Madame la ministre, mes chers collègues, cette affaire pose une question vraiment fondamentale, que vient d'évoquer mon collègue Charles Gautier : peut-on démontrer l'existence d'un lien entre la durée de l'emprisonnement et la récidive ou la non-récidive ?
Il se trouve que la commission des lois a auditionné longuement M. Tournier, directeur de recherches au CNRS. Ce dernier nous a présenté ses études, lesquelles montrent qu'« il n'y a pas de relation évidente entre quantum de la peine prononcée et taux de recondamnation ».
L'un de ses articles datant du 30 mai 2007 montre que « les taux de recondamnation sont plus faibles pour les libérés conditionnels que pour les sortants fin de peine : 26 % contre 29 % pour les homicides, 24 % contre 31 % pour les agressions sexuelles et 50 % contre 59 % pour les vols de nature criminelle. »
Une autre étude, dirigée par le même chercheur, réalisée avec l'université de Lille II et la direction de l'administration pénitentiaire, a pris en compte un très grand nombre de situations. Portant sur 5 234 dossiers répartis sur 32 catégories, cette étude, dont l'ampleur me paraît la plus considérable sur ce sujet, vient à conclure : « À une exception près, les taux de nouvelle condamnation ou les taux plus restrictifs de nouvelle condamnation à l'emprisonnement ferme sont plus élevés après la prison qu'après le prononcé d'une peine alternative. »
Madame la ministre, nous avons également pris connaissance des chiffres de votre ministère. Ils ne contredisent pas ceux des chercheurs du CNRS.
Cela m'amène à conclure qu'il n'y a pas de corrélation entre le nombre d'années passées en prison et la récidive ou la non-récidive. En revanche, d'une part, il y a moins de récidive quand il y a libération conditionnelle ; d'autre part, il y a moins de récidive quand il y a mesure alternative à l'emprisonnement.
Madame la ministre, je vous pose une question très précise à laquelle j'espère que vous allez me répondre : êtes-vous d'accord avec ces constats ou contestez-vous ces études scientifiques ?
Si vous êtes d'accord avec ces constats, comment pouvez-vous instaurer ces peines planchers et considérer que celles-ci feront baisser la récidive?
Mais ces études montrent aussi tout l'intérêt qu'il y aurait à travailler sur la libération conditionnelle, sur des alternatives à l'emprisonnement, sur la condition pénitentiaire pour favoriser la réinsertion sociale et professionnelle, tout l'intérêt qu'il y aurait à accompagner ceux qui sortent de prison afin d'éviter une sortie « sèche ».
Il n'y a pas, dans cet hémicycle, certains qui seraient pour ou contre la lutte contre la récidive, certains qui seraient pour ou contre le fait de prendre en considération les victimes. Tous, nous les prenons en compte, mais nous vous demandons, compte tenu des faits que nous citons, comment vous pouvez justifier les propositions que vous nous faites et comment vous pouvez assurer qu'elles sont fondées en termes d'efficacité.