Lors de l’examen de ce collectif à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté un amendement visant à sécuriser l’assiette et à modérer le rendement de la taxe sur les services de télévision acquittée par les distributeurs.
Cette taxe devrait produire un rendement de 583 millions d’euros en 2011. Elle est composée de deux parts.
La première, acquittée par les éditeurs de services de télévision, c’est-à-dire les chaînes, représente 282 millions d’euros. Cette part n’est pas concernée par l’amendement de la commission.
La seconde est acquittée par les distributeurs de services de télévision, c’est-à-dire les opérateurs de télécommunications offrant des offres téléphone/internet/télévision, le groupe Canal + en tant qu’éditeur auto-distribué et Numéricable. C’est cette part qui fait l’objet de l’amendement de la commission. Son rendement est estimé à 301 millions d’euros pour 2011.
Le Gouvernement visait deux objectifs au travers de son amendement.
Le premier était de sécuriser l’assiette. En effet, depuis le 1er janvier 2011, un opérateur important, Free, se livre à une pratique d’optimisation consistant à dégrouper ses offres. Cet opérateur présente une offre sans services de télévision et propose l’accès à ceux-ci en supplément pour un montant très modique.
Cette pratique permet de minimiser l’assiette de la taxe sur les services de télévision et le chiffre d’affaires au titre de ces derniers, par conséquent de profiter des tranches les plus basses du barème progressif. Le Centre national de la cinématographie, bénéficiaire de cette taxe, a chiffré à 20 millions d’euros la perte de recettes annuelle liée à ce seul opérateur et à 140 millions d’euros la perte totale si les autres opérateurs adoptaient la même stratégie.
Le second objectif du Gouvernement était de simplifier et d’alléger le barème. Le rendement de la part de la taxe acquittée par les distributeurs est très dynamique. Selon les estimations disponibles, ce rendement serait, à droit constant, passé de 300 millions d’euros en 2011 à 333 millions d’euros en 2012. Le Gouvernement a donc logiquement proposé de le modérer. Le rendement de la taxe ne serait plus que de 244 millions d’euros en 2012 en application du nouveau barème.
Pourquoi le Gouvernement a-t-il retiré son amendement à l’Assemblée nationale ? Selon mes informations, parce que la commission des finances n’avait pas disposé du temps nécessaire pour l’expertiser et parce qu’une mission d’évaluation et de contrôle sur les taxes affectées aux opérateurs culturels est actuellement conduite par le député Olivier Carré.
Le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac, a néanmoins suggéré une solution de compromis, consistant à examiner cette question au Sénat. Le ministre du budget a bien voulu accéder à cette demande, considérant qu’il faudrait « trouver avec le rapporteur général, M. Marini, le moyen que ce soit porté par la commission des finances, ce qui, d’une certaine manière, donne un peu plus de fluidité au dispositif ». Il voulait certainement dire que l’on pouvait prendre un peu de temps pour ajuster ce dernier.
Pourquoi la commission des finances du Sénat a-t-elle repris à son compte la démarche du Gouvernement ?
L’amendement du Gouvernement visait à modérer les ressources du CNC. Or cet objectif est en droite ligne avec l’analyse que nous avions développée lors du débat budgétaire de l’hiver dernier. Il est incontestablement avéré que le CNC est actuellement en situation de surfinancement.
Je donnerai quelques chiffres à l’appui de mon propos : entre 2010 et 2011, le produit des taxes affectées au CNC est passé de 576 millions à 750 millions d’euros, soit une augmentation de 30 % ; au sein de cet ensemble, le rendement de la seule taxe sur les services de télévision a augmenté de 38 %. En outre, alors que 910 millions d’euros de crédits ont été affectés au budget du CNC pour 2010, seulement les deux tiers ont été dépensés, soit 610 millions d’euros. Cette sous-consommation a entraîné logiquement un gonflement de la trésorerie du CNC, qui est passée de 417 millions d’euros au 1er janvier 2010 à 683 millions d’euros à la fin mars 2011.
Quelles sont les différences entre l’amendement déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale et celui de la commission des finances ?
L’amendement de la commission des finances reprend celui du Gouvernement dans l’esprit, mais en y apportant une correction et deux compléments.
La correction porte sur la définition de l’assiette de la TST. Les redevables de cette taxe ont en effet manifesté la crainte que la nouvelle définition de l’assiette, destinée à prévenir l’optimisation, n’aboutisse à un élargissement indu et à la taxation de tous les abonnements permettant un accès à la télévision, y compris lorsque l’offre de télévision n’est pas souscrite. La commission a donc précisé, avec le concours des services du Gouvernement, que je remercie, la définition de cette assiette, afin d’éviter tout problème d’interprétation.
Les deux compléments sont les suivants.
En premier lieu, à la modération du barème proposée par le Gouvernement, qui est conservée, la commission ajoute la suppression des cotisations professionnelles acquittées au CNC par les professionnels de la filière cinéma. Cette suppression, qui n’entraînerait une perte de recettes que de 10 millions d’euros, avait été suggérée par le CNC lui-même à la fin de l’année 2010.
En second lieu, la commission propose – j’espère que vous apprécierez, monsieur le ministre, le soutien apporté à vos efforts ! – un prélèvement annuel de 10 % sur les recettes fiscales du CNC, de 2011 à 2014, au profit du budget de l’État. Il ne serait sans doute pas superflu que cette recette dynamique puisse contribuer à la trajectoire de convergence.
L’adoption de l’amendement de la commission permettrait de ramener les recettes du CNC à 670 millions d’euros en 2011, contre 750 millions d’euros prévus, et à 520 millions d’euros en 2012. Cela nous semble parfaitement compatible avec les prévisions de dépenses de cet organisme, qui s’établissent à 656 millions d’euros pour 2011. Même si ces dépenses devaient connaître une bonne progression entre 2011 et 2012, la trésorerie du CNC serait encore, selon nos calculs, de l’ordre de 530 millions d’euros en 2013, et si nous ne faisions rien, elle atteindrait 800 millions d’euros ! Mme Keller parlerait alors de la « banque CNC », ce qui ne correspond pas tout à fait, nous semble-t-il, à la vocation de cet établissement…
Je formulerai une toute dernière remarque. J’ai observé, monsieur le ministre, que, depuis quelques années, c’est le CNC, et non plus la direction générale des finances publiques, qui gère la taxe dont nous parlons. C’est donc le CNC qui procède au recouvrement, qui rédige les instructions et qui dispose des données permettant de faire des simulations. Je ne crois pas, pour ma part, qu’il soit de bonne politique et de bonne pratique administrative que l’affectataire d’une taxe soit également l’organisme gestionnaire de celle-ci. Nous n’avons pas prévu de modification sur ce point, mais je me permets d’exprimer cette préoccupation, monsieur le ministre.