Intervention de Jean-François Humbert

Réunion du 22 juin 2011 à 14h30
Débat préalable au conseil européen du 24 juin 2011

Photo de Jean-François HumbertJean-François Humbert :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen qui se réunira les 23 et 24 juin prochains doit répondre à trois défis majeurs pour l’Europe.

Le premier défi est celui de la crise de la dette publique et de l’euro. Au-delà de la situation très difficile de la Grèce, les États membres devront apporter, pour l’avenir, une réponse commune, solide et crédible en termes de gouvernance économique européenne. J’y reviendrai.

Le deuxième défi est celui de la gestion des flux migratoires, avec la crise de la gouvernance de l’espace Schengen. Il s’agit non pas de remettre en cause la libre circulation des personnes, qui est un acquis fondamental et non négociable de la construction européenne, mais de permettre à l’Union européenne de mieux contrôler ses frontières extérieures. Je pense par exemple au nécessaire renforcement de l’Agence FRONTEX.

Au-delà de cette question, nous devons avancer vers la mise en œuvre d’une véritable politique européenne de l’immigration et de l’asile, ainsi que vers la mutualisation des moyens humains et matériels des États membres. Il nous faut des orientations claires et précises, à même de convaincre nos concitoyens que les États membres ont la volonté et la détermination de régler cette question qui, vous le savez, monsieur le ministre, est politiquement très sensible.

Enfin, le troisième défi à relever par le Conseil européen est celui de la rénovation de la politique européenne en Méditerranée, face à la crise des printemps arabes. Il nous faut absolument mettre en œuvre une politique européenne durable en Méditerranée, je dirais même une stratégie européenne de voisinage dans cette zone, notamment en matière d’intégration économique, de consolidation de la démocratie et de gestion des flux migratoires. Là aussi, notre pays a un rôle important à jouer, grâce à l’Union pour la Méditerranée, dont on voit aujourd’hui qu’elle constituait une initiative particulièrement clairvoyante du Président de la République.

Ces trois défis à relever par l’Union européenne et ses États membres obligent ces derniers à plus de solidarité et de confiance mutuelle, à plus de volonté politique commune, sous peine de voir les acquis de plus de cinquante ans de construction européenne voler en éclats.

Mais une chose est sûre : l’Europe avance, quoi qu’en disent les éternels sceptiques, confortablement installés sur les rives tranquilles de l’immobilisme, de la critique permanente et du conservatisme bon teint.

La crise a eu l’avantage d’accélérer la mise en place d’une gouvernance économique et financière à l’échelon européen : d’un côté, les États se sont mobilisés en faveur des plus touchés d’entre eux, comme la Grèce, le Portugal ou l’Irlande ; de l’autre, ils se sont mis d’accord sur un ensemble de dispositions visant à éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir.

Durant ces derniers mois, les institutions européennes et les États membres ont pris une série de décisions majeures qui renforcent la coordination économique et budgétaire de l’Union européenne dans son ensemble et de la zone euro en particulier. Le déséquilibre qui existait entre les deux volets de l’Union économique et monétaire est ainsi corrigé. Ces décisions doivent garantir une coordination des politiques économiques des États membres, élément qui est apparu essentiel pendant la crise. Les économies interdépendantes de l’Union européenne seront mieux armées pour tracer la voie vers la croissance et l’emploi. Il s’agit, mes chers collègues, d’une avancée majeure, qui était inimaginable avant la crise.

Je voudrais maintenant vous faire part de mes réflexions sur la situation de la Grèce, un an après l’intervention de l’Union européenne et du FMI. Mon collègue Simon Sutour et moi-même nous sommes rendus dans ce pays voilà quinze jours, et nous venons de rendre un rapport d’information sur sa situation, au nom de la commission des affaires européennes.

Un an après la mise en place d’un premier plan d’aide, la Grèce se trouve toujours confrontée à des problèmes majeurs de financement. Son endettement et l’absence de résultats tangibles de sa tentative de réduction de ses déficits vont ainsi interdire tout retour sur les marchés financiers l’année prochaine. Le plan d’aide international prévoyait pourtant un tel retour en 2012. La défiance des marchés à l’égard d’Athènes contraste avec les efforts déjà accomplis par le gouvernement grec en matière de réformes structurelles. Les systèmes de santé et de retraites ont notamment été réformés en profondeur, et l’administration territoriale largement rationalisée.

À ces bouleversements s’ajoute une cure d’austérité inédite, visant toutes les catégories de la population grecque et rompant de façon nette avec la tradition interventionniste de l’État grec. Néanmoins, en dépit de leur coût social, ces mesures demeurent insuffisantes pour juguler l’augmentation régulière des taux d’intérêts. La privatisation et la cession d’une large partie du patrimoine de l’État, l’intensification de la lutte contre l’évasion fiscale, mal endémique du pays, et une réforme en profondeur du marché du travail sont encore attendues. Au-delà, il apparaît indispensable que la Grèce renoue avec la croissance. La récession économique et l’augmentation concomitante du chômage lui interdisent pourtant, à l’heure actuelle, une telle perspective.

Ce constat induit inévitablement une nouvelle intervention européenne. Les modalités de celle-ci restent cependant à définir, notamment en ce qui concerne l’implication des créanciers privés dans l’allégement de la charge financière qui pèse sur la Grèce. Le défi demeure de taille, tant l’Union européenne semble incapable, à l’heure actuelle, d’aboutir à un consensus sur la question, au risque de brouiller son image et la cohérence de son action, à l’égard notamment de l’opinion publique grecque, lasse de la politique de rigueur appliquée par son gouvernement.

Un an après le premier choc grec, l’Union européenne a pourtant avancé de façon concrète en matière de gouvernance économique. Selon nous, il lui appartient cependant de franchir une seconde étape en renforçant encore celle-ci afin d’enrayer définitivement la crise de la dette souveraine, qui, après avoir frappé l’Irlande et le Portugal, menace dans une moindre mesure l’Espagne ou l’Italie. Pour l’Union européenne, le deuxième acte de la crise grecque est un test de grande ampleur. Elle doit faire montre de maturité politique en parlant d’une seule voix.

C’est sans aucun doute le défi majeur que devra relever le Conseil européen des 23 et 24 juin prochains, afin que la dette et l’austérité ne menacent pas la construction européenne.

Je conclurai en indiquant que je souscris pleinement à la proposition que notre collègue Pierre Bernard-Reymond formulera lors du débat interactif et spontané.

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