Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 5 juillet 2007 à 15h30
Récidive des majeurs et des mineurs — Demande de renvoi à la commission

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

La commission de suivi de la récidive demandait que l'on puisse disposer d'une telle étude. Ma demande ne me semble donc pas excessive.

Par ailleurs, l'injonction de soins est généralisée alors que les moyens manquent pour appliquer la législation existante : 800 postes de personnels soignants en prison sont vacants, un tribunal de grande instance sur deux ne dispose pas d'un médecin coordonnateur, il est difficile de trouver des experts psychiatres, le secteur privé se désintéresse de la prise en charge des condamnés alors que le secteur public est débordé. Telle est la situation.

Dans ces conditions, rendre obligatoires des peines dont on sait qu'elles ne pourront être appliquées, faire jouer au psychiatre le rôle du juge, cela a-t-il un sens ?

On peut ensuite s'interroger sur les effets de ce texte sur l'évolution de la population carcérale. Cette dernière a littéralement explosé dans les pays qui ont appliqué la politique que vous voulez « acclimater » en France, madame le garde des sceaux. Comment penser que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets en France ? D'autant que, contrairement à ce que vous avez déclaré, la loi s'appliquera aussi aux petits délinquants.

Déjà, ces cinq dernières années, la population carcérale a augmenté de 20 %. La seule chose que l'on ignore est la croissance qui résultera des dispositions du nouveau texte : y aura-t-il 2 000, 4 000, 10 000 détenus supplémentaires ? Il serait intéressant de le savoir !

Le troisième effet secondaire de ce texte sera le découragement de la magistrature. M. Robert Badinter a beaucoup insisté sur ce point, et je n'y reviendrai donc pas.

Des magistrats qui doutent de la confiance de ceux au nom desquels ils jugent ne pourront rendre une bonne justice.

Vous avez déclaré ceci, madame le garde des sceaux : « C'est la fonction première de la loi pénale d'être dissuasive. Elle doit retrouver cette vertu. » Vous parlez d'or. Toute la question est de savoir comment y parvenir. Certainement pas en transformant les juges en distributeurs de peines de plus en plus lourdes, en dispensateurs de « renforçateurs négatifs », pour utiliser le jargon behavioriste, ou de médicaments obligatoires par soignants requis interposés.

La justice républicaine n'est pas réductible à une quelconque forme d'ingénierie sociale. Le sentiment que rien n'est définitivement joué, l'humain avec ses incertitudes, ses échecs mais aussi sa capacité à se relever, y tient un rôle central : avant et au moment du jugement, dans le processus d'accomplissement de la peine, et après.

Mardi, le Premier ministre, dans la péroraison de sa déclaration de politique générale

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