Intervention de Laurent Wauquiez

Réunion du 22 juin 2011 à 14h30
Débat préalable au conseil européen du 24 juin 2011

Laurent Wauquiez, ministre :

M. le président Bizet a très bien exposé la position d’équilibre de la France concernant l’espace Schengen, qui ne saurait devenir une zone de libre circulation de l’immigration illégale. Nos compatriotes ne l’accepteront jamais. Il est donc extrêmement important que nous démontrions que les accords de Schengen permettent de répondre aux situations de crise.

De ce point de vue, permettez-moi de souligner que, contrairement à ce que j’ai pu entendre, que l’arrivée de 41 000 personnes à Lampedusa ne représente pas une crise mineure. Un tel flux d’entrées en France équivaut à une augmentation de 20 % de l’immigration illégale sur notre territoire en moins d’un mois et demi.

Sur ce point, mon approche diverge profondément de celle de M. Ries. Les principes, c’est bien joli et ils sont nécessaires, mais il faut aussi prendre en compte la réalité de la situation : que fait-on si un pays ne contrôle pas ses frontières avec des États extérieurs à l’Union, parce qu’il sait que les immigrants ne resteront pas sur son territoire, mais se rendront par exemple en France ?

N’oublions pas non plus l’existence de trafics de drogues ou d’armes. Doit-on considérer que ce n’est pas un sujet et que les mécanismes européens n’ont pas à en tenir compte ? La raison, le pragmatisme et la lucidité n’imposent-ils pas, au contraire, tout en s’inscrivant dans une perspective résolument pro-européenne, de se donner les moyens de réagir en cas de crise ? C’est, ni plus ni moins, ce que nous essayons de faire.

Je remercie M. Jacques Blanc d’avoir défendu la dimension méditerranéenne de l’Europe, sujet qu’il connaît parfaitement pour avoir souvent joué un rôle très important dans ce domaine. Comme l’a très bien dit M. Blanc, la France n’acceptera aucun repli, surtout dans la période actuelle, quant au nécessaire engagement européen à l’égard de la rive sud de la Méditerranée. Si nous avons défendu la règle des « deux tiers, un tiers » – deux tiers pour le partenariat méditerranéen, un tiers pour le partenariat oriental –, tout en renforçant des outils tels que la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, la BIRD, ou la Banque européenne d’investissement, la BEI, c’est précisément pour affirmer notre présence aux côtés de nos voisins de la rive sud de la Méditerranée et les aider dans la transition qu’ils vivent. Ils ont besoin de nous !

Je salue la précision chirurgicale avec laquelle M. le rapporteur général de la commission des finances a exposé les enjeux de la période actuelle : il s’agit effectivement non pas d’une crise de l’euro, mais d’une crise de la dette, l’enjeu fondamental étant, pour tous les États, la maîtrise des déficits.

L’Eurogroupe a annoncé que tous les nouveaux titres émis par les États membres seraient assortis de clauses d’action collective, en quelque sorte standardisées. Quel est l’objectif ? Au-delà de ses modalités juridiques, qui seront finalisées d’ici à la fin de 2011, il s’agit d’un dispositif contractuel prévoyant des procédures spécifiques en cas de défaut d’un pays débiteur. L’enjeu est d’assurer la prévisibilité des dispositions de remboursement : c’est là un point essentiel.

Comme vous l’avez très bien expliqué, monsieur le rapporteur général, si nous mettons en place une participation forcée des créanciers privés, il en résultera immédiatement ce que l’on appelle un « événement » sur les marchés, dont les conséquences pourraient être dramatiques pour la Grèce, l’Irlande, le Portugal et, au-delà, l’ensemble de la zone euro. C’est pourquoi nous avons opté pour une participation volontaire des créanciers privés.

En revanche, l’inclusion d’une clause d’action collective permettra de placer toutes les données sur la table et d’instaurer davantage de prévisibilité dans la gestion de la zone euro. Personne ne sera pris par surprise !

M. de Montesquiou a évoqué les hypothèses de croissance. Sur ce point, il me semble très important de préciser que les prévisions publiées par la Commission européenne à la mi-mai n’intégraient pas les données pour le premier trimestre de 2011, qui font état d’une croissance supérieure à 1 %. Aujourd'hui, les économistes s’accordent à prévoir un taux de croissance de 2 % pour notre pays cette année, l’OCDE estimant même qu’il devrait atteindre 2, 2 %. L'analyse de la Commission me semble donc excessivement pessimiste : les premiers résultats de 2011 tendent plutôt à valider les hypothèses que nous avons retenues.

S’agissant de l’espace Schengen, je salue, monsieur le sénateur, votre souci d’équilibre entre engagement européen et nécessité de prévoir des mécanismes de réaction aux crises. Comme vous l’avez souligné, il ne faut pas que toute crise européenne constitue un drame. Les difficultés actuelles ne signifient pas la mort du projet européen.

Monsieur Badré, j'aime beaucoup votre définition de l’Europe, qui serait « pardon et promesse ».

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