Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 27 mai 2010 à 9h30
Création des maisons d'assistants maternels — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Tout d’abord, les maisons d’assistants maternels ne permettront pas de compenser les 400 000 places de garde qui manquent aujourd’hui. Nicolas Sarkozy s’était engagé à en créer 200 000, dont 100 000 en mode collectif. Il a cependant omis de préciser que, sur ces 100 000 places, la moitié au moins proviendrait de ces futures nouvelles structures.

De son côté, l’Union nationale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux, l’UNIOPSS, considère que seules les assistantes maternelles les plus âgées, dont les enfants sont autonomes, pourraient être tentées par cette expérience, ce qui signifierait un déplacement des enfants du domicile de l’accueillant vers le local de la maison des assistants maternels. Et l’UNIOPSS de conclure : « Au final, l’augmentation réelle du nombre de places pourrait s’avérer assez faible ».

En revanche, si cette proposition de loi ne permet pas de pallier le manque de places, elle va concurrencer les places collectives de garde d’enfant.

Lors de l’examen en première lecture de cette proposition de loi, vous nous avez opposé le fait que des élus locaux ont recours à ce nouveau mode de garde.

Il est incontestable que, dans un contexte de pénurie de places d’accueil, ces élus doivent assumer pleinement leurs responsabilités en mettant en œuvre tous les moyens à leur disposition.

Cependant, votre argumentation néglige le facteur de la raréfaction de leurs ressources – chacun a présent à l’esprit la suppression de la taxe professionnelle – qui oblige les élus à opter pour les solutions les moins onéreuses, au détriment de la qualité.

Cette proposition de loi, suggérant aux maires de mettre à disposition des locaux pour les assistants maternels qui voudraient se regrouper, arrive donc à point nommé.

Nous ne sommes donc pas convaincus que les maisons d’assistants maternels puissent remplacer, sur le plan qualitatif, les modes de garde collectifs traditionnels que sont les crèches, les microcrèches et les crèches familiales.

De fait, si ces structures constituent bien un nouveau mode collectif de garde, elles offrent des conditions d’accueil et de sécurité considérablement réduites. Certains parlent déjà de structures « low cost » !

Par ailleurs, nous regrettons le choix de rendre facultative la convention tripartite passée entre l’État, la CAF et l’assistant maternel. Cela conduira de toute évidence à leur quasi-inexistence.

Ces conventions peuvent pourtant permettre d’avancer considérablement en matière de qualité de la prise en charge des jeunes enfants, par l’intégration d’un projet social et pédagogique qui fait actuellement cruellement défaut. Elles pourraient même prévoir un règlement intérieur organisant les relations de travail entre les différents assistants maternels.

Par ailleurs, nous tenons à rappeler qu’en l’état actuel cette proposition de loi ne permettra pas de répondre aux besoins des familles modestes. Ces structures nouvelles n’appliqueront pas, contrairement aux crèches publiques, de tarifs sociaux. Quel scandale à un moment où d’importantes incertitudes pèsent sur notre société !

En réalité, on le voit bien, le souci majeur de cette proposition de loi est de sécuriser juridiquement la délégation, qui en constitue le cœur.

Il y a donc, pour reprendre la formulation de mon ami le député Roland Muzeau, un important déséquilibre entre le souci affiché et légitime d’apporter une sécurité juridique aux assistants maternels et aux conseils généraux grâce à la délégation d’accueil et les conditions d’accueil ainsi avancées pour les jeunes enfants.

Non, cette proposition de loi n’apportera pas la sécurité juridique attendue par les assistants maternels, car elle revient sur un élément essentiel du contrat de travail : sa nature individuelle.

Ce contrat très particulier, qui se veut protecteur des salariés, ne peut être un contrat collectif et n’emporte d’effets juridiques qu’entre ses deux seuls signataires.

Par ailleurs, vous prévoyez toujours, malgré les déclarations du rapporteur à l’Assemblée nationale, que la délégation ne puisse pas donner droit à rémunération. Autrement dit, vous instaurez la notion de travail gratuit ou, dans le meilleur des cas, de troc entre du travail et du temps de travail.

On sait pourtant que les rémunérations des assistants maternels sont fixées individuellement, par contrat, au cas par cas.

Avec ce dispositif, vous considérez temporairement, pendant la période de délégation, que le contrat de travail n’a plus toute sa portée et que les heures de travail de deux salariés appliquant des tarifs différents se valent. Cette conception est juridiquement très contestable et, à n’en pas douter, elle entraînera une multiplication des contentieux.

Notre groupe votera donc contre cette proposition de loi. En effet, d’une certaine manière, elle constitue un renoncement à l’exigence de qualité qui a guidé jusqu’à aujourd’hui la création et les évolutions des métiers de la petite enfance.

Je ne prendrai qu’un exemple – et je terminerai mon intervention par ce point –, celui de la formation. Les assistants maternels pourront garder jusqu’à quatre enfants, dans une structure qui en compte seize, sans jamais avoir eu d’expérience professionnelle en la matière et en n’ayant suivi que soixante heures de formation !

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