureux.

Pour autant, je le répète, nous devons trouver un compromis. Nous devons, d’une part, éviter le défaut de la Grèce, et, d’autre part, faire prendre sa part au secteur privé, mais volontairement, dans le cadre de ce renouvellement, de cette rotation, de ce roll over volontaire auquel vous avez fait allusion, monsieur le ministre, et qui est assurément une notion nouvelle.

Nous savons que l’imagination des négociateurs européens – les meilleurs du monde, sinon l’Europe ne serait pas ce qu’elle est aujourd'hui ! – est presque sans limites. L’Union européenne, il est vrai, s’est toujours forgée dans les difficultés, en côtoyant le péril, même le plus imminent.

Monsieur le ministre, je voudrais vous poser quelques questions.

Nous n’avons pas forcément compris en quoi consistera le chaînage entre les programmes de stabilité et la mise en œuvre des volets préventif et répressif du pacte.

Nous nous interrogeons également sur la logique des sanctions : sont-elles, ou non, automatiques ? Selon les interlocuteurs, les réponses sont différentes… Néanmoins, chacun le sait, les sanctions, dont l’application entraînerait un alourdissement considérable des difficultés budgétaires des États déjà les plus mal en point, sont essentiellement un outil de dissuasion. En tant que tel, elles doivent être maniées avec d’extrêmes précautions.

Nous attendons beaucoup de ce conseil européen, de cette fixation des règles du jeu du mécanisme européen de stabilité, car, même si cet instrument ne verra le jour qu’au milieu de l’année 2013, il est absolument essentiel aux yeux des acteurs extérieurs, pour les investisseurs et pour les marchés. Il faut que l’objectif soit clairement défini : nous aurions en particulier besoin de savoir quelle place accorder aux clauses d’action collective dans le dispositif des emprunts qui seront souscrits par le mécanisme européen comme par les États membres.

Je ne prolonge pas mon propos, monsieur le ministre. Nous sommes tous convaincus tant du caractère historique de la situation que nous vivons que de la grande responsabilité qui est la nôtre. Nous avons interrompu la discussion du projet de loi de finances rectificative pour ce débat qui élargit heureusement nos horizons. Notre responsabilité, c’est de tenir le cap des finances publiques, car notre crédibilité dépend des efforts, certainement douloureux, que nous serons en mesure de faire.

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