Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avions adopté, au mois de janvier dernier, cette proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels.
L’Assemblée nationale l’a examinée à son tour le mois dernier, et je me réjouis que l’ordre du jour du Sénat nous permette de nous prononcer aussi rapidement en deuxième lecture.
Malgré les efforts de notre pays en matière d’accueil des jeunes enfants, dont tout le monde sait qu’ils sont déjà considérables et exemplaires dans l’Union européenne, nous n’étions jamais parvenus, jusqu’à présent, à répondre à deux types de demandes.
C’était le cas, tout d’abord, des besoins des zones rurales. La plupart du temps, les petites communes ne disposent pas du budget nécessaire pour financer des crèches, et les assistantes maternelles craignent souvent l’isolement. Il est donc très difficile pour ces communes d’attirer de jeunes actifs, qui sont forcés, s’ils s’y installent, de choisir entre vie professionnelle et vie privée.
Les maisons d’assistants maternels changeront cette situation : compatibles avec les finances des petites communes, elles apporteront une réponse qu’aucun autre dispositif n’a été en mesure de proposer aux parents. Pour le milieu rural, elles constituent donc une petite révolution, qui devrait largement contribuer à atténuer les désavantages dont son attractivité pâtit.
Le second besoin qu’aucun mode de garde actuel ne parvient à satisfaire, c’est celui des parents qui ont des horaires de travail atypiques. Pour différentes raisons, que chacun peut imaginer, ni les crèches ni les assistantes maternelles seules n’acceptent d’accueillir des enfants à cinq ou six heures le matin pour les garder jusqu’à vingt-deux heures le soir.
Bien sûr, il existe la garde à domicile, mais tout le monde sait combien son coût la rend sélective socialement. En revanche, les maisons d’assistants maternels, qui, pour les parents, ne sont ni plus ni moins coûteuses qu’une assistante maternelle travaillant à domicile, offrent une solution à chaque parent dont les horaires de travail sont atypiques, quel que soit son niveau de revenu. Là encore, ces maisons viennent pallier un manque que personne n’avait jusque-là pu combler.
C’est donc peu de dire, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que la promulgation de cette proposition de loi est très attendue, non seulement des parents et des assistantes maternelles, mais aussi des collectivités.
Je me contenterai, d’un point de vue technique, de rappeler ses deux apports essentiels.
Tout d’abord, et c’est là le point le plus important, elle encadre et sécurise la délégation d’accueil entre les assistantes maternelles. Celle-ci permet à une assistante maternelle de confier, avec l’accord des parents bien évidemment, l’accueil temporaire d’un enfant dont elle a la garde à une autre assistante maternelle travaillant dans le même regroupement. Cette faculté constitue le cœur du dispositif, puisqu’elle permettra d’élargir les horaires d’accueil et, donc, de répondre aux besoins des parents et des enfants.
Ses modalités d’application sont particulièrement précises : les parents et les assistantes maternelles devront accepter explicitement la délégation, qui figurera obligatoirement dans le contrat de travail, de même que les noms des assistantes maternelles auxquelles la délégation sera accordée. Celle-ci ne devra pas être rémunérée en sus ou spécifiquement, afin d’éviter le risque de requalification de la délégation en contrat de travail.
En outre, en autorisant et en encadrant par la loi la délégation d’accueil, nous offrons aux présidents de conseils généraux une sécurité qui leur manque actuellement. En effet, dans la quasi-totalité des cent cinquante maisons qui existent dans une quarantaine de départements, la délégation est déjà pratiquée, même si elle n’est pas autorisée ; en cas de problème, la responsabilité des départements pourrait donc être mise en cause.
Désormais, la délégation d’accueil bénéficiera d’un fondement légal, qui protégera les présidents de conseils généraux en cas d’accident. C’est sans doute ce qui explique que sept des cosignataires de la proposition de loi, à commencer par Jean Arthuis lui-même, soient à la tête de départements…
Le second apport essentiel de ce texte est d’offrir aux conseils généraux, dans le respect de la décentralisation, le choix de recourir, ou non, à une convention. Mes chers collègues, vous vous rappelez combien cette question fut épineuse.
Que ce document n’ait qu’un caractère facultatif me semble important pour deux raisons.
Tout d’abord, pourquoi imposer une convention nationale, élaborée dans des ministères parisiens quelque peu éloignés du terrain, à des départements qui s’en sont jusque-là très bien passés ? On viendrait perturber maladroitement un dispositif qui a déjà fait la preuve de son efficacité !
Ensuite, si l’on peut admettre la nécessité d’une convention lorsque le droit autorise les regroupements d’assistantes maternelles sans en préciser les modalités, comme c’est actuellement le cas, il en ira autrement dès lors qu’une loi encadrera en détail leur fonctionnement, ce qui est précisément l’objectif du présent texte. Pourquoi imposerions-nous une étape administrative que nous aurons nous-mêmes rendue inutile grâce à la loi ?
L’Assemblée nationale a compris nos intentions et respecté les grands équilibres que nous avions construits. Elle a notamment souhaité qu’un rapport d’évaluation soit remis au Parlement trois ans après la promulgation de la loi. Je pense que cette initiative qui est la bienvenue pourra rassurer ceux que la formule des maisons d’assistants maternels inquiète un peu.
Voilà, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire sur ce texte. Vous l’aurez compris, nous arrivons au terme d’un processus législatif dont nous aurons été les initiateurs déterminés et exigeants, et c’est pourquoi je vous proposerai une adoption conforme.
Nous pouvons nous féliciter de la rapidité avec laquelle nous avons su convaincre et apporter une réponse nouvelle au problème de l’accueil des jeunes enfants, notamment en horaires atypiques et en milieu rural. Il est rare, en effet, qu’une proposition de loi soit examinée et votée en cinq mois.
Je rappellerai enfin la démarche qui a présidé à notre initiative. Nous n’avons pas décrété par le haut de quelle façon les parents et les assistants maternels devaient s’organiser. Au contraire, nous avons pris pour point de départ l’analyse et l’écoute du terrain pour ensuite donner un fondement législatif aux innovations judicieuses et efficaces de la société.
Au fond, nous n’avons fait que notre travail de parlementaires. Mais, au vu du nombre d’assistants maternels, de parents et d’élus locaux qui attendent impatiemment la promulgation de la loi, j’ai la faiblesse de croire que ce travail n’aura pas été inutile. §