Séance en hémicycle du 5 juillet 2007 à 15h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • circonstance
  • délinquance
  • délinquant
  • emprisonnement
  • insertion
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  • prison
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La séance

Source

La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président du Sénat a reçu de M. Roger Beauvois, président du conseil d'administration du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, en application de l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001, le rapport annuel d'activité de cet organisme.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

M. le président du Sénat a reçu de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, le rapport annuel pour 2006 de la Commission bancaire.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.

M. le président du Sénat a reçu de M. Paul Champsaur, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, en application de l'article L. 135 du code des postes et des communications électroniques, le rapport d'activité pour 2006 de cet organisme.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires culturelles ainsi qu'à la commission des affaires économiques et sera disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président du Sénat a reçu de l'Assemblée de la Polynésie française par lettre en date du 19 juin 2007, les rapports et avis de l'Assemblée de la Polynésie française sur :

- le projet de loi autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance des brevets européens, signé à Munich le 29 novembre 2000 ;

- le projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, adoptée le 16 mai 2005 à Varsovie ;

- le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion des nouveaux États membres de l'Union européenne à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouvert à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes, signée à Luxembourg le 14 avril 2005.

Acte est donné de ces communications.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Par lettres en date du 5 juillet 2007, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat que, en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence :

- du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (363, 2006-2007)

- et du projet de loi relatif aux libertés des universités (367, 2006-2007).

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous reprenons la discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

Nous en sommes parvenus à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi, par MM. Mermaz et Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 50, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des mineurs et des majeurs (333 rectifié, 2006-2007) (urgence déclarée).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Louis Mermaz, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Madame le garde des sceaux, je rappellerai brièvement la situation dont vous héritez, j'essaierai de démontrer les dangers, pour la société et pour l'institution judiciaire, du projet de loi que vous défendez et j'y opposerai un certain nombre de propositions, qui supposeraient évidemment que la motion tendant à opposer la question préalable fût votée.

Je commencerai donc par un premier constat : depuis cinq ans, la délinquance des mineurs mais aussi la délinquance dans son ensemble n'ont cessé d'augmenter, et ce sont les violences envers les personnes, c'est-à-dire les actes les plus graves, qui ont fait un bond spectaculaire.

C'est la conséquence éclatante de l'absence de politique d'ensemble visant à s'attaquer aux causes réelles et profondes de ce mal et à le soigner dans toute son ampleur.

Nous connaissons en France des zones où la vie des habitants est désormais insupportable, des zones qui sont devenues des secteurs de non-droit et où la présence permanente de la puissance publique s'est en grande partie évanouie. Les institutions locales, les acteurs sociaux, les enseignants se sentent de plus en plus abandonnés. Oui, il convient ici de rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui n'ont pas déserté ces territoires et s'obstinent à accomplir des missions de service public dans des conditions de plus en plus rudes !

Depuis 2002, ceux qui nous gouvernent ont, à mon sens, tout fait à l'envers : ils ont mis fin dans les villes et dans l'enseignement aux emplois-jeunes qui contribuaient efficacement à l'encadrement des enfants et des adolescents. Ils ont détruit la police de proximité par idéologie et, faute d'avoir compris son utilité, ont substitué à la surveillance, à la prévention, à la coercition, quand c'est nécessaire, des opérations coup-de-poing déclenchées sans discernement et causant de véritables ravages.

Les syndicats de police se sont d'ailleurs élevés à de nombreuses reprises contre une utilisation à contre-emploi des forces de sécurité, car les précédents gouvernements, par des contrôles au faciès à répétition et des actions intempestives, ont réussi depuis cinq ans à développer un sentiment d'exaspération dans la jeunesse et la population de nombreux quartiers. On a ainsi pratiqué des amalgames scandaleux à l'ombre desquels la délinquance n'a cessé de proliférer.

Plus la situation empirait, plus le pouvoir aurait voulu faire croire à l'opinion qu'il était indispensable. Il a demandé au Parlement depuis 2002 le vote de sept lois prétendument destinées à enrayer la montée de la délinquance. Pourquoi ce nouveau texte, alors que la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance attend toujours ses décrets d'application - mais faut-il vraiment se plaindre du ralentissement de la mise en oeuvre de cette panoplie inefficace et dangereuse ? -, alors que la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales - déjà ! - attend toujours son étude d'impact, s'il doit jamais y en avoir une ?

Depuis 2002, les gouvernements ont également fait procéder à quatre révisions de l'ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs. Ils ont à chaque fois durci la répression, considérant avec cynisme qu'une partie de l'opinion accorderait plus de prix à une volonté de répression qu'à la prévention ou aux actions d'insertion ou de réinsertion.

Aujourd'hui, les dégâts sont considérables. Mais à peine le nouveau gouvernement est-il en place qu'il tend à persévérer dans une voie sans issue !

En examinant le présent projet de loi, nous allons voir maintenant comment, loin de tenir compte des enseignements du passé et de l'aggravation de la situation, vous entendez poursuivre la politique qui a totalement échoué, vous défaussant sur l'institution judiciaire, parent pauvre de notre République, prenant le risque évident de voir, par vos carences et par des contresens à répétition, les choses aller de mal en pis.

Ainsi, la surpopulation carcérale atteint en France des seuils jamais égalés depuis 1945. Le nombre de détenus au 1er mai 2007 dépassait 61 000 personnes. Le taux moyen d'occupation dans les maisons d'arrêt est en moyenne de 150 % avec parfois des pointes à 200 %. L'état des prisons est d'ailleurs unanimement dénoncé. L'immense majorité des détenus sont des pauvres, des hommes et des femmes en situation de précarité et d'exclusion.

M. Pierre Tournier, chercheur au CNRS, considère dans une étude récente que l'une des principales conséquences de l'établissement de peines planchers aboutirait à 10 000 détenus supplémentaires. Au bout d'un an d'application de cette loi, la population carcérale dépasserait 70 000 prisonniers. Souhaitons qu'il n'en soit pas ainsi !

Aujourd'hui, pour bénéficier d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique, le reliquat de peine qui reste à purger pour les détenus ne doit pas être supérieur à un an. Dès lors, la plupart des peines planchers prononcées ne pourront pas être aménagées rapidement. De plus, notons aussi que la libération conditionnelle, s'agissant des condamnations prononcées en récidive, ne pourra intervenir qu'aux deux tiers de la peine et non à mi-peine.

On va donc assister de par ce projet de loi à un accroissement de l'emprisonnement des mineurs.

Mme le ministre s'entretient avec un collaborateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Monsieur le président, je souhaiterais faire un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Peut-être souhaitez-vous que l'on prête plus d'attention à vos propos...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Les socialistes, quant à eux, sont attentifs !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

M. Louis Mermaz. J'aimerais que l'on ne distraie pas inutilement Mme le garde des sceaux, même si elle connaît bien le sujet ! Plutôt que d'avoir une discussion fantomatique au cours de laquelle Mme le garde des sceaux et ses collaborateurs n'écoutent pas et sont simplement là pour parler entre eux, mieux vaut ne pas nous réunir !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

On nous parle beaucoup des droits du Parlement, mais je constate que le Gouvernement ne les respecte pas toujours. Sous les gouvernements de MM. de Villepin et Raffarin, de tels faits ne se produisaient pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Même si les ministres ne sont pas d'accord, ils doivent écouter !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

J'en reviens à mon intervention. On va donc assister de par ce projet de loi, disais-je, à un accroissement de l'emprisonnement des mineurs. Leur taux d'incarcération est d'ailleurs en constante augmentation. Or, on connaît les effets criminogènes de la prison, les taux de récidive étant toujours plus élevés après la prison qu'après une peine alternative à l'incarcération. Les sursis avec mise à l'épreuve ou l'accomplissement d'une peine en milieu ouvert constituent au contraire une prévention efficace de la récidive.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Or, votre projet de loi privilégie les peines d'emprisonnement, les peines alternatives devenant l'exception.

Certains États des États-Unis, pays pourtant répressif en diable, qui jugent les mineurs comme des majeurs, constatent que le taux de récidive progresse en proportion de l'augmentation du taux d'incarcération.

Ne faudrait-il pas, aujourd'hui, faire un vrai diagnostic de la situation, établir une réelle concertation pour s'attaquer aux causes du mal plutôt que de recourir de plus en plus souvent à l'emprisonnement, puisque cette politique du tout-répressif a précisément échoué ?

Si la répression est souvent nécessaire dans certaines circonstances - nous sommes tous d'accord sur ce point -, il y a, en amont, l'impérieuse nécessité de la prévention et, en aval, l'exigence de l'insertion et de la réinsertion, aussi difficiles et coûteuses soient-elles.

Il faut comprendre pour traiter le mal. La délinquance doit être considérée dans son contexte. Il faut la traiter, non pour éliminer ou se venger, mais pour guérir.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Avec le présent projet de loi, vous recherchez bien sûr un effet d'affichage. Mais des risques de dérive existent aussi.

Il y a un effet d'affichage, puisque l'ancien ministre de l'intérieur a cru devoir viser le prétendu laxisme des magistrats, notamment celui des juges pour enfants.

Mais les risques de dérive sont évidents. Personne ne conteste le droit pour la société de punir sévèrement des crimes et des délits graves. Si les crimes et les délits d'une exceptionnelle gravité doivent être sévèrement sanctionnés, il faut toutefois se garder des généralisations abusives, en jetant la suspicion sur la liberté d'appréciation des magistrats, voire en soumettant ces derniers au chantage d'une partie de l'opinion publique, aux pressions éventuelles de leur hiérarchie ou encore en leur imposant des conditions d'exercice encore plus difficiles dans l'accomplissement de leur mission, lorsqu'il s'agit pour eux de rédiger leurs jugements, avec le manque de moyens et de temps que l'on sait.

Oui, on retrouve ici la question lancinante du manque de moyens dont vous ne portez pas la responsabilité, madame le garde des sceaux, puisque vous arrivez au Gouvernement, mais dont vous devrez tenir compte tant que vous n'aurez pas réussi à redresser la situation, ce qui suppose que vous vous en donniez les moyens.

Considérons aujourd'hui le manque de personnel et parfois de matériel dans les greffes, la lenteur inacceptable, là aussi faute de moyens, dans la mise en oeuvre des mesures éducatives, qui sont pourtant décidées par le juge dès la première présentation, en attendant qu'intervienne le jugement au fond. Ce n'est pas la justice des mineurs qui n'est pas au rendez-vous : ce sont les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Le dispositif combiné des peines planchers avec l'abaissement de l'âge auquel intervient l'excuse de minorité risque à coup sûr d'enfermer le juge dans un carcan, de le transformer en distributeur automatique de peines. Il pourra toujours, direz-vous, motiver un jugement plus clément, en prenant en compte la personnalité, le parcours du jeune lors d'une première récidive, les conditions exceptionnelles de réinsertion lors d'une seconde. Mais, du reste, que signifie cette notion vague et insaisissable de « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion » ? Encore une fois, aura-t-il le temps d'apporter à son jugement les motivations exigées, par exemple, lors des comparutions immédiates rendues plus fréquentes depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ?

Pour ce qui est des peines planchers, les gouvernements précédents et les deux gardes des sceaux qui vous ont précédée s'y sont toujours opposés.

Le 10 novembre 2006, le Premier ministre Dominique de Villepin affirmait, quant à lui, ceci : « Faut-il aller jusqu'aux peines planchers ? Je ne le crois pas. Pour qu'une peine soit efficace, il faut qu'elle soit personnalisée. »

Un parlementaire de l'UMP, M. Jean-Luc Warsmann, déclarait déjà devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, le 8 décembre 2004 : « les peines planchers sont une inspiration du droit anglo-saxon. Les instaurer reviendrait à bouleverser la philosophie du droit français, remettrait en cause l'individualisation des peines. Et ça, nous ne le souhaitons à aucun prix. »

Le code pénal en vigueur au 1er mars 1994 avait supprimé la notion même de « minimum de la peine », préférant, dans un esprit de protection des libertés, fixer plutôt un maximum.

Enfin, est-il juste d'abaisser l'âge de l'excuse de minorité quand tant de jeunes enfants ou adolescents, faute de discernement, sont soumis à la contrainte et à la manipulation par leurs aînés dans divers trafics ?

Tous les actes européens et internationaux auxquels la France a adhéré entraînent des règles qui revêtent une force juridique supérieure à notre droit interne et s'imposent donc au législateur. Il en résulte que l'enfermement des mineurs doit être l'exception, alors que vous allez accentuer par votre texte, madame le garde des sceaux, la tendance qui se dégage depuis 2002 à donner la préférence à l'emprisonnement sur toute autre mesure. À cet égard, l'ensemble des magistrats et des associations du monde judiciaire manifestent vigoureusement leur inquiétude.

Vous tendez à ignorer qu'un jeune, même âgé de seize ans à dix-huit ans, n'est pas un adulte. Il est en construction. Telle est la philosophie de l'ordonnance de 1945 prise après une longue période de barbarie. Cette ordonnance affirme à juste titre que la France a besoin de tous ses enfants. Dès lors, pourquoi abaisser en fait l'âge de la majorité pénale, même si cette mesure est hypocritement quelque peu masquée, alors que les jeunes accèdent de plus en plus tard à une véritable autonomie ?

Le comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté en 2003 une recommandation qui prévoit même des dispositions de procédure adaptées aux jeunes majeurs, afin de tenir compte de cette période de transition qui précède l'âge adulte.

Ainsi, avec cette loi, la France agirait à contre-courant d'une évolution humaniste et intelligente, même si, aujourd'hui, certains pays européens, nous emboîtant le pas, cèdent à la tentation du « tout-répressif ».

Pourtant, plutôt que d'empiler les textes répressifs, il conviendrait de donner au préalable à la justice et à la société les moyens nécessaires pour prévenir le mal, et pour réduire ce dernier quand il est déjà là.

Nous attendons impatiemment de connaître le budget de la justice pour 2008 et les moyens qui seront alloués à la police dans les quartiers, à la protection judiciaire de la jeunesse ainsi qu'aux éducateurs, aux services médicaux dans les prisons, à l'éducation nationale, menacée au demeurant par des milliers de suppressions d'emplois. Nous attendons également de connaître les moyens qui seront donnés aux greffes, aux magistrats, aux fonctionnaires des tribunaux et à l'administration pénitentiaire.

Nous souhaitons enfin que, lors de la révision de la carte judiciaire, vous gardiez le souci de ne pas éloigner la justice du justiciable et que vous fassiez en sorte que rien ne soit entrepris dans ce domaine sans une concertation sérieuse.

Madame le garde des sceaux, mes chers collègues, prenons conscience de tout ce qui reste à faire pour que la situation dans les prisons soit décente, qu'elle ne soit plus l'objet des critiques des institutions européennes. N'oublions pas non plus l'état de la société, le creusement des inégalités de toutes sortes, que la politique du nouveau gouvernement - du bouclier fiscal à la TVA sociale - ne fera qu'aggraver.

Le vote par le Sénat de la question préalable nous permettrait d'opposer à ce projet de loi des propositions d'une autre nature et d'une autre portée. Il nous faut d'abord connaître les moyens qui seront alloués aux budgets des ministères de l'intérieur et de la justice. Il faut non pas réduire arbitrairement le nombre d'enseignants, mais consacrer plus de moyens aux établissements scolaires des quartiers en difficulté. Il faut revenir aux emplois jeunes dans ces quartiers, rétablir la police de proximité, doter la protection judiciaire de la jeunesse de moyens qui soient à hauteur des besoins, revoir de fond en comble notre politique pénitentiaire et, là aussi, prévoir les budgets nécessaires.

Nous aurions, en effet, préféré vous voir venir devant nous, madame le garde des sceaux, pour défendre d'abord un projet de loi pénitentiaire et proposer la création d'un contrôleur des prisons. Mais vous nous avez annoncé que vous le feriez dès l'automne prochain ; nous attendrons donc.

Toutes ces décisions politiques auraient permis un traitement efficace de la délinquance, mais le présent projet de loi lui tourne le dos.

Vous avez certes habillé votre intervention de formules pleines de bonté, me rappelant la présentation faite dans cet hémicycle, en 1827, sous la Restauration, par l'un de vos prédécesseurs, le garde des sceaux Peyronnet, d'une loi dite « de justice et d'amour », qui visait en fait à détruire la liberté de la presse. J'espère que votre projet de loi ne tend pas à détruire l'indépendance judiciaire, madame le garde des sceaux !

Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir voter la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Eh bien non ! Il y a eu des élections, quand même !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur Mermaz, après vous avoir écouté attentivement, je suis encore plus convaincu de la nécessité pour le Parlement de débattre du thème de la récidive.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Très bien ! Il a donné tous les arguments !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

J'en conviens avec vous, ce n'est pas la première fois que nous en débattrons, mais la discussion est loin d'être close puisque, comme vous l'avez souligné, le problème perdure et n'est pas prêt d'être réglé.

Votre discours très argumenté alors que la discussion générale est terminée prouve bien qu'il y a matière à discuter.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous serions tous ici très frustrés que, après avoir écouté tous vos arguments, nous arrêtions là le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto, rapporteur. Par conséquent, au nom de la commission des lois, j'émets un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissementssur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Je partage tout à fait l'argumentation que vient de développer M. le rapporteur. Monsieur Mermaz, il est nécessaire d'ouvrir le débat.

C'est pourquoi le Gouvernement est également défavorable à la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix la motion n° 50, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

La motion n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi, par MM. Collombat et Badinter, Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 51, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (333 rectifié, 2006-2007) (urgence déclarée).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, vouloir honorer une promesse électorale suffit-il à justifier cette contribution à l'inflation législative et à l'alignement de la justice des mineurs sur celle des majeurs, à justifier le risque d'envoyer toujours plus d'hommes et de femmes en prison ? Telle est la question qui nous est ici posée avec ce projet de loi.

La réponse sera « oui » s'il s'agit non pas d'un ixième ravaudage du code pénal en cinq ans, mais d'un texte cohérent et complet, laissant raisonnablement espérer qu'il résistera au prochain fait divers sanglant.

La réponse sera encore « oui » si ce texte a de bonnes chances d'être efficace et si ses effets secondaires ne le rendent pas plus délétère que le mal qu'il est censé combattre.

C'est pour répondre à cet ensemble de questions complexes qu'un renvoi à la commission est nécessaire.

Ce texte est-il cohérent et complet ? Aborde-t-il la délinquance et la récidive dans leur complexité, suffisamment en tout cas pour que l'on n'y revienne pas avant la prochaine élection présidentielle ?

Les conditions de son élaboration en font douter fortement.

En effet, quatre articles visent d'abord à créer les peines planchers et à supprimer, dans certaines conditions, l'atténuation des peines pour les mineurs. Puis, après passage express en conseil des ministres, six articles qui n'ont rien à voir rendent obligatoire le suivi médical et judiciaire pour les personnes condamnées pour infractions sexuelles graves.

Comment toutes ces dispositions s'articulent-elles avec les lois précédentes, notamment avec la loi Perben II ? Qui peut le dire ?

Rappelons en particulier que, pour favoriser « l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive », la loi Perben II prévoit que « l'individualisation des peines doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ».

De son côté, le rapporteur rappelle que « l'efficacité de l'action contre la récidive passe aussi par une meilleure exécution des décisions de justice ainsi que par un effort accru en faveur de la réinsertion ».

Nulle trace cependant de ce souci dans le présent projet de loi, d'inspiration totalement opposée.

Ce projet est « déraisonnable », indique le président de la chambre des mineurs de la cour d'appel de Paris, Philippe Chaillou, dans un article publié dans Libération. Il aboutit à ce que des délits mineurs commis en état de récidive soient plus sanctionnés que des délits graves commis une première fois, et donne quelques exemples en la matière. J'en citerai un.

« S'il s'agit d'une troisième infraction, un mineur, âgé de seize ans et quelques jours, qui, dans le RER, aura dérobé cinq euros à un autre jeune de son lycée, en le tenant et en compagnie d'un camarade, se verra obligatoirement condamné à un minimum de quatre ans d'emprisonnement et encourra un minimum de vingt ans d'emprisonnement. » Ce même mineur de seize ans, pour un viol commis en première infraction, ne sera pas soumis à une peine plancher et encourra une peine maximale de sept ans et demi d'emprisonnement. Où se trouve la cohérence ? Où se trouve la raison ?

Mais l'erreur fondamentale de ce texte, comme des textes précédents, est de traiter la récidive comme un phénomène générique auquel s'appliqueraient des solutions générales, par ailleurs simplistes.

Or, les formes ainsi probablement que les mécanismes déclencheurs de la récidive sont très divers. Quel rapport existe-t-il entre la récidive que je viens d'évoquer, la récidive massive des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans condamnés pour vol avec violence et celle des criminels de sang dont le taux de récidive est de 5 ? ou celle des délinquants sexuels, dont le taux de récidive est de 14 % pour les délits et de l'ordre de 1 % pour les crimes ?

Quel rapport existe-t-il entre, d'une part, des délits qui sont avant tout une activité économique - vol à main armée, trafic de stupéfiants - et sont, en tant que tels, sensibles au rapport risques/avantages et, d'autre part, les violences quasiment initiatiques de bandes de jeunes ?

Parler de délinquance sexuelle en général a-t-il même un sens ? Des spécialistes comme Xavier Lameyre en doutent.

Manifestement, il s'agit donc là d'un texte de circonstance, bâclé, qui en appellera d'ailleurs d'autres. Madame le garde des sceaux, vous avez d'ailleurs d'ores et déjà annoncé que d'autres textes étaient en préparation.

Ce texte apportera-t-il une réponse efficace à la délinquance et à la récidive ?

La commission de suivi de la récidive mise en place par votre prédécesseur, madame le garde des sceaux, aurait pu le dire à la commission des lois du Sénat, ce qui aurait probablement évité à cette dernière d'accepter aujourd'hui les peines planchers qu'elle refusait hier.

Mais nous n'avons vraiment pas de chance ! En décembre 2005, puis à nouveau en mars 2007, faute de pouvoir fournir un rapport, la commission de suivi de la récidive n'a pas pu nous éclairer. Aujourd'hui, ce rapport existe, mais il est seulement connu par des fuites dans la presse. Est-ce parce que cette commission émet des doutes sur l'efficacité des peines planchers que son rapport est toujours sous votre coude, madame le garde des sceaux ?

La commission de suivi de la récidive rappelle que les peines minimales ont existé en France et qu'elles ont été abandonnées sous la pression de la pratique. Je ne reviendrai pas sur le long mouvement qui a abouti à cette décision.

En analysant les expériences étrangères, notamment anglo-saxonnes, la commission conclut ainsi : « il n'existe pas de travaux qui aient démontré l'effet attendu de diminution de la récidive. Plusieurs études enregistrent même une augmentation de la récidive, en particulier celle des mineurs ayant commis des faits de violence grave ».

Comment peut-on croire, comme vous l'avez dit tout à l'heure, qu'il s'agit simplement d'une question d'information, que les récidivistes n'étaient pas informés des risques qu'ils encouraient ? Être pragmatique, comme vous le souhaitez, ce serait tenir compte de ces études et ne pas se fonder uniquement sur les rencontres que l'on peut faire ici ou là.

Il n'existe pas de travaux qui aient démontré l'effet attendu des peines planchers sur la diminution de la récidive.

Le bon sens enseigne non plus : « Dans le doute, abstiens-toi ! », mais : « Dans le doute, ne t'abstiens pas ! »

Le « principe de précaution » qui, vous l'avez rappelé ce matin, est inscrit dans la Constitution française vaut pour l'environnement, « patrimoine commun des êtres humains ». Vous nous avez dit qu'il valait aussi pour les victimes. Mais il semble qu'il ne vaille ni pour les adolescents, que vous condamnez sans rémission, ni pour les innocents injustement condamnés, pour les victimes de milliers d'« Outreau silencieux », pour reprendre l'expression de la commission parlementaire.

Plusieurs études enregistrent même une augmentation de la récidive, en particulier de celle des mineurs ayant commis des faits de violence grave. Ces derniers sont pourtant visés en priorité par le projet de loi.

Permettez-moi d'évoquer la conclusion identique de Pierre Tournier qui, s'agissant de l'usage extensif de la prison, considère que la lourdeur des peines n'est pas un gage d'efficacité : « À une exception près, le taux de nouvelle condamnation ou les taux de nouvelle condamnation à l'emprisonnement ferme sont plus élevés après la prison qu'après le prononcé d'une peine alternative. »

On entend aussi, indique M. le rapporteur, « exercer un effet dissuasif sur les délinquants d'habitude ». Mais il cite une étude canadienne établissant que « les lois sur les peines minimales obligatoires dissuadent davantage les délinquants occasionnels que les délinquants d'habitude ». Comprenne qui pourra !

« La loi sur la récidive sera contreproductive » ; tel est le titre d'un article de Sebastian Roché recensant les études étrangères les plus sérieuses sur le sujet. Peut-on être plus clair ? Cet article démontre qu'il n'y a pas de rapport entre la sévérité des peines, quelle que soit la façon de la mesurer, et l'effet sur la délinquance et sur la récidive.

« Les études disponibles sur les effets des transferts des mineurs vers une cour pour adultes - juger les mineurs comme des majeurs - ne montrent aucun effet positif. »

C'est d'ailleurs ce que confirme l'exemple de la Grande Bretagne - Le Monde a publié un article sur ce sujet voilà deux jours -, pays dans lequel l'alourdissement des peines et la quasi-suppression de la spécificité de la justice pour mineurs n'ont eu aucun résultat.

Alourdir les peines, traiter les mineurs comme les majeurs n'entraînent aucune amélioration en matière de délinquance et de récidive, au contraire. Et toutes les conversations que vous pourrez avoir avec tels ou tels délinquants n'y changeront rien, madame le garde des sceaux !

Mais que pèsent des études objectives face aux promesses électorales ? Que pèsent nos pauvres raisons et nos rêves de civilisation lorsque l'on s'adresse à l'inconscient et à la partie la plus archaïque des électeurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vous vous adressez à tous les électeurs, pas seulement à 53% d'entre eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Mais 53% se sont exprimés pour cette politique !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vous vous adressez à tous les électeurs. Cela n'a aucun sens !

Que pèsent les dégâts collatéraux probables de ce texte inefficace ? Pourtant, ils ne manqueront pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Outre la probabilité d'alimenter la récidive des délinquants qui posent le plus de problèmes et de briser un peu plus les innocents injustement embastillés, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

...trois effets secondaires de ce texte méritent d'être soulignés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Soyez efficaces, c'est tout ce que l'on vous demande !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Les électeurs ne vous ont pas compris ! Nous, nous avons entendu les Français ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Ces trois effets sont l'augmentation de la population carcérale, le découragement de la magistrature et l'accroissement de la confusion entre le médical et le judiciaire.

S'agissant d'abord de la confusion entre le médical et le judiciaire, le texte élargit encore le champ de l'obligation du suivi médical et judiciaire avant même de disposer d'une seule étude prouvant son efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

La commission de suivi de la récidive demandait que l'on puisse disposer d'une telle étude. Ma demande ne me semble donc pas excessive.

Par ailleurs, l'injonction de soins est généralisée alors que les moyens manquent pour appliquer la législation existante : 800 postes de personnels soignants en prison sont vacants, un tribunal de grande instance sur deux ne dispose pas d'un médecin coordonnateur, il est difficile de trouver des experts psychiatres, le secteur privé se désintéresse de la prise en charge des condamnés alors que le secteur public est débordé. Telle est la situation.

Dans ces conditions, rendre obligatoires des peines dont on sait qu'elles ne pourront être appliquées, faire jouer au psychiatre le rôle du juge, cela a-t-il un sens ?

On peut ensuite s'interroger sur les effets de ce texte sur l'évolution de la population carcérale. Cette dernière a littéralement explosé dans les pays qui ont appliqué la politique que vous voulez « acclimater » en France, madame le garde des sceaux. Comment penser que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets en France ? D'autant que, contrairement à ce que vous avez déclaré, la loi s'appliquera aussi aux petits délinquants.

Déjà, ces cinq dernières années, la population carcérale a augmenté de 20 %. La seule chose que l'on ignore est la croissance qui résultera des dispositions du nouveau texte : y aura-t-il 2 000, 4 000, 10 000 détenus supplémentaires ? Il serait intéressant de le savoir !

Le troisième effet secondaire de ce texte sera le découragement de la magistrature. M. Robert Badinter a beaucoup insisté sur ce point, et je n'y reviendrai donc pas.

Des magistrats qui doutent de la confiance de ceux au nom desquels ils jugent ne pourront rendre une bonne justice.

Vous avez déclaré ceci, madame le garde des sceaux : « C'est la fonction première de la loi pénale d'être dissuasive. Elle doit retrouver cette vertu. » Vous parlez d'or. Toute la question est de savoir comment y parvenir. Certainement pas en transformant les juges en distributeurs de peines de plus en plus lourdes, en dispensateurs de « renforçateurs négatifs », pour utiliser le jargon behavioriste, ou de médicaments obligatoires par soignants requis interposés.

La justice républicaine n'est pas réductible à une quelconque forme d'ingénierie sociale. Le sentiment que rien n'est définitivement joué, l'humain avec ses incertitudes, ses échecs mais aussi sa capacité à se relever, y tient un rôle central : avant et au moment du jugement, dans le processus d'accomplissement de la peine, et après.

Mardi, le Premier ministre, dans la péroraison de sa déclaration de politique générale

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

...évoquait ces grandes figures qui, pour le monde, sont le visage de la France : Voltaire, Rousseau, Clemenceau, Gambetta, de Gaulle et Victor Hugo.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Visiblement, s'il a évoqué ces noms, c'est plus pour leur sonorité que pour le message auquel ils nous renvoient !

Pour un lecteur de Victor Hugo, l'archétype du récidiviste, c'est Jean Valjean. Un Jean Valjean ramené par les gendarmes devant Mgr Bienvenu, son bienfaiteur, qu'il vient de voler.

Loin de le dénoncer, comme l'attend l'opinion publique inquiète, il lui remet deux chandeliers en argent prétendument oubliés.

« Jean Valjean - écrit Victor Hugo - était comme un homme qui va s'évanouir.

« L'évêque s'approcha de lui, et lui dit à voix basse :

« - N'oubliez pas, n'oubliez jamais que vous m'avez promis d'employer cet argent à devenir honnête homme.

« Jean Valjean, qui n'avait aucun souvenir d'avoir rien promis, resta interdit. L'évêque avait appuyé sur ces paroles en les prononçant. Il reprit avec une sorte de solennité :

« - Jean Valjean, mon frère, vous n'appartenez plus au mal, mais au bien. C'est votre âme que je vous achète ; je la retire aux pensées noires et à l'esprit de perdition, et je la donne à Dieu. »

Le Premier ministre a raison : la France de Victor Hugo a de l'élan, elle a de l'allure, en tout cas une autre allure que la France du ressentiment que vous êtes en train de fabriquer avec lui, madame le garde des sceaux.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Allez tenir ce discours aux personnes âgées qui se font attaquer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je n'ai, hélas ! trouvé aucun argument, dans la péroraison très littéraire de notre excellent collègue Pierre-Yves Collombat

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Elles n'allaient pas dans le sens du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Laissez parler le président de la commission des lois !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous n'étiez pas présent, alors pourquoi intervenez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons souhaité être éclairés par les personnalités qu'il nous semblait utile d'entendre. Mais entendre ne veut pas dire suivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Sinon, le Parlement ne serait plus qu'une machine à enregistrer la volonté des lobbies, lesquels vont toujours dans le même sens.

Monsieur Collombat, vous avez cité des auteurs qui tiennent le même discours depuis maintenant trente ans. Pourtant, il faut bien que les choses changent en matière de récidive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Sous prétexte qu'il y a des spécialistes, nous n'aurions plus qu'à nous taire. Eh bien non, car, jusqu'à présent, c'est le Parlement qui fait la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons donc procédé à vingt-cinq auditions, y compris à celle de M. Robert, président de la commission de suivi de la récidive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vos propositions et vos objections démontrent d'ailleurs, monsieur Collombat, que vous avez parfaitement intégré les travaux de la commission.

Nous sommes donc en mesure de délibérer, et c'est pourquoi je vous invite à rejeter la motion tendant au renvoi à la commission.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je salue la péroraison de M. Collombat, mais, la société française ayant beaucoup changé depuis Victor Hugo, je suis contre la motion tendant au renvoi à la commission.

Applaudissementssur les travées de l'UMP. -Exclamations sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le fauteuil de Victor Hugo était voisin de celui que j'occupe aujourd'hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix la motion n° 51, tendant au renvoi à la commission.

La motion n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

chapitre Ier

Dispositions relatives aux peines minimales et à l'atténuation des peines applicables aux mineurs

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 28, présenté par MM. Sueur et Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le garde des sceaux présente chaque année au Parlement, un rapport sur la situation dans les établissements pénitentiaires. Il rend compte du nombre des détenus au regard des places disponibles, de l'état des locaux, des conditions d'encellulement et de la situation sanitaire des détenus. Il rend compte également des mesures prises pour que les peines remplissent leurs missions : favoriser, dans le respect de la société et des droits des victimes, l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Après les arguments développés par M. Louis Mermaz voilà un instant et par M. Robert Badinter ce matin, cet amendement se justifie par son texte même.

Nos collègues ont fort bien exprimé - vous l'avez vous-même souligné, madame le garde des sceaux - combien les conditions de détention, d'incarcération, souvent déplorables, contribuent en fait à la récidive.

Si nous voulons lutter efficacement contre la récidive, il faut en effet s'assurer que la détention se fasse dans d'autres conditions et surtout que les moyens existent afin que le séjour en détention soit l'occasion de préparer la sortie de prison. Si l'on ne se soucie pas de réinsertion sociale et professionnelle, on favorise la récidive.

Par cet amendement d'appel, nous vous proposons, madame le garde des sceaux, de présenter chaque année au Parlement un rapport sur la situation dans les établissements pénitentiaires rendant compte des évolutions quant à un certain nombre de données précises, tout particulièrement « des mesures prises pour que les peines remplissent leurs missions », à savoir « favoriser, dans le respect de la société et des droits des victimes, l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive »..

Nous aurions souhaité, comme nous vous l'avons dit en commission, que les choses soient prises dans le bon ordre : d'abord un texte sur la situation pénitentiaire, puis sur les moyens de la justice, avant d'éventuelles mesures spécifiques.

À défaut, nous espérons pour le moins que vous souscrirez à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. Sueur propose que le garde des sceaux présente chaque année au Parlement un rapport sur la situation dans les établissements pénitentiaires. Sur le fond, c'est une bonne idée, mais qui trouvera davantage sa place dans le cadre de la loi pénitentiaire annoncée pour l'automne par Mme le garde des sceaux.

En attendant ce prochain débat, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, sur la nécessité de rendre compte de l'état des prisons. Ce sera la mission du futur contrôleur indépendant, qui contrôlera les lieux privatifs de liberté et rendra compte publiquement de ses observations. Nous pourrons donc examiner cet amendement dans le cadre du futur projet de loi pénitentiaire.

Je rappelle au passage que, contrairement aux gouvernements de gauche, le dernier gouvernement a consenti un effort sans précédent en matière de création de places. Depuis 2002, la construction de 13 200 places nouvelles a ainsi été lancée.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Près de 420 places seront ainsi créées dans les établissements pour mineurs et 500 places dans les centres éducatifs fermés, dont nous savons qu'ils favorisent la baisse de la récidive.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 28.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je voterai cet amendement qui, selon moi, à toute sa place dans ce projet de loi. On nous demande de légiférer en urgence sur la sanction de la récidive, mesure qui aura pour première conséquence - peut-être y en aura-t-il d'autres ? - d'augmenter le nombre de personnes incarcérées.

Madame le garde des sceaux, vous nous avez annoncé une grande loi pénitentiaire. Tant de ministres de la justice ont déjà évoqué un tel texte, depuis la publication, en 2000, des premiers rapports d'enquête parlementaires sur les prisons, que nous sommes désormais prudents !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous sommes échaudés.

Ces rapports de 2000 décrivaient la situation pénitentiaire dans ses aspects les plus divers et préconisaient diverses mesures, et pas uniquement une augmentation du nombre de places en prison, laquelle correspond à la progression du nombre des personnes incarcérées.

Qu'en est-il des résultats de la hausse permanente du nombre de personnes incarcérées, des conditions de détention, de la question oubliée de la réinsertion ?

Ce qui est urgent, c'est que nous puissions disposer d'une information régulière permettant de rendre compte de la situation dans les établissements pénitentiaires. Les dernières enquêtes sur les prisons datent de 2000 : sept ans ont passé !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous avons connu, depuis lors, plusieurs gardes des sceaux, plusieurs gouvernements, plusieurs premiers ministres, et même plusieurs présidents de la République ! Or les parlementaires ne disposent toujours pas d'un état précis des facteurs d'amélioration des conditions de vie dans les lieux de privation de liberté, pas plus que d'informations sur la réinsertion, facteur important justifiant une augmentation du nombre des incarcérations. Il est sous-entendu que le rôle de la prison est de sanctionner mais aussi de permettre, à terme, la réduction du nombre de crimes et de délits.

Il est donc important que cet amendement soit adopté afin que les parlementaires soient informés de ce travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Je m'étonne, monsieur le rapporteur, que cet amendement puisse poser problème. En évoquant la nécessité de « favoriser, dans le respect de la société et des droits des victimes, l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive », il est pourtant au coeur du sujet. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras !

En quoi le fait d'insérer cet article additionnel peut-il gêner la suite des opérations ? Nous attendons avec impatience le projet de loi pénitentiaire. Le texte présenté sur ce sujet par Mme Lebranchu n'avait malheureusement pas pu aboutir.

Nous attendons également la création du contrôleur général des prisons.

J'avais interpellé votre prédécesseur, M. Pascal Clément, sur l'état de la prison Saint-Paul-Saint-Joseph de Lyon. Lors d'une visite de cet établissement, nous avions croisé, avec Mme la sénatrice Christiane Demontès, des cohortes de rats. Ce n'est pas Victor Hugo, c'est le Moyen Âge ! Une horreur !

J'avais donc demandé par courrier à M. Clément de se rendre dans cette prison. Il m'avait répondu lors du débat budgétaire, à la tribune du Sénat : « C'est tellement horrible que je n'ose pas y aller ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Il faut regarder les choses en face, et le vote de cet amendement serait une bonne chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Nous souhaitons ardemment avoir des informations sur la récidive.

L'OND, l'Observatoire national de la délinquance, dont je suis membre, devrait normalement disposer de telles informations, puisque tel était le voeu de M. Sarkozy. Or quelle n'est pas ma surprise de constater qu'il n'en a aucune !

Nombre d'autres informations, assez mineures, sont transmises à cet observatoire, au sein duquel siègent seulement deux sénateurs et deux députés, aux côtés des plus hautes autorités du ministère de l'intérieur, d'un représentant du maire, etc.

Pour travailler avec impartialité - qualité qui n'a pas caractérisé son président pendant la campagne présidentielle -, cet organisme doit disposer de rapports d'information. Que ces derniers soient transmis directement ou par l'intermédiaire des parlementaires siégeant au sein de l'OND, peu importe.

Constatant cette carence d'informations, vous m'avez apporté personnellement, madame le garde des sceaux, des précisions concernant l'évolution de la récidive, et je vous en remercie.

Si tous les parlementaires pouvaient disposer de ces indications, ils pourraient prendre connaissance, s'agissant des crimes et des délits, non seulement des pourcentages mais aussi du nombre de cas. Or, si les pourcentages peuvent impressionner, le nombre de cas est infime : si l'on cite des pourcentages pour 250 à 300 cas, le chiffre des délits paraît important ; sur 500 000 délits, en revanche, c'est finalement peu de chose. En citant des chiffres tronqués, chacun peut donc avoir raison !

Par ailleurs, s'agissant des crimes, la récidive n'a concerné que deux mineurs en quatre ans.

Il est absolument nécessaire que le Parlement dispose de ces informations, comme l'avait promis le Président de la République. Votre premier geste dans cet hémicycle sera-t-il, madame le garde des sceaux, de ne pas répondre à notre attente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Chacun convient ici que les conditions pénitentiaires doivent être améliorées. L'amendement n° 28 de M. Sueur devra cependant, comme l'a dit notre éminent rapporteur, être examiné dans le cadre de la loi pénitentiaire qui sera présentée avant la fin de l'année.

Je trouve cette idée de rapport excellente et je souhaite, pour ma part, qu'il concerne aussi les décennies précédentes - à partir des années quatre-vingt -, afin que l'on sache quelle fut l'action des uns et des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Je souhaite également, rendre hommage au Gouvernement qui a fait, comme l'a rappelé Mme la ministre, un effort sans précédent.

La communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines, que je préside, ouvre actuellement un établissement pour mineurs au sein duquel les plus jeunes seront séparés des adultes. C'est en effet là que réside le problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Séparer les majeurs des mineurs est une obligation !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Un rapport d'information pourrait servir d'aiguillon au Gouvernement et lui permettre de rester vigilant sur ce problème urgent de la récidive.

Considérant cette idée d'un très bon oeil, je ne voterai pourtant pas cet amendement qui, pour le sérieux de nos débats, devra être examiné en même temps que le texte sur l'administration pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je soutiens également cet amendement.

Si une légère augmentation du nombre de places de prison a bien eu lieu, une nette progression du nombre de prisonniers - de l'ordre de 20 % - s'est également produite.

Jusqu'où veut-on aller ? Si cet effort sans précédent consiste à produire plus de prisonniers que de places de prison, faut-il s'en féliciter ? Le nombre de pensionnaires des prisons est également sans précédent !

L'amendement n'est pas adopté.

Après l'article 132-18 du code pénal, il est inséré un article 132-18-1 ainsi rédigé :

« Art. 132-18-1. - Pour les crimes commis en état de récidive légale, la peine d'emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;

« 2° Sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;

« 3° Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;

« 4° Quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

« Lorsqu'un crime est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l'accusé présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, les professionnels concernés par un projet de loi sont sans doute les mieux placés pour nous éclairer sur ses conséquences futures. Or, sur ce sujet, ils sont unanimes.

Lors d'une conférence sur les peines planchers, les premiers présidents de cours d'appel ont rappelé « l'attachement des juges à l'individualisation des peines, principe confirmé par l'expérience et partagé par la plupart des pays démocratiques » et ont indiqué que « toute limitation du pouvoir d'appréciation du juge crée un risque d'inadéquation de la décision judiciaire sans pour autant garantir une meilleure efficacité de la politique pénale ».

Magistrats et avocats s'entendent pour dire que ce texte est au mieux inutile, au pire dangereux.

Inutile ? L'article 1er du projet de loi que nous examinons instaure des peines dites « planchers ». Ce durcissement des peines, présenté par le Gouvernement comme une mesure dissuasive, nous paraît tout à fait illusoire.

Une étude réalisée par le Sénat en septembre 2006 établit une comparaison entre les législations de divers pays ayant opté pour ce système. Aucun de ces huit États n'a pu démontrer l'efficacité des peines minimales. Pis, l'Australie a même conclu, après six ans d'exercice, à l'inefficacité du système et a décidé d'y renoncer.

En outre, cette étude rappelle que les peines minimales ont été abandonnées lors de la rédaction du nouveau code pénal.

L'effet dissuasif de la sanction pénale est compliqué à évaluer, mais personne n'a aujourd'hui réussi à établir un véritable parallèle entre durcissement de la peine encourue et baisse de la délinquance. C'est d'ailleurs un argument qui nous a permis, en son temps, d'obtenir l'abolition de la peine capitale.

Enfin, j'aimerais rappeler qu'en matière criminelle le taux de récidive est de 2, 8 %, soit 84 personnes ! A-t-on besoin de réformer les principes fondamentaux du droit pénal pour un nombre aussi faible de délinquants concernés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

De plus, cet article semble constituer la plus belle mesure d'affichage du projet de loi puisque, dans les faits, les peines prononcées par les cours d'assises françaises en cas de récidive de majeurs sont très proches de ce qu'il prévoit. Par conséquent, l'effet de ce texte en matière criminelle des majeurs sera proche de zéro.

Par ailleurs, cet article est dangereux en ce sens qu'il constitue une mesure de défiance à l'égard des magistrats, considérés comme trop laxistes, comme systématiquement du côté des délinquants et, surtout, des récidivistes. Or toutes les études montrent que, au contraire, l'évolution actuelle tend vers un alourdissement des peines prononcées.

Pour nous, cet article est donc trompeur et inutile.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la ministre, mes chers collègues, cette affaire pose une question vraiment fondamentale, que vient d'évoquer mon collègue Charles Gautier : peut-on démontrer l'existence d'un lien entre la durée de l'emprisonnement et la récidive ou la non-récidive ?

Il se trouve que la commission des lois a auditionné longuement M. Tournier, directeur de recherches au CNRS. Ce dernier nous a présenté ses études, lesquelles montrent qu'« il n'y a pas de relation évidente entre quantum de la peine prononcée et taux de recondamnation ».

L'un de ses articles datant du 30 mai 2007 montre que « les taux de recondamnation sont plus faibles pour les libérés conditionnels que pour les sortants fin de peine : 26 % contre 29 % pour les homicides, 24 % contre 31 % pour les agressions sexuelles et 50 % contre 59 % pour les vols de nature criminelle. »

Une autre étude, dirigée par le même chercheur, réalisée avec l'université de Lille II et la direction de l'administration pénitentiaire, a pris en compte un très grand nombre de situations. Portant sur 5 234 dossiers répartis sur 32 catégories, cette étude, dont l'ampleur me paraît la plus considérable sur ce sujet, vient à conclure : « À une exception près, les taux de nouvelle condamnation ou les taux plus restrictifs de nouvelle condamnation à l'emprisonnement ferme sont plus élevés après la prison qu'après le prononcé d'une peine alternative. »

Madame la ministre, nous avons également pris connaissance des chiffres de votre ministère. Ils ne contredisent pas ceux des chercheurs du CNRS.

Cela m'amène à conclure qu'il n'y a pas de corrélation entre le nombre d'années passées en prison et la récidive ou la non-récidive. En revanche, d'une part, il y a moins de récidive quand il y a libération conditionnelle ; d'autre part, il y a moins de récidive quand il y a mesure alternative à l'emprisonnement.

Madame la ministre, je vous pose une question très précise à laquelle j'espère que vous allez me répondre : êtes-vous d'accord avec ces constats ou contestez-vous ces études scientifiques ?

Si vous êtes d'accord avec ces constats, comment pouvez-vous instaurer ces peines planchers et considérer que celles-ci feront baisser la récidive?

Mais ces études montrent aussi tout l'intérêt qu'il y aurait à travailler sur la libération conditionnelle, sur des alternatives à l'emprisonnement, sur la condition pénitentiaire pour favoriser la réinsertion sociale et professionnelle, tout l'intérêt qu'il y aurait à accompagner ceux qui sortent de prison afin d'éviter une sortie « sèche ».

Il n'y a pas, dans cet hémicycle, certains qui seraient pour ou contre la lutte contre la récidive, certains qui seraient pour ou contre le fait de prendre en considération les victimes. Tous, nous les prenons en compte, mais nous vous demandons, compte tenu des faits que nous citons, comment vous pouvez justifier les propositions que vous nous faites et comment vous pouvez assurer qu'elles sont fondées en termes d'efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le postulat de départ est que la justice ne serait pas assez sévère à l'encontre des récidivistes. Par conséquent, des réponses « fermes et hiérarchisées » doivent leur être données.

Des peines planchers apporteraient donc la clarté manquant aujourd'hui à la politique pénale - vous l'avez dit ce matin, madame le garde des sceaux - et le projet de loi adresserait ainsi, selon les propos de M. le rapporteur, un « indicateur » à ceux qui sont tentés d'enfreindre la loi, comme à ceux qui sont chargés de veiller à son application, autrement dit délinquants et magistrats.

Par conséquent, il faut bien constater que le projet de loi entend faire de l'emprisonnement la peine de principe pour les récidivistes.

On ne peut pas prendre ces arguments à la légère parce notre conception de la justice est en cause. Je m'en tiens au constat, au fait que les récidivistes sont punis plus sévèrement que les primo délinquants - cela, tout le monde le sait - et se voient déjà condamnés à des peines d'emprisonnement, ce que nul n'ignore non plus. Il suffit de regarder les chiffres : lorsque le juge relève des cas de récidive, il prononce une peine plus sévère - d'ailleurs, nul ne le conteste -, plus sévère même que les peines planchers que l'on nous propose, en tout cas pour les crimes et délits graves. À cet égard, je vous renvoie au quantum moyen des peines d'emprisonnement prononcées.

Historiquement, dans la période contemporaine, et sans remonter jusqu'au XIXème siècle, la durée moyenne des peines ne cesse d'augmenter, ce qui pose quelques problèmes !

L'élément fondateur tant du projet de loi que de cet article, c'est le sous-entendu selon lequel les juges prononcent des peines trop légères. Non seulement c'est faux, mais en plus, au fil du temps, les peines sont de plus en plus lourdes.

En outre, s'il s'agit de faire les choses correctement, peut-on dire que ces peines de plus en plus lourdes font barrage à la récidive ? La réponse est négative bien que la matière soit sujette à caution. En tout cas, la récidive serait en augmentation croissante, ce qui est évidemment ennuyeux pour qui voudrait adhérer à votre projet.

En revanche, ce que nous savons, c'est que les aménagements de peine sont les véritables facteurs de prévention de la récidive. D'une manière générale, le taux de recondamnation paraît plus faible pour les condamnés ayant bénéficié d'une libération conditionnelle que pour ceux qui ont profité d'une sortie sèche.

Je n'ai pas inventé les arguments que je viens de citer : des magistrats, des professionnels, des travailleurs sociaux et des chercheurs les ont avancés. Notre rapporteur lui-même les a repris.

Pourtant, que constate-t-on dans la période contemporaine ? Qu'il y a de moins en moins de libérations conditionnelles et que les moyens du suivi socio-judiciaire, des peines alternatives, de l'éducation, sont en général en baisse.

Pour toutes ces raisons, il paraît normal de s'interroger sur l'efficacité éventuelle de cet article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Sur l'article 1er, je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements identiques.

L'amendement n° 29 est présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 53 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Robert Badinter, pour défendre l'amendement n° 29.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Pourquoi proposer la suppression de cet article ? Pour deux raisons.

Tout d'abord, cet article est totalement inutile. Visant la récidive criminelle, il se borne en effet à indiquer que l'on prononcera des peines dont le minimum est fixé par la loi.

Grâce aux travaux conduits par la commission des lois et aux renseignements que nous avons obtenus de la direction des affaires criminelles, il ressort d'une façon irréfutable que les cours d'assises en France prononcent des verdicts de culpabilité et, ensuite, des peines très supérieures aux peines planchers figurant dans le texte. Par conséquent, la disposition prévue ne servira à rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Par ailleurs, une autre raison de supprimer cet article tient à l'« efficacité » des dispositions proposées.

Après les travaux d'une commission parlementaire présidée par M. Clément, ce dernier, devenu garde des sceaux, a élaboré un projet de loi entier consacré à la lutte contre la récidive. C'était en décembre 2005 - hier donc ! Or, depuis, les choses n'ont pas changé ! On peut donc s'étonner de ce que la même majorité - un peu réduite à l'Assemblée nationale, mais peu importe - considère les dispositions qu'elle a adoptées dix-huit mois plus tôt comme très insuffisantes. Voilà un exemple d'une rare autocritique d'une majorité ! Mais je préfère laisser cet aspect de côté !

Qu'une commission d'analyse et de suivi de la récidive ait été créée, on ne pouvait que s'en féliciter. En effet, il est bon de savoir comment les choses évoluent. Nous nous plaignons suffisamment et à juste titre de ne jamais disposer du bilan des lois que nous votons, pas plus que d'études d'impact.

Cette commission, dont les membres ont été choisis par M. Clément, a rendu le 8 juin 2007 un avis sur le projet dont nous débattons, avis dont je regrette que la commission des lois n'ait, semble-t-il, pas eu connaissance. Je tiens à en lire les premiers paragraphes tant ils sont éclairants.

« La commission observe que ce projet vise à favoriser l'emprisonnement comme réponse à la récidive simple ou multiple et qu'il aura nécessairement comme conséquence l'augmentation de la population carcérale des majeurs et des mineurs. » On ne saurait être plus clair !

« À cet égard, elle souhaite rappeler que, en France, les peines minimales ont existé et ont été abandonnées sous la pression de la pratique par étapes successives entre 1832 et 1994. »

Cette commission de spécialistes objectifs ajoute ceci : « À l'étranger, elles ont trouvé un nouvel essor aux États-Unis et au Canada à compter de 1978 avant de décliner également ces dernières années, étant observé que le taux d'incarcération aux États-Unis est aujourd'hui sept fois supérieur à celui de la France. »

Si nous suivions la voie ouverte par les Américains, nous devrions avoir dans les prisons françaises environ 420 000 détenus, prélevés sur une population mâle de vingt à quarante ans. Je laisse à penser ce que serait alors la désertification de certains quartiers...

Mais le plus important, c'est la suite de l'avis : « Depuis 1978, des études scientifiques ont été publiées dans les revues les plus réputées aux États-Unis et au Canada pour mesurer l'efficacité de ces conséquences sur la récidive et notamment celle des mineurs. Il n'existe pas de travaux qui aient démontré l'effet attendu de diminution de la récidive. Plusieurs études enregistrent même une augmentation de la récidive, en particulier celle des mineurs ayant commis des faits de violence grave.

« Le résultat de ces recherches, les pratiques des magistrats américains et le poids budgétaire des incarcérations expliquent en partie l'inversion de tendance dans le sens d'une moindre automaticité de la réponse carcérale. »

Enfin, « La commission ne dispose pas d'informations équivalentes sur l'évaluation de la pertinence de ces systèmes dans les pays européens qui ont adapté les mêmes principes. »

Quelle éclatante illustration ! On a voulu des peines planchers aux États-Unis et au Canada, où elles ont été largement pratiquées depuis onze ans, et le constat est celui d'un échec : une augmentation de la population carcérale avec la conséquence qu'elle emporte nécessairement, les prisons étant ce qu'elles sont, à savoir les foyers de la récidive et du crime : une récidive accrue, particulièrement des mineurs.

On ne saurait dire plus objectivement que l'inspiration de ce texte, à mes yeux directement emprunté aux États-Unis, va à l'inverse de tout ce que nous souhaitons !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 53.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J'ai donné les raisons qui motivent cet amendement de suppression en m'exprimant sur l'article et je ne voudrais pas lasser nos collègues de la majorité

Mais non ! sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

D'une part, l'impact éventuel du projet de loi n'est pas évident du tout : la seule chose certaine est que nous allons envoyer plus de gens en prison ! L'impact - inconnu - sur le coût est peut-être secondaire, mais l'impact positif sur la récidive n'est absolument pas prouvé. Il semble même que l'on puisse plutôt s'attendre à un impact négatif !

D'autre part, l'évaluation de la loi de 2005 est impossible.

Comme vient de le dire M. Badinter, les travaux réalisés par la commission d'analyse et de suivi de la récidive ne sont pas pris en compte par le Gouvernement. Le législateur pouvait espérer, à l'annonce de la création de cette commission, être éclairé par les travaux de celle-ci : il n'en est rien !

Dans ces conditions, il est vraiment inopportun de légiférer en urgence en ce mois de juillet 2007 sans être en mesure d'apprécier ce qui est efficace en matière de prévention de la récidive, aspect tout de même le plus important pour la société.

Les facteurs dont on sait qu'ils jouent dans le recul de la récidive, par exemple la libération conditionnelle ou le suivi socio-judiciaire, ne sont pas pris en compte ou ne font en tout cas pas actuellement l'objet de l'attention du Gouvernement ; ce dernier déclare que l'on s'en occupera « plus tard », étant sous-entendu que, plus tard, nous aurons les moyens de le faire. Mais, dès lors, pourquoi se précipiter pour légiférer en urgence et à nouveau sur la récidive ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 31, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-18-1 du code pénal, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Seules les sanctions pénales prononcées par le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs sont prises en compte pour l'établissement de l'état de récidive des mineurs.

La parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Cet amendement relatif aux sanctions pénales prononcées par le tribunal pour enfants ou par la cour d'assises des mineurs vise à préciser que seules les sanctions pénales, et non pas les mesures éducatives, sont prises en compte par le projet de loi.

Cette précision va de soi, mais, en l'état actuel des choses, il est important qu'elle soit inscrite dans le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 14, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-18-1 du code pénal.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement de repli vise à supprimer un alinéa qui encadre le pouvoir d'individualisation de la peine par un juge.

Le pouvoir d'individualisation de la peine est un principe général du droit pénal qui s'impose même dans le silence de la loi. Il n'a donc pas à être détaillé ou encadré par une disposition législative. En tout état de cause, il est déjà repris par l'article 132-24 du code pénal, et les critères visés par cet article suffisent à établir les conditions d'exercice par le juge de son pouvoir d'appréciation.

Les critères détaillés qui encadrent le pouvoir d'appréciation du juge pour fixer des peines inférieures aux peines minimales prévues dans l'alinéa dont nous demandons la suppression vont au-delà des exigences de l'article 132-24 du code pénal.

Ils sont en outre contraires à l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires [...].»

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 32, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans les deux derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article 132-18-1 du code pénal :

après les mots :

inférieure à ces seuils

insérer (à deux reprises) les mots :

, ou pour les mineurs, une mesure éducative,

La parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Il s'agit d'une nécessaire précision. Je développerai cependant un peu le propos, car nous sommes en présence d'une mesure concernant les mineurs et nous touchons là à l'ordonnance de 1945.

Les articles 2 et 20 de l'ordonnance de 1945 prévoient que, en principe, le juge prononce à l'égard d'un mineur une mesure éducative, la sanction pénale devant demeurer exceptionnelle, selon le choix délibéré de la juridiction, et toujours par une décision motivée.

Ces deux articles s'inscrivent directement dans le cadre de la convention de New York relative aux droits de l'enfant, laquelle rappelle que l'enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d'une protection juridique appropriée.

Par ailleurs, dans une de ses recommandations, le comité des ministres du Conseil de l'Europe souligne que les mineurs sont des « êtres en devenir » - c'est bien là le coeur du problème dont nous sommes saisis aujourd'hui - « et que, par conséquent, toutes les mesures prises à leur égard devraient avoir un caractère éducatif ».

Le projet de loi qui nous est soumis ne modifie pas les articles que je viens de citer. J'en déduis que ses dispositions sur les peines planchers, lorsqu'elles sont appliquées aux mineurs, doivent être lues à la lumière des dispositions de l'ordonnance de 1945. Ce n'est qu'un rappel de principe, mais il est important : cette ordonnance constituant la loi spéciale applicable aux mineurs - chacun connaît l'axiome juridique sur la valeur des dispositions spéciales par rapport à celle des dispositions générales -, toutes ses dispositions spéciales doivent prévaloir sur les dispositions générales du code pénal.

On doit en déduire - et c'est la raison d'être de l'amendement - que le juge doit d'abord s'interroger sur la nécessité de prononcer une sanction pénale ; il ne doit prononcer une peine d'emprisonnement que par exception, et en motivant sa décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 15, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après les mots :

des circonstances de l'infraction

rédiger comme suit la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-18-1 du code pénal :

ou de la personnalité de son auteur

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai les amendements nos 13 et 15 en même temps car ils se ressemblent.

Le projet de loi précise que le juge ne peut déroger à l'obligation de prononcer les peines minimales qu'en considération « des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion » présentées par le multirécidiviste.

Ces deux amendements visent à supprimer ces critères, dont la pertinence est mise en cause par au moins cinq notions, pour préserver tant la clarté de la loi que le principe de l'individualisation de la peine.

La première notion est empruntée au code de procédure pénale. Le juge de l'application des peines apprécie les possibilités d'amendement des peines. Rien à voir avec le prononcé d'une condamnation !

Deuxième notion, la marge d'appréciation du juge serait à géométrie variable ! Quelle est en effet l'étendue de ces critères ? Que recouvrent-ils ? Est-il possible d'apprécier des garanties dans le cadre d'une condamnation alors même que les enquêtes de personnalité sont souvent bâclées par manque de temps et de moyens ?

La troisième notion est l'inutilité. Ces dispositions ne présentent en effet aucun intérêt dans la mesure où le juge est libre d'adapter la peine, en vertu du principe de l'individualisation de celle-ci, en fonction des autres critères déjà connus.

La quatrième notion est l'impossibilité à apprécier, au moment de la condamnation, que ces critères sont remplis, puisque cette appréciation suppose un suivi de l'individu, comme celui qu'exerce le juge d'application des peines. Le juge pénal qui prononce la condamnation ne peut raisonnablement pas connaître les garanties d'insertion de l'individu puisqu'il n'en assure pas le suivi !

Enfin, comme je l'ai déjà dit lors de la discussion générale, c'est la notion de justice à deux vitesses qui s'oppose à ces critères. En effet, selon que le prévenu est riche ou pauvre, instruit ou non, les garanties d'insertion et de réinsertion varieront et la peine risque donc de s'appliquer de manière différente.

Je demande par conséquent la suppression de ces « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion », d'une part, pour que le principe de l'individualisation de la peine continue à être mis en oeuvre par le juge et, d'autre part, au nom du principe de l'égalité de tous devant la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 13, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après les mots :

la juridiction

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-18-1 du code pénal :

peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l'infraction ou de la personnalité de son auteur. »

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 30, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

« inférieure à ces seuils »

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-18-1 du code pénal :

qu'en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties suffisantes d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

La parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Cet amendement rejoint pour l'essentiel celui qu'a déposé la commission des lois. Peut-être cette dernière souhaite-t-elle défendre tout de suite son texte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 1, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après les mots :

« inférieure à ces seuils

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-18-1 du code pénal :

qu'à titre exceptionnel, en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

La parole est à M le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement fait suite à l'audition par la commission de magistrats : ces derniers ont fait part de leurs préoccupations concernant la situation des multirécidivistes dans la mesure où, pour écarter la peine minimale dans les cas de multirécidives, on ne pourrait viser, si le texte présenté par le Gouvernement était retenu, que les seules « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion ».

Certains magistrats ont appelé notre attention sur le fait que, pour certains crimes ou délits, le fait de ne retenir que les garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion pourrait entraîner un caractère étonnant voir inique des jugements prononcés.

En effet, il semble que les garanties exceptionnelles d'insertion et de réinsertion ne soient pas faciles à appréhender pour les magistrats, et la commission n'a pas réussi, au terme de ses travaux, à déterminer ce que l'on pouvait entendre par les termes « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion ».

Aussi a-t-il paru souhaitable à la commission, au moment où elle a statué, de prendre en compte deux autres composantes permettant d'écarter la peine minimale tout en motivant, bien sûr, la décision : il s'agit de tenir compte, d'une part, des circonstances de l'infraction et, d'autre part, de la personnalité de l'auteur.

La commission souhaite toutefois que soit établie une différence nette entre les cas de première récidive et les cas de multirécidives. C'est dans cette optique, pour bien marquer cette gradation, qu'elle a proposé l'utilisation en facteur commun des mots « à titre exceptionnel », tout en ayant l'impression que cette gradation était peut-être insuffisante et que le résultat obtenu ne donnerait pas forcément satisfaction aux magistrats qui nous ont interrogés sur ce sujet.

Dès lors, le problème qui se pose, madame le garde des sceaux, est le suivant : premièrement, qu'entend-on par « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion » et cette terminologie permet-elle de ménager la liberté d'appréciation des juges, même dans les cas de multirécidives ? Deuxièmement, quelle peut être l'appréciation de la Cour de cassation sur les décisions qui seraient prononcées par les juges du fond, autrement dit par les juges de cours d'appel, si l'on applique le texte dans la version telle qu'elle nous est transmise par le Gouvernement ?

Pour parler plus simplement, les juges du fond, c'est-à-dire les juges de la cour d'appel, seront-ils souverains lorsqu'ils prononceront une motivation sur les garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion ?

Je me permets de poser la question, car la jurisprudence de la Cour de cassation dont j'ai pris connaissance ces derniers jours m'incite à penser que celle-ci ne statuera pas sur ces questions et que, dès lors, les juges du fond seront souverains, auquel cas cela changerait évidemment l'appréciation que l'on peut porter sur ce texte et relativiserait considérablement l'amendement que je défends au nom de la commission.

Par conséquent, madame le garde des sceaux, je serais très intéressé, comme sans doute le Sénat tout entier, d'entendre les précisions que vous voudrez bien nous apporter sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 54, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-18-1 du code pénal, remplacer les mots :

« garanties exceptionnelles »

par les mots :

« gages sérieux »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je ne défendrai pas cet amendement de repli tel qu'il est rédigé, car j'ai omis de le rectifier. Or les mots : « gages sérieux » ne me paraissent pas appropriés.

En revanche, je voudrais dire que la raison pour laquelle nous souhaitons modifier l'article 1er reste valable, étant donné que les garanties exceptionnelles ne constituent pas une notion juridique.

C'est la raison pour laquelle je me rallie à l'amendement du groupe socialiste qui, à mon avis, correspond mieux à ce que je souhaitais proposer moi-même et qui me paraît préférable à celui de la commission des lois. En effet, les termes « qu'à titre exceptionnel, en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci » semblent se suffire à eux-mêmes. Il est donc inutile de répéter « à titre exceptionnel », cela étant sous-entendu dans la philosophie même de l'article 1er.

En revanche, l'expression « garanties suffisantes » est judicieuse, la moindre des choses étant que le juge puisse apprécier de telles garanties.

Compte tenu de ces observations, je retire l'amendement n° 54.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 54 est retiré.

L'amendement n° 33, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-18-1 du code pénal par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois lorsque le crime est commis en état de récidive légale par un mineur, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils qu'en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

La parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je profiterai de cette intervention pour revenir sur l'amendement n° 30 que je n'ai en définitive pas exposé.

La question qui est ici posée est importante, puisqu'elle concerne le cas du récidiviste qui réitère ou qui récidive - il ne s'agit en effet pas toujours d'un multirécidiviste. Or, dans ce cas, selon le principe de la loi, la peine plancher est applicable et il n'est prévu qu'une dérogation, à savoir « les garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion » ; je souligne que nous sommes ici en matière criminelle.

Je tiens à rappeler que le principe de l'individualisation des peines est un principe fondamental, constitutionnel : on doit juger en considération des circonstances de l'affaire, de la gravité de celle-ci, de la personnalité de celui qui est condamné et, ainsi que cela a été ajouté à juste titre, de la prise en compte des intérêts de la victime.

En l'occurrence, pour ouvrir une fenêtre sur l'automaticité de la peine plancher et assurer le respect a minima de l'exigence constitutionnelle, à savoir l'individualisation de la peine - c'est aussi une condition de bonne justice -, le principe inscrit dans la loi est la prise en compte par une décision motivée des caractères que j'ai évoqués tout à l'heure - gravité, circonstances, personnalité de l'accusé - auxquels sont ajoutées les « garanties de réinsertion ».

Or, dans le texte que j'évoque, les deux premières conditions ont disparu. Ainsi, la personnalité de l'accusé n'importe plus ; c'est absolument contraire à l'individualisation des peines, et on l'évacue donc. Quant aux circonstances, qui sont celles que le juge apprécie, on les évacue également, quelles qu'elles soient. Elles ne sont plus de nature à empêcher d'échapper à la mise en oeuvre quasi automatique de la peine plancher. Seule la garantie de réinsertion subsiste.

Dès lors, je voudrais poser une question, car j'ai rarement vu pareil escamotage dans un texte !

Comment voulez-vous que les magistrats et les jurés, au moment où ils vont prononcer une peine criminelle très lourde, puissent déterminer s'il y aura à la sortie de prison - six, sept, dix ou quinze ans plus tard - des garanties exceptionnelles d'insertion ? C'est impossible ! Aucun jury de cour d'assises n'est en mesure de le savoir.

Il est un seul cas dans lequel une telle affirmation pourra être avancée, et j'attire l'attention de la Haute Assemblée à cet égard tant je le trouve profondément injuste. Jadis, du temps de ma jeunesse, on débattait beaucoup de l'existence d'une justice de classes.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

En fait, les seuls qui pourront justifier de garanties exceptionnelles de réinsertion à leur sortie - cela se voit en particulier aux États-Unis, mais cela pourrait également se produire chez nous -ce sont les fils de famille, ceux dont les parents peuvent affirmer devant la cour d'assises que, dans dix ans, ils assureront à leur fils, au moment de sa sortie de prison - on pense à certains crimes qui ont défrayé dans le temps la chronique -, les garanties d'une réinsertion grâce aux moyens dont ils disposent et parce qu'ils auront pu produire au préalable des contrats indiquant que leur fils sera, à ce moment-là, apte à entrer dans telle ou telle entreprise étrangère.

Mais croyez-vous que les autres pourront justifier de telles garanties ? Ce sera toujours, et seulement, le fils du banquier ou de la grande avocate qui pourra en bénéficier.

Par conséquent, en ne retenant que cette disposition, on crée, à l'intérieur d'une disposition pénale d'exception, un véritable clivage social en permettant à certains, en fonction de leur situation sociale ou de celle de leurs parents, de pouvoir, remplir les conditions qu'il sera impossible aux justiciables des banlieues de jamais réunir !

Voilà pourquoi il faut absolument en revenir au principe général que j'ai mentionné : les circonstances, la personnalité de l'accusé.

C'est la raison pour laquelle nous soutenons l'amendement de la commission des lois.

Comme d'autres, je me suis, moi aussi, demandé si la mention « à titre exceptionnel » ne voulait pas dire « garanties exceptionnelles ».

Nous proposons une formule que je crois plus satisfaisante, à savoir les circonstances de l'infraction, la personnalité de son auteur, des garanties suffisantes d'insertion ou de réinsertion, et nous supprimons l'expression « à titre exceptionnel ».

Quoi qu'il en soit, sur le principe et en dehors de ces mentions de texte, il ne fait aucun doute qu'on ne peut laisser figurer seulement la garantie de réinsertion tant il est vrai que cela revient à nier le principe de l'individualisation des peines et, pis encore, à effectuer une sélection entre des accusés en fonction de leur situation sociale ou de celle de leur famille.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

En fait, il y a trois séries d'amendements.

En premier lieu, viennent des amendements de suppression. À cet égard, la discussion générale a mis en évidence deux points de vue tout à fait différents.

Dans la logique que vous avez exposée les uns après les autres à la tribune, vous proposez, mes chers collègues, la suppression de chaque article. Pour ma part, j'ai défendu, au nom de la commission, un point de vue différent, et vous ne serez donc pas étonnés que j'émette un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

La deuxième série d'amendements correspond en fait à un seul d'entre eux : je veux parler de l'amendement n° 31. Or ce dernier m'intéresse particulièrement, puisque, dans mon rapport, j'ai pris la liberté d'écrire que le premier terme de la récidive au sens légal ne pouvait être constitué par une mesure éducative. En effet, il apparaît très clairement - je crois d'ailleurs que cet avis est partagé par la quasi-totalité des membres de la commission des lois - que seule une sanction pénale peut constituer le premier élément de la récidive. Cet élément revêt toute son importance en matière de justice des mineurs.

Cet avis de la commission s'appuie sur la doctrine. D'excellents auteurs considèrent en effet que « La condamnation doit être pénale pour constituer le premier terme de la récidive. Ainsi, les condamnations à des sanctions autres que pénales telles que les mesures éducatives, les sanctions fiscales, administratives ou disciplinaires, notamment, ne peuvent donc davantage constituer le premier terme de la récidive ».

Madame le garde des sceaux, une telle profession de foi nous semble aller de soi. C'est pourquoi nous vous serions reconnaissants de bien vouloir confirmer ce point de vue en séance publique devant le Sénat. Si tel n'était pas le cas, nous préciserions alors ce point à travers l'amendement n° 31. Mais peut-être pourrions-nous faire l'économie de dispositions supplémentaires et inutiles dans le code pénal ou dans le code de procédure pénale ?

Enfin, les amendements nos 14, 32, 15, 13 et 33 visent la façon dont le juge pourra écarter la peine minimale en se référant, ou non, aux garanties d'insertion et de réinsertion, en déterminant si elles comportent un caractère exceptionnel et en invoquant éventuellement la personnalité de l'accusé.

Mes chers collègues, je le rappelle, notre discussion porte sur la matière criminelle, mais nous aurons tout à l'heure exactement le même débat s'agissant des délits. Or, le juge pourra-t-il retenir également les circonstances de l'infraction ? Pour ma part, je vous renvoie à l'amendement n° 1 que j'ai présenté au nom de la commission, et j'émets par conséquent un avis défavorable sur les amendements nos 14, 32, 15, 13 et 33.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

S'agissant des amendements de suppression nos 29 et 53, et compte tenu des explications fournies lors de la discussion générale, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Monsieur Badinter, nous sommes ouverts à toutes les propositions formulées par les groupes de l'opposition, et je suis donc favorable à l'amendement n° 31.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Quel est en définitive l'avis de la commission sur l'amendement n° 31 ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Puisque Mme le garde des sceaux suggère que cet amendement peut être adopté, j'émets un avis favorable, au nom de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Quel est l'avis du Gouvernement sur les autres amendements en discussion commune ?

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

S'agissant de l'amendement n° 14, le Gouvernement émet un avis défavorable : la faculté laissée aux juridictions de prononcer une peine inférieure aux peines minimales reviendrait à créer des peines automatiques. Comme nous sommes défavorables à la création de telles peines, nous le sommes également à cet amendement.

L'amendement n° 32 est inutile, car le projet de loi ne modifie pas l'article 2 de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante. Le dispositif proposé par cet amendement existe déjà dans le texte du projet de loi comme dans l'ordonnance, et nous sommes donc évidemment défavorables à cet amendement.

En ce qui concerne les amendements nos 15 et13, le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les mêmes raisons qui l'ont conduit à demander le rejet de l'amendement n° 14.

S'agissant des amendements nos 30 et1, je rappelle que le présent projet de loi créé un régime pénal adapté à la récidive.

La première récidive est constituée par deux faits de même nature ou assimilés et qui sont qualifiés de délits ou de crimes graves, d'atteintes aux personnes ou de troubles graves à l'ordre public.

Pour la première récidive - deux faits graves -, nous instituons un régime spécifique avec des peines planchers. Le juge pourra y déroger dans une décision motivée et prononcer des sanctions inférieures aux peines minimales, en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de l'auteur, et des garanties d'insertion et de réinsertion qu'il présente.

Nous prévoyons également un second régime, qui concerne la deuxième récidive, c'est-à-dire trois faits de même nature ou assimilés commis dans un délai très court, car leur auteur doit se trouver en état de récidive. Dans un tel cas, il faut en outre que le troisième fait commis soit une atteinte aux personnes, comporte un élément de violence ou constitue un trouble grave à l'ordre public, tel qu'un trafic de stupéfiants.

Or si les critères permettant de déroger aux peines minimales étaient les mêmes pour les deux régimes, le traitement de la première récidive ne se distinguerait plus de celui de la deuxième, troisième, quatrième ou cinquième récidive !

Nous considérons donc que le critère de la personnalité de l'auteur est intégré de facto dans l'infraction qu'il a commise. Pour pouvoir déroger aux peines planchers, le juge devra démontrer que le récidiviste présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. Ce sont les garanties exigées - et non la décision du magistrat - qui seront exceptionnelles.

Par exemple, un trafiquant de stupéfiants ne devra pas seulement apporter un bail ou une attestation de travail, il devra démontrer qu'il est prêt à mettre fin à la spirale de délinquance et de récidive dans laquelle il se trouve entraîné.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Il devra présenter des garanties exceptionnelles d'insertion et de réinsertion, madame Mathon-Poinat ! Je fais totalement confiance aux magistrats pour apprécier ce genre de situation, car ils savent le faire.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 30 et 1.

De même, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 33.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Tout d'abord, s'agissant de l'amendement n° 31, je précise que nous avions hésité, lors de nos débats en commission, à proposer une disposition similaire, à laquelle nous avons renoncé car elle nous semblait aller de soi. Comme Mme le garde des sceaux se déclare favorable à cet amendement, nous nous rallions naturellement à son avis, d'autant que nous avions eu la même idée au départ.

Toutefois, dès lors que nous distinguons dans le projet de loi les mesures éducatives des sanctions pénales, il faudrait pouvoir coordonner cette disposition avec les autres textes en vigueur, ce que nous ne sommes pas en mesure de faire ; il s'agit d'un problème récurrent, et lorsque nous rencontrons certains textes par la suite, nous nous demandons pourquoi ils n'ont pas été mieux coordonnés !

En ce qui concerne les amendements visant les multirécidivistes, je sais bien que certains ici ne veulent pas même entendre parler de peine minimale en cas de récidive ; mais à partir du moment où nous entrons dans le système proposé par le Gouvernement, que nous soutenons quant à nous, il nous faut être cohérents.

D'ailleurs, si le droit pénal prévoit l'individualisation des peines, il existe également un principe de légalité des peines, et vous savez, mes chers collègues, que nos ancêtres révolutionnaires

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je rappelle également que, jusqu'en 1994, et pour tous les crimes et délits, le code pénal fixait des peines minimales, qui ne constituent donc pas une monstruosité juridique !

Ces peines ne sont pas non plus, monsieur Badinter, une invention récente, comme le soutient, avec des arguments très peu fondés, la commission d'analyse et de suivi de la récidive dans l'avis que vous avez lu. Quant à l'amendement n° 31 que vous avez présenté, il est tout de même assez différent de l'amendement n° 1 défendu par la commission. En effet, vous souhaitez aligner complètement le régime de la multirécidive sur celui de la récidive, alors que nous voulons individualiser la peine encourue seulement à titre exceptionnel.

En effet, madame le garde des sceaux, nous reconnaissons qu'il s'agit tout de même de crimes, d'atteintes particulièrement graves commis contre des personnes ou de troubles à l'ordre public - les délits, nous en discuterons tout à l'heure. Par exemple, nous pouvons tenir compte des circonstances de l'infraction pour un dealer qui récidive pour la première fois, mais pas pour la deuxième ou la troisième fois !

Le législateur et même, me semble-t-il, le peuple que nous représentons ont affirmé clairement qu'ils en avaient assez de telles infractions et qu'il fallait sanctionner plus lourdement la récidive, en maintenant une hiérarchie par rapport à la multirécidive, sinon la justice ne serait plus compréhensible.

L'un de nos collègues a affirmé que de tels récidivistes étaient peu nombreux. Certes, mais il s'agit des cas les plus graves ! Il est heureux que des viols aggravés ne soient pas commis tous les jours, qu'ils ne se comptent pas par centaines ou par milliers chaque année ! Mais quand bien même il n'y en aurait que cent ou cinquante, la récidive doit être sanctionnée plus lourdement !

Il faut exiger que les magistrats qui souhaitent prononcer une peine inférieure aux planchers prescrits par la loi fournissent des éléments de plus en plus probants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce n'est pas la question, monsieur Mahéas ! C'est à nous de leur donner des indications, parce que c'est nous qui faisons la loi !

Or il existe de telles différences de jurisprudence selon les juridictions en matière de récidive et de multirécidive - certes moins pour les crimes, qui sont sanctionnés par des jurys populaires, que pour les délits - qu'il y a tout de même quelque chose à tenter, me semble-t-il.

Madame le garde des sceaux, M. le rapporteur vous a interrogée sur l'amendement n° 1 de la commission. Nous avons pensé que les circonstances de l'infraction et la personnalité de l'auteur devaient pouvoir être prises en compte, mais nous avons bien précisé que ce serait seulement « à titre exceptionnel », avec une gradation dans les décisions du juge.

Madame le garde des sceaux, je répète la question de M. le rapporteur : la Cour de cassation contrôlera-t-elle les garanties d'insertion ou de réinsertion ou laissera-t-elle les juges du fond les apprécier ? Il s'agit d'un point important, car, si nous laissons au juge une liberté d'appréciation souveraine, l'amendement n° 1 de la commission ne sera plus aussi indispensable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

La Cour de cassation ne contrôlera pas les garanties exceptionnelles d'insertion et de réinsertion. Ce rôle incombera au juge du fond. La gradation entre la récidive et la multirécidive résidera donc dans les garanties qui seront fournies par le récidiviste.

Je le répète, ce sont les garanties exigées qui doivent être exceptionnelles, et non la décision prise par le juge. Il s'agit d'ailleurs d'une jurisprudence constante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous ne pouvons pas retirer un amendement voté par la commission, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

M. Jacques Mahéas. S'il y avait eu une seconde lecture, peut-être !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mes chers collègues, je suis tout à fait respectueux des décisions de la commission, mais j'ai le droit de donner mon opinion à titre personnel. Or, compte tenu des explications apportées par Mme le garde des sceaux, et sans préjuger l'avis de M. le rapporteur, il me semble que l'amendement n° 1 n'est plus indispensable, même s'il est formellement maintenu.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je n'ai pas d'autres commentaires à faire. Pour ma part, en ma qualité de rapporteur, je maintiens l'amendement n° 1 élaboré par la commission. Le Sénat statuera à la lumière des explications apportées par les uns et les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame le garde des sceaux, à ce stade de notre débat, je dresserai un certain nombre de constats.

Premièrement, on comprend mal pourquoi, sur un sujet qui est aussi sensible et complexe, comme la preuve vient d'en être apportée, le Gouvernement a déclaré l'urgence. Il s'agit d'une question difficile, et les moyens de la mise en oeuvre du projet de loi, comme l'injonction thérapeutique, dont nous discuterons tout à l'heure, n'existent pas dans un nombre non négligeable de cas. Pourtant, il nous faut adopter ce texte dans les huit jours, tout simplement parce que l'affichage politique doit être le plus rapide possible !

Madame le garde des sceaux, déclarer l'urgence sur un texte comme celui-ci pose à mon avis quelques difficultés. À l'évidence, la navette parlementaire serait très profitable à ce projet de loi.

Deuxièmement, je ne comprends pas pourquoi vous n'avez apporté aucune réponse, à ce stade, aux constatations qu'un certain nombre d'entre nous ont rappelées, s'agissant de l'absence de corrélation entre le quantum des peines, le nombre d'années de détention et l'existence ou non d'une récidive.

Libre à vous, madame le garde des sceaux, de contester tous les chiffres qui ont été apportés, tous les faits qui ont été établis par les chercheurs, mais il faut alors fournir des arguments ! Dans le cas contraire, nous ne comprenons pas pourquoi vous persistez à considérer que les dispositions de ce texte auront une quelconque efficacité en matière de lutte contre la récidive.

Troisièmement, la discussion qui vient d'avoir lieu sur l'amendement n° 30 est tout à fait instructive. En effet, la mise en cause de l'individualisation des peines suscite un grand débat dans ce pays et une vive inquiétude chez nombre de magistrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans le dispositif prévu à l'article 1er, la peine plancher devient la règle. Elle est donc automatique, sauf si une considération exceptionnelle est reconnue, auquel cas il y a alors individualisation de la peine.

Or, dans notre droit, selon la Constitution, l'individualisation des peines est la règle.

Je me suis replongé dans le rapport tout à fait intéressant qu'avait rédigé M. le rapporteur au mois de février 2005. Il contenait de bonnes pages !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

On y trouve cette question : « Quel intérêt y aurait-il à revenir à un système supprimé il y a plus de douze ans ? ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C'est le Zocchetto d'avant, mais il avait du bon !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le Zocchetto nouveau est arrivé !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce rapport citait un certain nombre de bons auteurs qui insistaient, à juste titre, sur l'individualisation des peines.

Madame le garde des sceaux, je n'ai pas compris pourquoi vous considériez que, en cas de première récidive, il serait légitime de prendre en compte et les circonstances et la personnalité de l'auteur de l'infraction, alors que, en cas de deuxième récidive, pour une affaire de stupéfiants, par exemple, il ne faudrait prendre en compte que « les garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion », à propos desquelles notre collègue Robert Badinter a très bien montré que cela engendrerait toutes sortes de discriminations. En effet, le juge ne pourrait plus prendre en compte la personnalité de l'auteur ni les circonstances de l'infraction.

Vous mettez ainsi en oeuvre un système de décision automatique, mécanique, avec des gradations. Mais comment pouvez-vous justifier auprès des magistrats le fait qu'à un certain moment de la procédure la personnalité de l'individu n'est plus digne d'être prise en considération ? C'est un système totalement théorique, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

... contraire aux principes de l'individualisation des peines, et ce pour des raisons d'affichage politique.

Nous regrettons que soient de ce fait altérés notre droit et, surtout, la confiance qu'accordent aux magistrats nos concitoyens et leurs élus.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Madame la ministre, sans doute vous êtes-vous interrogée comme nous sur les récidivistes. Qui sont-ils et pourquoi récidivent-ils ? À ces questions, vous n'apportez qu'une seule réponse : c'est parce que les peines qu'ils encourent ne sont pas assez fortes ; il suffit donc de les alourdir pour améliorer la situation.

J'ai cru un instant que vous alliez faire d'autres propositions lorsque vous avez évoqué les centres éducatifs fermés. En Île-de-France, si mes renseignements sont exacts, un seul établissement existe actuellement ; ils seront peut-être bientôt deux. Ils se développent donc à dose homéopathique, mais ce serait une voie à suivre...

Notre approche est différente de la vôtre. Nous nous interrogeons sur la récidive. Pourquoi y a-t-il récidive ? Pourquoi les peines de prison entraînent-elles plus de récidives que les peines alternatives ?

Nous nous intéressons plus particulièrement au « noyau dur » des récidivistes, qui est constitué essentiellement de personnes mal insérées et de toxicomanes. Nous nous sommes aperçus qu'à leur sortie de prison ils n'avaient bénéficié d'aucune aide - pas de RMI, par exemple -, d'aucun soin.

Notre attention s'est portée également sur les circonstances qui entourent les cas de récidive : le chômage, la ghettoïsation, la crise du logement, le surpeuplement des maisons d'arrêt. Le juge en tiendra-t-il compte ? Ces éléments pourront-ils entraîner une diminution de la peine ?

Madame le garde des sceaux, vous ne vous êtes pas posé toutes ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

J'ose espérer que, plus tard, nous y reviendrons.

Pis encore, s'agissant des mineurs, votre texte contrevient à l'esprit de la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France. Est-il donc bien adapté aux mineurs ?

Bref, madame le garde des sceaux, vous êtes en service commandé : vous nous avez présenté ce texte beaucoup trop rapidement, sans avoir suffisamment réfléchi, un mauvais texte sur lequel l'urgence ne s'imposait pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Un certain nombre de nos collègues veulent nous faire croire - sans doute pour s'en persuader eux-mêmes ! - qu'il faut choisir entre les délinquants et les victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Or toutes les études, qu'elles soient étrangères ou françaises, montrent que ce type de disposition est non seulement inefficace, mais contreproductif : il engendre plus de délinquance, donc plus de victimes. En d'autres termes, avec ce texte, le nombre de victimes augmentera.

Vos raisonnements ne tiennent pas et, en votre for intérieur, vous savez bien que ce texte est mauvais. Vous êtes en service commandé.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

S'il-vous-plaît, nous ne sommes pas en service commandé ! Nous ne sommes pas socialistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Cela viendra peut-être ! Des passerelles sont lancées en ce moment !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

En fait, vous savez bien que ce texte ne sert à rien et même qu'il produira des effets contraires à ceux qui sont recherchés. Vous serez ainsi confrontés demain - et nous aussi ! - à des problèmes encore plus grands qu'aujourd'hui.

Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi nous voterions ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La discussion est difficile : cela augure mal de la revalorisation du débat parlementaire...

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Pasqua

Pour qu'il y ait débat, il faut opposer des arguments !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

... et des rapports entre l'exécutif et le législatif, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Mes collègues et moi réclamons des informations sur l'efficacité supposée des peines planchers en cas de récidive. Mais vous n'apportez aucune réponse ! En fait, il n'existe aucune corrélation entre le quantum des peines et la récidive. Les exemples étrangers où sont appliquées des peines planchers ou des peines automatiques confirment cette absence de corrélation. Dès lors, le débat tourne court.

Puisqu'il n'y a pas de corrélation et puisque vous avez déjà aggravé les peines en cas de récidive, pourquoi vouloir ajouter des peines planchers, qui, en plus, modifient totalement le travail de la justice ? Vous répondez que c'est nécessaire pour la seule raison que le Président de la République l'a annoncé...

Ce qui intéresse nos concitoyens, ce sont les mesures qui empêchent la récidive et qui font baisser la délinquance. Le débat se révèle alors beaucoup plus vaste. Or les dispositions dont l'efficacité contre la récidive est reconnue sont totalement occultées. Nous constatons même qu'elles diminuent de plus en plus et sont de moins en moins utilisées : je pense à la libération conditionnelle, aux peines alternatives, au suivi socio-judiciaire.

La méthode Coué ne nous a pas convaincus pendant cinq ans, elle ne nous convainc pas davantage aujourd'hui.

Le peuple attend des résultats. En tant que législateur, nous nous demandons comment les obtenir, et l'on nous fait toujours la même réponse : alourdissons les peines ; les résultats suivront. Hélas ! il n'en est rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

J'avoue ne pas avoir très bien compris les explications de Mme le garde des sceaux. Il n'était absolument pas dans nos intentions de demander des peines automatiques, au contraire !

Nous voulons réaffirmer le pouvoir d'appréciation du juge, ainsi que le principe d'individualisation des peines, principe général qui est reconnu puisqu'il figure déjà dans un article du code pénal. Nous souhaitons donc réaffirmer ce principe, mais nous n'entendons pas du tout l'encadrer ou le limiter par la fixation de critères pas plus que nous sommes pour la fixation de peines planchers ou de peines automatiques.

Lorsque l'on examine dans le détail les critères que vous prévoyez, madame le garde des sceaux, on s'aperçoit qu'ils vont au-delà des exigences. C'est là le danger. En effet, il importe de rappeler que le pouvoir d'appréciation du juge ne peut exister sans le principe d'individualisation des peines.

Vous affirmiez tout à l'heure vouloir être concrète. Peut-être, mais l'exemple du dealer que vous avez pris n'était pas convaincant. En effet, quelles garanties peut-on apporter en dehors du logement, du travail ? En outre, seules les familles qui ont des connaissances pourront fournir des garanties pour leurs enfants. Ce ne sera certainement pas le cas de celles qui connaissent la discrimination, l'exclusion ou la précarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

L'écoute des différentes interventions me conduit à penser que nous sommes très loin des préoccupations de nos concitoyens qui se trouvent sur le terrain.

Par ailleurs, je regrette que notre collègue M. Mahéas ait quitté l'hémicycle. En effet, nous avons tous deux fait partie de la commission qui a étudié les conséquences des événements qui se sont produits dans les banlieues à l'automne 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il a dû se rendre à une réunion de conseil municipal !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Les élus et les citoyens, quelle que soit leur sensibilité politique, formulaient à l'époque unanimement la même demande, y compris les élus du 9-3 que vous évoquiez et dont M. Mahéas fait partie. Or il me semble qu'il a oublié leur message. Ainsi, tous les maires nous demandaient d'adopter des mesures applicables aux multirécidivistes, qui ne représentent en fait qu'un faible pourcentage de la population demeurant dans les quartiers frappés par les incidents susvisés.

En cet instant, nous répondons donc non pas aux désirs de quelques personnes qui s'appuient sur telle ou telle statistique...

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

... mais à un vrai problème qui se pose sur le terrain. Monsieur Badinter, nous essayons surtout de protéger les plus modestes de nos concitoyens qui sont les premières victimes de ces multirécidivistes.

Par ailleurs, les éducateurs spécialisés nous ont fait remarquer à nous, politiques, que, s'il y a tant de multirécidivistes actuellement, c'est parce que nous n'avons pas adopté, en temps utile, les bonnes dispositions...

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Ils ont récidivé en raison de l'impunité dans laquelle ils ont été laissés. L'impunité est la pire des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il s'agit des majeurs ! Vous vous trompez de débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye. Je me souviens qu'un prêtre polytechnicien éducateur de rues, célèbre à Argenteuil, qui a aussi travaillé à Chanteloup-les-Vignes, nous disait : « Messieurs les politiques, n'oubliez jamais que la répression est la première marche de la prévention ! »

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Mes chers collègues, tous les élus des quartiers sensibles - vous vous en êtes peut-être quelque peu éloignés - formulent la même requête.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Je terminerai mon intervention en rendant hommage à Mme le garde des sceaux, qui s'est sûrement posé toutes les questions, contrairement à ce qu'a affirmé M. Mahéas. Notre collègue ayant, lui, oublié de s'interroger sur certains points, c'est probablement la raison pour laquelle il n'arrive pas à la même conclusion que nous.

Je veux également rendre hommage au travail de M. le rapporteur. Au vu des conclusions des groupes de travail qui se sont réunis après les événements qui ont eu lieu à l'automne 2005, il sait bien sûr que la société évolue et que les moyens juridiques à notre disposition doivent faire de même.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement est adopté à l'unanimité.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

Après l'article 132-19 du code pénal, il est inséré un article 132-19-1 ainsi rédigé :

« Art. 132-19-1. - Pour les délits commis en état de récidive légale, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Un an, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement ;

« 2° Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement ;

« 3° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement ;

« 4° Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

« Le tribunal ne peut prononcer une peine autre que l'emprisonnement lorsqu'est commis une nouvelle fois en état de récidive légale un des délits suivants :

« 1° Violences volontaires ;

« 2° Délit commis avec la circonstance aggravante de violences ;

« 3° Agression ou atteinte sexuelle ;

« 4° Délit puni de dix ans d'emprisonnement.

« Par décision spécialement motivée, le tribunal peut toutefois prononcer une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure aux seuils prévus par le présent article si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, mes propos précédents relatifs à l'inutilité de ce texte s'appliquent également, pour la plupart, à l'article 2 ; je ne les reprendrai donc pas.

Je veux néanmoins souligner un paradoxe du projet de loi que nous examinons et qui a été relevé par l'Union syndicale des magistrats.

Ce texte fixe des peines minimales d'emprisonnement, ce qui n'exclut pas le sursis, accompagné ou non de travaux d'intérêt général ou de mise à l'épreuve. Le condamné peut alors repartir libre sans que le magistrat ait quoi que ce soit à justifier.

Or, si le magistrat veut prononcer une peine d'emprisonnement ferme mais inférieure à la peine minimale, il devra motiver sa décision. Cela peut sembler curieux, mais ne fait que démontrer une nouvelle fois que l'objectif recherché est de frapper l'opinion publique, sans réel souci d'efficacité.

C'est à l'article 2 que la dangerosité du projet de loi concernant les peines planchers apparaît véritablement. Je continuerai à me limiter, en l'espèce, au cas des majeurs. Le taux de récidive est plus important pour les délits que pour les crimes.

Pierre Tournier, sociologue, spécialiste des questions carcérales, a élaboré une projection de l'application de la nouvelle loi, en termes d'augmentation de la population carcérale et évalue la hausse du nombre des détenus à 10 000 par an.

Ces dernières années, la surpopulation carcérale a atteint un taux considérable. Au 1er juin 2007, le nombre de détenus en France s'élevait à 63 598. Les taux d'occupation explosent dans certains établissements. Alors, madame le garde des sceaux, comment allez-vous loger ces nouveaux détenus ? Existe-t-il un plan de construction de nouveaux établissements dont vous n'auriez pas encore parlé ?

Pour terminer, j'ajouterai qu'il n'a été fait, préalablement à l'examen de ce projet de loi, aucune étude d'impact. Il en fut d'ailleurs de même à propos des quatre précédents textes concernant la délinquance. Cette attitude est pour le moins curieuse pour qui se targue d'une volonté de contrôler au mieux les finances de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame le garde des sceaux, je me permets d'insister. Les membres de mon groupe posent de nombreuses questions et nous souhaiterions vraiment obtenir des réponses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C'est une injonction au Gouvernement ! On ne peut pas lui imposer de répondre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Selon certains chercheurs, si ce projet de loi devait produire les effets que vous en attendez, cela se traduirait par une augmentation du nombre de détenus dans des prisons déjà surpeuplées. On sait que, depuis trois ans, le nombre de détenus supplémentaires s'élève à 10 000. Or il a été estimé que ce texte engendrerait une nouvelle hausse équivalente - chaque année ou sur une période plus longue, je ne sais. Quoi qu'il en soit, un problème se pose.

Madame le garde des sceaux, nous savons fort bien qu'un plan de construction de prisons est prévu, mais il n'est pas à la mesure des effets à court terme du projet de loi que vous nous soumettez aujourd'hui. Par conséquent, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir nous apporter une réponse.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Monsieur le sénateur, je vais vous fournir quelques chiffres. Sachez que 80 % des mineurs sanctionnés ne récidivent pas. Encore faut-il qu'une sanction ait été prononcée ; je rejoins sur ce point M. Braye. Si la première infraction n'est pas sanctionnée, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Personne ne dit qu'il ne faut pas sanctionner !

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

... comment voulez-vous que les mineurs puissent intégrer la notion même de récidive ?

La sanction n'implique pourtant pas l'incarcération, comme je vous l'ai déjà indiqué.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Le projet de loi qui vous est soumis ne remet absolument pas en cause les possibilités d'aménagement de l'incarcération, ab initio, dès le prononcé de la peine, ni toute alternative à l'incarcération.

Aujourd'hui, le taux des aménagements de peines, et donc de la baisse de la récidive, est sans précédent. En un an, entre le 1er avril 2006 et le 1er avril 2007, 30 % de peines supplémentaires ont été aménagées. Le nombre de placements sous bracelet électronique a augmenté de 59 %. Les placements extérieurs enregistrent une hausse de 33 %.

Le Gouvernement est favorable aux alternatives à l'incarcération. Telle est et telle sera encore et toujours sa politique.

D'ailleurs, dès le 29 juin, j'ai envoyé à tous les parquets une circulaire afin de les inciter à favoriser les aménagements de peines, les placements extérieurs, la semi-liberté, les alternatives à l'incarcération, le placement sous bracelet électronique.

S'agissant des soins, je vous indique dès maintenant, monsieur le sénateur, qu'ils seront une condition de la libération conditionnelle, laquelle joue, vous le savez, en faveur de la diminution de la récidive.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C'est très bien, mais cela ne justifie pas les peines planchers !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de vingt amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 34 est présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus - Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 55 est présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 34.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

En l'espèce, il s'agit non plus de crimes mais de délits. Ce matin, j'ai déjà eu l'occasion d'exposer longuement à quel point ce texte heurtait la nécessaire individualisation de la peine et aboutirait inévitablement à un accroissement de la population carcérale.

En matière de délits, les observations de la commission d'analyse et de suivi de la récidive prennent toute leur valeur, et l'on peut dire qu'à cet égard ce texte est parfaitement inutile.

En fait, cet article 2 comporte une critique implicite mais très forte de nos magistrats. Or un moyen d'intervention plus simple existait déjà en l'espèce. Mme le garde des sceaux peut toujours adresser à tous les parquets une circulaire recommandant, en cas de récidive concernant des délits précis, de se référer aux casiers judiciaires dans leurs réquisitions. À partir de là, les magistrats du siège, dont c'est la responsabilité, décident.

L'ensemble de la magistrature a été profondément choqué que le législateur pèse sur le juge pour le prononcé des peines dans des affaires individuelles ; il a donc eu une réaction de rejet, avant même l'adoption du texte.

Il ne s'agit ni de la création d'infractions nouvelles ni du changement de quantum, qui relèvent du législateur. Il s'agit en l'occurrence de conduire les juges, en matière de délits, à condamner le contrevenant à une peine minimale, quelles que soient les circonstances de fait. Reste l'exception, dont nous aurons l'occasion de reparler ultérieurement.

Quoi qu'il en soit, ce texte ne peut produire que des fruits amers, comme je l'ai dit ce matin : un nombre plus élevé de délinquants, envoyés dans des prisons surpeuplées, un taux de récidive plus important...

Cette politique judiciaire répond à une demande que l'on comprend de la part de ceux qui subissent ces atteintes, mais elle est totalement inefficace. Le devoir des hommes et des femmes politiques est, non pas de céder constamment à la pression de l'opinion publique, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

... mais de chercher où sont les voies de la raison et de l'équilibre dans la cité.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Ils sont élus pour cela et non pour être l'écho des angoisses - même si on les comprend - des populations : ils doivent y répondre en remontant jusqu'aux causes.

À l'heure où Tony Blair disparaît de la scène politique, je rappellerai le propos qu'il a toujours tenu : « dur avec le crime, dur avec les causes du crime ». Madame le garde des sceaux, vous avez oublié la seconde partie de cette maxime...

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

M. Robert Badinter.... pour ne garder que la première !

M. Jean-Pierre Sueur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 55.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Selon nous, l'instauration des peines planchers en matière de délits entraînera, plus encore qu'en matière de crimes, des effets pervers en cascade pour les juges, puis, bien évidemment, pour la population carcérale.

D'après le Gouvernement, les peines ne seront pas automatiques, puisque les juges pourront y déroger, mais les magistrats eux-mêmes en conviennent : motiver une décision prend du temps, particulièrement en correctionnelle, et les jugements sont donc rarement motivés.

Les juges finiront fatalement, par manque de temps et de moyens, par prononcer une peine minimale, ce qui aura forcément des conséquences sur les populations carcérales, dont l'augmentation est inévitable si ce projet de loi est adopté.

Ce problème se pose de façon plus accrue s'agissant des délits car, aujourd'hui, les criminels récidivistes sont déjà condamnés à des peines d'emprisonnement ferme. Le mécanisme des peines planchers institué aux termes de l'article 2 est particulièrement répressif et apparaît donc excessif, voire disproportionné, surtout en matière d'atteinte aux biens.

Il serait d'ailleurs fort étonnant que les peines planchers aient le moindre effet dissuasif sur les délinquants. Par conséquent, si l'on conjugue ce facteur avec le fait que les juges seront peu nombreux à motiver une dérogation à la peine plancher, nous verrons le nombre de détenus augmenter. On en prévoit 10 000 de plus par an. Cela a été dit à plusieurs reprises : nos prisons vont difficilement pouvoir faire face à cette inflation, compte tenu de l'état dans lequel elles se trouvent déjà ; mais peut-être le Gouvernement compte-t-il sur les décrets de grâce présidentielle pour vider rapidement les établissements pénitentiaires les plus surpeuplés ?

Plus sérieusement, cette projection est d'autant plus inquiétante que la prison est criminogène et qu'elle engendre de la récidive.

L'aggravation permanente des sanctions ne change rien. J'en veux pour preuve qu'après cinq ans de mise en oeuvre de lois toujours plus répressives et faisant de l'enfermement la seule solution la délinquance ne baisse pas.

Pourquoi un tel entêtement alors que l'on connaît les mesures à prendre afin d'améliorer la prévention de la délinquance et de diminuer les cas de récidive ?

Au lieu de renforcer l'arsenal répressif, tellement surchargé qu'il en devient incompréhensible, on devrait donner priorité à l'augmentation des moyens en direction des magistrats, des greffes et des personnels pénitentiaires.

L'objectif est, d'une part, de s'assurer de la promptitude de la réponse pénale et de l'exécution de la sanction et, d'autre part, de permettre la mise en oeuvre des aménagements de peine.

Beaucoup d'entre nous le savent, le constat en a été fait : les sorties de prison préparées et un suivi régulier après la libération sont facteurs de prévention de la récidive.

Je terminerai mon propos en citant l'avis du 14 décembre 2006 de la commission consultative des Droits de l'homme sur les alternatives à la détention : « Autant la prison est reconnue comme efficace pour mettre à l'écart et neutraliser, autant elle s'avère le plus souvent contreproductive en termes de réinsertion et de prévention de la récidive. Les alternatives à la détention obtiennent de meilleurs résultats que la prison en termes de lutte contre la récidive et représentent un moindre coût pour la collectivité. »

Tel n'est pas, de toute évidence, le choix qui nous est proposé aujourd'hui avec ce texte.

Pour notre part, nous refusons la logique des peines planchers. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 56, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal, après le mot :

juridiction

insérer les mots :

, réunie en formation collégiale,

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement est un amendement de repli : nous souhaitons soulever le problème de la responsabilité du juge dans le processus qui s'engage des peines planchers.

Il sera demandé au juge de prononcer des peines quelles que soient la gravité objective des faits et la personnalité du prévenu. Si le juge veut y déroger, il devra motiver spécialement sa décision, et ce selon des critères encadrant strictement sa liberté d'appréciation.

Les magistrats se retrouvent ainsi plus ou moins pris au piège : soit ils appliquent la loi et prononcent systématiquement une peine supérieure ou égale à la peine minimale, soit ils décident de déroger mais, dans ce cas, ils savent qu'ils risquent d'être mis en cause sur le plan politique, médiatique et disciplinaire en cas de nouvelle récidive du condamné.

Nous nous souvenons tous de l'affaire Nelly Cremel et des propos du ministre de l'intérieur de l'époque appelant à « faire payer » un juge à la suite de la participation présumée au meurtre d'un récidiviste alors que la libération conditionnelle de ce dernier avait pourtant été décidée collégialement.

Afin de préserver les magistrats de telles prises à partie et d'éviter que leur responsabilité ne soit mise en cause en cas de nouvelle récidive, nous souhaitons que les juridictions ayant à juger et donc à se prononcer sur les infractions commises par les récidivistes soient systématiquement réunies en formation collégiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 21, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal, supprimer les mots :

, par une décision spécialement motivée,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Madame le garde des sceaux, par votre projet de loi, vous obligez le juge qui souhaite appliquer des peines inférieures aux peines minimales à motiver sa décision quelle que soit la nature de la peine prononcée : emprisonnement ferme, emprisonnement avec sursis, peine alternative à l'emprisonnement.

Cet amendement, comme, d'ailleurs, l'amendement n° 22, qui sera examiné dans quelques instants, tend à éviter d'imposer au juge de devoir motiver systématiquement ses décisions.

En effet, l'obligation de motivation est un facteur d'inflation procédurale : elle induit un allongement de la procédure, si bien qu'il pourra être reproché aux juges, parce qu'ils seront débordés, d'être laxistes. Leur imposer un rallongement des procédures ne peut que justifier cette lourdeur et cette impossibilité à motiver.

L'obligation de motivation du juge ne devrait porter que sur les peines les plus graves, autrement dit les peines d'emprisonnement ferme, et ne devrait pas concerner toutes les peines, y compris les peines alternatives à la prison.

Je rappelle les termes du second alinéa de l'article 132-19 du code pénal : « En matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine. Toutefois, il n'y a pas lieu à motivation spéciale lorsque la personne est en état de récidive légale. »

Ce projet de loi va donc mettre en distorsion ce second alinéa de l'article 132-19 et le futur article 132-19-1, puisqu'il va imposer une obligation de motivation en cas de peine prononcée contre un récidiviste.

Enfin, parce qu'il est de notre devoir non seulement d'éviter toute inflation judiciaire, mais aussi de permettre un traitement diligent des affaires et de veiller à ce que les juges bénéficient de conditions de travail respectueuses et dignes, nous refusons la motivation obligatoire et systématique. Cet amendement vise donc à supprimer la référence à une obligation de motivation en laissant jouer, bien entendu, l'alinéa 2 de l'article 132-19, qui - je le rappelle - tend à exclure l'obligation de motivation en cas de récidive légale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 37, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus - Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I - Dans le 6ème alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal, après les mots :

inférieure à ces seuils

insérer les mots :

, ou pour les mineurs, une mesure éducative,

II - Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal, après les mots :

inférieure aux seuils prévus par le présent article

insérer les mots :

, ou pour les mineurs, une mesure éducative,

La parole est à M. Richard Yung

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement est le pendant de l'amendement n° 32, que nous avons déjà examiné à l'article précédent.

Je rappellerai simplement que l'ordonnance de 1945 doit s'appliquer de toute façon. Or elle prévoit explicitement que le juge doit s'interroger pour déterminer s'il doit prononcer une peine pénale ou s'il peut prononcer un autre type de peine, par exemple ordonner des mesures éducatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 24, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après les mots :

circonstances de l'infraction

rédiger ainsi la fin du sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal :

ou de la personnalité de son auteur.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement vise à supprimer la référence à un critère qui encadre de manière trop restrictive le principe d'individualisation de la peine, principe que nous voulons réaffirmer, notamment parce qu'il exprime le pouvoir d'appréciation du juge.

Je l'ai déjà expliqué tout à l'heure : le critère de la personnalité de l'auteur ainsi que celui des circonstances de l'affaire devraient suffire pour permettre au juge d'individualiser la peine et de décider d'appliquer des peines inférieures sans qu'il soit nécessaire de se référer à des garanties exceptionnelles, qui sont pratiquement impossibles à donner pour le commun des mortels.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 16, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

I. Après le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le prévenu est jugé en comparution immédiate selon la procédure prévue par l'article 395 du code de procédure pénale, la juridiction n'est pas tenue d'apprécier, dans le prononcé de peines inférieures à celles prévues par les deuxième à cinquième alinéas du présent article ou d'une peine autre que l'emprisonnement, les garanties d'insertion ou de réinsertion visées à l'alinéa précédent ».

II. Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le prévenu est jugé en comparution immédiate selon la procédure prévue par l'article 395 du code de procédure pénale, la juridiction n'est pas tenue de motiver sa décision ni d'apprécier, dans le prononcé de peines inférieures à celles prévues par les deuxième à cinquième alinéas du présent article, les garanties exceptionnelles d'insertion visées à l'alinéa précédent ».

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je présenterai en même temps l'amendement n° 17, puisque tous deux concernent la comparution immédiate.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'appelle donc en discussion l'amendement n° 17, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, qui est ainsi libellé :

I. Après le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le prévenu est jugé en comparution immédiate selon la procédure prévue par l'article 395 du code de procédure pénale, la juridiction n'est pas tenue, dans le prononcé de peines inférieures à celles prévues par les deuxième à cinquième alinéas du présent article ou d'une peine autre que l'emprisonnement, de motiver sa décision. »

II. Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le prévenu est jugé en comparution immédiate selon la procédure prévue par l'article 395 du code de procédure pénale, la juridiction n'est pas tenue, dans le prononcé de peines inférieures à celles prévues par les deuxième à cinquième alinéas du présent article, de motiver sa décision. »

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Le principe de la comparution immédiate veut que le prévenu soit jugé dans la journée. Comment un juge peut-il apprécier en une journée si un prévenu présente des garanties d'insertion et de réinsertion telles qu'elles sont prévues par l'article 2 du projet de loi ? Nous considérons que cela n'est pas possible.

Les enquêtes de personnalité sont difficiles à mener et il nous a été dit, au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, qu'elles étaient souvent un peu bâclées.

De deux choses l'une : soit le juge se risquera à justifier sa décision, mais comme, la plupart du temps, il manquera d'éléments objectifs et qu'aucune enquête préliminaire n'aura pu être réalisée, il aura des difficultés à la motiver, soit il ne pourra pas la justifier et, dans ce cas-là, c'est la peine plancher qui s'appliquera de manière automatique, ce que nous ne pouvons pas accepter.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 2, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Au début du septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal, remplacer les mots :

Le tribunal

par les mots :

La juridiction

II. - Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal, remplacer les mots :

le tribunal

par les mots :

la juridiction

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 19, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer le huitième alinéa () du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet alinéa vise le délit de violences volontaires, pour lequel les peines minimales s'appliqueront presque automatiquement.

Or ce délit recouvre des situations très variées : vol avec bousculade, atteinte aux biens sans atteinte à la personne. Ainsi, des peines de prisons fermes seront appliquées pour un vol avec bousculade comme à une agression violente.

Cet amendement vise à circonscrire le champ de ces délits par le jeu combiné de l'article 132-16-4 du code pénal et du futur article 132-19-1 amendé. Les délits les moins graves relèveront du premier alinéa de l'article 132-19-1 et le juge pourra, dans ce cas, prononcer des peines autres que l'emprisonnement.

Les délits de violences volontaires les plus graves relèveront de cette disposition, mais par le jeu de l'article 132-16-4 du même code, lequel prévoit : « Les délits de violences volontaires aux personnes ainsi que tout délit commis avec la circonstance aggravante de violences sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction. »

Par conséquent, le délit commis avec la circonstance aggravante de violences étant déjà visé par le neuvième alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 132-19-1 du code pénal, il est à mon sens inutile de faire apparaître cette référence aux délits de violences volontaires dans le huitième alinéa.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 20, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Compléter le huitième alinéa () du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal par les mots :

ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 10 jours

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, je souhaite présenter en même temps l'amendement n° 18.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'appelle donc également en discussion l'amendement n° 18, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, qui est ainsi libellé :

Compléter le neuvième alinéa () du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal par les mots :

ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 10 jours

Vous avez la parole pour défendre ces deux amendements, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Les dispositions du présent projet de loi, par le caractère général des délits qu'elles visent, présentent un énorme risque, car les juges pourront envoyer en prison des individus ayant commis des actes, certes répréhensibles, mais d'une gravité très variable. Avec l'obligation combinée de motiver toute peine inférieure, les juges prononceront de manière automatique des peines de prison pour un vol de DVD comme pour un vol avec agression.

Aux termes de l'article 2, les juges pourront appliquer les peines minimales lorsque le mineur récidiviste aura commis un délit de violences volontaires : mais que recouvre donc cette notion ? Le vol avec bousculade et le vol ayant entraîné une interruption temporaire de travail, ITT, de vingt jours ont-ils véritablement les mêmes conséquences sur la victime ? Devront-ils donc être traités de la même manière ? À mon sens, ces questions n'ont pas encore reçu de réponses.

Les peines minimales auront vocation à s'appliquer de la même manière pour tous les délits commis en état de récidive, quelle que soit leur gravité. Si, effectivement, selon l'adage populaire, qui vole un oeuf vole un boeuf, il ne faudrait tout de même pas exagérer : les délits d'une gravité différente doivent être traités différemment !

Or le projet de loi ne fait pas de distinction valable entre, d'une part, le simple vol ou le vol avec bousculade, et, d'autre part, les vols qui ont entraîné des blessures ou des dommages physiques importants.

Ainsi, le multirécidiviste qui aura commis indistinctement ces deux types de vols sera condamné à une peine d'emprisonnement ferme, sans que la gravité des faits reprochés ait été évaluée à sa juste mesure : il pourra donc aller en prison pour un simple vol, voire pour deux vols avec une simple bousculade. Si ces derniers sont certes condamnables, ils ne méritent peut-être pas d'être sanctionnés de la même manière que d'autres délits.

Par conséquent, ces amendements visent à prévoir que les circonstances de l'affaire ainsi que le préjudice subi par la victime sont pris en compte. Nous proposons de réduire le champ d'application des peines planchers pour les récidivistes et d'endiguer, dans la mesure du possible, la portée de ce projet de loi. À nos yeux, si un vol avec une simple bousculade doit faire l'objet d'une sanction, ne peuvent être concernés par ce texte que les délits les plus graves commis par des multirécidivistes violents, à l'image des vols avec violences physiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 36, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Seules les sanctions pénales prononcées par le tribunal pour enfants ou par la cour d'assises des mineurs peuvent être prises en compte pour la détermination de l'état de récidive.

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Tout d'abord, nous ne sommes pas persuadés que les mesures proposées auront bien un effet dissuasif. Selon nous, les mineurs condamnés n'ont pas toujours réellement conscience des peines qu'ils encourent lorsqu'ils ont commis les faits pour lesquels ils sont jugés. Ils ont souvent du mal à saisir l'ensemble de la « mécanique ».

Par ailleurs, concernant les mineurs, le problème est non pas tant la récidive, même si elle existe, que la réitération.

Compte tenu des lourdeurs de la procédure, de la charge de travail des juges et de l'encombrement des tribunaux, les mineurs sont souvent jugés plusieurs mois après la commission des faits. Au tribunal de Bobigny, cette durée est au minimum de six mois, mais elle est souvent supérieure.

Or le texte n'exclut pas les mesures éducatives ni les sanctions éducatives, notamment les mesures de réparation ou l'interdiction de paraître, lesquelles sont pourtant prononcées pour des faits de moindre gravité et qui ne devraient pas constituer, à nos yeux, le premier terme de la récidive légale à l'encontre d'un mineur. De ce point de vue, seules les sanctions pénales doivent être prises en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 22, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal, supprimer les mots :

Par décision spécialement motivée,

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 23, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après les mots :

présent article

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal :

en considération des circonstances de l'infraction ou de la personnalité de son auteur.

Cet amendement a également été défendu.

L'amendement n° 35, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus - Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

inférieure aux seuils prévus par le présent article

Rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal :

en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties suffisantes d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

La parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Compte tenu de ce qui s'est passé à l'article précédent, j'ai l'impression que tout est déjà jugé puisque nous nous retrouvons dans une situation similaire. Dans ces conditions, connaissant d'avance le verdict, je me contenterai, mes chers collègues, de défendre cet amendement en vous renvoyant aux propos que j'ai déjà tenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 3, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après les mots :

présent article

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal :

, à titre exceptionnel, en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le président, je retire cet amendement, compte tenu du vote qui est intervenu tout à l'heure sur l'amendement n° 1.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 3 est retiré.

L'amendement n° 57, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal, remplacer les mots :

garanties exceptionnelles

par les mots

gages sérieux

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je ne vais pas m'appesantir non plus sur cet amendement, qui est un amendement de repli ayant le même objet que celui que nous avons déposé à l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 38, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-19-1 du code pénal par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois lorsque le crime est commis en état de récidive légale par un mineur, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 4, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d'une peine d'amende et d'une ou plusieurs peines complémentaires. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement vise à rappeler expressément que le tribunal peut prononcer, en plus de l'emprisonnement, une peine d'amende ou une peine complémentaire.

Il serait en effet paradoxal que, tout en voulant réprimer plus sévèrement la récidive, on fasse en sorte qu'un escroc multirécidiviste ne puisse être également condamné à une amende et à toutes les peines complémentaires habituellement encourues, telle l'interdiction d'exercer une activité de confiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Chacun comprendra évidemment les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 34 et 55.

Madame Assassi, l'adoption du texte que vous et vos collègues proposez dans l'amendement n° 56 aurait un effet paradoxal : d'une part, cela conduirait les juges uniques à prononcer systématiquement une peine égale ou supérieure aux peines minimales pour tous les contentieux qui leur sont réservés ; d'autre part, cela placerait le prévenu dans une situation tout à fait différente selon qu'il serait jugé par un juge unique ou par une formation collégiale, ce qui introduirait une inégalité devant la loi. La commission est donc défavorable à cet amendement.

La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 21, car la suppression de la motivation tend à vider le texte de sa portée.

Par ailleurs, je demande aux auteurs de l'amendement n° 37 de bien vouloir retirer celui-ci dans la mesure où il s'agit d'un amendement de repli ayant le même objet que l'amendement n° 32, présenté à l'article 1er.

L'amendement n° 24 a le même objet que l'amendement n° 15 que nous avons déjà étudié à l'article 1er. La commission y est donc défavorable.

L'adoption de l'amendement n° 16 produirait, elle aussi, un effet paradoxal puisque, s'agissant d'un multirécidiviste, elle exonérerait la juridiction de toute motivation pour déroger aux seuils minimaux de peine, tandis que, s'agissant d'une personne pour la première fois en état de récidive, le juge devrait motiver sa décision. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Elle émet le même avis sur l'amendement n° 17, puisque son adoption reviendrait en pratique à exclure du champ d'application du projet de loi toutes les infractions jugées en comparution immédiate.

En outre, je rappelle que, même en comparution immédiate, le juge dispose d'éléments d'appréciation sur la personnalité de l'intéressé puisque, dans ces circonstances, l'enquête de personnalité est obligatoire. S'il n'y a pas été procédé, la juridiction peut d'ailleurs toujours renvoyer l'affaire.

La disposition prévue dans l'amendement n° 19 contredit la nécessité d'une réponse plus ferme en cas de multirécidive. La commission y est donc défavorable, ainsi qu'aux amendements nos 20 et 18, qui ont le même objet.

Monsieur Yung, l'amendement n° 36 a le même objet que l'amendement n° 31, mais le premier s'applique aux délits alors que le second s'applique aux crimes. Une telle disposition s'est avérée nécessaire. Dès lors, j'émets, au nom de la commission, un avis favorable sur cet amendement, en me référant aux explications données par Mme le garde des sceaux voilà quelques instants.

L'amendement n° 22 ayant le même objet que l'amendement n° 21, la commission y est défavorable.

De même, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 23, 35, 57 et 38, qui ont respectivement le même objet que les amendements nos 15, 30, 54 et 33, présentés à l'article 1er.

Mes chers collègues, si je renvoie à chaque fois à d'autres amendements, c'est tout simplement parce que nous déclinons pour les délits les mesures dont nous avons débattu tout à l'heure pour les crimes à l'article 1er. L'avis de la commission est par conséquent identique.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées à l'article 1er, je suis défavorable aux amendements identiques de suppression nos 34 et 55.

Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 56, qui vise à renvoyer certains délits à la collégialité, alors même qu'ils doivent être jugés par un juge unique. En tout état de cause, le juge doit juger dans la formation que le code a prévue. Au demeurant, si l'affaire est complexe ou si le délit n'est pas adapté à la formation « juge unique », les dispositions actuelles du code permettent déjà de renvoyer à la collégialité. Cet amendement est donc inutile.

Je suis défavorable à l'amendement n° 21, qui vise à supprimer la motivation, suppression qui avait déjà été demandée à l'article 1er.

L'amendement n° 37 renvoie à un amendement similaire défendu à l'article précédent. Nous ne touchons pas à l'article 2 de l'ordonnance de 1945. Par conséquent, d'un point de vue juridique, l'amendement est inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 37 est retiré.

Veuillez poursuivre, madame le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Concernant les garanties exceptionnelles, je ferai les mêmes observations qu'à l'article 1er. Je suis donc défavorable à l'amendement n° 24.

Les amendements nos 16 et 17 visent, eux aussi, à supprimer l'exigence de motivation de la dérogation en cas de comparution immédiate. J'y suis bien sûr défavorable.

En revanche, j'émets un avis favorable sur l'amendement rédactionnel n° 2.

Si les amendements nos 19, 20 et 18 étaient adoptés, les violences volontaires entraînant une ITT inférieure à dix jours seraient considérées comme moins graves et devraient être exclus du champ de la récidive.

Il faut le savoir, les victimes de telles violences subissent souvent des traumatismes psychologiques ou psychiques. Or toutes ne se rendent pas dans les UMJ, les unités médico-judiciaires, pour avoir un certificat médical et bénéficier d'une ITT.

Je suis donc défavorable à ces amendements, car il est inconcevable de ne pas prendre en compte ces victimes de violences.

À l'inverse, je suis favorable à l'amendement n° 36.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 22, qui vise à supprimer la motivation.

Il est défavorable aux amendements nos 23, 35, 57 et 38.

Enfin, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 4.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté à l'unanimité.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 5, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le dernier alinéa de l'article 41 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République ne peut prendre aucune réquisition tendant à retenir l'état de récidive légale s'il n'a préalablement requis, suivant les cas, l'officier de police judiciaire compétent, le service pénitentiaire d'insertion et de probation, le service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse ou toute personne habilitée dans les conditions prévues par l'article 81, sixième alinéa, afin de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale de l'accusé ou du prévenu et de l'informer sur les garanties d'insertion ou de réinsertion de l'intéressé. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Aux termes du projet de loi, la reconnaissance de la situation personnelle de l'accusé ou du prévenu, et en particulier de ses garanties de réinsertion, sera déterminante pour permettre à la juridiction de décider d'appliquer ou non les peines minimales d'emprisonnement.

Or, malheureusement, les enquêtes de personnalité sont très loin d'être systématiques, bien que le procureur de la République ait la possibilité de les prescrire et soit même tenu de le faire dans certains cas, en particulier lors de comparutions immédiates ou de comparutions de mineurs.

Il semble donc opportun, afin de donner une pleine effectivité au pouvoir d'appréciation reconnu au juge par le projet de loi, de prévoir que le ministère public ne puisse prendre aucune réquisition tendant à retenir la circonstance aggravante de récidive s'il n'a préalablement requis la réalisation d'une enquête de personnalité propre à éclairer la juridiction de jugement sur la personnalité de l'intéressé et ses garanties d'insertion ou de réinsertion.

Tel est l'objet de cet amendement, qui se fait l'écho des préoccupations exprimées par des juges de différents niveaux hiérarchiques que nous avons rencontrés. Ces juges sont prêts à assumer leurs responsabilités dès lors que le législateur leur en donne les moyens. Or, parmi ces moyens, figure la nécessité de disposer d'une information complète concernant l'accusé ou le prévenu.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Monsieur le rapporteur, cet amendement, qui vise à rendre obligatoire l'enquête sociale dès lors que le parquet retient l'état de récidive légale, me gêne quelque peu.

Le parquet a déjà la possibilité d'ordonner des enquêtes sociales et de personnalité. Si cet amendement était adopté, elles deviendraient obligatoires pour les récidivistes.

Tout d'abord, une telle mesure a un coût, puisque ces enquêtes sont facturées de 40 à 77 euros. Ensuite, son adoption ajouterait une contrainte procédurale. Est-ce vraiment le meilleur moyen pour juger les récidivistes, alors que le parquet a déjà la possibilité de faire procéder à de telles enquêtes ? Par ailleurs, celles-ci sont d'ores et déjà obligatoires pour les mineurs, les jeunes majeurs et en cas de réquisition de détention provisoire.

Dans la pratique, les primo-délinquants de plus de vingt-deux ans ne bénéficient pas de ces enquêtes en matière de délit. Or, avec cet amendement, pour les récidivistes, voire troisièmes ou quatrièmes récidivistes, « ancrés » dans la délinquance, dont on commence à connaître l'environnement, l'État devrait prendre à sa charge une enquête de personnalité ou une enquête sociale, au cours de laquelle, finalement, on s'efforcerait de leur trouver une circonstance atténuante. Car c'est bien cela, la réalité de l'enquête !

Devons-nous créer, aux frais de l'État, un régime plus favorable pour les récidivistes, alors que c'est à eux d'apporter des garanties d'insertion ou de réinsertion ? Cela paraît tout de même gênant.

Par conséquent, le Gouvernement se voit contraint d'émettre, à son grand regret, un avis défavorable sur l'amendement n° 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, vous le savez, je ne suis pas expert dans ce domaine...

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

... et je ne fais pas partie de l'éminente commission des lois. Je souhaiterais donc recueillir certaines précisions sur le sujet que nous sommes en train d'évoquer.

Premièrement, madame le garde des sceaux, voter des dispositions que nous ne mettrons pas en place par manque de moyens financiers me pose un vrai problème. Comme l'a dit le Président de la République lui-même, cela discrédite la politique.

Deuxièmement, mes interrogations sont également d'ordre moral. En effet, tous ceux qui travaillent sur le terrain, notamment dans les quartiers sensibles, savent que les enquêtes doivent être effectuées au moment de la première infraction. En effet, par la suite, on connaît de mieux en mieux le délinquant. Dès lors, pourquoi prévoir des dispositions spécifiques obligatoires pour un délinquant majeur multirécidiviste, alors que celles-ci ne le seraient pas pour un primo-délinquant, lequel devrait bénéficier de toutes les dispositions permettant de lui éviter de récidiver ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Une enquête sociale est d'abord destinée à éviter la récidive ! Par conséquent, je ne comprends pas pourquoi cette enquête serait rendue obligatoire pour les récidivistes. À ce moment-là, rendons-la obligatoire aussi pour les primo-délinquants !

Je souhaite donc avoir des précisions sur les dispositions prévues par cet amendement, qui soulève à mes yeux un vrai problème. Cela permettra d'ailleurs d'éclairer l'ensemble de nos collègues, qui se posent également des questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Ce projet de loi est censé respecter le principe d'individualisation de la peine, c'est-à-dire permettre au juge de surseoir à l'application de la peine plancher en cas de récidive. Si celui-ci n'a pas les moyens de connaître la personnalité du prévenu ou de l'accusé, ses possibilités de réinsertion, comment pourra-t-il individualiser la peine ?

C'est là qu'est le problème. Et ne venez pas nous parler de gros sous, car si le juge n'a aucune possibilité d'appréciation, le principe d'individualisation de la peine disparaît et le dispositif devient inconstitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

J'abonderai dans le sens de mon collègue Pierre-Yves Collombat. Même si je comprends les interrogations de M. Braye, j'aurais tendance à dire que ce qui vaut pour le primo-délinquant vaut également pour le récidiviste ou le multirécidiviste.

Les délais entre les différentes condamnations peuvent être très longs et les situations peuvent avoir changé. Il est important que le juge dispose des éléments les plus récents concernant le prévenu ou l'accusé pour pouvoir prononcer le jugement le plus individualisé possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Malheureusement, l'absence d'enquête rend inapplicable les dispositions que vise à instaurer le texte pour déroger à la règle générale, à savoir les peines planchers. En effet, si le juge ne dispose d'aucun élément d'enquête, on ne voit pas comment il pourrait prendre la responsabilité de déroger à la peine plancher.

Monsieur Braye, vous qui aimez que les textes soient appliqués, je peux vous dire que l'absence de l'enquête prévue par l'amendement n° 5 rendrait inapplicable le texte qu'il nous est demandé de voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Lucette Michaux-Chevry

Rendre obligatoire les enquêtes de personnalité est superfétatoire. En effet, aucun dossier n'est présenté au pénal s'il ne comporte les éléments indispensables pour permettre au juge d'individualiser la peine.

En matière de récidive, le prévenu ou son conseil peuvent, à l'audience, demander une enquête supplémentaire. En rendant cette décision obligatoire, on va incontestablement créer une surcharge de travail, tant pour le parquet que pour les assistantes sociales.

C'est la raison pour laquelle je soutiens la position de Mme le garde des sceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Mes chers collègues, je suis étonné de notre discussion ! En effet, la commission des lois a unanimement adopté cet amendement. Croyez-vous qu'elle l'ait fait à la légère, sans savoir ce dont il était question, en se livrant à des impressions ou pour satisfaire à je ne sais quel penchant laxiste ?

Lorsqu'il s'agit de crimes, la question est réglée, puisque l'enquête de personnalité est nécessairement obligatoire et complète. Dans ce cas, nul besoin des dispositions prévues par cet amendement !

Aujourd'hui - c'est inscrit dans toutes les statistiques -, les procédures de comparution immédiate, les procédures les plus rapides, sont la loi commune. Or elles ne permettent pas de recueillir les renseignements nécessaires. Dans de telles conditions, il nous a paru évident que, pour garantir une bonne justice, le magistrat devait pouvoir apprécier en connaissance de cause l'existence ou non de garanties de réinsertion.

S'agissant de peines de cette importance - je rappelle qu'il s'agit d'emprisonnement ferme -, la commission des lois a estimé que le ministère public, dans tous les cas, et pas seulement selon les possibilités du moment, devait procéder à cette enquête.

En outre, reconnaissez que l'argument selon lequel une telle mesure coûterait cher, alors qu'il s'agit de décisions pouvant entraîner des peines d'emprisonnement ferme, ne saurait être déterminant.

La commission était donc unanime : il s'agit d'une mesure de bonne justice, qui doit accompagner le développement des comparutions immédiates. En effet, la justice doit être éclairée avant de décider, en particulier pour des peines d'emprisonnement ferme. Je ne vois donc pas ce qui pourrait empêcher nos collègues d'adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous avez la parole, monsieur le président de la commission. Je vous demande de me pardonner de ne pas vous l'avoir donnée plus tôt. Je pensais que vous souhaitiez vous exprimer en dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je n'ai pas pour habitude, monsieur le président, de prendre la parole à tout bout de champ ! Lorsque je la demande, c'est, a priori, pour l'avoir à ce moment-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je serai désormais plus attentif, monsieur le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En fait, la commission des lois a recherché un équilibre.

À partir du moment où il existe des peines minimales en cas de récidive et que l'on doit tenir compte de la personnalité du prévenu et des circonstances de l'infraction, la commission considère que la réquisition du parquet ne peut intervenir qu'après une enquête de personnalité, laquelle peut être menée, notamment, par un officier de police judiciaire.

Cela pose, bien entendu, des questions de moyens : on ne dispose pas d'assez d'enquêteurs ; cela risque de retarder les procédures... Tout cela est vrai. Je comprends bien votre souci, madame le garde des sceaux, mais comprenez aussi le nôtre !

Pour nous qui croyons à la nécessité d'instaurer des peines minimales, cette disposition nous semble de nature à garantir un équilibre. À partir du moment où l'on entre dans le système, la logique veut que l'on adopte cet amendement. En tant que président de la commission des lois, malgré l'opposition du Gouvernement, j'incite mes collègues à le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le juge devra prononcer une peine minimale. C'est une responsabilité ! Il devra connaître la personnalité du prévenu pour aller en deçà. Il peut avoir un doute. Il convient de le prévoir.

L'enquête devrait-elle être demandée par le magistrat, puisqu'elle n'est pas forcément indispensable ? La formule reste à trouver, madame le garde des sceaux. Quoi qu'il en soit, ne pas poser le principe ne nous semble pas satisfaisant.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 132-20 du code pénal, il est inséré un article 132-20-1 ainsi rédigé :

« Art. 132-20-1.- Lors du prononcé de la peine, le président de la juridiction avertit le condamné des conséquences qu'entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction commise en état de récidive légale. »

L'amendement n° 39, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus - Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 132-20 du code pénal, il est inséré un article 132-20-1 ainsi rédigé :

« Art. 132-20-1.- Lors du prononcé de la peine, le président de la juridiction doit avertir le condamné des conséquences qu'entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction commise en état de récidive légale. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

J'espère que cet amendement sera plus consensuel dans la mesure où les moyens nécessaires à son application risquent de poser moins de problèmes !

Les délinquants ignorent parfois, surtout lorsqu'ils sont mineurs, qu'ils encourent une aggravation de la peine en cas de récidive. Cela nous paraît étonnant, à nous qui discutons régulièrement de la récidive ; mais c'est la réalité.

Aussi, à titre dissuasif, semble-t-il utile d'inviter le président de la juridiction à avertir le condamné des conséquences qu'entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction commise en état de récidive légale.

Cela revient à appliquer l'adage : « Mieux vaut prévenir que guérir. » On préviendra la personne condamnée une première fois que, lors de la prochaine condamnation pour des faits similaires ou assimilés au regard de la récidive légale, elle encourra non pas un travail d'intérêt général, mais une peine d'emprisonnement.

Cette façon de faire est déjà pratiquée dans un certain nombre de juridictions. Les présidents de tribunaux correctionnels ont spontanément constaté que, en avertissant le condamné sur ce qu'il encourait s'il recommençait, ils contribuaient à la lutte contre la récidive.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 39.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Cet amendement est pratiquement identique à celui de la commission. La seule différence tient aux mots « doit avertir » alors que, dans le texte de la commission, il est dit : « avertit ». Au demeurant, je préfère l'emploi de l'indicatif présent ; aussi, je suis prêt à retirer notre texte.

Nous avons déposé cet amendement pour une raison simple. Au cours des auditions auxquelles a procédé la commission des lois, j'ai tenu à demander aux magistrats si, pour prévenir la récidive, il ne leur paraissait pas opportun, au moment de prononcer une condamnation, de lancer un avertissement à l'intéressé : « Faites attention, si vous recommencez, vous encourrez telle peine ! » Peut-être alors se rendra-t-il compte de ce qui peut advenir s'il réitère. On parle de dissuasion par la peine encourue.

Ne rêvons pas ! Lorsque, après sa condamnation, le délinquant quitte le tribunal correctionnel, il n'est pas, croyez-moi, conscient de ce que contient le code pénal. Il ne le connaît même pas. En revanche, en cet instant précis du prononcé de la peine, si l'on insiste sur le fait que cette peine sera plus grave s'il recommence, il y a une chance, et il faut la tenter, qu'un tel avertissement s'imprègne en lui.

Chacun des magistrats en est convenu. Comme M. Zocchetto, nous avons estimé utile de prévoir cette forme de dissuasion spécifique, immédiate, individualisée. Nombre de magistrats font déjà cet avertissement ; il faut généraliser cette pratique. Non seulement cela ne coûtera rien, mais on peut espérer que cela permettra de prévenir la récidive plus sûrement que le vote de textes complexes, que les intéressés ne connaissent certainement pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je considère qu'il est satisfait par l'amendement n° 6 de la commission, mais j'avais compris que M. Badinter le retirait.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 39 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Le Gouvernement y est favorable.

L'amendement est adopté à l'unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

I. - L'article 20-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par la phrase suivante : « La diminution de moitié de la peine encourue s'applique également aux peines minimales prévues par les articles 132-18, 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal. » ;

2° Le deuxième alinéa est remplacé par les alinéas suivants :

« Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs peut décider qu'il n'y a pas lieu de le faire bénéficier de l'atténuation de la peine prévue à l'alinéa précédent dans les cas suivants :

« 1° Lorsque les circonstances de l'espèce et la personnalité du mineur le justifient ;

« 2° Lorsqu'un crime d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne a été commis en état de récidive légale ;

« 3° Lorsqu'un délit de violences volontaires, un délit d'agressions sexuelles, un délit commis avec la circonstance aggravante de violences a été commis en état de récidive légale.

« Lorsqu'elle est prise par le tribunal pour enfants, la décision de ne pas faire bénéficier le mineur de l'atténuation de la peine doit être spécialement motivée, sauf pour les infractions mentionnées au 3° ci-dessus commises en état de récidive légale.

« L'atténuation de la peine prévue au premier alinéa ne s'applique pas aux mineurs de plus de seize ans lorsque les infractions mentionnées aux 2° et 3° ci-dessus ont été commises une nouvelle fois en état de récidive légale. Toutefois la cour d'assises des mineurs peut en décider autrement, de même que le tribunal pour enfants qui statue par une décision spécialement motivée. »

II. - Le treizième alinéa de l'article 20 de la même ordonnance est remplacé par les dispositions suivantes :

« 2° Y a-t-il lieu d'exclure l'accusé du bénéfice de la diminution de peine prévue à l'article 20-2 ou, dans le cas mentionné au septième alinéa de cet article, de faire bénéficier l'accusé de cette diminution de peine ? »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Avec cet article 3, c'est la cinquième fois en cinq ans que le Gouvernement modifie l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante. J'ajouterai qu'il modifie la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, texte qui n'est toujours pas appliqué.

L'article 3 s'attaque au principe de l'atténuation des peines. Celui-ci deviendrait l'exception à la seconde récidive, puisque le juge devra motiver sa décision s'il entend l'appliquer. Ainsi, l'atténuation de la peine pour les mineurs, principe à valeur constitutionnelle, serait remise en cause puisqu'il ne serait plus nécessairement tenu compte de la gravité réelle des faits commis ou de la personnalité de l'auteur.

Or, si l'automaticité des peines est interdite, c'est justement parce qu'elle ne permet pas d'assurer la proportionnalité des peines à laquelle, je vous le rappelle, la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs était attachée.

Notre commission des lois n'hésite d'ailleurs pas à se contredire, puisqu'elle précise, d'une part, que la réponse carcérale doit rester le dernier recours et, d'autre part, qu'il faut prévoir, avec ce texte, une augmentation du nombre des mineurs en détention.

Autre contradiction : son rapport indique que le taux de récidive légale, fondement du projet, est très faible pour les mineurs et qu'il n'y a pas de relation linéaire entre le taux de réitération et la durée de la peine de prison ferme. Dans ces conditions, à quoi sert ce texte ?

En réalité, ces dispositions qui limitent la marge d'appréciation du juge, mais qui accroissent leur responsabilité, révèlent une véritable défiance à l'égard de l'institution judiciaire, notamment des juges des enfants. Rappelons-nous les accusations de laxisme proférées à leur encontre par le précédent ministre de l'intérieur, l'actuel Président de la République.

Pourtant, le taux de réponse pénale est plus élevé pour les mineurs que pour les majeurs. Vous avez dit, madame le garde des sceaux : « une infraction, une réponse ». Mais où sont les réponses quand les délais d'attente annulent tout sens au prononcé de la sanction et ne permettent pas aux jeunes concernés de trouver l'aide nécessaire pour s'inscrire dans un parcours de sortie de la délinquance ?

Tous les professionnels insistent sur l'urgence qu'il y a à renforcer les structures de prise en charge et de suivi. Or la quasi-totalité des crédits supplémentaires affectés à la protection judiciaire de la jeunesse sont imputés à l'enfermement, une orientation constante depuis la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice. Pourtant, vous le savez bien, la prison n'insère pas ; elle élimine provisoirement du circuit.

L'ensemble des professionnels de la justice, de l'enfance, leurs organisations, sont opposés à ce texte. Ils vous l'ont fait savoir, comme ils le font régulièrement depuis cinq ans - sans beaucoup d'effet, hélas ! On est en droit de se demander où est le dialogue social, pourtant tant vanté.

Mme Dominique Versini, défenseure des enfants, a rappelé que ce texte contrevenait aux exigences de la Convention internationale des droits de l'enfant et du Comité des droits de l'enfant de l'Organisation des nations unies.

Le Conseil d'État a émis une réserve d'interprétation sur l'article 3, estimant qu'il ne pouvait être contraire aux articles 2 et 20 de l'ordonnance de 1945. Il serait sage en conséquence, me semble-t-il, de rejeter cet article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 40, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus - Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene - Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Robert Badinter.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Nous abordons le point le plus saisissant et, dirai-je, le plus regrettable de ce texte.

L'esprit de ces dispositions est en effet contraire à la jurisprudence et aux principes du Conseil constitutionnel en matière de droit des mineurs, aux conventions internationales et, ce qui est plus important encore, au système que nous avons édifié depuis un demi-siècle concernant le traitement judiciaire des mineurs.

En matière de droit des mineurs, on est parti d'une évidence : le mineur est un être en devenir. On en a déduit des conséquences : une juridiction spécialisée, la primauté des mesures éducatives et, dans le cas de recours à l'emprisonnement, une atténuation qui est de l'ordre de la moitié. Tels sont les fondements constitutionnels de la justice pour mineurs. Les conventions internationales et l'évolution internationale vont dans le même sens.

Or, avec cet article 3, nous tournons d'un seul coup le dos à tout cela en créant des peines planchers qui comportent, certes, un niveau d'atténuation de peine, mais dont le ressort premier est l'emprisonnement, et c'est pourquoi j'ai utilisé l'expression « tourner le dos ». Voilà précisément ce que l'on ne doit pas faire !

Je tiens à dire que je suis de cette génération - triste privilège ! - que visait l'ordonnance de 1945. Datée du 2 février, elle n'a pas été prise après la victoire. La France était, pour l'essentiel, libérée, mais la guerre continuait. Pourquoi le législateur de 1945, sous la présidence du général de Gaulle, certes, mais avec la totalité des forces de la Résistance, a-t-il voulu qu'un texte relatif à la délinquance et à la protection de la jeunesse soit pris sans délai ? C'est parce que, dans la France telle qu'elle était à ce moment-là, il était absolument nécessaire de traiter ce problème.

La génération concernée a grandi alors même que plus d'un million et demi de pères de famille étaient prisonniers - ils l'étaient encore en février 1945 - alors que des centaines de milliers de déportés ne reviendraient pas. Ce sont les mères qui ont dû faire face à cette situation. Cette génération, qu'on a appelée les J3, qui a souffert de carences alimentaires, qui a vu autour d'elle tant d'exemples de corruption, qui a été le témoin du marché noir, de relâchements en tout genre et, pis encore, d'abandons et de trahisons, était tellement déboussolée que la délinquance y était considérable. C'est pour cette raison que, toutes affaires cessantes, dans une France à reconstruire, a été prise l'ordonnance de 1945 définissant les bases de ce que devait être le traitement judiciaire de la jeunesse en danger ou délinquante.

Si, à cet instant-là, l'éducatif a prévalu sur le répressif, ce n'était pas par laxisme - pensez aux rédacteurs de l'ordonnance -, mais par souci de prendre impérativement en compte la spécificité de l'adolescence, qui avait été si cruellement oubliée durant cette terrible époque. Les hommes qui portaient ces principes n'étaient pas mus par l'angélisme. La spécificité de l'adolescence est, depuis lors, devenu le fondement de notre droit des mineurs.

Les temps ont évidemment changé. L'ordonnance de 1945 a fait l'objet de plus de vingt révisions. Elle est un peu comme ces meubles de familles dont on remplace le tiroir, puis les serrures, mais dont on conserve la structure. En dépit de ces modifications, les principes qui l'avaient inspirée sont demeurés. Ce n'est ni par angélisme ni par laxisme qu'on se refuse à l'incarcération des mineurs, mais pour les raisons que j'ai évoquées plus haut. La prison, même si les bâtiments sont neufs, même avec la présence d'éducateurs, favorise grandement les risques de récidive. En l'espèce, c'est toujours avec une extrême prudence qu'il faut recourir à l'incarcération. Pour cette raison, ce projet de loi va dans le mauvais sens ; il nous conduit dans le mur.

J'entends dire que le moment est venu de traiter comme des adultes les mineurs de seize à dix-huit ans parce qu'ils sont plus musclés et mieux solides que leurs aînés, parce que leurs performances athlétiques sont supérieures. Comme si la maturité et la responsabilité pénale se mesuraient à la taille des biceps ! On perd le sens des choses ! Dans le même temps, tous les pays européens, notamment l'Allemagne, considèrent au contraire que les jeunes âgés aujourd'hui de dix-neuf ou de vingt ans manquent de maturité et qu'ils doivent relever de la protection judiciaire de la jeunesse. Aussi, non seulement c'est un non-sens que de traiter les mineurs comme des majeurs, mais encore c'est dangereux. Je le répète, on ne mesure pas la dangerosité d'un individu à sa taille ou à sa masse musculaire- à cet égard, il est vrai que ma génération n'était pas particulièrement ni bien nourrie ni athlétique.

En tout cas, ce qui continue d'être impératif, c'est de protéger la jeunesse, y compris contre elle-même, et non de recourir à la solution carcérale en la considérant comme une panacée. Cela dit, je peux comprendre ce réflexe de la part de ceux qui ont subi les actes de violence de jeunes dévoyés.

Enfin, ce qui caractérise la délinquance des adolescents, et spécialement de ceux qui sont âgés de quinze à dix-sept ans, c'est la révolte, révolte contre leurs parents et révolte contre la société. Cette délinquance se caractérise par la réitération. On ne vole pas une fois dans un supermarché, mais dix fois. On ne vole pas un vélo, on en vole cinq. On ne vole pas une voiture, on en vole trois. Ces périodes propices à la délinquance de l'adolescent prennent fin dès lors qu'une réponse appropriée lui est apportée. Or, en séparant les actes délictueux les uns des autres par une sorte de « saucissonnage » et en les jugeant indépendamment les uns des autres, ce projet de loi sur la réitération et la récidive nous conduit droit au désastre.

De cette génération qui est soumise à tant de tentations et dont les problèmes éducatifs sont si prégnants, on verra émerger un nombre croissant de délinquants qui, alors, ne seront plus des délinquants juvéniles.

C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je demande avec fermeté la suppression de cet article. Il sera toujours temps de mettre à jour l'ordonnance de 1945 et d'en améliorer les procédures. Mais ne mêlez pas dans un même texte la révision de cette ordonnance et le traitement de la récidive des majeurs !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 58, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 60 de la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Compte tenu de ce que vient de dire notre collègue Robert Badinter, je considère que cet amendement a été défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 59, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa () du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, le tribunal pour enfants peut, dans tous les cas, prononcer une mesure éducative.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous avons déjà eu ce débat tout à l'heure lors de l'examen des articles 1er et 2, mais il nous semblait plus judicieux d'inscrire dans l'ordonnance de 1945, texte qui régit encore le droit pénal des mineurs, le fait que dans tous les cas le tribunal peut prononcer une mesure éducative à l'encontre d'un mineur délinquant.

Cet amendement a donc pour objet de traduire la réserve d'interprétation que le Conseil d'État a émise sur ce projet de loi concernant la justice des mineurs. Celui-ci a en effet rappelé que ce texte s'inscrivait dans le cadre de l'article 2 de l'ordonnance de 1945 et que l'emprisonnement n'était pas l'objectif premier du droit des mineurs, mais restait une exception.

Ainsi, il importe de rappeler que le dispositif des peines planchers n'a vocation à s'appliquer que si la juridiction décide de prononcer une peine d'emprisonnement.

Les fondements de l'ordonnance de 1945 sont toujours valables : le problème ne vient pas tant des jeunes eux-mêmes que de la diminution progressive des moyens alloués aux magistrats et aux éducateurs pour mettre en oeuvre les mesures éducatives. Et c'est bien souvent cette absence de rapidité dans la réponse pénale qui favorise la récidive.

Mais le Gouvernement fait le choix de la visibilité : asséner que les jeunes sont de plus en plus violents pour ensuite faciliter leur emprisonnement est beaucoup plus intéressant d'un point de vue médiatique que financer des personnels supplémentaires pour la protection judiciaire de la jeunesse. Le travail sur le long terme, avec un véritable projet éducatif, n'est pas suffisamment parlant pour l'opinion.

Le Gouvernement propose aujourd'hui une justice mécanique, à l'encontre de ce qu'il faut faire avec les mineurs délinquants.

Cet amendement de repli a pour objet de préciser que les juridictions pourront toujours faire le choix de prononcer une mesure éducative, même en cas de récidive du mineur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 52, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le septième alinéa () de cet article, supprimer les mots :

un délit de violences volontaires,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L'article 3 du projet de loi dispose que le juge aura la faculté d'écarter l'excuse de minorité du mis en cause lorsque celui-ci aura commis en état de récidive légale un délit de violences volontaires.

Cet amendement vise à supprimer du texte cette mention, qui est beaucoup trop large. À cet égard, je citerai Mme la ministre elle-même, qui, dans un article paru dans l'édition de lundi du quotidien Libération, a écrit : « C'est à ces mineurs-là, auteurs de violences graves et réitérées aux personnes, et à ces mineurs-là seulement, que mon projet de loi s'adresse. » Or, en l'état actuel des choses, ce projet de loi vise également toutes les atteintes aux biens, et pas seulement les atteintes aux personnes.

Le délit de violences volontaires recouvre des situations trop variées. Cet amendement vise à en circonscrire le champ, pour distinguer, d'une part, les délits les moins graves, d'autre part, les délits de violences volontaires les plus graves et, enfin, les délits commis avec la circonstance aggravante de violences, au regard de la récidive.

Le délit commis avec la circonstance aggravante de violences étant déjà visé par ce même alinéa de l'article 3, il est inutile de faire apparaître la référence au délit de violences volontaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 25, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le septième alinéa du I de cet article, après les mots :

délit de violences volontaires

insérer les mots :

ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 10 jours

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je défendrai en même temps l'amendement n° 26, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'appelle donc en discussion l'amendement n° 26, présenté par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, qui est ainsi libellé :

Dans le septième alinéa du I de cet article, après les mots :

délit commis avec la circonstance aggravante de violences

insérer les mots :

ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 10 jours

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Ce projet de loi concerne tous les types de délits, sans considération de la nature des infractions ni de leur gravité.

Or il est important de traiter les délits différemment selon leur nature. J'ai proposé tout à l'heure d'établir une distinction entre l'agression, l'agression avec violence et les violences volontaires ayant entraîné ou non une interruption temporaire de travail. Mais Mme la ministre m'a opposé une fin de non-recevoir.

Ces amendements ont pour objet de rappeler l'importance de cette distinction.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 27, présenté par Mmes Boumediene - Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Compléter in fine le I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La décision de ne pas faire bénéficier le mineur de l'atténuation de la peine ne peut être prononcée par le tribunal pour enfants ou le juge des enfants lorsque le mineur est poursuivi en vertu de la procédure prévue à l'article 14-2. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement vise à ce que le mineur de plus de seize ans bénéficie obligatoirement d'une atténuation de peine lorsqu'il est poursuivi devant le tribunal pour enfants selon la procédure de présentation immédiate devant la juridiction.

L'exclusion de l'atténuation de la responsabilité du mineur par le juge impose par principe un délai de réflexion et une appréciation approfondie de la personnalité du mineur et, par conséquent, un rallongement nécessaire des investigations avant le prononcé de la peine.

Ce principe d'atténuation de la peine pour le mineur est un principe constitutionnel. Il s'oppose donc à ce que l'excuse de minorité soit écartée dans le cadre de cette procédure accélérée ou procédure de présentation immédiate.

La présentation immédiate devant le juge n'est pas une procédure adaptée à une décision d'exclusion du principe de l'atténuation de la peine pour le mineur. En effet, cette décision ne peut intervenir que dans le cadre de la procédure « classique » de jugement, avec les délais qui y sont attachés entre la présentation au procureur de la République et l'audience devant le tribunal pour enfants.

En cas de première récidive, le projet de loi impose au juge de motiver sa décision lorsque les circonstances de l'espèce et la personnalité du mineur le justifient. La décision prend du temps et la procédure de présentation immédiate ne permet pas de telles investigations en raison de son caractère assez expéditif.

En cas de deuxième récidive, le juge ne peut décider d'atténuer la peine qu'à la condition de motiver de manière spéciale sa décision. Cela suppose donc des investigations approfondies qui ne sont pas possibles dans le cadre d'une procédure accélérée.

Cet amendement tend à supprimer cette incompatibilité factuelle. Des investigations plus poussées s'imposent par principe lorsqu'il s'agit d'appliquer à un mineur des règles du droit pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je crois utile de rappeler au Sénat le cadre dans lequel nous évoluons en matière de justice pénale des mineurs afin d'éviter toute erreur d'interprétation et afin de savoir ce dont il est question dans ce texte.

Aujourd'hui, il existe des situations extrêmement différentes selon l'âge du mineur.

Les mineurs capables de discernement âgés de moins de dix ans ne peuvent faire l'objet que de mesures éducatives. Ils ne sont pas visés par le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Mais non ! Vous le savez bien... vous souriez !

Les mineurs de dix à treize ans ne peuvent pas être condamnés à une peine, mais ils sont susceptibles de faire l'objet de sanctions éducatives - mesures intermédiaires introduites par la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, qui se situent à mi-chemin entre des mesures éducatives et des peines. Eux non plus ne sont pas concernés par ce texte.

Les mineurs de treize à seize ans - dont certains, malheureusement, commettent des actes graves, voire très graves, y compris, parfois, en situation de récidive - peuvent être condamnés à certaines peines, mais ils bénéficient toujours, en toute circonstance, d'une diminution des peines privatives de liberté et des peines d'amende. Ce principe n'est pas modifié par le présent texte.

Enfin, les mineurs de seize à dix-huit ans bénéficient en principe de l'atténuation de leur responsabilité, laquelle peut cependant être écartée par la juridiction de jugement sous certaines conditions. De fait, ce projet de loi prévoit d'apporter des modifications à la législation actuelle s'agissant de cette dernière catégorie de mineurs.

Le texte prévoit en premier lieu d'étendre les conditions dans lesquelles le juge peut décider d'écarter l'excuse de minorité pour les auteurs d'infractions d'une particulière gravité commises en état de récidive. Il s'agit des crimes d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique, des délits de violences volontaires, des agressions sexuelles et des délits commis avec la circonstance aggravante de violences.

En second lieu, en cas de nouvelle récidive de ces infractions les plus graves, c'est-à-dire quand l'acte est commis pour la troisième, quatrième ou cinquième fois, l'atténuation de la peine sera exclue à moins que la juridiction n'en décide autrement. Le juge a donc toujours la possibilité de revenir à l'excuse de minorité, laquelle n'est en aucun cas une exonération de responsabilité, mais conduit à une atténuation de la peine.

Je me permets de rappeler tous ces points, parce qu'il me semble qu'il règne une certaine confusion sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Dans la presse, et peut-être aussi dans l'esprit de certains d'entre nous.

En conclusion, je soulignerai que, selon la commission, le chapitre du projet de loi que nous étudions ne remet pas en cause l'âge de la majorité pénale, qui reste, comme dans la quasi-totalité des pays, fixée à dix-huit ans ; il y a un pays européen dans lequel elle est fixée à quinze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Le texte ne remet pas non plus en cause le principe d'atténuation de la responsabilité, puisque celui-ci reste posé comme principe et que le juge a toujours la possibilité de prononcer l'excuse de minorité.

Enfin, le texte ne remet évidemment pas en cause ce qui est un acquis fondamental de l'ordonnance de 1945 : la spécialisation des juridictions pour mineurs. En d'autres termes, le mineur de moins de dix-huit ans restera toujours passible du juge pour enfants ou du tribunal pour enfants.

Ces observations étant faites, vous comprendrez que, au nom de la commission, je m'oppose aux amendements qui ont été présentés.

Il en va ainsi de l'amendement de suppression n° 40, mais également de l'amendement n° 58, qui tend à supprimer l'article 60 de la loi du 5 mars 2007 ayant récrit l'article 20 de l'ordonnance de 1945 ; de l'amendement n° 59, qui a le même objet que l'amendement n° 32 que nous avons écarté tout à l'heure.

La commission a également émis un avis défavorable sur les amendements nos 52, 25 et 26, qui visent à réduire les conditions dans lesquelles le juge peut écarter le principe d'atténuation de la peine pour un mineur récidiviste de plus de seize ans, parce que ce serait contraire à l'esprit du texte.

Enfin, elle s'est prononcée défavorablement sur l'amendement n° 27, qui tend quant à lui à réduire excessivement le champ d'application du projet de loi.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

À propos de l'amendement n° 40, qui vise à supprimer l'article 3, je rappelle ce que j'ai déjà indiqué précédemment : le projet de loi ne modifie aucunement l'article 2 de l'ordonnance de 1945 et les mesures éducatives seront toujours possibles. J'émets donc un avis défavorable.

L'amendement n° 58 tend à supprimer l'exclusion de plein droit de l'excuse de minorité, disposition essentielle du texte, qui prolonge la loi du 5 mars 2007 ; j'y suis bien entendu défavorable.

Je citerai à ce propos, en réponse à Mme Assassi, quelques statistiques concernant les mineurs âgés de treize à seize ans - ce sont des données provenant du casier judiciaire national, que je tiens à sa disposition. Entre 2000 et 2005, les condamnations pour crimes d'homicide volontaire, de violence ayant entraîné la mort et de viol ont augmenté de 28 % ; les condamnations pour violence volontaire avec ITT supérieure à huit jours ont connu une hausse de 19 % ; les condamnations pour délits à caractère sexuel sont en augmentation de 43 %.

L'amendement n° 59 reprend la proposition formulée par M. Badinter. Dans la mesure où nous ne touchons pas à l'article 2 de l'ordonnance de 1945, il est superflu et j'y suis défavorable.

L'amendement n° 52 a pour objet de modifier légèrement l'article 20-2, qui a été récrit par la loi du 5 mars 2007. Or la rédaction de l'article 3 du projet de loi rend plus lisible cet article 20-2, ce dont le Conseil d'État s'est d'ailleurs félicité. Je suis donc défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 25 vise à limiter la possibilité d'écarter le principe d'atténuation de la peine aux violences volontaires ayant entraîné une ITT supérieure à dix jours. Je ferai la même observation que tout à l'heure : même lorsque l'ITT est inférieure à dix jours, les victimes peuvent souffrir de traumatismes extrêmement graves. De plus, elles ne vont pas systématiquement consulter un médecin dans une unité médico-judiciaire pour faire constater l'ITT. J'émets donc un avis défavorable.

Il en va de même pour les amendements nos 26 et 27.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Au moment où nous sommes appelés à nous prononcer sur cette disposition, qui est bien sûr essentielle, permettez-moi de laisser parler un magistrat qui connaît très bien le sujet, puisqu'il s'agit de M. Philippe Chaillou, président de la chambre des mineurs à la cour d'appel de Paris. Ce magistrat très respecté et très compétent a écrit : « Ce qui est certain, c'est que ce projet est parfaitement contraire à l'esprit de la Convention internationale des droits de l'enfant que la France a ratifiée. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

« Or nous devons, comme chaque pays qui a ratifié cette convention, régulièrement rendre des comptes à la communauté internationale des Nations unies sur son application. Il ne faudra pas s'étonner qu'à cette occasion notre pays soit à nouveau montré du doigt. »

Ce magistrat écrit également : « La question de la récidive des mineurs reste une question préoccupante, difficile et complexe, mais qui mérite mieux que ce texte illusoire. Notre pays dispose en effet déjà de toute une gamme de mesures qui permettent de lutter contre le phénomène de la récidive des mineurs. [...] Une des innovations les plus fortes, qui n'est plus guère contestée aujourd'hui, a été la création en 2002 des centres éducatifs fermés, qui connaissent, dans ce domaine, des résultats salués par le commissaire européen aux Droits de l'homme. »

Mes chers collègues, ces centres éducatifs fermés sont certainement une bonne solution ; ce magistrat le dit, d'autres ont pu le constater. Je poursuis la lecture de ce texte de M. Philippe Chaillou, paru hier dans le journal Libération, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Peut-être, mon cher collègue, mais ce que je veux citer n'est pas orienté puisqu'il s'agit de faits.

« De la même manière, la région parisienne, qui compte, rappelons-le, plus de 12 millions d'habitants, dont un certain nombre vivent dans des banlieues en difficulté, ne dispose que d'un centre éducatif fermé, et ce depuis le mois d'avril 2007. Il y a actuellement six mineurs entre seize et dix-huit ans [...]. » Il paraît qu'un second centre ouvrira peut-être en 2008.

Il est clair que la prison a souvent un effet négatif bien connu sur les mineurs et que, en dépit du dévouement et du travail réalisé par les personnels, ce n'est certainement pas le milieu pénitentiaire qui permet le mieux de réussir la réinsertion, en tout cas d'éviter la récidive. Il y a cette solution des centres éducatifs fermés ; mais, pour la plus grande région de France - 12 millions d'habitants ! -, il n'y en a aujourd'hui qu'un, qui accueille six personnes.

Madame la ministre, vous êtes venue, parce que c'est votre fonction - nous l'avons bien compris - nous présenter cette loi d'affichage. Je vous assure que, si vous étiez venue en nous disant quels moyens allaient être dégagés en priorité pour que la région d'Île-de-France dispose de trois centres, de quatre centres, de cinq centres, cela aurait été nettement plus positif que ce que vous affichez là, qui, certes, impressionnera peut-être quelque temps une partie de l'opinion, mais qui, concrètement, n'aura pas l'effet que nous attendons et que seules des structures spécialisées pourront apporter.

Nous pensons donc qu'il y a vraiment mieux à faire que d'adopter l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

J'ai bien entendu l'explication de vote de notre collègue M. Sueur ; mais elle aurait pu s'appliquer à n'importe quel article du projet de loi et l'on pourrait citer bien des avis opposés ! Tout cela ne présente pas grand intérêt.

En revanche, tout à l'heure, l'intervention de notre collègue M. Badinter m'a personnellement interpellé, et je souscris tout à fait à son propos.

Le devoir de l'homme politique, disait-il, n'est pas de suivre l'opinion publique ; j'ajouterai : parce que celle-ci apporte souvent de mauvaises réponses à de vraies questions. Pour autant, je crois profondément que le devoir de l'homme politique est d'entendre les vraies questions que se posent nos concitoyens qui ont des difficultés de vie, qui sont dans le désarroi, et que c'est à lui d'apporter les bonnes réponses.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

C'est pour cela que nous sommes ici. Tous, nous devrions nous poser des questions. Vous, monsieur Sueur, devriez vous demander pourquoi nous n'avons qu'un centre éducatif fermé en Île-de-France et vous interroger sur ce que vous avez fait pendant si longtemps pour résoudre ces problèmes. Pourquoi en sommes-nous là ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Je reviendrai toujours, parce qu'elles m'ont profondément marqué, aux conclusions de la commission spéciale sur l'analyse des événements de l'automne 2005. Je me souviens encore de l'appel au secours que nous lançaient tous les élus, quelle que soit leur sensibilité politique - et ils étaient davantage de la vôtre, parce que, dans le 9-3 ou chez nous, dans les Yvelines, ils sont plus nombreux -, qui nous suppliaient de faire quelque chose.

Le projet de loi va-t-il provoquer une augmentation des incarcérations ? Personnellement, et je vais peut-être à l'encontre de ce qu'affirment certains de mes collègues, je crois que, dans un premier temps, oui.

Mais je me suis aussi posé la question de savoir pourquoi, et j'en reviens à toutes les auditions auxquelles la commission spéciale a procédé. Je pense en particulier à celle de ces spécialistes qui nous expliquaient comment, en laissant des jeunes aussi longtemps impunis, nous les avions ancrés dans la délinquance. Je pense à ces éducateurs motivés qui nous avouaient franchement ne plus savoir quoi faire pour une génération qui est définitivement ancrée dans la délinquance.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Oui, ils nous l'ont dit ! Revoyez le compte rendu des auditions !

Nous avons entendu des éducateurs, dont la profession est de sauver des jeunes, nous dire que, parce que nous, élus, ne leur en avons pas donné les moyens, ils ne savent plus quoi faire pour ces jeunes si profondément ancrés dans la délinquance. Alors, en homme politique responsable, je ne veux pas qu'il y ait d'autres générations comme celle-là, génération dans le destin de laquelle j'estime, mes chers collègues, que vous avez une part de responsabilité immense.

Nous n'en voulons plus, et c'est pour cela que nous votons ce projet de loi : pour faire en sorte qu'au premier méfait il y ait une sanction, pour éviter que ces jeunes ne soient définitivement installés dans la délinquance, pour que des éducateurs dont c'est pourtant la profession ne viennent plus nous dire, à nous politiques, qu'ils ne savent plus quoi faire.

C'est tout simplement pour remédier à cet état de fait que nous voterons le projet de loi qui nous est présenté et dont je suis persuadé qu'il est bon.

Et puis, mes chers collègues, que nous proposez-vous de concret, que nous proposez-vous qui soit applicable sur le terrain ? Pour l'instant, je n'ai entendu de votre part aucune proposition qui pourrait faire avancer le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Construisons de nouveaux centres fermés de façon qu'il y en ait plus d'un ! Voilà qui est concret !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Nos collègues de l'opposition me semblent quelque peu céder au manichéisme et à la caricature : selon eux, il y aurait d'un côté des élus exclusivement préoccupés de répression et de sanction, ceux de la majorité, et de l'autre côté des élus qui, eux, se soucieraient d'éducation et de réinsertion, ceux de l'opposition, bien sûr.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il y a quelques instants !

Les propos de Mme Assassi me paraissent tout aussi caricaturaux lorsqu'elle explique que nous aurions oublié, dans notre fureur ou acharnement répressif, de donner les moyens élémentaires à l'aspect éducatif. Je voudrais tout de même rappeler que le budget de la justice a augmenté de 38 % en cinq ans et que les effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation ont augmenté entre 2002 et 2007 dans des proportions jamais égalées auparavant. Telle est la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Par ailleurs, je suis en désaccord total avec la conception de la prison qu'ont un certain nombre de mes collègues de gauche, pour qui j'ai au demeurant beaucoup d'estime et parfois même de l'admiration. Pourquoi la prison devrait-elle éternellement rester ce qu'elle est depuis des dizaines d'années, en tout cas depuis trop longtemps ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Pourquoi faudrait-il accepter que, pour l'éternité, dans les établissements pénitentiaires, les mineurs soient mêlés à des majeurs, à des délinquants d'habitude ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Dans ce cas, c'est vrai, la prison devient effectivement une école de la récidive. Mais, précisément, l'ambition de la majorité est de mettre fin à cet état de choses, et nous attendons beaucoup, à cet égard, de la prochaine loi pénitentiaire.

M'intéressant de près à ces problèmes, j'ai longuement discuté avec des personnels de santé qui travaillent dans les prisons, avec des psychiatres et des psychologues. Ils m'ont tous déclaré que, pour un certain nombre de délinquants, notamment de mineurs délinquants, l'action éducative ne pouvait se faire que dans un milieu fermé, qu'elle était impossible au dehors.

Nous avons commencé à le démontrer avec les centres éducatifs fermés. Dans un premier temps, les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse y étaient violemment hostiles. Or l'expérience a montré depuis que, grâce à ces centres, des progrès pouvaient être réalisés : les taux de récidive sont particulièrement encourageants au regard de l'état de délabrement des jeunes qui y entrent.

Notre volonté est ferme de faire en sorte que les établissements pénitentiaires pour mineurs soient non pas des lieux où on laisse les jeunes faire ce qu'ils veulent ou ne rien faire du tout, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf. ...mais des endroits où ils apprennent, sont éduqués et reçoivent une formation professionnelle. Alors, je le crois profondément, les dérogations qui sont faites à l'excuse de minorité et l'éventualité, pour un certain nombre de jeunes, de connaître un peu plus facilement l'enfermement sera parfois pour eux une chance et non un handicap.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il faut être vigilant. Lorsqu'on entend dire au Sénat que « toute une génération est dans la délinquance », il y a de quoi s'inquiéter.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Je n'ai fait que citer ! Reprenez les travaux de la commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Toute une génération n'est pas dans la délinquance, loin s'en faut ! Il convient tout de même que cela soit dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mais oui, bien sûr !

Le problème, c'est que le présent projet de loi ne soulève pas la question de savoir s'il faut sanctionner les mineurs : les textes actuellement en vigueur prévoient déjà de sanctionner les mineurs délinquants, mais en essayant de leur épargner, dans la mesure du possible, la prison.

Toutes les personnes qui s'occupent des mineurs, éducateurs, personnels des collectivités territoriales, magistrats, membres d'associations, lancent un appel au secours afin que des moyens soient mis en oeuvre pour répondre à la délinquance des mineurs.

Or le texte qui nous est proposé est très limité. Après la loi portant prétendument sur la « prévention » de la délinquance des mineurs - prétendument, puisqu'il ne s'agissait déjà que de sanctionner -, ce projet de loi prévoit d'emprisonner plus longuement les mineurs. La question est donc de savoir si l'emprisonnement des mineurs a un effet sur la récidive.

Madame la ministre, vous m'avez dit ce matin que vous m'expliqueriez ce qu'est un mineur délinquant. J'ai lu ce que vous avez écrit à ce propos dans le journal Libération. Vous avez longuement évoqué les mineurs, leurs actions, l'état dans lequel ils sont le plus dangereux, mais vous n'avez pas du tout parlé des prisons. C'est dommage parce que, en l'occurrence, c'est bien de cela qu'il s'agit.

Évidemment, le leitmotiv des défenseurs de la sévérité à l'égard des mineurs, de l'incarcération des mineurs délinquants, est que les jeunes d'aujourd'hui ne sont plus ceux de 1945. C'est une lapalissade ! Nous l'avons entendue cent fois, hier, aujourd'hui, et je suis certaine que nous l'entendrons encore demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

M. Badinter nous a expliqué que l'ordonnance de 1945 avait été prise pour endiguer la délinquance, qui était trop importante. Mais beaucoup de choses ont changé depuis cette époque : les téléphones mobiles, les ordinateurs, les GPS n'existaient pas, il n'y avait guère de voitures ; on ne voyait pas les riches étaler leur argent avec une incroyable insolence ni la violence gratuite se déverser dans les médias de l'époque comme aujourd'hui à la télévision et sur Internet. Donc, la délinquance était différente.

Et puis, à l'époque, le viol n'était pas considéré comme un crime, et le viol d'une jeune fille était bien souvent simplement passé sous silence. De même, l'inceste était très répandu, mais il faisait l'objet d'un tabou absolu. Ainsi, tous ces actes ne pouvaient pas apparaître dans la délinquance des jeunes.

J'ajoute que les responsables politiques de l'époque, ceux qui avaient libéré la France et repoussé la barbarie, croyaient en l'homme, croyaient en la jeunesse. Évidemment, ce n'est pas du tout le cas de ceux qui affirment aujourd'hui que toute la jeunesse est délinquante !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Autre différence par rapport à aujourd'hui : l'entrée des jeunes dans une collectivité de travail constituait pour eux un passage initiatique de l'adolescence à l'âge adulte, y compris pour les mineurs délinquants.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C'était un lieu de solidarité où l'on signifiait au jeune que le temps des égarements éventuels était passé et que, désormais, il entrait dans l'âge adulte.

Aujourd'hui, la société est de plus en plus envahie par l'argent, une société où la délinquance financière est particulièrement florissante et n'est pratiquement pas sanctionnée. §En face : pas d'emplois, mais de la désespérance, du repli, des solidarités en baisse !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Madame Borvo, continuez ainsi et la prochaine fois vous ferez 0, 8% à l'élection présidentielle !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En revanche, ce qui n'a pas changé depuis 1945, c'est que les mineurs ne sont pas des majeurs, qu'un adolescent n'est pas un adulte, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

... quel qu'il soit, quoi qu'il fasse.

Dans les familles aisées, les adolescents restent de plus en plus longtemps à la charge de leurs parents et ne prennent parfois leur autonomie qu'à vingt-huit ans, voire trente ans ! En revanche, pour les jeunes des milieux défavorisés...

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Surtout, restez comme vous êtes, ne changez rien, et vous ferez 0, 8% aux élections !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Occupez-vous de vous, monsieur Braye ! Nous en reparlerons dans d'autres lieux, si vous êtes courageux !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Permettez-moi de conclure, monsieur Braye !

Les adolescents sont des adultes en devenir, tout le monde vous le dira. Ils sont quelquefois déstructurés, désocialisés, désorientés, ils n'ont rien à faire. Tout cela est vrai, mais ce sont des adolescents.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Quand ils vous entendent, comment voulez-vous qu'ils s'en sortent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En tout cas, pour les jeunes, la prison est criminogène, cela reste parfaitement exact.

Bien que des traités internationaux aient été bâtis sur le modèle de l'ordonnance de 1945, bien que de nombreux pays européens aillent plus loin dans ce sens-là, vous, vous ne cessez de revenir sur cette avancée extraordinaire qu'a été la justice des mineurs en reconnaissant qu'un mineur n'est pas un adulte et ne peut donc être traité comme tel par la justice.

L'amendement n'est pas a

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires économiques à la place laissée vacante par Mme Sandrine Hurel, élue députée.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures cinquante.